République islamique de Mauritanie Honneur – Fraternité-Justice
Conseil constitutionnel
Décision N°2024/08/CC/2024
Le Conseil constitutionnel ;
Vu la Constitution du 20 Juillet 1991 révisée,
Vu l’Ordonnance n° 92-04 du 18 février 1992 portant loi organique relative au Conseil Constitutionnel ;
Vu la loi organique 2018/013 portant recomposition du Conseil constitutionnel ;
Vu la Requête visant à attaquer la constitutionnalité de la loi 2021/021 portant protection des symboles nationaux et incrimination des atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’honneur du citoyen, enregistrée au Secrétariat Général du Conseil constitutionnel le 05/11/2024 par Ahmed Samba Abdallah et sa défense ;
Considérant qu’il résulte des éléments du dossier, notamment l’attestation N° 058/2024 du 23/10/2024, que Monsieur Ahmed Samba Abdallah a opposé, au cours de son procès devant la Chambre correctionnelle du Tribunal de Nouakchott Ouest, la non constitutionnalité de la loi 2021/021 portant protection des symboles nationaux et incrimination des atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’honneur du citoyen ;
Cette attestation mentionne la suspension dudit procès durant 15 jours pour permettre à l’accusé et sa défense de saisir le Conseil constitutionnel de la question préjudicielle de constitutionnalité ;
Considérant que le requérant a rempli les conditions prévues à l’article 4 de la loi 2020/013 portant recomposition du Conseil constitutionnel qui fixe les conditions d’application de l’aliéna 5 de l’article 86 de la Constitution ; que dès lors sa requête est jugée recevable en la forme ;
Sur le fond :
Considérant que la prétention que la loi incriminée n’est pas conforme à la Charia Islamique est jugée hors propos car l’une des bases essentielles de la Charia est la protection de l’intégrité physique et morale de la personne humaine contre toute forme de violence matérielle ou verbale ;
Considérant que les disposition de la loi incriminée sont , à leur grande majorité conformes à la Constitution et à l’intérêt général sauf en ce qui concerne la fin de la première phrase de l’alinéa 2 de son article 3 qui stipule «…. ou de tout responsable public qui outrepasse ses actes et ses décisions de gestion vers sa personne et sa vie privée, la divulgation d’un secret personnel sans autorisation explicite de la part de l’intéressé ou toute production, publication ou distribution de calomnies , d’injures ou d’insultes, ou l’attribution de faits infondés à une personne »
Considérant, que le Président de la République est le garant de la Constitution et de l’autorité de l’Etat ; que l’injure à son égard est de nature à porter atteinte à l’honneur national, qu’il ya lieu donc de protéger sa personne contre toute forme de violence quelque soit sa nature ;
Considérant d’une part, que la discrimination entre les responsables publiques et les autres citoyens en ce qui concerne leur honneur constitue une violation du principe d’égalité prévu au Préambule de la Constitution, que d’autre part la législation mauritanienne comportait des textes, parfois plus répressifs pour protéger le citoyen contre la violence, que dès lors , une protection supplémentaire n’a pas d’utilité ;
Après instruction du dossier de la requête ;
le rapporteur entendu et après délibération ;
Décide
Article premier : Les dispositions de la loi 2021/021 portant protection des symboles nationaux et incrimination des atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’honneur du citoyen sont conformes à la Constitution sauf en ce qui concerne la fin de la première phrase de l’alinéa 2 de son article 3 qui stipule «…. ou de tout responsable public qui outrepasse ses actes et ses décisions de gestion vers sa personne et sa vie privée, la divulgation d’un secret personnel sans autorisation explicite de la part de l’intéressé ou toute production, publication ou distribution de calomnies , d’injures ou d’insultes, ou l’attribution de faits infondés à une personne » car il viole, le principe d’égalité prévu au Préambule de la Constitution ainsi que son article 10 en raison qu’il limite la liberté d’expression.
Article2 : Cette décision sera notifiée à qui de droit et publiée au Journal officiel de la République Islamique de Mauritanie.
Délibéré par le Conseil Constitutionnel dans sa séance du 13 Novembre 2024 en présence du président Mr Diallo Mamadou Bathia et les membres : Aichetou Mint Decheg, , Ahmed Vall Ould M’Barek, , Ahmed Ould Ahmed Djibaba, Bilal ould Dick, Hawa Tandia, Ikebrou Mohamed Sedigh et Ghaly Mahmoud
Le Rapporteur Le Président
Diallo Mamadou Bathia
Ahmed Vall ould M’Bareck