Etudes et Grandes décisions des Cours et Conseils constitutionnels Francophones

 Processus décisionnel

2.1. Le processus décisionnel est marqué par le rôle du juge-rapporteur, véritable maître d’oeuvre du travail préparatoire à la prise de décision, avec l’appui des services et le cas échéant de son cabinet.

La fonction de « rapporteur » n’existe pas, en tant que telle, devant toutes les cours. Soit en raison d’un principe d’organisation de la juridiction, comme à la Cour suprême du Canada, où les neuf juges et le registraire partagent la responsabilité de la gestion des instances. Soit en raison de contraintes purement pratiques, comme au sein de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois en Tunisie, où les recours sont tous examinés concomitamment et traités en intégralité par chacun des membres, avec un partage éventuel et non formalisé des tâches.

Ceci mis à part, et à l’exception des recours d’amparo (où le projet d’arrêt sur la recevabilité est de la compétence directe du président et donc rapporté par lui, précise le Cap-Vert), chaque affaire donne lieu à la désignation d’un rapporteur.

Dans la majorité des cas, l’identité du rapporteur est confidentielle. Elle n’est pas diffusée en dehors de l’institution et n’apparaît pas ès-qualité dans les décisions : Algérie, Cambodge, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Guinée Bissau, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Moldavie, Niger, Sénégal, Slovénie, Suisse, Tchad, Togo, Tunisie.

À l’inverse, en Angola, Belgique, Cap-Vert, Centrafrique, Monaco, République démocratique du Congo, et Roumanie, les noms des juges-rapporteurs sont communiqués aux parties lors de la mise en état de l’affaire.

Cette alternative laisse place à une troisième voie, lorsque l’identité du rapporteur n’est pas révélée aux parties au cours du procès, mais expressément mentionnée dans le texte de la décision finale et donc connu lors de sa publication. Cette divulgation différée est retenue en Albanie, au Bénin, en Guinée, en Mauritanie et au Mozambique. Précisons qu’en principe, les noms des référendaires/assistants ne sont jamais mentionnés.

Néanmoins, il arrive que les cours adaptent leur pratique à la nature du recours. C’est significatif en Slovénie : si le nom du juge rapporteur n’est habituellement pas rendu public, il est fait exception dans le cadre du recours constitutionnel direct où les parties sont informées de la composition de la chambre chargée de décider sur l’affaire. De façon plus générale, cela peut procéder de la faculté reconnue au secrétaire général de la Cour slovène de répondre favorablement à une demande d’information du public.

2.2. Le travail du rapporteur et des services se matérialise par un projet de décision soumis au délibéré.

À l’exception du Gabon, de la Mauritanie et de la Tunisie, mais aussi de la Suisse dans la mesure où 99 % des cas sont jugés devant le Tribunal fédéral par voie de circulation, le projet de décision est préalablement communiqué à tous les membres de la Cour avant la séance.

Cette communication s’opère dans un délai contraint : au plus tard quinze jours au Cap-Vert, quatre jours ouvrables avant la séance de mise en état en Belgique ; au moins trois jours avant la date de la séance plénière en Moldavie ; en général, deux ou trois jours avant le délibéré en France ; deux jours à Madagascar ; 24 heures au Mali. Vous soulignez parfois qu’au cours de cette période, les membres discutent de manière informelle du projet de décision, comme cela se pratique en France.

Ce projet sera le cas échéant amendé, après discussion en séance, ou pourra faire l’objet d’un projet alternatif. Sur ce point, trois situations se distinguent.

D’une part, quelques cours (Bénin, Cambodge, Côte d’Ivoire, Gabon) soulignent que la pratique des contre-projets n’est pas possible ou n’existe pas. Bien sûr, un projet peut toujours faire l’objet d’opinions contraires exprimées lors du délibéré et être rejeté en séance pour complément d’information, mais dans cette hypothèse, seuls les débats sur la base de ce projet du rapporteur déterminent l’adoption de la décision.

D’autre part, beaucoup d’autres cours relèvent que les contre-projets, bien que tout à fait possibles, sont très peu fréquents (notamment en Centrafrique, au Cap-Vert, en Guinée, à Madagascar, au Mali, au Sénégal, en Slovénie, en Suisse, au Tchad). Cela tient parfois aux conséquences juridiques du rejet du projet initial. Ainsi, au Cap-Vert, dans l’hypothèse où le juge rapporteur serait vaincu, il sera substitué, en vertu de la loi, par un autre juge qui aura alors la charge de rédiger la décision. Une pratique semblable existe en Slovénie où le juge rapporteur peut être conduit à céder son rôle à l’un des juges qui soutiennent la position contraire. Une logique d’anticipation peut être privilégiée en la matière, comme en France : lorsqu’il pense que sa solution est susceptible de ne pas emporter la majorité, le membre rapporteur peut, par anticipation, demander au service juridique de rédiger un contre-projet, qu’il présentera si son projet n’est pas soutenu par les membres.

Enfin, au sein de quelques cours, les contre-projets sont assez souvent proposés, notamment au Congo et en Guinée Bissau. La réponse de la Cour constitutionnelle belge avance un chiffre significatif : au cours de l’année 2016, un contre-projet y a été présenté dans une affaire sur dix.

Deux précisions s’imposent néanmoins.

En premier lieu, le concept de contre-projet de décision n’a plus lieu d’être, au sens strict, dans les systèmes qui reconnaissent les opinions dissidentes, publiées conjointement avec la décision. C’est le cas notamment en Albanie, en Moldavie, au Liban et en Roumanie. Dans ce cas, lorsqu’un juge est en désaccord avec la solution rendue, il peut formuler un avis distinct ou, s’il est d’accord avec la solution, mais pas avec sa motivation, il peut rédiger une opinion concordante ou concurrente.

En second lieu, le concept de contre-projet de décision perd son objet dans les systèmes ex post où le projet de décision ne s’élabore pas avant mais à l’issue de l’audience de jugement. C’est le cas en Roumanie où seul le rapport est préalablement proposé pour débats, la décision étant rédigée après que la Cour ait décidé sur la base des arguments exposés par les juges dans le cadre des délibérations. C’est le cas également au Canada où la rédaction du projet de motifs de jugement n’a lieu qu’après l’audience, après les délibérations.

2.3. Pour finir, il convient d’évoquer le déroulement du délibéré, dont les pratiques observées dans les différents pays semblent relativement semblables. Après présentation du rapport, les juges discutent d’abord l’orientation globale du projet de décision et examinent ensuite chaque paragraphe ou considérant, en interaction avec le rapporteur. Les modifications formelles peuvent être apportées en séance. Les modifications de fond, les changements de motivation et éventuellement de solution sont discutés après qu’un ou plusieurs amendements aient été soumis, jusqu’à parvenir à un éventuel accord sur une décision.

Les pratiques des cours s’adaptent, le cas échéant, à la variété des situations dans lesquelles elles sont appelées à exercer le contrôle de constitutionnalité. Elles foisonnent de différents usages, notamment sur l’ordre plus ou moins formalisé de prise de parole lors du délibéré. Au Congo et en République démocratique du Congo, le plus jeune membre intervient le premier après le rapporteur sur l’ensemble du projet et ainsi de suite jusqu’au vice-président et au président qui intervient le dernier. En Mauritanie, le Conseil constitutionnel organise deux délibérés, un premier pour mettre les membres d’accord sur la solution envisagée et l’orientation générale du projet, un second pour adopter définitivement le projet de décision élaboré par le rapporteur.

2.4. En principe, les échanges entre les juges lors des délibérations se déroulent à huis clos, sans la présence d’aucun personnel de la Cour (Belgique, Cameroun, Canada, Monaco, Sénégal, Togo, Tunisie). Certaines cours font exception à ce principe en autorisant la présence, sans voix délibérative :

  • des conseillers/assistants/référendaires concernés (Angola, Moldavie, Roumanie, Slovénie) ;
  • du greffier (Guinée, France, Guinée Bissau, Madagascar, Mali, Suisse) ;
  • ou plus couramment du secrétaire général (Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Mozambique, République démocratique du Congo, Slovénie, Tchad).

Il est plus rare qu’y assiste également le directeur du service juridique (Bénin, Cambodge), voire les principaux membres du service juridique comme c’est le cas en France. La Cour constitutionnelle d’Albanie retient quant à elle une solution plus pragmatique, en prévoyant une dérogation au huis clos formulée à la demande des juges eux-mêmes.

2.5. Le plus souvent la décision est prise à l’unanimité et par consensus, à défaut à la majorité et par vote généralement non secret. La très grande majorité de vos cours fait état de la recherche d’un consensus sur la décision (Algérie, Angola, Belgique, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, France, Gabon, Liban, Madagascar, Mali, Mauritanie, Monaco, Mozambique, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo, Tunisie), ce qui conduit à motiver en conséquence la décision objet de ce consensus. Le vote est perçu comme un dernier recours, une pratique formelle (Belgique) ou une solution par défaut en cas de désaccord persistant. C’est tout à fait significatif devant le Conseil constitutionnel français où il n’est procédé au vote que si les positions des membres sont antagonistes. À titre particulier, devant le Tribunal fédéral suisse, le consensus est exigé dans la procédure écrite par voie de circulation du rapport. L’absence d’unanimité est un motif contraignant pour délibérer publiquement sur l’affaire.

Tout ceci est consigné, au sein de la majorité des cours, à l’issue de chaque audience, dans un compte-rendu, une feuille d’audience (Monaco) ou un procès-verbal de séance, approuvé et signé par le président, préparé par le secrétariat général (Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, République démocratique du Congo, Slovénie), le greffier de la Cour ou celui en charge du dossier (Albanie, Angola, Guinée, Suisse), ou à défaut les agents du service juridique (Cambodge, France) ou un membre de la Cour qui assure ces fonctions (Cameroun, Tunisie). Ce procès-verbal peut être synthétique ou, plus rarement, intégral. Sa consultation répond aux règles de confidentialité applicables en la matière. En France, il est rendu public à l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans. Il est à noter que la Cour suprême du Canada s’est engagée dans cette voie en juin 2017, permettant aux procès-verbaux de ses réunions d’être accessibles au public cinquante ans après la fermeture du dossier d’instance.

Ceci étant, au sein de plusieurs cours, aucun procès-verbal ou autre compte-rendu de la séance de délibéré n’est établi : Belgique, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Gabon, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. La justification apportée tient au secret du délibéré et, incidemment, au souci d’indépendance de la Cour et à la sérénité du travail de confection des décisions.

La collaboration entre le juge rapporteur et son assistant en Belgique

Bernadette Renauld, Référendaire à la Cour constitutionnelle de Belgique

Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les membres,
Mesdames et Messieurs,

La loi sur la Cour constitutionnelle de Belgique prévoit que la Cour est assistée de référendaires. Ceux-ci sont magistrats, nommés sur concours, à vie, de manière à garantir leur indépendance. Ils doivent être titulaires d’un master en droit. Plusieurs d’entre eux sont en outre titulaires d’un doctorat en droit et la plupart assument, ou ont assumé, outre leur métier principal de référendaire, des charges d’enseignement dans les universités belges. La loi n’organise pas la collaboration entre les juges et les référendaires. En réalité, aucun texte écrit ne codifie ou n’encadre la répartition du travail entre eux. Les relations entre les juges et les référendaires sont donc établies par la coutume. Coutume qui n’est pas ancestrale (la Cour n’existe que depuis une trentaine d’années) mais qui commence à compter tout de même.

La Cour est constituée de 12 juges, parmi lesquels deux sont présidents. Actuellement, il y a 16 référendaires. Chaque juge ou président bénéficie dès lors de l’assistance d’un référendaire « principal », qui travaille en principe toujours avec ce juge ou président, et d’une partie du temps d’un référendaire « volant », qui prend en charge un dossier sur quatre, à peu près, dans plusieurs cabinets. Les référendaires « volants » et « sédentaires » ont exactement le même statut et jouissent de la même considération, ils font le même métier. Les présidents ne sont jamais juges-rapporteurs. En revanche, tous les autres juges sont rapporteurs à tour de rôle.

Au sein du couple formé par le juge et le référendaire, la répartition du travail est grosso modo la suivante : le référendaire étudie, défriche, documente, explore, tient la plume (le clavier) et propose une ou plusieurs solutions au problème posé à la Cour ; le juge amende, corrige, complète ou réécrit et finalement endosse l’avant-projet d’arrêt, le présente à la Cour, le défend auprès des juges du siège, participe à la décision finale et supervise, avec le référendaire, le travail post délibéré. La décision finale appartient bien sûr à la Cour. En simplifiant beaucoup, on peut dire que les référendaires font le travail préparatoire à la prise de décision, alors que les juges décident.

Voyons cela un peu plus en détails.

Lorsque la Cour est saisie d’une requête, celle-ci est attribuée à deux juges-rapporteurs (un de chaque rôle linguistique), assistés chacun d’un référendaire. Le référendaire du premier juge-rapporteur (celui de la langue qui est celle de l’affaire) examine d’abord s’il y a lieu d’enclencher la procédure de filtre. Si c’est le cas, il rédige un projet de conclusions qu’il soumet aux juges-rapporteurs. Je n’entre pas dans les détails de cette procédure car ce n’est pas le propos.

Si ce n’est pas le cas, l’affaire suit son cours normal. Lorsque les parties ont eu l’occasion d’échanger leurs arguments par écrit, le référendaire s’empare du dossier. Il prend connaissance des mémoires et en établit une synthèse qui constituera la première partie de l’arrêt (la partie « A »). Il constitue ensuite un dossier de documentation comportant les travaux préparatoires de la norme en cause, la doctrine et la jurisprudence pertinente. S’il le juge utile, le référendaire rédige également une note de contexte ou de synthèse qui vise à expliciter le ou les problème(s) à trancher par la Cour.

Le référendaire rédige ensuite un avant-projet de décision (partie « B » de l’arrêt à venir). Cet avant-projet est complet, il comprend une argumentation et le dispositif. Cet avant-projet peut prendre plusieurs formes. Il peut ne présenter qu’une seule solution : violation ou non violation des règles de référence, annulation ou rejet du recours. De même, il peut aussi présenter plusieurs possibilités de solutions, entre lesquelles un choix devra être fait par le juge-rapporteur mais plus souvent par la Cour elle-même. Il n’est, ainsi, pas rare de voir des projets d’arrêts proposer, sous forme alternative, de constater la violation ou la non-violation de la Constitution, avec une argumentation étoffée dans chaque sens. Les variantes proposées peuvent aussi porter par exemple sur la recevabilité ou sur un problème de compétence, sur la possibilité de soulever un moyen d’office etc. Les projets d’arrêts comprennent aussi généralement de nombreuses notes de bas de pages, qui expliquent, renvoient, argumentent, attirent l’attention de la Cour sur l’une ou l’autre conséquence, etc. Toutes ces notes et toutes les variantes non retenues disparaissent avant le prononcé de l’arrêt, une fois que la Cour a vidé son délibéré. Les notes de contexte et notes doctrinales rédigées par les référendaires pour éclairer la Cour demeurent également strictement couvertes par le secret du délibéré, elles ne sont jamais publiées et ne sont pas mises à disposition des parties ou du public.

L’avant-projet d’arrêt est soumis par le référendaire au juge-rapporteur. Mais, me direz-vous, n’ont-ils pas parlé, discuté du problème avant ce moment ? Cela dépend de la dynamique de chaque « couple » juge-référendaire et de la personnalité des uns et des autres. Je sais que certains de mes collègues présentent le problème au juge avant de commencer à rédiger, pour avoir son sentiment et travailler dans le sens indiqué par ce premier sentiment. En ce qui me concerne, je ne le fais presque jamais, je préfère me faire mon opinion d’abord seule et je ne me sens à l’aise pour discuter d’un dossier que quand, ayant fini le travail, je considère être parvenue au meilleur degré de maîtrise qu’il m’est possible d’atteindre. Il me semble en effet que ce n’est qu’en se confrontant à l’écriture du projet d’arrêt que l’on peut véritablement savoir, sentir ou pressentir quelle solution, le cas échéant au pluriel, tiendra ou tiendront la route. Je crains que si l’on en parle trop tôt avec le juge-rapporteur, on risque de s’enfermer dans une sorte de « préjugé ». En revanche, on pourrait dire que d’un dialogue précoce peuvent surgir des pistes auxquelles on n’aurait pas pensé tout seul. Tout cela est, surtout, affaire de tempérament et de mode de fonctionnement, c’est finalement très personnel.

À un moment, donc, commence un premier dialogue entre le référendaire, auteur de l’avant-projet, et le juge appelé à assumer et à défendre ce projet face à la Cour. Ici également, ce qui se passe entre juges et référendaires dépend des relations entre les uns et les autres. Rien n’est codifié. Je crois que le dialogue permet généralement d’étoffer le projet, d’y ajouter le cas échéant l’une ou l’autre variante.
Le texte est ensuite soumis au second juge rapporteur, lui aussi assisté d’un référendaire.
Un deuxième « dialogue » s’engage alors, mais à quatre, en vue du dépôt d’un projet commun.
S’il n’y a pas d’accord, il s’agit alors de deux projets concurrents, rédigés, en règle générale, par les deux référendaires.
Lors de la mise en état de l’affaire, les juges-rapporteurs présentent à la Cour l’affaire et le projet d’arrêt. Dès ce moment, tous les juges appartenant au siège peuvent, seuls ou en concertation avec leur référendaire, rédiger et déposer des amendements, variantes, contre-projets et projets alternatifs. Lors du délibéré, auquel n’assistent que les juges et jamais les référendaires, le ou les textes déposés sont présentés, discutés, amendés, et enfin votés par la Cour.

Ensuite, le travail du référendaire consiste essentiellement en une relecture pour s’assurer que les décisions prises en délibéré, dont témoignent les notes des juges, ont été correctement intégrées dans le texte et que les deux versions linguistiques concordent parfaitement. Ce travail de concordance est effectué essentiellement par les réviseurs, qui sont des linguistes bilingues. Les référendaires n’ont à ce moment qu’un rôle secondaire, essentiellement pour répondre aux questions des réviseurs lorsque ceux-ci estiment que le texte n’est pas clair.

Le secret du délibéré couvre absolument le travail du référendaire. Son nom n’apparaît pas dans l’arrêt et rien n’indique que l’arrêt final correspond à la solution qui avait été proposée à l’origine. C’est donc un travail de l’ombre.

Le rôle du référendaire n’est pas cantonné aux affaires pour lesquelles « son » juge est premier juge-rapporteur. Il assiste également ce dernier, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative, pour la préparation des délibérés dans les autres affaires. Il est important de signaler qu’à cette fin, tous les documents relatifs aux affaires distribués aux juges le sont aussi aux référendaires. Ainsi, il est fréquent que les juges, après avoir pris connaissance d’un projet d’arrêt lors d’une séance de mises en état, demandent un avis ou une recherche à leur référendaire, avis ou recherche qui peut, le cas échéant, déboucher sur le dépôt d’un amendement ou d’un projet alternatif.

J’ai ainsi, je pense, dressé un rapide portrait du travail quotidien des référendaires à la Cour constitutionnelle de Belgique. Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Tome 1 : Étude comparative

Avant-Propos

par la très honorable Beverley McLACHLIN,

Juge en chef de la Cour suprême du Canada,

Présidente de l’A.C.C.P.U.F.

Plus que jamais les élections sont aujourd’hui au cœur de l’actualité ; elles constituent un élément d’appréciation déterminant du caractère démocratique des États. Est-il besoin de rappeler que, dans la Déclaration de Bamako adoptée en novembre 2000, prenant entre autre, l’engagement de lutter pour « la tenue d’élections libres, fiables et transparentes », la Francophonie réaffirmait, son adhésion aux principes qui fondent la démocratie et l’État de droit.

On peut se féliciter que, conformément à ses statuts qui prévoient des missions d’échange d’informations et d’expériences aussi bien qu’une formation et une assistance technique, l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français n’ait pas craint d’aborder la question du rôle et des missions des Cours constitutionnelles en période électorale.

C’est lors du séminaire de travail qui réunit chaque année les correspondants nationaux de l’A.C.C.P.U.F. qu’a été traitée cette question très sensible mais aussi très concrète pour les Cours et Conseils.

En effet, à des degrés et selon des modalités divers, la Constitution donne à la majorité de nos institutions une mission de contrôle, voire d’organisation d’élections, et les place, au même titre que dans leur fonction de contrôle de la constitutionnalité des normes, au centre du débat démocratique.

Si une telle mission les conduit immanquablement à une confrontation avec les valeurs qui justifient leur raison d’être et dont le respect fonde leur autorité dans la vie nationale, c’est également au quotidien que son bon exercice peut être appréhendé (méthodes de travail, moyens matériels, personnel qualifié, utilisation des nouvelles technologies, …).

Le pari quelque peu risqué a été pris de ne négliger aucune de ces approches, et l’on peut se réjouir de voir qu’il aboutit aujourd’hui, à une présentation synthétique du rôle et des missions des Cours et Conseils constitutionnels en période d’élections.

Travail concret, puisqu’à travers les contributions et les réponses apportées à un questionnaire approfondi, chaque institution a pu faire part aux autres de ses expériences, de ses projets et de ses attentes.

Travail de synthèse, puisque le Secrétariat de l’A.C.C.P.U.F. a développé l’ambition de dépasser la simple mais nécessaire photographie de la situation, pour tenter de dégager les grandes lignes de l’action des Cours et Conseils, dans un domaine où plus que dans tout autre, la conciliation du respect des libertés individuelles et du pluralisme démocratique avec l’intérêt général peut se révéler délicat.

Je ne voudrais pas manquer enfin, de rappeler, combien ce pari réussi, était à la hauteur de l’enjeu : l’information et la formation au service de l’approfondissement de l’État de droit sont à l’origine de la création de l’Association, et justifient aujourd’hui son maintien. Les informations contenues dans cet ouvrage constituent un enrichissement mutuel, car elles concrétisent le partage entre les Cours et Conseils constitutionnels.

Qu’il me soit permis d’y voir une expression de cette notion de « La fraternité », dont lors du Congrès d’Ottawa en juin 2003, nous nous interrogions sur les moyens concrets de la mettre en œuvre entre les membres de l’A.C.C.P.U.F.

Introduction

par Madame Monique PAUTI,

Secrétaire générale de l’A.C.C.P.U.F.

Actes du 3e séminaire des correspondants nationaux de l’A.C.C.P.U.F. ou étude comparative sur le fonctionnement et le rôle des Cours constitutionnelles en période électorale ? Tel est apparu l’enjeu, à la lumière des réponses documentées au questionnaire envoyé par le Secrétariat général de l’A.C.C.P.U.F. à tous ses membres, au lendemain de la réunion de trois jours consacrée à ce thème dans les locaux que l’Agence intergouvernementale de la Francophonie avait, une fois encore, mis à la disposition de notre réseau. Le dilemme a très vite été dépassé grâce à la conjonction de plusieurs éléments : la richesse des informations à partager, la capacité d’un jeune doctorant [1] à les exploiter. C’est de cette veine commune qu’est issu cet ouvrage dont il faut souhaiter qu’il soit utile à chaque Cour membre de l’A.C.C.P.U.F., mais aussi, à tous ceux chercheurs et praticiens qui scrutent les problèmes électoraux.

On y découvrira comment chacun, selon ses compétences, les Cours et Conseils constitutionnels en particulier, construit et « invente » les moyens de rendre les élections « libres, fiables et transparentes » pour reprendre les termes de la Déclaration de Bamako, persuadé qu’il en va d’une des expressions majeures de la démocratie.

Notre ambition était double : reproduire avec fidélité la parole de chaque Cour, telle qu’elle est inscrite dans son rapport national ; faire œuvre de synthèse en dégageant les grands traits que nous révèle l’étude des réponses au questionnaire. Cette approche a conduit à présenter l’étude en deux volumes distincts :

  • le premier consiste en une étude générale et synthétique des réponses au questionnaire ;
  • le second reproduit les rapports nationaux.

Le lecteur pourra ainsi trouver, au fil des développements du premier volume, la possibilité de se référer, dans le deuxième volume, aux exemples, souvent cités de manière rapide, concernant les textes ou les pratiques de telle ou telle Cour.

Cette méthode permettra d’illustrer la définition que donnait Jean Rivero du droit comparé : « (méthode) qui consiste à étudier parallèlement des institutions ou des règles juridiques pour les éclairer par rapprochement ».

Or la méthode comparative est une ambition applicable à la matière électorale. Nous admettons qu’aujourd’hui l’expression de la volonté des citoyens par la voie du droit de vote accordé à tous, sans distinction, constitue un élément du pluralisme démocratique. Si tel est bien le cas, l’analyse des organes et institutions qui assurent l’organisation du suffrage et le contrôle de sa sincérité mérite une étude comparative. Or il s’avère que les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. jouent toutes un rôle dans ce processus : rôle variable, souvent partagé avec d’autres institutions.

Les réponses au questionnaire détaillé (plus de 280 questions) reprenant les diverses étapes du processus électoral, envoyé à chaque Cour, ont permis, grâce à un dépouillement minutieux (qui a souvent nécessité le retour vers les textes qui régissent les Cours constitutionnelles ou les processus électoraux) de fournir une première photographie de l’implication des Cours constitutionnelles dans le processus électoral. Ce premier aperçu a pu être affiné sur des points précis par les rapports nationaux des institutions, qui ont choisi librement d’insister sur tel ou tel thème de leur choix.

La confrontation systématique de ces données, qu’il convient de ne pas détacher du contexte national et historique dont elles sont issues, a alors permis de s’interroger sur leurs similitudes comme sur leurs différences.

Des systèmes de droit, des influences étrangères, des phénomènes concomitants, sont certes à l’origine de traits communs. Mais, comment expliquer d’importantes différences entre des pays dont les traditions juridiques étaient proches ? D’ores et déjà, chacun peut pressentir que des événements marquants de la seconde moitié du XXe siècle (décolonisation, chute du mur de Berlin…) ne sauraient être indifférents à certaines évolutions et imitations.

Pour autant, nous avons tenté de garder le maximum d’objectivité dans l’analyse de ces phénomènes d’imitation et une déception pourra s’ensuivre pour le lecteur, tant la systématisation est une tentation attrayante pour l’esprit.

Aussi, la conclusion risque-t-elle de ne pas apparaître aussi claire et rationnelle qu’on eût pu la souhaiter. Que les Cours soient en tous cas certaines, que le maximum a été mis en œuvre pour traduire en vérité leur rôle. Notre souhait est qu’elles voient dans cet ouvrage, un maillon supplémentaire pour approfondir, à travers une meilleure connaissance réciproque, le dialogue auquel l’A.C.C.P.U.F. est profondément attaché, au service du développement de l’État de droit.


  • [1]
    La synthèse des réponses au questionnaire et la rédaction de cet ouvrage ont été confiées à Matthieu Tardis, assistant à l’A.C.C.P.U.F., que nous remercions.  [Retour au contenu]

I. Photographie des compétences électorales des Cours constitutionnelles francophones

Le cadre normatif du processus électoral détermine le rôle et le fonctionnement des Cours et Conseils constitutionnels membres de l’A.C.C.P.U.F. Afin de comprendre les raisons de l’attribution de responsabilités plus ou moins importantes aux Cours, il convient, dès à présent, d’exposer les grandes lignes de l’activité des juges constitutionnels en période électorale. Définies par les textes fondamentaux et les législations électorales, les compétences des Cours constitutionnelles sont également liées à la reconnaissance du droit de vote dans les États concernés.

1. L’exercice du droit de vote

La tenue d’élections libres, démocratiques et pluralistes ne peut être envisagée sans la reconnaissance du suffrage universel. Celui-ci signifie que tout homme et toute femme a le droit de vote et est éligible ; ce droit est néanmoins encadré par des conditions d’âge ou de nationalité.

La totalité des États dont les Cours constitutionnelles sont membres de l’A.C.C.P.U.F., ont aujourd’hui accordé le droit de vote à l’ensemble des citoyens. La majorité politique est, pour tous ces pays, atteinte à 18 ans, à l’exception du Cameroun (20 ans) et du Liban (21 ans).

Tableau 1 – Le droit de vote dans les états francophones

PaysDate
de reconnaissance du droit de vote
Dispositions constitutionnelles en vigueur 
HommesFemmes
Albanie19201945Article 45 de la Constitution du 28 novembre 1998
Algérie19621962Article 50 de la Constitution du 8 décembre 1996
Belgique1893 (vote universel
plural [1]),
1919 (suffrage universel)
1919 (suffrage restreint), 1948 (suffrage universel)Articles 61, 62, 67, 162 de la Constitution
du 17 février 1994
Bénin19601960Article 6 de la Constitution du 11 décembre 1990
Bulgarie18791945 [2]Article 42 de la Constitution du 6 décembre 1991
Burkina Faso19601960Article 12 de la Constitution du 11 juin 1991
Cambodge19471956Article 34 de la Constitution du 24 septembre 1993
CamerounDepuis la colonisation1946Article 2 de la Constitution du 18 janvier 1996
Canada [3]1867 (propriétaires terriens) [4]1918Article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982
Congo19611961Article 4 de la Constitution du 20 janvier 2002
Égypte18661956Article 1er de la loi sur l’organisation de l’exercice des droits politiques de 1956
France18481944Article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958
Gabon19601960Article 4 alinéa 2 de la Constitution du 26 mars 1991
Guinée-Bissau19741974Articles 2, 24 et 29 de la Constitution du 27 novembre 1996
Haïti18431843Article 17 de la Constitution de 1987
Liban19261952Article 21 de la Constitution du 23 mai 1926
Madagascar19591959Article 6 de la Constitution du 18 septembre 1992
Mali19461946Article 27 de la Constitution du 12 janvier 1992
Maroc19591959Article 8 de la Constitution du 7 octobre 1996
Maurice19481948Articles 42 et 44 de la Constitution du 12 mars 1968
Mauritanie19861986Article 3 alinéa 2 de la Constitution du 20 juillet 1991
Moldavie19251925Article 38 de la Constitution du 29 juillet 1994
Monaco19111962Article 53 de la Constitution du 17 décembre 1962
Niger19591959Article 7 de la Constitution du 18 juillet 1999
Roumanie1858 (suffrage censitaire), 1917 (suffrage universel)1929 (suffrage restreint), 1946 (suffrage universel)Article 36 de la Constitution du 21 novembre 1991
Rwanda19611961Article 8 de la Constitution du 4 juin 2003
Sénégal19601960Article 3 de la Constitution du 22 janvier 2001
Slovénie19071945Article 43 de la Constitution du 23 décembre 1991
Suisse [5]18481971Articles 34 et 136 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999
Tchad19591959Article 6 de la Constitution du 31 mars 1996
République tchèque18961919Article 18 de la Constitution du 16 décembre 1992
Togo19601960Article 5 de la Constitution du 14 octobre 1992

La reconnaissance est apparue à des moments très divers.

Haïti a été le premier État à reconnaître le droit de vote aux femmes et aux hommes en 1843. En revanche, en Europe et au Canada, le suffrage universel s’est imposé par étape progressive selon l’éveil de ces pays à la démocratie. Ceci explique, en premier lieu, que le droit de vote ait été limité à certaines catégories de la population, d’après, notamment, des critères de revenus ou de propriété. Le droit de vote a ensuite été accordé à tous les hommes puis à partir du début du XXe siècle aux femmes, parfois de façon restrictive au départ. L’écart qui sépare la reconnaissance du suffrage masculin de celle du suffrage féminin diffère considérablement d’un État à l’autre.

Ainsi, il est à noter que la France et la Suisse, qui ont été les premiers États européens à reconnaître le suffrage universel masculin, n’ont consenti le même droit aux femmes que tardivement.

En Afrique, la reconnaissance du droit de vote est le fruit de la décolonisation et de l’accession à la souveraineté. Ainsi, observons-nous que pour la grande majorité des États africains, le droit de vote a été accordé aux femmes et aux hommes entre 1959 et 1961. Cependant, cette reconnaissance est intervenue plus récemment en Mauritanie et en Guinée-Bissau. Toutefois, ce dernier pays n’a accédé à l’indépendance qu’en 1974.

La reconnaissance du droit de vote fait l’objet d’une disposition constitutionnelle [6] dans tous les États dont les Cours ont répondu au questionnaire, mise à part l’Égypte. Il est intéressant de s’interroger sur la position du droit de vote dans le texte constitutionnel. Ainsi, le droit de vote est garanti au Liban et dans tous les États d’Afrique dans la partie relative à l’État et à la souveraineté. Seuls l’Algérie et le Burkina Faso considèrent le droit de vote comme un droit fondamental [7], le Maroc et la Mauritanie se trouvant dans une situation intermédiaire puisque le droit de vote est reconnu dans un titre 1er intitulé « dispositions générales et principes fondamentaux » qui contient les principes généraux de l’État touchant à la fois à la structure institutionnelle, à la souveraineté et aux droits de l’homme.

Dans les autres pays, la situation est plus hétérogène. Des lignes directrices peuvent néanmoins être dégagées. Dans la majorité de ces États, le droit de vote est reconnu dans la partie relative aux droits de l’homme. Ce groupe est composé de l’ensemble des pays de l’Europe centrale et orientale dont les Cours sont membres de l’A.C.C.P.U.F. auxquels s’ajoutent le Canada, le CambodgeHaïti et la Suisse. En revanche, la reconnaissance du droit de vote en France offre le même visage que dans la majorité des pays africains et est considérée comme un élément de la souveraineté. En Belgique, le droit de vote est garanti dans la partie relative aux chambres et institutions provinciales. Notons que la Constitution belge de 1994 n’est qu’une révision globale de la Constitution de 1831, alors que les autres pays cités ci-dessus disposent de textes constitutionnels plus récents. La Constitution monégasque, adoptée en 1962, reconnaît également le droit de vote dans la partie relative au Conseil national (chambre législative de Monaco).

Enfin, le vote n’est obligatoire qu’en AlgérieBelgique et Égypte, où les électeurs qui ne l’exercent pas sont passibles d’une amende. À Haïti, si l’article 52-1 de la Constitution impose au citoyen de voter, aucune sanction n’est prévue en cas de non participation au vote.

2. Les compétences des Cours constitutionnelles en matière électorale

Les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent principalement du contrôle des normes [8]. Cependant, le prestige du juge constitutionnel et sa position privilégiée dans le système juridictionnel ont souvent incité le constituant et le législateur à lui confier des compétences non négligeables en matière électorale dont l’étendue est toutefois variable selon les États.

A. Les compétences consultatives

Les compétences consultatives des Cours constitutionnelles et institutions équivalentes ne s’appliquent que rarement à la matière électorale. Toutefois, on relève que les Constitutions du Burkina Faso, du Congo, du Gabon, du Mali, du Sénégal et du Tchad prévoient la consultation de la Cour constitutionnelle sur la conformité à la Constitution de la question posée au peuple lors d’un référendum. Certaines Cours sont, par ailleurs, consultées sur l’organisation des opérations de référendum (Burkina FasoGabonTchad). Les compétences consultatives de ces Cours sont donc réduites aux consultations référendaires, compétences qui entrent davantage dans les activités de contrôle des normes que dans le contentieux électoral.

La Cour malienne dispose d’une compétence consultative qui s’étend également au décret de convocation du corps électoral et aux modèles de candidatures pour les élections présidentielles et parlementaires. La Haute Cour constitutionnelle de Madagascar peut également émettre des avis sur les décrets reportant les dates des élections et les décrets prorogeant le délai de dépôt de candidature sur saisine des chefs d’institutions et des organes des provinces autonomes.

Les autorités de saisine sont exclusivement des autorités de l’Exécutif, soit uniquement le président de la République (Congo, Sénégal), soit le Gouvernement et Premier ministre (Burkina Faso, Tchad) soit l’ensemble de ces autorités (Gabon).

Le texte de la Constitution française n’attribue pas de compétence consultative au Conseil constitutionnel. Néanmoins, la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République et l’ordonnance du 7 novembre 1958 régissant le fonctionnement du Conseil constitutionnel prévoient la consultation du Conseil par le Gouvernement sur l’organisation de l’élection présidentielle ainsi que sur les opérations de référendum national, notamment la question posée aux électeurs. Les avis ne sont pas publiés. En outre, s’ils ne lient pas les autorités, le pouvoir exécutif les a toujours suivis en pratique.

Nous pouvons préciser, pour conclure sur ce point, que les compétences consultatives dont disposent certaines Cours constitutionnelles, même si elles ne concernent pas directement la matière électorale, ne sont pas dénuées de tout lien avec elle. Ainsi, lorsque la Cour suprême du Canada est consultée par le Gouvernement sur la constitutionnalité d’une loi ou lorsque la Cour constitutionnelle du Togo émet un avis sur des ordonnances, l’acte contrôlé peut être une loi électorale. De même, certaines Cours, comme la Cour constitutionnelle du Niger, peuvent émettre un avis sur l’interprétation de la Constitution ; cette interprétation peut avoir trait aux compétences en matière de contentieux électoral attribuées par la Constitution.

B. Les compétences juridictionnelles

Tableau 2 – La compétence juridictionnelle des cours constitutionnelles

Les Cours connaissant du contentieux électoralLes Cours ne connaissant pas du contentieux électoral
Albanie : art. 131 de la ConstitutionBelgique
Algérie : art. 163 alinéa 2 de la ConstitutionCanada
Bénin : art. 117 de la ConstitutionÉgypte
Bulgarie : art. 149 de la ConstitutionHaïti
Burkina Faso : art. 152 et 154 de la ConstitutionMonaco
Cambodge : art. 136 de la Constitution
Cameroun : art. 48 de la Constitution
Congo : art. 146 et 147 de la Constitution
France : art. 58, 59, 60 de la Constitution
Gabon : art. 84 de la Constitution
Guinée-Bissau
Liban : art. 19 de la Constitution
Madagascar : art. 118 de la Constitution
Mali : art. 86 et 87 de la Constitution
Maroc : art. 81 de la Constitution
Maurice : art. 37 de la Constitution/p>
Mauritanie : art. 83 et 84 de la Constitution
Moldavie : art. 135 de la Constitution
Niger : art. 103 de la Constitution
Roumanie : art. 146 de la Constitution
Rwanda [9] : art. 144 de la Constitution
Sénégal : art. 35 et 60 de la Constitution
Slovénie : art. 82 de la Constitution
Suisse : art. 80 de la loi fédérale sur les droits politiques [10]
Tchad : art. 166 de la Constitution
République tchèque : art. 87-1.e) de la Constitution
Togo : art. 104 de la Constitution

Sur les trente-deux Cours qui ont répondu au questionnaire, seules cinq ne connaissent pas du contentieux électoral.

La compétence des autres Cours est reconnue dans les Constitutions et est, en règle générale, prévue dans les lois relatives aux juridictions constitutionnelles et éventuellement dans les législations électorales. On pourrait en conclure que parmi les États dont les Cours constitutionnelles sont membres de l’A.C.C.P.U.F., le contentieux électoral relève, dans son ensemble, du juge constitutionnel. Néanmoins, la complexité du processus électoral appelle une variété de contentieux, à laquelle les États ont apporté des réponses diverses.

Ainsi, lorsque le Professeur Jean-Claude Masclet définit le contentieux électoral, il précise :

« Les opérations électorales donnent lieu à plusieurs sortes de contentieux. Au sens étroit, le contentieux électoral est celui qui a pour objet de vérifier l’authenticité ou l’exactitude du résultat de l’élection. Il peut aboutir à la confirmation, à la réformation ou à l’annulation de l’élection. Au sens large, il englobe aussi le contentieux de la liste électorale, celui des opérations préparatoires, et le contentieux répressif destiné à sanctionner les actes de fraude constitutifs d’infractions pénales. La répartition des compétences en matière de contentieux électoral revêt une certaine complexité dans la mesure où le juge n’est pas le même suivant les différentes élections et que, pour une même élection, le juge des opérations préparatoires n’est pas nécessairement celui des résultats [11]. »

Les contestations soulevées après les opérations de vote relèvent généralement d’une juridiction unique. Le contentieux post-électoral concerne, en premier lieu, la vérification de la régularité de l’élection et le contrôle des résultats. Le domaine du juge électoral s’étend alors des opérations préliminaires à la proclamation des résultats. En amont de l’élection, des contestations peuvent surgir à propos de l’organisation du scrutin, des listes électorales, des candidatures ou de la campagne électorale. Si ces litiges sont résolus avant l’élection, le contentieux sera qualifié de préélectoral.

Nous pouvons, dès à présent, effectuer une première approche de l’étendue des compétences des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. en matière électorale, dont chaque point sera étudié et précisé par la suite [12]. Afin d’avoir une vision synthétique, il est utile de se référer au tableau 74 situé à la fin de cette étude.

Les solutions retenues par chaque État sont très contrastées. Il est probable que la diversité la plus grande se rencontre parmi les systèmes en place dans les pays dans lesquels le juge constitutionnel n’est pas compétent en matière électorale.

La Belgique est restée attachée au modèle de la vérification des pouvoirs. Ce système, qui trouve son origine en Angleterre et en France, confie le contentieux électoral au Parlement. En d’autres termes, l’Assemblée qui vient d’être élue est juge de la régularité de l’élection de ses propres membres. Le contentieux préélectoral relève du juge administratif [13]. Il convient de préciser que la Cour d’arbitrage peut connaître de la matière électorale, mais uniquement dans le cadre de son rôle de contrôle des normes [14]. Si la tradition parlementaire semble minoritaire parmi les institutions étudiées dans ce bulletin [15], on observe que les mécanismes slovène et tchèque s’en rapprochent fortement, puisque dans ces deux derniers États, la Cour constitutionnelle est uniquement compétente pour connaître en appel des décisions du Parlement sur la régularité des élections des députés [16]. Les traditions se sont ici adaptées aux garanties exigées par la notion d’État de droit. Néanmoins, un contrôle juridictionnel ou quasi-juridictionnel est prévu en amont de l’intervention du Parlement corrigeant encore davantage le système de la vérification des pouvoirs [17]. En ce qui concerne l’élection du président de la République slovène, les recours sont portés devant la Commission électorale et la Cour suprême en appel.

La Suisse se rattache également à la tradition de la vérification des pouvoirs, tout en l’adaptant à un système institutionnel qui lui est propre. Ainsi, les contestations relatives à la régularité affectant la préparation et l’exécution de l’élection du Conseil national (la chambre basse) sont tranchées en premier ressort par le Gouvernement cantonal, puis en appel par le Conseil national lui-même, qui statue lorsqu’il valide les élections lors de la séance constitutive de la chambre nouvellement élue. En outre, les recours relatifs aux votations relèvent de la compétence du Gouvernement cantonal, dont la décision peut être attaquée devant le Conseil fédéral (Exécutif fédéral). Finalement, la compétence du Tribunal fédéral intervient essentiellement afin de protéger le droit de vote dans le cadre du recours de droit administratif. Le recours relatif au droit de vote concerne, entre autre, les décisions relatives au domicile politique, au registre des électeurs, aux procédures de vote, au vote par correspondance, au vote des invalides, soit les opérations pré-électorales. Il doit d’abord être adressé au Gouvernement cantonal, le Tribunal fédéral intervenant en dernière instance. Le Tribunal fédéral intervient également, dans le cadre du recours de droit public, pour protéger l’exercice des droits politiques [18] en tant que droits constitutionnellement protégés qui peut être affecté par une décision des autorités cantonales. La compétence du Tribunal repose donc sur sa fonction de garant des droits fondamentaux des Suisses.

Le droit canadien est fortement inspiré du droit anglo-saxon. Le droit constitutionnel et le contentieux électoral n’échappent pas à cette règle. Au Royaume-Uni, le contentieux électoral relève du juge ordinaire. Le Canada a recueilli cet héritage tout en l’adaptant. Ainsi, la Cour suprême peut connaître de recours relatifs aux élections dans le cadre de ses attributions ordinaires de juridiction de dernier ressort. Cependant, les Canadiens ont pris en considération la spécificité de la matière électorale en confiant l’administration du processus électoral et référendaire au Directeur général des élections, placé sous la responsabilité de la Chambre des Communes. Celui-ci nomme, à son tour, le Commissaire aux élections fédérales, qui doit s’assurer du respect et de l’exécution de la législation électorale. Il dispose également de pouvoirs de décision en cas de contestation et peut engager des poursuites devant les juridictions de droit commun. En outre, la loi électorale impose que les contestations pour inéligibilité du candidat élu, irrégularité, fraude ou acte illégal ayant influencé le résultat de l’élection soient portées directement devant les tribunaux supérieurs provinciaux ou la Cour fédérale. Un appel direct à la Cour suprême selon une procédure sommaire est possible.

À Monaco, le contentieux électoral est également confié à la juridiction ordinaire. L’article 52 de la loi du 23 février 1968 dispose que « tout électeur a le droit d’arguer de nullité les élections auprès du Tribunal de première instance ». Un recours en appel est instauré devant la Cour d’appel puis devant la Cour de révision.

La Moldavie a instauré un système semblable à celui du Canada, dans le sens où la commission électorale a de nombreuses attributions. Elle peut notamment connaître des diverses contestations et ses décisions sont susceptibles de recours devant les juridictions de droit commun. Le rôle de la Cour constitutionnelle se limite à la confirmation des résultats des élections [19]. Ce dispositif tend, par certains côtés, à ressembler « au modèle espagnol [20] », caractérisé par une administration électorale permanente dont les décisions sont susceptibles de recours devant le juge administratif. Néanmoins, il convient d’ajouter que selon l’article 62 de la Constitution, la Cour constitutionnelle décide, sur proposition de la Commission électorale, de la validation ou non du mandat de député en cas de violation de la législation électorale. Par conséquent, si la Cour ne peut pas être saisie d’un recours électoral, elle statue, tout de même, sur la conformité du déroulement du scrutin au code électoral sur le fondement des documents fournis par la Commission électorale.

Les Cours constitutionnelles albanaisebulgare et roumaine connaissent du contentieux électoral mais les commissions électorales disposent d’une hégémonie relative sur le processus électoral. La Cour constitutionnelle bulgare est compétente en premier et dernier ressort uniquement pour le contentieux post-électoral pour les deux scrutins nationaux. En revanche, le contentieux préélectoral est pris en charge par la Commission électorale dont les décisions sont susceptibles de recours devant la Cour administrative suprême.

Les Cours constitutionnelles roumaine et albanaise ne connaissent pas du contentieux des élections législatives [21]. En Albanie, depuis l’entrée en vigueur en juin 2003 d’un nouveau code électoral, le contentieux des élections parlementaires a été confié à la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana [22]. En ce qui concerne l’élection présidentielle, si le juge constitutionnel albanais est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de l’éligibilité du président de la République sur saisine d’un cinquième des députés ou d’un parti politique, son collègue roumain n’intervient qu’après la Commission électorale pour confirmer les résultats, valider l’élection du président de la République et éventuellement trancher les contestations qui lui sont transmises par la Commission électorale. En outre, le juge constitutionnel roumain statue sur les requêtes relatives à l’enregistrement ou non des candidats [23].

La Commission électorale haïtienne domine également le processus électoral et dispose d’attributions contentieuses. La loi électorale de 1987 prévoyait la compétence en appel de la Cour de cassation, mais depuis la loi de 1995, le contentieux électoral échappe entièrement à cette dernière et relève en premier et dernier ressort de la Commission électorale, conformément à l’article 197 de la Constitution [24].

L’Égypte a concentré une grande partie du contentieux électoral entre les mains de la Cour du contentieux administratif du Conseil d’État. Même si la Cour suprême constitutionnelle ne connaît pas des requêtes électorales, le système choisi rejoint néanmoins incontestablement les mécanismes de la majorité des États étudiés dans ce bulletin, dans le sens où le contentieux électoral est confié à une juridiction jouissant d’une grande autorité.

En effet, dans les autres États dont les Cours ont répondu au questionnaire, le juge constitutionnel semble avoir une compétence étendue en matière électorale. Cette affirmation se vérifie essentiellement dans les pays africains, mais également au Cambodge où le Conseil constitutionnel peut connaître selon les cas du contentieux électoral en appel de la Commission électorale ou en premier et dernier ressort. On peut certainement y voir l’influence du modèle français, qui confie une grande partie du processus électoral à la juridiction du Conseil constitutionnel.

En France, la Constitution de 1958 rompt avec le système traditionnel de la vérification des pouvoirs effectuée par le Parlement et confie le contrôle de la régularité des élections du président de la République, des députés, des sénateurs et des opérations de référendum au Conseil constitutionnel. La compétence en premier et dernier ressort du Conseil s’étend au contentieux préélectoral et post-électoral. Cette compétence n’est cependant pas exhaustive et peut être partagée avec d’autres juridictions, par exemple les tribunaux d’instance pour le contentieux des listes électorales, les juridictions administratives pour les candidatures aux élections législatives. Une répartition complexe des tâches a également été établie avec le Conseil d’État sur les opérations préparatoires [25]. La Constitution a institué un véritable modèle de justice électorale, qui souligne le caractère singulier et politique de ce contentieux en le confiant au juge constitutionnel.

Dans le cadre de cette approche introductive des compétences des Cours constitutionnelles en matière électorale, on constate l’attractivité du système français en Afrique francophone. Ainsi, en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée-Bissau, au Liban [26], à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda, au Sénégal, au Tchad et au Togo, le juge constitutionnel est le juge des élections présidentielles [27] et parlementaires. L’ensemble de ces Cours et Conseils sont donc saisis en premier et dernier ressort du contentieux post-électoral dans des conditions qui, sans être similaires, ressemblent à celles qui gouvernent la saisine du Conseil français. En ce qui concerne le contentieux préélectoral, l’implication des Cours constitutionnelles n’est plus exclusive mais elle demeure déterminante. Par exemple, si la compétence du juge constitutionnel en matière de contentieux des listes électorales n’est établie qu’au Bénin, au Cambodge, en Guinée-Bissau et au Niger, le contentieux des candidatures relève majoritairement des Cours constitutionnelles, à l’exception du Conseil algérien pour les candidatures aux élections parlementaires. Nous observons également que certaines Cours semblent être moins engagées dans les élections parlementaires, essentiellement en ce qui concerne la réception des candidatures ou le contrôle des opérations préélectorales, notamment les institutions du Congo, du Liban ou du Maroc.

Il peut paraître difficile d’établir une influence du modèle français sur l’Île Maurice. Pourtant, la Cour suprême est compétente en premier et dernier ressort [28] pour examiner si une personne a été régulièrement élue. Elle intervient, par conséquent, après la tenue du scrutin. L’inspiration ne vient certainement pas de la Constitution française de 1958 mais l’Île Maurice a voulu marquer l’importance des opérations électorales en confiant le contentieux à la plus haute juridiction de l’État. En revanche, la Cour suprême ne porte aucun regard sur l’ensemble des opérations préélectorales, pour lesquelles plusieurs commissions électorales se répartissent les tâches.

C. Les données statistiques

Tableau 3 – Les consultations électorales controlées par les cours constitutionnelles [29]

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLEÉLECTIONS PARLEMENTAIRES 
Date de création de la CourNombre de consultations contrôlées par la CourDates des consultations contrôlées par la CourNombre de consultations contrôlées par la CourDates des consultations contrôlées par la Cour
Albanie20 avril 1992N.C. [30]N.C.N.C.N.C.
Algériefévrier 19892novembre 1995,
avril 1999
4juin 1997,
janvier 1998,
mai 2002,
avril 2004
Belgique1980
Béninjuin 19932mars 1996,
mars 2001
3mars 1995,
mars 1999,
mars 2003
Bulgarie3 octobre 1991N.C.N.C.21994, 2002
Burkina Faso9 décembre 20020000
Cambodge15 juin 19982juillet 1998,
juillet 2003
Cameroun1996 [31]1octobre 19972juin 1997,
juin 2002
Canada1875
Congo12 janvier 2003001N.C.
Égypte1979
France195981958, 1965,
1969, 1974,
1981, 1988,
1995, 2002
121958, 1962,
1967, 1968,
1973, 1978,
1981, 1986,
1988, 1993,
1997, 2002
Gabon19912décembre 1993,
décembre 1998
4décembre 1996,
février 1997,
décembre 2001,
février 2003
Guinée-Bissau1985N.C.N.C.N.C.N.C.
Haïti1835N.C.N.C.N.C.N.C.
Liban14 juillet 1993002N.C.
Madagascar29 juin 19776novembre 1982,
mars 1989,
novembre 1992,
février 1993, novembre décembre 1996,
décembre 2001
7août 1983,
mai 1989,
juin 1993,
septembre 1993,
mai 1998,
mars 2001,
décembre 2002
Mali8 mars 19942mai 1997,
mai 2002
3avril 1997,
juillet 1997,
juillet 2002
Maroc19923juin 1993,
novembre 1997,
septembre 2002
MauriceN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Mauritaniefévrier 19913N.C.7N.C.
Moldavie23 février 1995N.C.N.C.N.C.N.C.
Monaco1911
Niger16 octobre 20000000
Roumaniejuin 19923septembre 1992,
octobre 1996,
novembre 2000
Rwanda2003 [32]0000
Sénégal30 mai 19922février 1993,
février 2000
3février 1993,
mai 1998,
avril 2001
Slovénie25 juin 19918janvier 1993,
décembre 1996,
février 2001,
novembre 2002
Suisse1874
Tchad2 novembre 19981mai 20011avril 2002
République tchèque15 juillet 1993N.C.N.C.
Togo14 octobre 19922juin 1998,
juin 2003
2mars 1999,
octobre 2002

Tableau 4 – Le nombre de décisions rendues en matière d’élections présidentielles

AvisDécisions de nomination de délégués (observateurs)Décisions de proclamation des résultatsDécisions contentieuses autres que l’annulationAnnulation de résultats partiels de l’électionAnnulation globale de l’électionDécisions concernant le financement de la campagne
AlbanieN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Algérie0022000
Belgique
Bénin08685000
BulgarieN.CN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Burkina Faso0000000
Cambodge
Cameroun0010000
Canada
Congo0000000
Égypte
Franceenv. 50environ 4001616environ 80025
Gabon0022000
Guinée-BissauN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Haïti00011000
Liban0000000
Madagascar4093 5931 40500
Mali2035300
Maroc
Maurice
Mauritanie0032000
MoldavieN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Monaco
Niger0000000
Roumanie009164000
Rwanda0000000
Sénégal00315100
Slovénie
Suisse
Tchad0110000
République tchèque
Togo05211000

Tableau 5 – Le nombre de décisions rendues en matière d’élections parlementaires

ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES 
AvisDécisions de nomination de délégués (observateurs)Décisions de proclamation des résultatsDécisions contentieuses autres que l’annulationAnnulation de résultats partiels de l’électionAnnulation globale de l’électionDécisions concernant le financement de la campagne
Albanie
Algérie0040400
Belgique
Bénin064369100
BulgarieN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Cambodge00043000
Cameroun0020000
Canada
Congo0001100
Égypte
France000env. 1 200056env. 1 100
Gabon0020372500
Guinée-BissauN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Haïti0000000
Liban00000plusieurs0
Madagascar2062 60821200
Mali204103310
Maroc0004250360
MauriceN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Mauritanie0075000
MoldavieN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Monaco
Niger0000000
Roumanie
Rwanda0000000
Sénégal00323100
Slovénie0008000
Suisse
Tchad0010200
République tchèque00010000
Togo05211000

3. La législation électorale

Une législation électorale est essentielle à l’organisation des scrutins afin de compléter les dispositions sommaires relatives aux élections contenues dans les Constitutions. La législation électorale doit prévoir toutes les mesures nécessaires à l’expression du vote des électeurs. Elle s’intéresse, par conséquent, à l’établissement des listes électorales, au dépôt des candidatures, aux règles régissant la campagne électorale, aux modes de scrutin, au déroulement du scrutin, à la proclamation des résultats et au contentieux électoral, c’est-à-dire à l’ensemble du processus électoral. La loi électorale est, dès lors, fondamentale pour la vie démocratique d’un État.

Le tableau suivant présente l’ensemble des lois électorales adoptées par les États étudiés dans ce bulletin.

Tableau 6 – La législation électorale dans les états francophones

AlbanieLoi n° 9087 du 19 juin 2003 portant code électoral de la République d’Albanie
AlgérieOrdonnance du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral (modifiée en février 2004)
BelgiqueCode électoral du 12 août 1928 (modifié en 2002 et 2003), loi du 11 avril 1994 sur le vote automatisé
BéninLoi n° 2000-18 du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, loi n° 2000-19 du 3 janvier 2001 définissant les règles particulières pour l’élection du président de la République, loi n° 94-015 du 27 janvier 1995 définissant les règles particulières pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale (modifiée en janvier 2003)
BulgarieLoi sur l’élection du président et du vice-président de la République de 1991 (modifiée en 2001), loi sur l’élection des députés de 2001 (modifiée en 2002), loi sur les élections locales de 1995 (modifiée en 2003)
Burkina FasoLoi n° 014-2001 du 3 juillet 2001 portant code électoral (modifiée le 23 janvier 2002)
CambodgeLoi sur les élections des députés du 26 décembre 1997 (modifiée le 17 septembre 2002)
CamerounLoi n° 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale (modifiée le 19 mars 1997), loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République (modifiée le 9 septembre 1997)
CanadaLoi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9, tel que modifié, loi référendaire, L.C. 1992, ch. 30, loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, L.R.C. 1985, ch. E-3
CongoLoi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale
ÉgypteLoi (73) de 1956 sur l’organisation de l’exercice des droits politiques (modifiée le 7 janvier 2002)
FranceCode électoral (modifié en avril 2004)
GabonCode électoral (modifié le 14 août 2002)
Guinée-BissauLois n° 2/98, 3/98, 4/98
HaïtiLoi électorale du 14 février 1995 (modifiée en 1999)
LibanLoi du 6 avril 1960 (modifiée le 6 janvier 2000)
MadagascarLoi organique n° 2000-014 du 24 août 2000 portant code électoral, loi spécifique à chaque élection
MaliLoi électorale du 12 février 2002 (modifiée en janvier 2004)
MarocDahir n° 1-97-83 du 2 avril 1997 portant promulgation de la loi n° 9-97 formant code électoral (modifiée le 24 mars 2003)
MauriceConstitution, Representation of the People Act (1958), National Assembly Elections Regulations (1968) (modifiées en 2003)
MauritanieLois organiques du 7 octobre 1991 et du 7 octobre 1992 (modifiées en décembre 2001)
MoldavieCode électoral, adopté par la loi n° 1381-XIII du 21 novembre 1997 (modifié le 8 mai 2003)
MonacoLoi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales (modifiée en 2002)
NigerCode électoral du 4 septembre 1999 (modifié le 17 juillet 2003)
RoumanieLoi organique n° 69/1992 sur l’élection du président de la Roumanie, loi organique n° 68/1992 sur l’élection de la Chambre des des députés et du Sénat (modifiée en 2004 [33]).
RwandaLoi organique n° 17/2003 du 7 juillet 2003 relative aux élections présidentielles et législatives
SénégalCode électoral du 15 février 1992 (modifié le 8 mars 2002)
SlovénieLoi sur les élections à l’Assemblée nationale du 27 septembre 1992, loi sur le Conseil national du 27 septembre 1992, loi sur la campagne électorale du 8 octobre 1994, loi sur l’élection du président de la République du 22 août 1992 (Les lois sur l’Assemblée nationale, le Conseil national et le président de la République ont été modifiées le 30 juillet 2003 ; la loi sur la campagne électorale a été modifiée le 29 mars 1997)
SuisseLoi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (modifiée en 2002)
TchadLoi n° 21/PR/2000 du 18 septembre 2000 portant code électoral
République tchèqueLoi n° 247/1995 Rec. relative aux élections au Parlement de la République tchèque et à la modification de certaines autres lois (modifiée le 18 février 2003)
TogoCode électoral du 5 avril 2002 (modifié le 7 février 2003) [34]

L’ensemble des États disposent d’une loi électorale. Dans la plupart des cas, elle a été adoptée récemment, à la suite de la démocratisation de certains de ces pays. Tous les États, à l’exception de la Belgique, de l’Égypte, du Liban, de l’Île Maurice, de Monaco et de la Suisse ont des législations électorales datant de moins de 15 ans. De même, des modifications, parfois substantielles, sont intervenues depuis l’année 2000 dans une majorité de pays, hormis le Cameroun (dernière modification intervenue en 1997), la Guinée-Bissau (1998) et Haïti (1999). On observe donc une activité législative importante relative au processus électoral. L’Albanie a procédé à une refonte en profondeur de sa loi électorale en juin 2003, qui a profondément modifié la compétence de la Cour constitutionnelle. Une réforme a été adoptée en 2004 par le Parlement roumain.

Il est, en outre, intéressant d’examiner si un texte unique s’applique à toutes les élections, ou si une loi spécifique régit les différents scrutins et les différentes phases du processus électoral. La Bulgarie, le Cameroun, la Roumanie et la Slovénie disposent de lois distinctes pour l’élection présidentielle et pour les élections parlementaires [35]. Le Canada et la Slovénie ont également différentes lois relatives aux phases successives du processus électoral : loi sur la campagne électorale, loi sur la révision des circonscriptions électorales… Néanmoins, dans la majorité des cas, l’ensemble de la législation électorale a été rassemblé dans un texte unique, intitulé code électoral.

Nous pouvons également nous interroger sur la place des législations électorales dans la hiérarchie des normes. Si certains principes électoraux, notamment les conditions d’éligibilité et le droit de vote sont garantis par les textes constitutionnels, les réglementations électorales ont habituellement le rang de loi ordinaire. Certains États attribuent, néanmoins, une valeur intermédiaire aux législations électorales. Par exemple, la loi électorale a été adoptée sous la forme d’une loi organique notamment à Madagascar, en Mauritanie, au Rwanda et en Moldavie [36]. En France, le code électoral comprend à la fois des lois ordinaires et des lois organiques. Plus précisément, l’élection du président de la République est régie par une loi organique et l’élection des députés par une loi ordinaire. Toutefois, si la norme n’a pas de valeur particulière, la procédure qui a conduit à son adoption peut illustrer sa spécificité. Ainsi, l’article 40 de la Constitution de la République tchèque prévoit une procédure d’adoption particulière pour la loi électorale [37].

La loi électorale occupe une position centrale dans la vie démocratique d’un État. Par conséquent, il est important de savoir si les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. ont connu de telles lois dans le cadre de leur activité de contrôle des normes.

Les institutions membres de l’A.C.C.P.U.F. ont été appelées à se prononcer sur la législation électorale, à l’exception du Conseil constitutionnel du Burkina Faso, de la Cour suprême du Cameroun, de la Cour constitutionnelle du Congo, du Tribunal suprême de justice de GuinéeBissau, de la Cour de cassation de Haïti, de la Cour constitutionnelle du Mali, du Conseil constitutionnel de Mauritanie, de la Cour constitutionnelle du Rwanda et du Tribunal fédéral suisse [38].

L’importance des lois électorales justifie l’intervention du juge constitutionnel. On observe que les Cours non compétentes en matière électorale (BelgiqueCanadaÉgypteMoldavie et Monaco) ne sont pas les moins actives dans le contrôle de constitutionnalité des normes électorales. Ainsi, la Cour suprême, mais également l’ensemble des juridictions du Canada ont rendu de nombreuses décisions sur les multiples aspects du processus électoral [39].

Tableau 7 – Le contrôle de constitutionnalité de la législation électorale par les cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

PaysContrôle de la Cour constitutionnelle
AlbanieDécision du 30 janvier 2004
AlgérieAvis n° 2 du 6 mars 1997, avis n° 1 du 4 février 2004
BelgiqueArrêts n° 26/ 90, 90/ 94, 20/ 2000, 43/ 2000, 81/ 2000, 100/ 2000, 10/ 2001, 25/ 2002, 30/ 2003 (suspension), 35/ 2003, 36/ 2003, 73/ 2003
BéninDécision DCC 95-005 du 24 janvier 1995, décision DCC 99-003 du 8 janvier 1999, décision DCC 01-001 du 2 janvier 2001, décision DCC 02-110 du 28 août 2002, décision DCC 03-001 du 8 janvier 2003, décision DCC 03-002 du 24 janvier 2003
BulgarieOUI (jurisprudence non précisée)
Burkina FasoNON
CambodgeDécision n° 047/002/2002 CC.D du 6 septembre 2002
CamerounNON
CanadaHarper c. Canada [2002] A.J. n° 1542 (dispositions relatives à la publicité électorale des tiers)… Figueroa c. Canada (Procureur général) [2003] 1 R.C.S. 912 (dispositions relatives à l’enregistrement des partis politiques)
CongoNON
ÉgypteDécisions du 16 mai 1987, du 15 avril 1989, du 19 mai 1990, du 3 février 1996, du 8 juillet 2000
FranceDécision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 sur la loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, décisions n° 2003-475 DC et n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003
GabonDécision n° 142/CC/ du 26 septembre 2002
Guinée-BissauNON
HaïtiNON
LibanOUI (jurisprudence non précisée)
MadagascarDécision n° 07-HCC/D3 du 23 août 2000
MaliNON
MarocDécisions 475, 476 relatives aux quotas de candidatures féminines
MauriceUDM c.Governor General and others, Mauritius Report Page 118 year 1990
MauritanieNON
MoldavieArrêt n° 15 du 27 mai 1998 concernant le code électoral, arrêt n° 35 du 10 octobre 2000 concernant la loi du 23 mars 2000 modifiant le code électoral
MonacoDécision du 4 décembre 2002 : Sieurs René Giordano, Jean-Luc NIGIONI et Jean-Michel RAPAIRE c. ministre d’État
NigerArrêt n° 2003-09/CC du 10 juillet 2003, arrêt n° 10/CC du 22 août 2003, arrêt n° 01/04/CC du 14 janvier 2004
RoumanieDécision n° 2 du 30 juin 1992, décision n° 212 du 7 novembre 2000, décision n° 350 du 19 décembre 2001
RwandaNON
SénégalOUI (jurisprudence non précisée)
SlovénieDécision U-I-106/95 du 25 novembre 1996, décision U-I-353/96 du 9 octobre 1997, décision U-I-301/96 du 15 janvier 1998, décision U-I-367/96 du 11 mars 1999, décision U-I-223/00-22 du 24 octobre 2002 ordonnance U-I-417/02 du 16 janvier 2003, décision U-I-261/02-12 du 22 janvier 2003, décision U-I-346/02-13 du 10 juillet 2003
SuisseNON
TchadDécision n° 7/PCC/2000, requête de 22 députés relative à la loi portant code électoral
République tchèquePl. US 30/95, Pl. US 25/96, Pl. US 3/96, Pl. US 30/98, Pl. US 42/2000, Pl. US 53/2000
TogoDécision n° 002/00 du 3 avril 2000

  • [1]
    Le vote plural consistait à attribuer plusieurs votes à un même électeur sur la base de ses diplômes ou de sa fortune. Le vote censitaire était reconnu depuis 1830.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Néanmoins, les femmes mariées, divorcées ou veuves ont le droit de vote depuis 1937.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Les dates concernent les élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Les dernières restrictions liées à la propriété sont abolies en 1948.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Les dates concernent les élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [6]
    La Charte canadienne des droits et libertés de 1982 a une valeur constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Le terme droit fondamental désigne un ensemble de droits reconnus et garantis par des normes en général constitutionnelles à l’encontre de l’État et parfois même des personnes privées. Voir Grewe (Constance) et Ruiz Fabri (Hélène), Droits constitutionnels européens, Paris, P.U.F., 1995, p. 140.  [Retour au contenu]
  • [8]
    À l’exception des Cours membres qui ont également les fonctions de tribunal suprême.  [Retour au contenu]
  • [9]
    La compétence de la Cour suprême en matière électorale résulte de la Constitution du 4 juin 2003 ; elle n’a donc pu connaître jusqu’à présent d’aucune consultation. Avant 2003, le contentieux électoral relevait du Conseil d’État.  [Retour au contenu]
  • [10]
    La loi sur les droits politiques ne concerne que les scrutins fédéraux ; la compétence du Tribunal fédéral pour les scrutins nationaux repose sur l’article 85 a) de la loi fédérale d’organisation judiciaire.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Masclet (Jean-Claude), « Contentieux électoral », dans Perrineau (Pascal) et Reynié (Dominique), Dictionnaire du vote, Paris, P.U.F., 2001, p. 251.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Seules seront étudiées les consultations électorales nationales (élections présidentielles et parlementaires).  [Retour au contenu]
  • [13]
    Le Collège des bourgmestres et échevins (l’exécutif communal) agissant comme juridiction administrative et appel près la Cour d’appel.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Dans son arrêt n° 30/2003 du 26 février 2003, la Cour d’arbitrage a ainsi suspendu l’application de la modification de la législation électorale.  [Retour au contenu]
  • [15]
    La vérification des pouvoirs subsiste dans l’Europe du Nord-Ouest et en Italie.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Ceci démontre la forte influence du constitutionnalisme allemand en Europe centrale. En effet, la Cour constitutionnelle fédérale n’est également compétente que pour connaître en appel des décisions du Bundestag.  [Retour au contenu]
  • [17]
    La Commission électorale nationale en Slovénie et la Cour suprême en République tchèque connaissent en premier ressort du contentieux électoral.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Qui comprennent les droits de voter, de signer des initiatives et des demandes de référendum, le droit d’élire et d’être élu.  [Retour au contenu]
  • [19]
    En outre, le président de la République est élu par le Parlement.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Voir Delpérée (Francis), « Le contentieux électoral en Europe », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, 2002, p. 74-81.  [Retour au contenu]
  • [21]
    En outre, en Albanie, le président de la République est élu par l’Assemblée.  [Retour au contenu]
  • [22]
    La compétence de la Cour albanaise était auparavant prévue à l’article 131-g de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [23]
    La Cour constitutionnelle roumaine veille également au respect des règles relatives à l’organisation et au déroulement du référendum et en confirme les résultats.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Un nouveau décret électoral a été adopté début 2005 dont l’article 16 prévoit que « toutes les décisions rendues par le Bureau du contentieux électoral central, autres que celles relatives à l’inscription sur les listes électorales, peuvent faire l’objet de recours en cassation. La Cour de cassation juge au fond et sans renvoi ».  [Retour au contenu]
  • [25]
    Voir « Les Cours constitutionnelles et le contrôle des actes préparatoires. L’expérience du Conseil constitutionnel français », tome II, p. 53.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Sans oublier que le président de la République est élu au suffrage indirect.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Sauf le Maroc.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Un appel est cependant possible devant le Judicial Committee.  [Retour au contenu]
  • [29]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [31]
    La Constitution du 18 janvier 1996 institue un Conseil constitutionnel. La Cour suprême exerce à titre intérimaire ses attributions jusqu’à la mise en place de celui-ci.  [Retour au contenu]
  • [32]
    La Cour suprême du Rwanda ne connaît du contentieux électoral que depuis la Constitution du 4 juin 2003. Le contentieux était auparavant confié au Conseil d’État.  [Retour au contenu]
  • [33]
    Loi n° 370/2004 pour l’élection du président de la République et loi n° 373/2004 pour l’élection de la Chambre des députés et du Sénat.  [Retour au contenu]
  • [34]
    Une modification du code électoral a été adoptée en janvier 2005.  [Retour au contenu]
  • [35]
    Sans oublier que certains pays sont des monarchies et d’autres ne connaissent pas d’élections présidentielles au suffrage direct  [Retour au contenu]
  • [36]
    Article 72 de la Constitution du 29 juillet 1994.  [Retour au contenu]
  • [37]
    L’article 40 précise : « La loi électorale, la loi sur le principe des négociations et communications des deux chambres entre elles et à l’extérieur et la loi sur le règlement intérieur du Sénat doivent être adoptées et par la Chambre des députés et par le Sénat. »  [Retour au contenu]
  • [38]
    Le Tribunal fédéral ne peut pas contrôler la constitutionnalité d’une loi fédérale.  [Retour au contenu]
  • [39]
    Figueroa c. Canada [2003] 1 R.C.S. 912 (enregistrement des partis politiques) ; Harper c. Canada [2002] A.J. n° 1542 (publicité électorale des tiers) ; Sauvé c. Canada [2002] 3 R.C.S. 519 (droit de vote des personnes incarcérées) ; Carter c. Saskatchewan [1991] S.C.C.A. n° 93 (délimitation des circonscriptions électorales).  [Retour au contenu]

II. L’organisation et le fonctionnement des services des Cours constitutionnelles en période électorale

D’une manière générale, les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent un surcroît d’activité en période électorale, qui est néanmoins variable en fonction des compétences qui leur ont été accordées. Le contentieux électoral suppose un afflux important d’affaires pendant une période limitée, qu’il convient de régler le plus brièvement possible. Par conséquent, il exige un engagement de l’ensemble des services des Cours et Conseils constitutionnels.

Dans le cadre de ce développement, l’organisation des services des Cours de Belgique, du Canada, d’Égypte, de Haïti et de Monaco ne sera pas traitée. Ces institutions ne disposent pas de compétences spécifiques en matière électorale.

En outre, les règlements relatifs à l’organisation des services du Conseil constitutionnel du Burkina Faso sont en cours d’élaboration, et la mise en place effective du Conseil étant récente, il n’a pas encore eu à connaître de scrutins nationaux. Il en est de même pour la Cour suprême du Rwanda, dont les compétences en matière électorale résultent de la Constitution du 4 juin 2003.

I. Avant l’élection

A. Le budget des Cours constitutionnelles

La première question qui se pose concerne le financement du surcroît d’activité évoqué plus haut. En effet, nombre des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ont des attributions importantes en matière électorale, auxquelles elles n’ont pas toujours les moyens de faire face.

L’ensemble des institutions étudiées disposent d’une autonomie financière, qui leur permet de gérer librement les fonds qui leur sont alloués [1]. La surcharge de travail résultant du contentieux électoral demande des moyens financiers supplémentaires afin de gérer les dossiers avec célérité.

Toutefois, certaines Cours n’ont pas recours à un financement spécifique lié à leur activité électorale. Il s’agit, en premier lieu, des Cours constitutionnelles albanaisebulgaremoldaveroumaineslovène et tchèque. Il convient de rappeler, néanmoins, que l’ensemble des Cours d’Europe centrale membres de l’A.C.C.P.U.F. ne sont impliquées que de façon très modeste tant dans l’organisation des scrutins que dans le contentieux électoral. Les mêmes observations peuvent être faites pour le Tribunal fédéral suisse et la Cour suprême mauricienne. Ces Cours n’ont donc pas besoin d’un financement particulier pour un contentieux qui ne représente qu’une part limitée de leur activité. En revanche, il est plus étonnant de constater que les Conseils constitutionnels libanais et marocain ne disposent pas de financement spécifique alors que leurs attributions semblent s’inspirer du modèle français.

Les autres institutions étudiées, principalement africaines à l’exception des Conseils constitutionnels cambodgien et français, bénéficient d’un financement spécifique leur permettant de répondre à la surcharge de travail. Par exemple, la Cour constitutionnelle du Bénin [2] précise que le processus électoral débute pour la Cour par l’élaboration du budget. Ce dernier est préparé par quelques conseillers et par des collaborateurs du Service administratif et financier, qui sont chargés d’évaluer les besoins financiers de la Cour en période électorale et d’en obtenir le financement.

Le tableau suivant présente les démarches effectuées par les Cours pour obtenir des moyens logistiques.

Tableau 8 – Les démarches effectuées par les cours constitutionnelles pour obtenir des moyens logistiques

PaysDémarches pour moyens logistiquesPouvoirs publics nationaux (moyens obtenus)Organismes multilatéraux (moyens obtenus)
AlgérieOUIDifférents ministères (ordinateurs, moyens de transports, photocopieurs)NON
BéninOUIMinistère chargé des Finances (moyens financiers, matériels roulants)P.N.U.D. [3], Fondation Friedrich Ebert, A.I.F. [4], USAID
CambodgeNON
CamerounOUIMinistre de l’Administration territorialeNON
CongoN.C. [5]N.C.N.C.
FranceOUIMinistre de l’IntérieurNON
GabonOUIMinistre des FinancesNON
Guinée-BissauN.C.N.CN.C.
MadagascarOUIGouvernementNON
MaliNON
MauritanieOUIMinistre des Finances (moyens financiers)A.I.F., A.C.C.P.U.F. (ordinateurs et plaquettes)
NigerOUIAssemblée nationale, cabinet du Premier ministreA.C.C.P.U.F., A.I.F.
SénégalNON
TchadOUILe Gouvernement (100 millions CFA pour les présidentielles, 120 millions pour les législatives)P.N.U.D., l’Union européenne, l’Ambassade de France, l’Ambassade des États-Unis d’Amérique, l’A.I.F. (matériel)
TogoNON

Les Cours du Cambodge, du Mali, du Sénégal et du Togo n’effectuent aucune démarche spécifique pour obtenir des financements. En revanche, en Algérie, au Bénin, au Cameroun, en France, au Gabon, à Madagascar, en Mauritanie, au Niger et au Tchad, les pouvoirs publics sont mis à contribution. L’intervention des pouvoirs publics est parfois directe. Ainsi, la Cour constitutionnelle gabonaise élabore son budget électoral en coopération étroite avec les ministres chargés des Finances et du Budget et de la Planification.

Finalement, peu de Cours s’adressent à des organismes multilatéraux (BéninMauritanieNiger et Tchad). Contrairement aux pouvoirs publics nationaux qui allouent de préférence des moyens financiers, les organismes internationaux, et particulièrement l’Agence intergouverne mentale de la Francophonie, apportent davantage une aide en matériel notamment en équipement informatique. Cette participation, si elle s’avère utile pour l’ensemble des activités des Cours constitutionnelles, est particulièrement précieuse en période électorale, principalement pour le traitement des résultats du scrutin. En outre, l’A.C.C.P.U.F., mais également l’A.I.F. et le P.N.U.D., soutiennent la publication de plaquettes et brochures, qui s’adressent à un large public, et qui visent soit à faire connaître le rôle de la Cour en période électorale, soit à expliquer les règles du scrutin [6], soit à présenter les observations de la Cour concernant le déroulement d’une élection [7].

Les dépenses auxquelles doivent faire face les Cours sont très variées. Elles dépendent de l’étendue de leur compétence en matière électorale.

Tableau 9 – Les dépenses des cours constitutionnelles en période électorale

Indemnités des membres de la CourTransport et déplacement des membres et des délégués de la CourTraitement informatique des résultatsÉquipement en microordinateursAchats de matérielFrais de posteFrais de conception et d’impression de document
Albanie
Algérieouiouiouioui
Béninouiouiouiouioui
Bulgarie
Cambodgeouiouioui
Camerounouiouiouioui
CongoN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Franceouiouiouioui
Gabonouiouiouioui
Guinée-BissauN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
LibanN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.
Madagascarouiouiouioui
Maliouiouiouiouioui
Marocoui
Maurice
Mauritanieouiouiouioui
Moldavie
Nigerouiouiouioui
Roumanie
Sénégalouiouiouioui
Slovénie
Suisse
Tchadouiouioui
République tchèque
TogoN.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.N.C.

Sans surprise, on constate que ce sont les Cours bénéficiant d’un financement spécifique, qui font face aux dépenses les plus importantes. A contrario, les périodes électorales n’impliquent aucune dépense particulière pour les Cours membres d’Europe centrale (AlbanieBulgarieMoldavieRoumanieSlovénieRépublique tchèque) et Suisse. En revanche, les Cours africaines doivent répondre à la surcharge de travail due au volume des affaires électorales, au dépouillement des votes qui leur est souvent attribué, au traitement des résultats, et éventuellement aux observations qu’elles effectuent lors du déroulement du scrutin. La même conclusion peut être faite pour le Conseil constitutionnel français.

La Cour constitutionnelle du Gabon intervient à tous les niveaux du processus électoral afin de s’assurer de la conformité des opérations de vote aux standards d’une élection libre, pluraliste et démocratique. Ainsi, il lui arrive d’effectuer des contrôles dans les centres chargés de dresser les listes électorales. De même, elle envoie des observateurs le jour du scrutin qu’elle doit auparavant former. Compétente en matière de contentieux pré et post-électoral, elle encadre finalement l’ensemble du processus électoral. Ceci implique des frais importants pour indemniser le travail supplémentaire fourni par les membres de la Cour, pour payer les déplacements des observateurs, des témoins pour les affaires contentieuses, le personnel extérieur auquel elle recourt pour le traitement informatique des résultats…

La période électorale exige des moyens logistiques conséquents pour les Cours qui encadrent le processus électoral du début à la fin et qui sont garantes du bon déroulement du scrutin. Aussi, la Cour constitutionnelle du Gabon, mais également huit (8) autres Cours (BéninCamerounMadagascarMaliNigerSénégalTchad et Togo) considèrent que les moyens financiers dont elles disposent sont insuffisants pour faire face au surcroît d’activité en période électorale.

B. L’organisation des Cours constitutionnelles

L’augmentation de l’activité liée à la période électorale nécessite généralement une réorganisation des services des Cours constitutionnelles.

1. L’organisation générale

Tableau 10 – L’organisation des cours constitutionnelles en période électorale

PaysCalendrier prévisionnelServices supplémentairesRecrutement complémentaireRecours à des collaborateurs extérieurs (fonctionnaires/ recrutement privé)
AlbanieNONNONNONNON
AlgérieOUINONNONFonctionnaires (15 jours)
BéninOUINONNONFonctionnaires
BulgarieNONNONNONNON
CambodgeOUISécurité, service de permanence, information plus large, formation du personnelNONNON
CamerounOUINONNONNON
CongoN.C.N.C.N.C.N.C.
FranceOUINONOUIFonctionnaires (quelques jours)
GabonOUINONNONFonctionnaires
Guinée-BissauN.C.N.C.N.C.N.C.
LibanN.C.NONNONNON
MadagascarOUIService de vérification des documents électorauxOUIFonctionnaires (2 mois)
MaliOUINONOUIRecrutement privé (20 jours)
MarocOUINONNONNON
MauritanieOUIOUIOUINON
MauriceN.C.N.C.N.C.N.C.
MoldavieNONNONNONNON
NigerOUIOUIOUI16 fonctionnaires (60 jours), 2 recrutements privés (60 jours)
RoumanieOUINONNONNON
SénégalOUINONNONNON
SlovénieNONNONNONNON
SuisseNONNONNONNON
TchadOUINONOUIRecrutement privé (1 mois)
République tchèqueNONNONNONNON
TogoOUINONNONNON

Outre l’évaluation des besoins budgétaires, un calendrier prévisionnel des activités de la Cour en période électorale, intitulé chronogramme, est élaboré. Il comprend, entre autre, les activités à exécuter et la répartition des charges entre les différents services de l’institution.

Les clivages demeurent les mêmes que lors des questions précédentes. Les périodes électorales n’impliquent pas une participation particulière des forces des Cours constitutionnelles des pays d’Europe centrale et de la Confédération helvétique. Toutes les autres Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. préparent un calendrier organisant les activités en période électorale.

Seules les institutions cambodgiennemalgachemauritanienne et nigérienne prévoient des services supplémentaires propres pour leurs activités électorales. Cela ne concerne, en réalité, que peu de Cours. Mais certaines autres Cours ont recours à du personnel supplémentaire afin d’assister les employés habituels. Il s’agit du Bénin, de la France, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Cette main-d’œuvre supplémentaire peut prendre la forme d’une mise à disposition de fonctionnaires venant d’autres services de l’État. Les Cours peuvent également faire appel à des cabinets privés de recrutement dans le but de trouver un personnel qualifié dans un domaine donné. Nous verrons ci-après que cela concerne principalement le traitement informatique des résultats et des recours, les membres et le personnel des institutions n’ayant pas nécessairement une formation informatique. En outre, certaines Cours, notamment le Conseil français et la Cour béninoise, ont recours à des magistrats, les rapporteurs adjoints, qui interviennent directement dans le contentieux électoral.

En conclusion, nous observons que l’organisation générale des Cours n’est que rarement modifiée par l’apport de personnel extérieur. Il convient alors de s’intéresser à la modification de l’organisation interne des services des institutions étudiées.

Il faut s’interroger, en premier lieu, sur la personne chargée de coordonner l’activité de la Cour en période électorale. Dans la grande majorité des institutions membres, il s’agit du président de la Cour, à l’exception de l’Algérie, de la France et du Maroc où cette fonction est confiée au secré taire général. Il revient également à ce dernier la responsabilité de la coordination en collaboration avec le président au Bénin, à Madagascar et en Roumanie.

L’ensemble des activités des services administratifs des Cours doit être coordonné puisque chacun a un rôle déterminé pendant la période électorale.

2. Le Secrétariat général

Le Secrétariat général est l’organe administratif des juridictions constitutionnelles. Il est, en règle générale, chargé d’apporter assistance aux juges dans la coordination des activités de la Cour. Son rôle est donc fondamental pour la prise en charge du contentieux électoral.

Le tableau suivant présente l’importance du Secrétariat général et son rôle en période électorale dans les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F..

Tableau 11 – Le secrétariat général

Nombre de collaborateursRôle
Albanie12Diriger l’ensemble des services administratifs de la Cour
AlgérieUn responsable pour chaque cellule mise en placeCoordonner les actions des membres rapporteurs ; apporter tout soutien au Conseil
Bénin38Coordonner les activités de la Cour
BulgarieUn collaborateurN.C.
Cambodge44Assurer l’administration du Conseil, il peut recevoir une délégation du président pour la signature de lettres ou de décisions administratives
CamerounN.C.Aucun rôle spécifique en la matière
Congo17N.C.
France10Coordonner les activités du Conseil
Gabon14Il est associé à certaines opérations préélectorales et post-electorales (missions de contrôle)
Guinée-BissauN.C.N.C.
LibanN.C.N.C.
Madagascar12Coordination administrative et financière
Mali26Coordonner les activités de la Cour
Maroc2Coordination administrative
MauriceN.C.N.C.
Mauritanie10Organiser des réunions, ordonner les dépenses pendant les élections, fonctions de greffe
MoldaviePas de Secrétariat général
NigerPas de Secrétariat general
Roumanie42Logistique, assurer le bon fonctionnement des services et des relations avec le public et les médias
SénégalPas de Secrétariat général
Slovénie70Aucun rôle particulier en matière électorale
Suisse9Aucun rôle particulier en matière électorale
Tchad4Enregistrer les candidatures pour l’élection présidentielle, notifier les décisions de la Cour, centraliser les procès-verbaux, répartir les tâches pour le dépouillement
République tchèquePas de Secrétariat général
Togo10Assister les juges

Parmi les Cours qui ont répondu au questionnaire, la Moldavie, le Niger, la République tchèque et le Sénégal ne disposent pas de Secrétariat général. Dans les autres juridictions, la dimension du Secrétariat est très variable. Les disparités sont grandes, notamment entre le Secrétariat bulgare qui n’a qu’un seul collaborateur et celui de la Cour slovène qui dispose de 70 employés. Néanmoins, les écarts sont moins grands qu’il n’y paraît.

En effet, les Cours n’entendent pas de la même façon la notion de Secrétariat général et chacune organise ce service à sa manière. Ainsi, pour la Cour constitutionnelle slovène, le Secrétariat comprend 5 services, le Service juridique, le Service d’analyse et de coopération internationale, le Service de documentation et d’informatique, le Bureau central (Service du greffe) et le Service des affaires générales et financières. Par conséquent, force est de conclure que les disparités constatées sont atténuées par les diverses conceptions possibles. En outre, certains Secrétariats assurent également les fonctions de Greffe (BéninMauritanieSlovénieTchad).<

Les Cours ne font, en général, pas état d’un rôle spécifique attribué au Secrétariat en période électorale. Néanmoins, la surcharge d’activité que connaissent certaines d’entre elles implique une prise en charge plus importante du Secrétariat. Ainsi, nous verrons plus loin que les institutions constitutionnelles, outre un contentieux plus conséquent, ont des activités spécifiques liées aux élections (encadrement du processus électoral, fonction pédagogique, formation d’observateurs électoraux, dépouillement des bulletins de vote…). Le Secrétariat général, en tant que chef administratif, se doit d’assurer le bon déroulement de ces activités. Ainsi, la Cour constitutionnelle malienne précise que le Secrétariat veille à la réception, à l’enregistrement et à la distribution du courrier relatif à l’événement électoral, à la saisie et à la transmission des correspondances relatives aux élections, à l’organisation des programmes de sélection, de formation et au déploiement des observateurs de la Cour. Il assure l’organisation des réunions de la Cour et le suivi des relations avec les acteurs du processus électoral. Durant la phase post-électorale, le Secrétariat assure la réception et la transmission aux conseillers des rapports des délégués, la réception et la transmission au Greffe des requêtes, un appui au Greffe dans la gestion des procès-verbaux des bureaux de vote, un appui à la société chargée du traitement informatique des résultats, l’organisation des audiences de proclamation des résultats, la transmission des copies des décisions à leurs destinataires, les relations avec les médias.

En conclusion, si le Secrétariat général ne dispose pas nécessairement d’attributions particulières en matière électorale, il voit son activité ordinaire s’intensifier de façon exponentielle.

3. Le Service du greffe

Le Greffe est plus directement associé aux activités contentieuses des juridictions constitutionnelles puisqu’il est chargé du traitement matériel des requêtes. Le Greffe reçoit les recours, prépare les dossiers et assiste les juges dans l’élaboration des décisions. S’il ne participe pas directement au contenu des décisions, l’ensemble des Cours souligne le rôle essentiel du Service du greffe dans l’exécution des activités de la juridiction.

Toutes les Cours ayant répondu au questionnaire disposent d’un Service de greffe, à l’exception de la Mauritanie, de la Slovénie et du Tchad, où, comme nous l’avons déjà mentionné, les fonctions habituellement attribuées au Greffe, sont exercées par le Secrétariat général. En outre, il convient de préciser qu’en Bulgarie et en Suisse, le Service du greffe est intitulé Chancellerie et Bureau des requêtes et des réclamations au Congo.

Les effectifs du Greffe sont souvent limités ; on ne compte qu’une seule personne en Algérie, en France et au Sénégal en période normale, contre 36 en Suisse [8], 10 en Mauritanie, 7 au Gabon et en Roumanie, 6 au Cambodge, 5 au Niger et en République tchèque, 4 au Liban et au Tchad, 3 en Albanie, au Congo, à Madagascar, au Mali et en Slovénie, et 2 en Bulgarie et au Togo.

Ici encore, étant donné que les élections génèrent un contentieux souvent volumineux, le Service du greffe doit s’adapter, même si ses activités restent semblables à celles qu’il exerce en période non électorale. Le Service du greffe ayant un rôle d’intermédiaire entre la Cour et les tiers, il est davantage sollicité durant les périodes électorales, pendant lesquelles les Cours constitutionnelles connaissent une plus grande ouverture, notamment pour ce qui est des conditions et des auteurs de saisine. Ainsi, il est intéressant de souligner le fait que le développement du contentieux électoral en 1993 à la suite de l’attribution du contentieux financier au Conseil constitutionnel français, a suscité la création d’un Service du greffe qui exerce les tâches généralement attribuées au secrétaire général et qui reste sous son autorité.

En premier lieu, on observe que seuls les Services du greffe des Cours et Conseils algériencambodgienfrançaismalgache et marocain ont un personnel plus important en période électorale. Cela ne veut pas dire, pour autant, que les autres institutions ne connaissent pas une réorganisation de leur service de greffe. Par exemple, un bureau spécial est ouvert au sein de la Cour constitutionnelle gabonaise pour recevoir les recours électoraux.

Les tableaux suivants énumèrent les diverses fonctions du Service du greffe dans les pays étudiés.

Tableau 12 – Les fonctions du service du greffe en période électorale

Enregistrement des recoursCompte rendu des différentes séances de travailConvocation des partiesOrganisation des auditions
Albanie Algérie Bénin Cambodge Cameroun Congo France Gabon Liban Madagascar Mali Maroc Mauritanie Niger Roumanie Sénégal Slovénie Suisse Tchad TogoAlbanie Bénin Cambodge Gabon Liban Madagascar Mali Mauritanie TchadAlbanie Bénin Cambodge Cameroun Congo France Gabon Liban Madagascar Mali Maroc Mauritanie Niger Roumanie TogoAlbanie Cambodge Congo France Gabon Liban Madagascar Mali Mauritanie Niger Roumanie Togo
Notification des différentes pièces aux parties concernéesInformation des parties (activité d’information et de conseil)Proclamation des résultatsPrésence aux séances de la Cour
Albanie Algérie Bénin Cambodge Cameroun Congo France Gabon Liban Madagascar Mali Maroc Mauritanie Niger Sénégal Slovénie Suisse TogoAlbanie Bénin Cambodge Cameroun Congo Gabon Madagascar Mali Maroc Mauritanie Niger Roumanie Sénégal Tchad TogoBénin Gabon Mauritanie SénégalAlbanie Bénin Cambodge Cameroun Congo Madagascar Mali Mauritanie Niger Roumanie Sénégal Tchad Togo

Outre les fonctions qui leur sont normalement dévolues, les greffiers et leurs collaborateurs participent également aux activités spécifiques des Cours en période électorale. Ainsi, lorsque les candidatures doivent être adressées aux Cours, notamment au Conseil constitutionnel du Tchad pour l’élection présidentielle, le Service du greffe enregistre les dossiers des candidats et sert d’intermédiaire entre ces derniers et les juges. Pareillement, en France, le greffier participe pleinement au contrôle des cinq cents signatures nécessaires à la validité des candidatures à la présidence de la République.

De même, avant la tenue du scrutin, le Service du greffe doit préparer la juridiction à l’accroissement de la charge de travail, notamment à la mise en état des registres et répertoires pour la réception des requêtes et procès-verbaux des bureaux de vote. Par exemple, le Service du greffe du Conseil constitutionnel marocain prépare les registres, mais également les reçus à remettre aux personnes qui délivrent les procès-verbaux, les dossiers pour les éventuelles saisines, le tableau des permanences : tout doit être prêt pour permettre à l’institution de prendre en charge le contentieux électoral dans les plus brefs délais.

4. Le Service juridique

Tableau 13 – Le service juridique

Organisation : service juridique central/assistants juridiquesNombre de collaborateursCollaborateurs extérieurs
AlbanieService juridique central3non
AlgérieService juridique central5 directeurs d’étudesoui
BéninService juridique central6non
BulgarieN.C.N.C.N.C.
CambodgeService juridique central20non
CamerounN.C.N.C.N.C.
CongoService juridique central et chaque juge dispose d’un assistant juridique8N.C.
FranceService juridique central3 juristes et 3 secrétairesnon
GabonChaque juge dispose d’un assistant juridiqueN.C.oui
Guinée-BissauN.C.N.C.N.C.
LibanN.C.N.C.non
MadagascarN.C.N.C.N.C.
MaliN.C.N.C.N.C.
Maroc [9]Service juridique central2non
MauriceN.C.N.C.N.C.
MauritanieService juridique central2non
MoldavieChaque juge dispose d’un assistant juridiqueN.C.non
NigerN.C.N.C.N.C.
RoumanieService juridique central21 magistrats-assistantsnon
SénégalService juridique central4 magistrats-assistantsoui
SlovénieService juridique central34non
SuisseChaque juge dispose d’un assistant juridiqueN.C.non
TchadService juridique central1non
République tchèqueChaque juge dispose d’un assistant juridiqueN.C.non
TogoService juridique central6non

5. Le Service de documentation

La quasi-totalité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. possède un Service de documentation. Les Services de documentation des Cours albanaisealgériennebéninoisecambodgiennefrançaisegabonaisemaliennemarocainemauritanienneroumainesénégalaise et suisse produisent une documentation spécifique en matière électorale. Il s’agit, dans la majorité des cas, de compilation de la législation et de la jurisprudence relatives au processus électoral. Ce travail, effectué en aval des élections, poursuit le même objectif que le travail du Greffe, c’est-à-dire faciliter la tâche du juge qui connaît d’un nombre important de requêtes dans un temps limité.

Au Mali et au Maroc, les Services de documentation élaborent également une revue de presse afin de constituer des dossiers précis sur chaque circonscription.

En Albanie, en Algérie, au Bénin, au Mali, au Maroc, au Sénégal et en Suisse, cette documentation est à usage exclusivement interne et est donc destinée essentiellement aux magistrats qui doivent statuer sur le contentieux électoral. Ainsi, au Bénin, le Service de documentation, sous la supervision du secrétaire général, élabore un mémento pour les conseillers reprenant les irrégularités susceptibles d’être relevées et les sanctions à appliquer lors du dépouillement.

Dans les autres pays, cette documentation peut être consultée par des personnes extérieures aux juridictions, soit par les acteurs du processus électoral (candidats, partis politiques, électeurs), soit par toute personne par le biais d’une publication. Par exemple, la documentation électorale produite par la Cour constitutionnelle du Gabon est mise à la disposition des partis politiques, des candidats, des électeurs et de toute personne intéressée par la question électorale. En France, la documentation peut être communiquée à toute personne qui en fait la demande. Dans cette situation, la Cour exerce pleinement la fonction d’encadrement du processus électoral qui lui est parfois confiée en adoptant une attitude pédagogique.

6. Le Service informatique

Le volume des données à traiter en période électorale, en particulier le traitement des résultats dont sont chargées de nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., nécessite une bonne organisation du Service informatique. Malheureusement, les Cours ne disposent pas toujours des moyens financiers leur permettant d’avoir un équipement informatique suffisant et un personnel qualifié. C’est, par conséquent, sur ces deux points que l’organisation des Services informatiques est susceptible d’être modifiée en période électorale.

En premier lieu, on observe que la majorité des Cours disposent d’un Service informatique, excepté en Albanie, en Algérie, au Bénin, au Cameroun, à Haïti, au Niger, au Sénégal, au Tchad et au Togo. En ce qui concerne ces dernières Cours, cela ne signifie pas forcément qu’elles ne disposent pas d’ordinateurs, ni qu’elles n’effectuent aucun aménagement spécifique en période électorale.

Les Cours albanaisebulgaremoldaveroumaineslovènesuisse et tchèque n’ont pas besoin d’un aménagement spécifique étant donné la faible étendue de leurs compétences en matière électorale. En outre, les services informatiques des Conseils libanais et marocain ne connaissent également aucun aménagement.

Dans les autres pays, les Cours s’efforcent de développer leur capacité informatique pendant la période électorale.

Les Cours gabonaise et malgache reçoivent du matériel informatique supplémentaire afin de faire face à l’augmentation d’activité. Ces mêmes Cours, mais également les Cours et Conseils d’Algérie, de France et du Mali développent des outils informatiques spécifiques, en particulier des logiciels pour le traitement des résultats électoraux et, par exemple en Algérie, pour le contrôle des signatures pour les candidatures à la présidence.

Le manque de formation en informatique des membres et du personnel des Cours nécessite le recours à de la main-d’œuvre extérieure essentiellement lorsque les institutions constitutionnelles doivent traiter les résultats. Par exemple, la Cour du Gabon fait appel à des agents administratifs pour les opérations de saisie et de mise à jour des données électorales ainsi que pour la saisie des procès-verbaux de dépouillement des votes. Au Bénin, à Madagascar, au Mali, au Sénégal et au Tchad, les Cours ont recours à des sociétés privées pour le traitement informatique des résultats. La question du respect de la confidentialité des résultats a pu se poser, mais il convient de préciser que ces sociétés ne font qu’insérer dans une base de données les résultats traités manuellement par la juridiction.

Enfin, en plus de l’éventuelle documentation élaborée en matière électorale, les services informatiques des institutions du Cambodge, de France, du Gabon, du Mali, de Roumanie et du Sénégal ont créé une banque de données des décisions de la Cour en matière électorale sur support informatique.

Finalement, il ressort de ce qui précède que les services informatiques des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent une réorganisation plus importante que les autres services. Néanmoins, il ne faut pas en conclure que la majorité des Cours perçoivent les scrutins nationaux comme une période ordinaire. Leurs activités sont multipliées et tous les services se mobilisent afin de garantir l’effectivité et la célérité de la justice électorale.

C. Les informations en matière électorale délivrées par les Cours constitutionnelles

« Conscience juridique de la Nation, la Cour se doit, nous semble-t-il, de rappeler à chacun des acteurs politiques ses droits et obligations au moment où nous allons tourner une page de notre histoire. » Voici ce que déclare la Cour constitutionnelle du Gabon à la veille de l’élection présidentielle du 6 décembre 1998. Cette phrase est caractéristique du rôle attribué aux Cours constitutionnelles en période électorale, du moins à celles d’entre elles qui exercent des compétences importantes en matière électorale

Les Cours, qui ont une mission générale de surveillance des scrutins nationaux, s’efforcent d’aller au-delà leurs traditionnelles attributions juridictionnelles, revêtent un habit de pédagogue et s’appliquent à encourager les électeurs à mieux comprendre les règles du jeu électoral ainsi que les compétences de la juridiction. L’objectif est d’éviter les litiges, de garantir le bon déroulement du scrutin mais également d’assurer pour l’ensemble des acteurs politiques et des électeurs la transparence des travaux de la Cour au cours d’une période qui ne favorise pas les analyses rationnelles.

Le tableau suivant présente les différentes formes que peut prendre la fonction pédagogique des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F..

Tableau 14 – La fonction pédagogique des cours constitutionnelles

PaysFonction pédagogique
AlbanieNON
AlgériePublication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique), page Internet spéciale
BéninPublication d’une documentation papier, organisation de séances de formation, organisation de journées de réflexion, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
BulgarieNON
CambodgePublication d’une documentation papier, organisation de séances de formation, organisation de journées de réflexion, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
CamerounNON
CongoN.C.
FrancePublication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
GabonSéances de formation, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
Guinée-BissauN.C.
LibanActivité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
MadagascarPublication d’une documentation papier, organisation de séances de formation, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
MaliPublication d’une documentation papier, séances de formation, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
MarocNON
MauriceNON
MauritaniePublication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
MoldavieNON
NigerPublication d’une documentation papier, organisation de séances de formation
RoumanieActivité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)
SénégalNON
SlovénieNON
SuisseNON
TchadPublication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique), rencontre avec les partis politiques
République tchèqueNON
TogoNON

En premier lieu, il convient de préciser que l’éducation au vote est essentielle dans tout pays et ne relève pas exclusivement des Cours constitutionnelles. Ainsi, au Canada, la fonction pédagogique est remplie par le Directeur général des élections : il assure la formation des fonctionnaires électoraux, publie du matériel d’information, développe des programmes d’éducation populaire. Ce mandat est défini par l’article 18 de la loi électorale du Canada ; il est en partie assuré par l’entremise du site Internet d’Elections Canada (www.elections.ca). De même, dans les pays d’Europe centrale, les commissions électorales nationales exercent cette fonction pédagogique [10].

En dehors de ces Cours, les juges constitutionnels du Cameroun, du Maroc, de Maurice, du Sénégal et du Togo ne semblent pas entreprendre une quelconque activité pour expliquer à leurs concitoyens l’enjeu et les règles du scrutin.

1. La publication d’une documentation papier

Les Cours et Conseils algérienbéninoiscambodgienfrançaismalgachemalienmauritaniennigérien et tchadien publient une documentation papier. Cette dernière répond à plusieurs objectifs et prend différentes formes selon le public visé.

Le tableau suivant présente les destinataires de la documentation publiée.

Tableau 15 – Les destinataires de la documentation papier [11]

Pays AlbanieDestinataires externesDestinataires internes
AlgérieCandidats
BéninCitoyens, candidats, partis politiques, membres des commissions électorales, ONG, médiasJuges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour
Bulgarie
CambodgeCitoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médiasJuges de la Cour, personnel de la Cour
Cameroun
CongoN.C.N.C.
FranceMédiasJuges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour
Gabon
Guinée-Bissau
Liban
MadagascarCandidats, partis politiques, membres des commissions électorales, ONG, médias, administrationJuges de la Cour
MaliCitoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médiasJuges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour
Maroc
Maurice
MauritanieCitoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médiasJuges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour
Moldavie
NigerCitoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, médias
Roumanie
Sénégal
Slovénie
Suisse
TchadCitoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médiasJuges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour
République tchèque
Togo

Mis à part en Algérie et au Niger, les publications visent aussi bien un public externe à la Cour qu’interne. Les Cours du Bénin, du Cambodge, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger et du Tchad recherchent la diffusion la plus large possible de leur documentation.

En ce qui concerne les destinataires internes à la juridiction, il s’agit uniquement des juges de la Cour à Madagascar, auxquels s’ajoutent le personnel du Conseil au Cambodge mais également les observateurs nommés par l’institution au Bénin, en France, au Mali, en Mauritanie et au Tchad. Il s’agit de revenir, sous la forme de mémentos, sur la législation et la jurisprudence en matière électorale afin de remédier le plus promptement possible aux problèmes susceptibles de survenir le jour du scrutin ou lors du contentieux post-électoral. Par exemple, le Mali a publié une brochure intitulée « le guide de l’observateur ».

L’ensemble des Cours concernées s’adressent directement aux candidats et aux partis politiques (excepté le Conseil constitutionnel algérien). Ces derniers sont les principaux acteurs des élections et jouent un rôle essentiel dans le bon déroulement du scrutin. Il est important qu’ils soient conscients des règles qui régissent les élections, particulièrement des conditions de validité des candidatures et de la procédure contentieuse. Les Cours préfèrent ainsi que les règles du jeu soient posées clairement avant le scrutin afin que leur impartialité ne soit pas remise en doute par les forces politiques.

Les Cours du Cambodge, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad s’adressent également aux membres des commissions électorales qui, nous le verrons plus loin, occupent une place importante dans le processus électoral.

Dans ces derniers pays, l’ensemble de la société est concerné par les efforts pédagogiques des juges constitutionnels. Les médias et les organisations non gouvernementales sont des destinataires importants parce qu’ils peuvent constituer des relais, d’un côté, des informations publiées par les Cours, et d’un autre côté, des problèmes rencontrés sur le terrain. Les citoyens constituent néan moins une cible privilégiée de la documentation des Cours en matière électorale. L’« éducation électorale » passe par la publication de petites brochures et dépliants permettant un accès simplifié à la réglementation électorale.

La Cour constitutionnelle du Bénin a publié des modèles de documents courts et exhaustifs en matière électorale. À l’occasion des élections législatives de mars 2003, elle a élaboré un dépliant à usage interne, qui énumère les conditions de validité du scrutin. En outre, un guide est destiné aux observateurs de la Cour constitutionnelle, ainsi qu’aux éventuels requérants. Enfin, une brochure a été constituée pour l’ensemble des citoyens précisant l’ensemble des comportements à adopter tout au long du processus électoral.

2. L’organisation de séances de formation

En complément des publications, les Cours peuvent organiser des séances de formation. Néanmoins, cela ne concerne qu’une minorité de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. : BéninCambodgeGabonMadagascarMali et Niger.

Ces séances de formation portent essentiellement sur la législation et la procédure en matière de contentieux électoral, en particulier au Cambodge et à Madagascar. Elles visent cependant un public moins varié que pour les publications comme le montre le tableau suivant, le Bénin constituant une exception notable.

Tableau 16 – Les destinataires des séances de formation électorale

Pays AlbanieDestinataires externesDestinataires internes 
Algérie
BéninCitoyens, candidats, partis politiques, membres des commissions électorales, ONG, médias, groupements de femmesJuges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour
Bulgarie
CambodgePersonnel de la Cour
Cameroun
Congo
France
GabonMembres de commissions électoralesDélégués/observateurs nommés par la Cour
Guinée-Bissau
Liban
MadagascarMembres des commissions électorales, administration et présidents de bureau de voteJuges de la Cour, personnel de la Cour
MaliDélégués/observateurs nommés par la Cour
Maroc
Maurice
Mauritanie
Moldavie
NigerJuges de la Cour, personnel de la Cour
Roumanie
Rwanda
Sénégal
Slovénie
Suisse
Tchad
République tchèque
Togo

Ce sont les acteurs directs du processus électoral qui bénéficient de telles formations, particulièrement les juges et le personnel de la Cour au Cambodge, à Madagascar et au Niger. Les Cours du Gabon et du Mali dispensent une formation aux observateurs qu’elles envoient dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Les membres des commissions électorales sont également concernés au Gabon et à Madagascar, mais aussi les membres de l’administration et les présidents des bureaux de vote dans ce dernier pays.

Les formations dispensées par la Cour du Bénin concernent l’ensemble des personnes impliquées dans les élections. Elles s’adressent aux candidats et partis politiques en tant que potentiels requérants. L’objectif est de présenter les règles de procédure et la jurisprudence en matière électorale afin d’écarter tout soupçon dans le traitement des réclamations. Une formation à l’observation électorale est également conduite et une réunion avec les membres de la Commission électorale nationale est organisée afin d’harmoniser les points de vue. En outre, la Cour vise spécifiquement les femmes dans le but de leur faire prendre conscience de leur rôle dans le processus électoral. Enfin, elle est au cœur de sa fonction pédagogique lorsqu’elle utilise les médias publics pour commenter la réglementation électorale aux citoyens.

Quant à la Cour constitutionnelle du Niger, elle organise une formation informatique pour ses juges et son personnel.

3. Internet

Internet constitue un moyen utile de communication et de diffusion de la jurisprudence. Son intérêt est d’autant plus avéré qu’en période électorale, les Cours et Conseils constitutionnels ont besoin de transmettre de nombreuses informations.

Tableau 17 – Les sites internet des cours constitutionnelles [12]

PaysSite Internet de la CourDocumentation sur les élections en ligneJurisprudence en matière électorale en ligneRéponses aux questions du grand public en ligne
Albaniewww.gjk.gov.alnonnonnon
Algériewww.conseilconstitutionneldz.orgouiouinon
Béninnon
Bulgariewww.constcourt.bgnonnonnon
Cambodgewww.ccc.gov.khouiouinon
Camerounnon
Congonon
Francewww.conseil-constitutionnel.frouiouioui
Gabonnon
Guinée-Bissaunon
Libanwww.conseilconstitutionnel.gov.lbnonouinon
Madagascarwww.simicro.mg/hccnonouinon
Malinon
Marocnon
Mauricehttp ://supremecourt.intnet.munonnonnon
Mauritanienon
Moldaviewww.ccrm.rol.mdnonnonnon
Nigerwww.delgi.ne/courconstnonnonnon
Roumaniewww.ccr.rononouioui
Sénégalnon
Slovéniewww.us-rs.sinonnonnon
Suissewww.bger.chnonouinon
Tchadnon
République tchèquewww.concourt.cznonnonnon
Togonon

Un nombre encore trop important de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. n’a pas à ce jour de site Internet. Il s’agit principalement des Cours africaines, qui ont, pourtant, des compétences importantes en matière électorale.

À la lecture de ce tableau, il convient de constater que les Cours n’utilisent encore que très peu le réseau Internet pour diffuser des informations et leur jurisprudence en matière électorale.

4. Les autres formes de diffusion de l’information

D’autres moyens sont à la disposition des Cours en vue d’exercer leur fonction pédagogique. Ainsi, par exemple, la Cour constitutionnelle béninoise et le Conseil constitutionnel cambodgien organisent des journées de réflexion tandis que leur homologue tchadien se réunit avec les partis politiques quelques jours avant le scrutin.

En outre, les Cours algériennebéninoisecambodgiennefrançaisegabonaisemalgachemaliennemauritanienneroumaine et tchadienne fournissent des informations par le biais d’une permanence à la Cour ou une permanence téléphonique.

II. Pendant l’élection

Le jour du scrutin, les Cours constitutionnelles sont susceptibles de prendre en charge l’organisation des missions d’observation, une permanence juridique et la sécurité de l’institution. Les missions d’observation organisées par les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. seront étudiées dans la 5e partie. Seules les Cours du Bénin, du Cambodge, de France, du Gabon, du Liban, de Madagascar,du Maroc, de Mauritanie, du Niger et du Tchad mettent en place une permanence juridique à leur siège, afin de remédier à toutes difficultés le jour du scrutin. Ces permanences peuvent être utiles, en particulier pour les éventuels observateurs de la Cour mais également pour les membres des bureaux de vote dans le but de guider la conduite à adopter lorsqu’ils font face à des irrégularités.

La sécurité des Cours constitutionnelles est une question importante étant donné les tensions que peuvent susciter les périodes électorales.

Le tableau suivant présente les dispositions prises par les Cours pour le renforcement de leur sécurité.

Tableau 18 – La sécurité des cours constitutionnelles en période électorale

PaysOUINON
AlbanieX
AlgérieAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre
BéninAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps, contrôle plus rigoureux à l’entrée de la Cour
BulgarieX
CambodgeAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps
CamerounAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre
CongoN.C.
FranceAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre
GabonAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, gardes du corps pour les membres, fouilles, détecteurs de métaux
Guinée-BissauN.C.
LibanX
MadagascarAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps
MaliAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps
MarocX
MauriceN.C.
MauritanieAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre
MoldavieX
NigerAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps
RoumanieX
SénégalAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps
SlovénieX
SuisseX
TchadAugmentation de l’effectif des forces de l’ordres
République tchèqueX
TogoAugmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation des gardes du corps

Nous observons que, une fois de plus, une distinction s’articule entre, d’un côté, les Cours membres originaires d’Europe centrale, le Tribunal fédéral suisse, les Conseils libanais et maro cain, et d’un autre côté, les Cours africainescambodgienne et française.

III. Après l’élection : la communication externe des Cours constitutionnelles en période électorale [13]

Tableau 19 – La communication des cours constitutionnelles

Par quels médias les Cours communiquent-elles en matière électorale ?Les Cours organisent-elles des conférences de presse ?Les Cours publient-elles des communiqués de presse ?
AlbanieChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privéeOui (jusqu’en 2001, pour les élections parlementaires)Oui (jusqu’en 2001)
AlgérieChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, InternetOui (élection présidentielle de 2004)Oui (communiqué après examen des recours, pour rappeler les conditions de candidature)
BéninChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privéeOuiOui
BulgariePas de communication spécifique en matière électoraleNonNon
CambodgeChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite privéeOui (élections législatives)Non
CamerounPas de communication avec les médiasNonNon
CongoN.C.N.C.N.C.
FranceChaînes publiques et privées de télévision, presse écrite d’État, InternetOuiOui
GabonChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, InternetOuiOui
Guinée-BissauN.C.N.C.N.C.
LibanChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, InternetNonOui (rarement)
MadagascarChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, InternetNonOui
MaliChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privéeNonOui
MarocPas de communication avec les médiasNonNon
MauriceN.C.N.C.N.C.
MauritanieChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privéeNonOui (toutes les décisions du conseil font l’objet d’un communiqué de presse)
MoldavieChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’ÉtatNonNon
NigerChaînes publiques et privés de télévision, radios, presse écrite d’État et privéeNonNon
RoumanieChaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, InternetOui (invalidation d’une candidature pour l’élection présidentielle de 2000)Oui (11 communiqués pour l’élection présidentielle de 2000)
SénégalChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, InternetNonOui (le 13 mars 1993 sur l’absence de proclamation des résultats provisoires par la commission électorale)
SlovéniePas de communication spécifique en matière électoraleNonNon
SuissePas de communication spécifique en matière électoraleOuiOui
TchadChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privéeOuiOui
République tchèquePas de communication spécifique en matière électoraleNonNon
TogoChaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’ÉtatNonNon

Bien que la plupart des institutions membres de l’A.C.C.P.U.F. communiquent de façon intense, seuls les Cours et Conseils du Bénin, de France, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Roumanie, du Sénégal et du Tchad avouent utiliser davantage les médias en période électorale. À l’inverse, les Cours constitutionnelles slovène et tchèque n’ont pas recours aux médias pour les affaires électorales.

Tableau 20 – Les interlocuteurs des médias au sein des cours constitutionnelles

AlbanieLe Service des médias composé d’un employé
AlgérieLe secrétaire général ou un directeur chargé par le président du Conseil
BéninLe président de la Cour ou le secrétaire général
BulgarieN.C.
CambodgeDeux membres du Conseil nommés comme porte-parole
CamerounPas de communication avec les médias
FranceLe chef du Service des relations extérieures
GabonLe président de la Cour
Guinée-BissauN.C.
LibanLe président du Conseil constitutionnel
MadagascarLe président de la Haute Cour constitutionnelle, les hauts conseillers, le greffier en chef
MaliLe secrétaire général
MarocN.C.
MauriceN.C.
MauritanieLe secrétaire général
MoldavieLe Service de presse
NigerLe président et un conseiller
RoumanieLe secrétaire général et l’expert chargé des relations avec la presse
SénégalLe président du Conseil et le greffier en chef
SlovéniePas d’interlocuteur en matière électorale
SuisseLe Secrétariat général
TchadLe président du Conseil, le chef du Service et de communication
République tchèquePas d’interlocuteur en matière électorale
TogoLe président de la Cour

  • [1]
    La Cour de cassation de Haïti vient d’obtenir son autonomie financière pour l’exercice 2004-2005.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Voir « L’organisation et le fonctionnement des services. L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin », tome II, p. 15.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Programme des Nations unies pour le développement  [Retour au contenu]
  • [4]
    Agence intergouvernementale de la Francophonie.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [6]
    Un mémento pratique de la Cour constitutionnelle du Bénin sur les élections législatives de mars 2003 a été publié avec le soutien de l’A.I.F.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Une brochure de la Cour constitutionnelle du Mali comprenant les observations et recommandations de la Cour relatives aux élections générales de 2002 a été publiée avec le soutien de l’A.C.C.P.U.F.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Le Tribunal fédéral n’est pas uniquement une cour constitutionnelle, elle est également la Cour suprême de la Confédération.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Intitulé le Service des études et des relations extérieures.  [Retour au contenu]
  • [10]
    La Cour constitutionnelle roumaine exerce néanmoins une activité de renseignement (permanence à la Cour ou permanence téléphonique).  [Retour au contenu]
  • [11]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Parmi les institutions non présentes dans ce tableau, nous pouvons citer les sites Internet de la Cour d’arbitrage belge (www.arbitrage.be), du Conseil constitutionnel burkinabe (www.conseil-constitutionnel.gov.bf) et de la Cour suprême cana dienne (www.scc-csc.gc.ca).  [Retour au contenu]
  • [13]
    Pour une étude approfondie de la communication des Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F., il convient de se référer au bulletin n° 4 de mai 2003, « Les Cours constitutionnelles face aux enjeux de la communication ».  [Retour au contenu]

III. Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances

La gestion des opérations électorales doit répondre à des exigences d’impartialité et de transparence. Le poids des tâches à effectuer nécessite la capacité technique et la logistique de l’administration de l’État. Néanmoins, des doutes peuvent apparaître quant à la neutralité des autorités publiques, en particulier du fait de la relation souvent étroite des structures électorales avec le pouvoir.

Pour faire face aux risques que présente une intervention trop directe des autorités publiques dans le processus électoral, des commissions électorales ont été mises en place.

1. L’organisation et le fonctionnement des commissions électorales

À la suite de la vague de démocratisation qui a touché l’Europe centrale et l’Afrique dans les années 1990, des élections libres et pluralistes ont été organisées. Afin de prendre en charge l’organisation de ces scrutins, des autorités administratives ont été instaurées dans la majorité de ces États ; leurs compétences varient néanmoins d’un pays à l’autre.

Le tableau suivant présente les différentes structures de gestion des élections dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Tableau 21 – Les commissions électorales dans les pays francophones

PaysDénominationBase légale
Albanie [1]La Commission électorale centrale, les commissions des circonscriptions électorales, les commissions des bureaux de voteArticles 153 et 154 de la Constitution, code électoral (loi du 19 juin 2003)
AlgérieLa Commission politique nationale de surveillance de l’élection présidentielle, la Commission politique nationale de surveillance des élections législatives, la Commission politique nationale de surveillance des élections localesDécret présidentiel
BelgiqueLe Bureau principal de canton, le Bureau principal de la circonscription électoraleCode électoral
BéninLa Commission électorale nationale autonome (C.E.N.A.)Articles 40 et suivants de la loi du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections
BulgarieLa Commission électorale centrale pour l’élection du président et du vice-président de la République, la Commission électorale centrale pour l’élection des députésArticle 5 de la loi sur l’élection du président et du vice-président de la République, article 8 de la loi sur l’élection des députés
Burkina FasoLa Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)Loi du 3 juillet 2001 portant code électoral
CambodgeLe Comité national des élections (C.N.E.)Loi électorale
Cameroun [2]Les commissions de révision des listes électorales, les commissions de contrôle de l’établissement des cartes électorales, les commissions locales de vote, les commissions départementales de supervision, la Commission nationale de recensement général des votesLoi électorale
CanadaLe Directeur général des élections, le Commissaire aux élections fédéralesLoi électorale du Canada, L.C. 2000, ch.9, tel que modifié
CongoLa Commission nationale d’organisation des électionsArticle 17 loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale
ÉgypteLa Commission électoraleArticle 24 loi (73) de 1956 sur l’organisation de l’exercice des droits politiques
FranceLes commissions de propagande (pour les élections législatives), la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (pour l’élection présidentielle), les commissions de recensement des votes, les commissions de contrôle des opérations de vote (uniquement pour les élections législatives)Code électoral
GabonLa Commission nationale électoraleOrdonnance n° 0005/PR/2002 du 14 août 2002
Guinée-Bissau [3]La Commission nationale des élections, les commissions régionales des élections, les commissions de recensementLoi n° 4/98
HaïtiLe Conseil électoralArticle 191 de la Constitution
LibanLes commissions d’enregistrement, les hautes commissions d’enregistrement (au niveau des circonscriptions électorales)Loi électorale de 1960 modifiée en 2000
Madagascar [4]Le Conseil national électoral, la Commission de vérification des candidatures, la Commission de recensement matériel des votesCode électoral
Mali [5]La Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.), la Délégation générale aux élections, les Commissions de centralisation des résultatsLoi électorale
MarocLa Commission nationale de suivi des électionsDahir n° 1-97-97 du 23 hija 1417 (1er mai 1997)
MauriceLa Commission de contrôle électoral, le Bureau du Commissaire électoralArticles 38, 40 et 41 de la Constitution
MauritanieLes commissions administratives, les commissions de recensementLoi électorale
MoldavieLa Commission électorale centraleArticle 16 du code électoral
MonacoPas de commission électorale
NigerLa Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)Article 6 de la Constitution
Roumanie [6]Le Bureau électoral central, les bureaux électoraux de circonscriptionLois n° 68/1992 et n° 69/1992
RwandaLa Commission nationale électoraleArticle 180 de la Constitution, loi du 28 novembre 2000 portant création de la CNE
Sénégal [7]L’Observatoire national des élections (O.N.E.L.), la Commission nationale de recensement des votesArticle 1er du code électoral
SlovénieLa Commission électorale de la RépubliqueLoi sur l’élection de l’Assemblée nationale, loi sur l’élection du président de la République
SuissePas de commission électorale
TchadLa Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)Loi du 18 août 2000 portant création de la C.E.N.I.
République tchèqueLa Commission électorale d’ÉtatLoi n° 247 / 1995 relative aux élections au Parlement
TogoLa Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)Code électoral (sous-titre I)

En premier lieu, il convient de revenir sur la Suisse et Monaco, qui, dans le tableau ci-dessus, sont les seuls pays ne disposant pas de commission électorale. Malgré les apparences, cette situation n’a rien de curieux. En effet, traditionnellement, l’organisation des élections relève de l’administration, plus particulièrement des ministères chargés de l’Intérieur. Ceci est toujours vrai en grande partie et nous constaterons qu’un des critères de différenciation entre les commissions électorales est la répartition des compétences entre ces dernières et les pouvoirs publics. En Suisse, les cantons sont en charge de l’établissement des listes électorales, des bulletins de vote, procèdent au recensement des votes et à la proclamation des résultats, rappelant la structure confédérale de la Suisse. À Monaco, l’organisation, le fonctionnement et le contrôle des élections nationales et communales sont confiés au Maire de Monaco [8].

D’ores et déjà, il est possible d’affirmer qu’il n’existe pas de modèle de commission. La variété des situations nationales, les pratiques héritées de l’histoire ne peuvent appeler de réponse unique. On peut néanmoins dégager des tendances, des lignes de partage, qui s’articulent autour des critères de compétence, de composition et de structures.

Ainsi, certains États ne disposent pas de commissions centrales. C’est le cas de la Belgique, de la France, du Liban et de la Mauritanie, qui sont restés à l’écart du mouvement de création des commissions électorales nationales, qui a touché l’Afrique francophone et l’Europe centrale dans les années 1990.

La Belgique a instauré, pour les élections législatives, des bureaux dits principaux dans chacune des 11 circonscriptions électorales. Ces autorités sont chargées d’arrêter la liste des candidats et de traiter les contestations s’y rapportant, d’établir les bulletins de vote et de les faire imprimer. Les bureaux principaux de canton désignent les présidents des bureaux de vote et des bureaux de dépouillement et exercent la surveillance générale des opérations électorales dans leur canton électoral. La distinction entre ces bureaux et les autorités publiques n’est pas clairement déterminée : ils apparaissent certes comme des instruments de l’État, mais leur indépendance est garantie par l’attribution de la présidence à un magistrat.

En France, la multiplicité des commissions électorales correspond à la spécialisation de leurs compétences. Ainsi, nous trouvons les commissions de propagande pour les élections législatives, instituées dans les circonscriptions électorales et chargées de l’établissement des bulletins de vote. Pour l’élection présidentielle, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale a les mêmes attributions. Pour les élections législatives et dans les communes de plus de 20 000 habi tants, des commissions de contrôle des opérations de vote sont chargées de l’observation des opérations de vote le jour du scrutin et contrôlent les opérations de dépouillement [9]. Des commissions de recensement des votes sont instituées au niveau des départements. Néanmoins, elles n’ont pas les mêmes compétences dans le cadre des élections législatives et dans celui de l’élection présidentielle : pour cette dernière, la commission ne fait que compter les votes et centraliser les réclamations ; pour les législatives les commissions peuvent rendre des décisions sur les réclamations (recours possible devant le Conseil constitutionnel). On constate que lorsque le Conseil constitutionnel a des attributions renforcées, c’est-à-dire pour l’élection du président de la République, les commissions électorales voient leur rôle plus limité.

Au Liban, les commissions d’enregistrement électorales et les hautes commissions d’enregistrement sont instituées au niveau des circonscriptions électorales. Elles doivent vérifier les demandes de rectification des listes électorales, recevoir les résultats des élections et effectuer le contrôle de ceux-ci et proclamer les résultats.

En Mauritanie, il existe des commissions administratives et des commissions de recensement. Les commissions administratives apprécient la validité des déclarations de candidature pour les élections parlementaires et veillent à la régularité et au bon déroulement des opérations électorales. Les commissions de recensement totalisent les résultats des communes.

Si les autres pays étudiés ont une institution électorale centrale, certains d’entre eux, dont le Cameroun, la Guinée-BissauMadagascar, le Mali et le Sénégal, ont établi des commissions, qui doivent gérer des tâches spécifiques, notamment l’établissement des listes électorales et des cartes d’électeur ou le recensement des bulletins de vote.

En outre, l’Algérie et la Bulgarie ont créé des structures distinctes pour chaque type de consultation électorale et nous verrons que les compétences des commissions peuvent également varier selon l’élection.

Enfin, les commissions centrales disposent de représentations déconcentrées au niveau régional, local et des circonscriptions électorales. L’existence d’antennes locales leur permet de couvrir des territoires parfois très étendus. Ainsi au Canada, un directeur de scrutin est nommé par le gouverneur en conseil dans chaque circonscription. Celui-ci est en charge des opérations préélectorales (inscription des électeurs, révision des listes électorales, vote par anticipation) et des activités liées au bon déroulement du scrutin. Il assure également la formation des fonctionnaires électoraux dans sa circonscription.

A. La structure des commissions électorales

Structures administratives, les commissions électorales sont, néanmoins, officiellement indépendantes des autorités publiques. Elles résultent de cette exigence d’indépendance et de cette volonté de soustraire l’organisation matérielle des élections de la compétence de l’État, qui se sont manifestées durant les périodes de transition démocratique. L’indépendance est garantie, en général, par une autonomie financière et de fonctionnement.

La pérennité des commissions est également un élément qui peut garantir leur indépendance ou, du moins, l’efficacité de leur activité. L’absence de permanence est à l’origine d’un certain nombre d’inconvénients : elle ne permet pas à la structure de gestion électorale d’acquérir le professionnalisme résultant de l’expérience, ni d’être opérationnelle immédiatement lors de sa création.

Les commissions de l’Albanie, du Burkina Faso, du Canada, de la Guinée-Bissau, de l’Île Maurice, de la Moldavie, du Sénégal, de la Slovénie, de la République tchèque et du Togo sont des structures permanentes alors que, dans les autres États, les commissions sont créées uniquement pour la période électorale et dissoutes à l’issue du scrutin. En Bulgarie, seule la Commission pour l’élection des députés est permanente et en Roumanie, une autorité électorale permanente a été mise en place en juillet 2004. Les inconvénients liés à l’absence de structure pérenne sont, néanmoins, compensés par la présence d’un Secrétariat permanent, comme au Bénin[10] et au Rwanda, qui permet de conserver la « mémoire » du scrutin et de gérer le patrimoine de l’insti tution jusqu’aux élections suivantes [11].

De même, mises à part les structures camerounaise et marocaine, les commissions disposent d’une administration propre, qui peut compter plus de 300 employés notamment au Canada. Ce dernier exemple est exceptionnel, mais l’ensemble des commissions exigent, cependant, pour leur bon fonctionnement, des moyens importants que l’État doit supporter. La charge est parfois excessive pour les pays dont le niveau économique est faible.

B. Les compétences des commissions électorales

Les compétences des commissions électorales sont variables d’un État à l’autre. Elles déterminent la répartition des tâches entre elles et, tant avec les pouvoirs publics, qui sont traditionnellement chargés de l’organisation matérielle des scrutins, qu’avec les Cours constitutionnelles.

Tableau 22 – Les compétences des commissions électorales dans l’organisation de l’élection présidentielle

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE [12] 
Enregistrement des candidatsRecrutement et formation des membres des bureaux de voteAccréditation des observateursPréparation, organisation des opérations de voteÉtablissement des listes électoralesContrôle des listes électorales 
BéninBéninBéninAlgérieBéninBénin 
BulgarieBulgarieBulgarieBéninBurkina FasoBurkina Faso 
HaïtiBurkina FasoBurkina FasoBulgarieÉgypteCongo 
NigerCongoCongoBurkina FasoHaïtiÉgypte 
RoumanieGuinée-BissauGuinée-BissauCongoNigerGabon 
RwandaHaïtiHaïtiÉgypteRwandaHaïti 
SlovénieNigerMadagascarGabonTchadMadagascar 
TogoRwandaMaliGuinée-BissauNiger 
Sénégal [13]NigerHaïtiRwanda 
SlovénieRoumanieNigerSénégal 
TchadRwandaRoumanieTchad 
SlovénieRwandaTogo 
Slovénie 
Tchad 
Établissement des cartes d’électeurAcquisition et distribution du matériel nécessaire aux opérations de voteImpression des bulletins de voteMaintien de la sécurité du déroulement des opérations de voteObservation des opérations le jour du scrutinContrôle des opérations de dépouillement / recomptage 
BéninBéninBéninBéninAlgérieBénin 
Burkina FasoBulgarieBulgarieBulgarieBéninBulgarie 
ÉgypteBurkina FasoBurkina FasoBurkina FasoBulgarieBurkina Faso 
Guinée-BissauCongoÉgypteCongoBurkina FasoCameroun 
HaïtiÉgypteFranceÉgypteCongoCongo 
NigerGabonGuinée-BissauGuinée-BissauÉgypteÉgypte 
RwandaGuinée-BissauHaïtiHaïtiGabonGuinée-Bissau 
SlovénieHaïtiNigerNigerGuinée-BissauHaïti 
NigerRoumanieRwandaHaïtiMali 
RoumanieRwandaSlovénieMadagascarNiger 
RwandaSlovénieTchadMaliRoumanie 
SlovénieTchadNigerRwanda 
TchadTogoRoumanieSénégal 
RwandaSlovénie 
SénégalTogo 
Slovénie 
Togo 
Contrôle de la bonne application du code électoral du scrutinCentralisation des résultatsProclamation des résultatsPublication des résultatsAutres 
BéninBéninBulgarieBulgarieHaïti
BulgarieBulgarieBurkina FasoBurkina Faso(contentieux)
Burkina FasoBurkina FasoÉgypteÉgypte
CongoCamerounGuinée-BissauGuinée-Bissau
ÉgypteCongoHaïtiHaïti
Guinée-BissauFranceNiger
HaïtiGabonRwanda
MadagascarGuinée-BissauSlovénie
MaliHaïtiTchad
NigerNigerTogo
RoumanieRoumanie
RwandaRwanda
SénégalSlovénie
SlovénieTchad
TogoTogo

Tableau 23 – Les compétences des commissions électorales dans l’organisation des élections parlementaires

ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES 
Enregistrement des candidatsRecrutement et formation des membres des bureaux de voteAccréditation des observateursPréparation, organisation des opérations de voteÉtablissement des listes électoralesContrôle des listes électorales 
AlbanieAlbanieAlbanieAlbanieBéninAlbanie 
BelgiqueBelgiqueBelgiqueAlgérieBurkina FasoBénin 
BéninBéninBéninBéninCambodgeBurkina Faso 
BulgarieBulgarieBulgarieBelgiqueCanadaCambodge 
Burkina FasoBurkina FasoBurkina FasoBulgarieÉgypteCanada 
CambodgeCambodgeCambodgeBurkina FasoGuinée-BissauCongo 
CanadaCanadaCongoCambodgeHaïtiÉgypte 
ÉgypteCongoGuinée-BissauCanadaMarocGabon 
HaïtiGuinée-BissauHaïtiCongoMauriceGuinée-Bissau 
MadagascarHaïtiMadagascarÉgypteMoldavieHaïti 
MarocMadagascarMaliGabonNigerLiban 
MauriceMauriceMoldavieGuinée-BissauRwandaMaurice 
MauritanieMoldavieNigerHaïtiTchadMoldavie 
MoldavieNigerRoumanieMarocRépubliqueNiger 
RoumanieRwandaRwandaMauricetchèqueRwanda 
RwandaSénégal [14]SlovénieMauritanieSénégal 
SlovénieSlovénieTchadMoldavieTchad 
RépubliqueTchadRépubliqueNigerRépublique 
tchèqueRépubliquetchèqueRoumanietchèque 
TogotchèqueRwandaTogo 
Slovénie 
Tchad 
République 
tchèque 
Établissement des cartes d’électeurAcquisition et distribution du matériel nécessaire aux opérations de votesImpression des bulletins de voteMaintien de la sécurité du déroulement des opération de voteObservation des opérations le jour du scrutinContrôle des opérations de dépouillement / recomptage 
BéninAlbanieAlbanieAlbanieAlbanieAlbanie 
Burkina FasoBéninBéninBéninAlgérieBelgique 
CambodgeBulgarieBulgarieBulgarieBéninBénin 
CanadaBurkina FasoBurkina FasoBurkina FasoBulgarieBulgarie 
ÉgypteCambodgeCambodgeCambodgeBurkina FasoBurkina Faso 
Guinée-BissauCanadaCanadaCanadaCambodgeCambodge 
HaïtiCongoÉgypteCongoCanadaCameroun 
MauriceÉgypteFranceÉgypteCongoCanada 
MoldavieGabonGuinée-BissauGuinée-BissauÉgypteCongo 
NigerGuinée-BissauHaïtiHaïtiFranceÉgypte 
RwandaHaïtiMauriceMauriceGabonFrance 
SlovénieMauriceMauritanieMoldavieGuinée-BissauGuinée-Bissau 
RépubliqueMoldavieMoldavieNigerHaïtiHaïti 
tchèqueNigerNigerRwandaMadagascarLiban 
RoumanieRoumanieSlovénieMaliMali 
RwandaRwandaTchadMauriceMaurice 
SlovénieSlovénieRépubliqueMoldavieMauritanie 
TchadTchadtchèqueNigerMoldavie 
RépubliqueRépubliqueRoumanieNiger 
tchèquetchèqueRwandaRoumanie 
TogoSénégalRwanda 
SlovénieSénégal 
TchadSlovénie 
RépubliqueTchad 
tchèqueRépublique 
Togotchèque 
Togo 
Contrôle de la bonne application du code électoral dans le cadre du scrutinCentralisation des résultatsProclamation des résultatsPublication des résultatsAutres 
AlbanieAlbanieAlbanieAlbanieAlbanie
BéninBéninBulgarieBulgarie(décisions à
BulgarieBulgarieBurkina FasoBurkina Fasoportée générale)
Burkina FasoBurkina FasoCambodgeCambodgeCambodge
CambodgeCambodgeCanadaCanada(contentieux en
CanadaCamerounÉgypteÉgyptepremier ressort)
CongoCanadaFranceGuinée-BissauCanada
ÉgypteCongoGuinée-BissauHaïti(enregistrement
FranceFranceHaïtiMauricedes divers
Guinée-BissauGabonLibanMoldaviepartis politiques,
HaïtiGuinée-BissauMarocRoumanieréglementation
LibanHaïtiMauriceRépubliquedu financement
MadagascarLibanMoldavietchèquepolitique, support
MaliMauriceNigerTogotechnique et
MauriceMauritanieRoumaniefinancier aux
MauritanieMoldavieSlovéniecommissions de
MoldavieNigerTchaddélimitation des
NigerRoumanieRépubliquecirconscriptions
RoumanieRwandatchèqueélectorales)
RwandaSlovénieHaïti
SénégalTchad(contentieux)
SlovénieRépublique
Tchadtchèque
RépubliqueTogo
tchèque
Togo

Nous pouvons distinguer trois grands modèles de structure de gestion des opérations électorales [15]. La gestion des élections peut être exclusivement assurée par l’administration, en particulier le ministère de l’Intérieur. Ce fut le cas en Afrique francophone jusqu’aux années 1990. Ce mode de gestion est, néanmoins, rarement appliqué à l’état pur ; l’administration tend à voir son rôle partagé avec d’autres organismes collégiaux chargés d’une étape spécifique du processus électoral.

Le deuxième modèle attribue l’organisation des élections à des commissions électorales nationales afin de répondre, comme nous l’avons déjà évoqué, à un souci de transparence et d’impartialité des processus électoraux. En outre, les commissions électorales sont souvent apparues comme une solution de sortie de crise et comme un passage obligé vers la consolidation démocratique et le consensus national [16]. Dans une décision du 23 décembre 1994, la Cour constitutionnelle du Bénin emploie les termes suivants : « La création d’une commission électorale indépendante est une étape importante de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne ; elle permet, d’une part d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la transparence des élections, et d’autre part de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques.»

Le troisième modèle est un système mixte, qui répartit la gestion des opérations électorales entre l’administration et les commissions électorales. Les champs de compétences sont souvent difficiles à délimiter, mais on s’accorde à reconnaître les capacités techniques de l’État et à confier un rôle de supervision et de contrôle à la commission électorale. Ce troisième modèle connaît un regain d’intérêt dans l’espace francophone, qui dispose aujourd’hui de suffisamment de recul pour effectuer un bilan des activités des commissions électorales. Confrontées à un manque de moyens, elles ont besoin de l’aide des pouvoirs publics.

À la lecture du tableau précédent, il est possible d’esquisser une classification des commissions étudiées.

La Belgique entre dans la première catégorie. Dans une certaine mesure, la France, le Liban et la Mauritanie également. Mais les diverses commissions exercent également un contrôle sur les opérations électorales et se situeraient à mi-chemin de la troisième catégorie précitée. En effet, dans ces trois pays, en Algérie [17], au Cameroun, au Congo, au Gabon, à Madagascar, au Mali, au Maroc, au Sénégal et au Togo, les commissions ont davantage un rôle de supervision du processus électoral qui relève de la responsabilité de l’administration.

En Albanie, au Bénin, en Bulgarie, au Cambodge, au Canada [18], en Égypte, à Haïti, à Maurice, en Moldavie, au Niger, en Roumanie, au Rwanda, en Slovénie, au Tchad et en République tchèque, les commissions électorales disposent d’attributions étendues, qui en font l’organe principal de l’organisation matérielle des élections.

Il est difficile de savoir dans le cadre de cette étude si les tendances vers une moindre responsabilité des commissions électorales se vérifient dans l’espace francophone étudié, malgré l’inflation législative que connaît la matière électorale. Néanmoins, on observe que la commission malienne a vu ses attributions réduites en 2002 au profit du ministère de l’Intérieur, qui s’occupe de la préparation technique et matérielle des opérations de vote. De même, au Togo, les réformes de 2002 et de 2003 ont restitué certaines des attributions de la commission électorale à la Cour constitutionnelle [19]. La même évolution a été observée au Gabon où un partage des prérogatives avec l’administration a été effectuée, sans remettre en cause l’existence de la Commission.

Se pose, par conséquent, la question des relations entre la commission électorale et la Cour constitutionnelle. Une répartition clairement délimitée des attributions des autorités publiques, des commissions électorales et des Cours constitutionnelles concourt à la cohérence du système de ges tion des opérations électorales. De nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ont des compétences en matière électorale, qui s’étendent au delà du contentieux. Ainsi, lorsque le Conseil constitutionnel français émet des avis sur les textes organisant l’élection présidentielle ou envoie des observateurs le jour de ce même scrutin, n’exerce-t-il pas des tâches souvent attribuées aux commissions électorales dans d’autres États ? À l’inverse, un nombre non négligeable de commissions électorales ont des attributions contentieuses.

Une coopération doit être établie afin d’éviter toute compétition, qui nuirait à l’efficacité du système. Par exemple, la juridiction constitutionnelle béninoise organise avant chaque échéance électorale une séance de travail avec les membres de la Commission électorale nationale autonome en vue d’une harmonisation des points de vue. Au Tchad, la loi du 18 mai 2000 créant la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a tenté d’instituer une véritable complémentarité entre cette Commission et le Conseil constitutionnel. La CENI proclame les résultats provisoires, assiste le Conseil constitutionnel d’un point de vue matériel. La CENI s’occupe du scrutin ; le Conseil, de la réception des candidatures et du contentieux.

Cependant, seule une minorité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. fait état d’une coopération pratique entre les deux organes. Dans les faits, les commissions, qui centralisent les résultats du scrutin, transmettent ces derniers aux institutions constitutionnelles en vue de la proclamation des résultats définitifs et du règlement du contentieux. C’est le cas notamment au Burkina Faso, au Congo, en France, au Niger, en Roumanie, au Sénégal. Seules la Cour suprême du Cameroun, la Cour constitutionnelle du Gabon et la Cour de cassation de Haïti interviennent dans la nomination des membres des commissions électorales, ce qui contribue à instituer un rapport hiérarchique entre les deux institutions. Dans le même ordre d’idées, la Constitution du Niger prévoit que les membres de la Commission électorale prêtent serment devant la Cour.

Un des indices d’une relation hiérarchique réside dans le contrôle juridictionnel que peuvent exercer les Cours constitutionnelles sur les activités des commissions électorales.

Tableau 24 – Les recours contre les actes des commissions électorales

PaysRecoursOrgane de recours
AlbanieOUILa Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana
AlgérieNON
BelgiqueNON
BéninOUILa Cour constitutionnelle
BulgarieOUILa Cour administrative suprême [20]
Burkina FasoOUILes tribunaux administratifs et le Conseil d’État
CambodgeOUILe Conseil constitutionnel
CamerounNON
Canada [21]OUILes juridictions ordinaires et, par conséquent, la Cour suprême dans le cadre de ses attributions d’appel
CongoNON
ÉgypteOUILa Cour du contentieux administratif au Conseil d’État
FranceOUILe Conseil constitutionnel [22]
GabonOUILa Cour constitutionnelle
Guinée-BissauOUILe Tribunal suprême de justice
HaïtiNON [23]
LibanNON
MadagascarOUILe Conseil d’État
MaliNON
MarocNON
MauriceOUILa Cour suprême
MauritanieNON [24]
MoldavieOUILes juridictions de droit commun
NigerNON
RoumanieOUILa Cour suprême de justice
RwandaOUILa Cour suprême
SénégalNON
SlovénieOUIL’Assemblée nationale, la Cour en 2nd ressort pour les élections parlementaires, la Cour suprême pour l’élection présidentielle
TchadOUILe Conseil constitutionnel
République tchèqueNON [25]
TogoNON

On observe que les actes non susceptibles de recours émanent des commissions ne disposant pas de larges attributions, à l’exception d’Haïti, du Niger et de la République tchèque. Le juge constitutionnel en tant que juge électoral, est compétent pour connaître des décisions des institutions électorales au Bénin, au Cambodge, en France, au Gabon, en Guinée-Bissau, à Maurice, au Rwanda et au Tchad.

En Albanie, au Canada, en Égypte et en Slovénie, où la Cour n’a pas de compétence directe en matière électorale, c’est le juge électoral qui statue également sur les recours contre les actes des commissions. En ce qui concerne la Bulgarie, la Moldavie et la Roumanie, les juridictions ordinaires et Cours suprêmes sont compétentes. Au Burkina Faso et à Madagascar, les réclamations sont adressées aux juridictions administratives.

C. La composition des commissions électorales

La composition des commissions est un élément essentiel du système de gestion des élections puisqu’elle définit en partie l’indépendance de l’institution et par conséquent, la sincérité du scrutin. La diversité de la composition rend difficile l’établissement d’un modèle. Elle se partage entre représentants des institutions publiques, représentants des partis politiques et de la société civile. Une place particulière est réservée aux magistrats, qui détiennent dans beaucoup de cas la présidence de l’organe. Les proportions entre les différentes catégories sont très variables comme leurs modalités de désignation.

La représentation des partis politiques est l’un des points les plus sensibles. Leur participation a pu favoriser l’acceptation des résultats électoraux et l’établissement d’un consensus national quant à l’issue du scrutin, même si les commissions prétendent se situer au-dessus des considérations partisanes. Considérée à l’origine comme une condition du contrôle du processus électoral par les forces politiques en compétition, la participation des partis est aujourd’hui critiquée, une fois les règles du jeu des élections pluralistes acceptées [26]. Ils occupent néanmoins une place encore importante dans les commissions, surtout en Afrique et en Europe centrale, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 25 – La composition des commusions électorales

PaysReprésentants des institutions publiquesReprésentants des partis politiques représentés au ParlementReprésentants des partis politiques non représentés au ParlementMagistratsAvocatsSyndicatsMembres des associations de protection des droits de l’hommeMembres de communautés religieusesAutresTotal
Albanie77
Algérie11 représentant par parti politique agréé1 représentant par candidatNon déterminé
Belgique14 assesseurs + 4 suppléants5+4
BulgarieLa composition des commissions doit refléter la représentation des partis à l’AssembléeLa majorité des membres doivent être des juristesNon [27]
Bénin3192125
Burkina Faso55131 (autorités coutumières)15
Cambodge5  personnalités indépendantes5
Cameroun10Chaque parti politique dispose d’un représentant3Non déterminé
Canada[28]1
CongoOuiOuiOuiOuiPersonnalités jouissant d’une notoriété publique116
ÉgypteOuiOuiAu moins 4
France[29]OuiOui
Gabon24Un haut cadre de la Nation7
GuinéeBissau3 (1 pour le président, 2 pour le Gouvernement)Un représentant pour chaque parti politiqueUn représentant de la presse et un représentant pour chaque candidatNon déterminé
Haïti3339
Liban3 (fonctionnaires)1 (président)Au moins 4
Madagascar[30]311Médiateur, ordre des journalistes7
Mali31911111Un membre de la coordination des associations féminines15
MarocMinistères de l’Intérieur et de la JusticeOuiPremier président de la Cour suprême et d’autres magistratsOuiNon déterminé
Maurice[31]88
Mauritanie[32]2 fonctionnaires13
Moldavie3339
Niger20Un représentant pour chaque parti politique légalement reconnuEn fonction des besoins de la CENI111Non déterminé
Roumanie15 représentants des partis politiques participant aux élections7 juges de la Cour suprême de justice22
RwandaOuiOui6 + 6 [33]
SénégalOuiOuiOuiOui9
Slovénie3 + 3 membres proposés par les députés de l’Assemblée1 + 1 juge de la Cour suprême2 + 2 experts en droit6 + 6
Tchad16123[34]
République tchèque [35]1010
Togo6219

En Belgique, au Cambodge, au Canada, en France, à Haïti, au Liban, à Madagascar, à Maurice, en Mauritanie, au Sénégal et en République tchèque, les commissions électorales ne comptent pas de représentants des partis politiques. Les diverses tendances politiques peuvent, toutefois, être prises en compte par le biais de la nomination. Les partis politiques assistent aux travaux des commissions des autres pays, sans avoir de voix délibérative.

La présence des magistrats est également un point essentiel de la composition des commissions électorales auxquelles ils garantissent l’impartialité et apportent leur expertise juridique. Ils sont présents dans 16 des institutions étudiées. Ils en assurent, en règle générale, la présidence, notamment en Belgique, en France, au Liban, à Madagascar et en Mauritanie. Ces derniers États constituent un groupe à part, dans le sens où la composition des commissions répond moins à un souci de consensus que dans les autres pays. Le recours à un homme de loi assure la neutralité de l’institution. Les représentants des institutions publiques constituent un autre élément de la composition des commissions électorales, même si un nombre important de commissions centrales ont été instituées avec l’objectif de rendre indépendante des pouvoirs publics l’organisation des élections. Ils ne figurent cependant pas dans la composition des institutions de l’Albanie, de la Belgique, de la Bulgarie, du Burkina Faso, du Cambodge, du Canada, de l’Égypte, du Mali, de Maurice, de la Roumanie, du Rwanda, du Sénégal, de la Slovénie et du Togo.

L’autorité de nomination des membres est un indice de l’indépendance des commissions électorales vis-à-vis des pouvoirs publics. En Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, en Égypte, au Gabon [36], en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, en Moldavie, au Niger, en Roumanie [37], les membres sont choisis par les autorités qu’ils représentent. Le lien entre les membres et les autorités qui les ont choisis n’est pas un lien de subordination : les représentants n’exercent pas leurs activités au nom des autorités mais sont avant tout choisis en tant que personnalités indépendantes et experts impartiaux. Ainsi, par exemple, si le président de la République bulgare nomme les membres de la Commission, il est précisé que celle-ci doit compter une majorité de juristes.

L’Albanie instaure une véritable coopération entre les autorités publiques et les formations politiques. Ainsi, deux membres sont nommés par le président de la République sur proposition des deux grands partis politiques de la majorité et de l’opposition ; deux membres sont élus par l’Assemblée sur proposition des partis politiques moins importants ; trois membres sont élus par le Conseil supérieur de la justice sur proposition des deux grands partis politiques de la majorité et de l’opposition. De même, en Bulgarie, le président de la République nomme les membres de la Commission pour l’élection des députés et le Parlement élit les membres de la Commission pour l’élection du président de la République. Ces deux commissions doivent refléter le rapport de force entre les courants politiques.

Au Cambodge, au Canada, en Slovénie et au Togo, l’Assemblée nationale élit les membres ; au Rwanda, il s’agit du Sénat. En Moldavie, si les membres sont nommés par le Parlement, le président de la République et le Conseil supérieur de la magistrature, la composition de la Commission électorale centrale doit être, in fine, confirmée par le Parlement. La domination des assemblées parlementaires est un signe de la volonté d’assurer une représentation fidèle des courants politiques au sein de la Commission électorale. Dans le même ordre d’idées, à Maurice, les membres sont choisis par le président de la République après consultation du Premier ministre et du chef de l’opposition.

Dans d’autres États, l’Exécutif intervient plus directement dans la composition des commissions. C’est le cas du Cameroun, du Congo, du Liban, du Maroc, de la Mauritanie, du Sénégal, du Tchad et de la République tchèque. Le ministre de l’Intérieur affirme sa position dominante dans l’organisation des élections. Le cas de la République tchèque [38] est plus frappant encore, dans le sens où la commission centrale est exclusivement composée de hauts fonctionnaires provenant des cabinets ministériels et qui sont nommés par le Gouvernement sur proposition du ministre de l’Intérieur.

II. Les instances chargées du contrôle de la propagande électorale

Les élections sont l’occasion d’un débat national, les différentes formations politiques tentant de convaincre les électeurs de la justesse de leurs propositions. Le pluralisme politique impose la libre expression de l’ensemble des opinions qui circulent dans le pays. Les forces en compétition ne sont, cependant, pas égales. Les grands partis politiques disposent de moyens financiers, techniques et humains sans comparaison avec ceux des formations plus récentes et plus réduites. En outre, les personnes qui détiennent le pouvoir sont souvent candidates à leur propre succession. Le risque est important de détourner l’appareil d’État à des fins électorales, en particulier les médias publics.

Une régulation de la propagande électorale doit permettre de corriger les inégalités de fait, en assurant un égal accès, ou plus précisément un accès équitable, des partis politiques aux médias. L’intérêt d’une réglementation de la propagande réside, également, dans la possibilité de contrôler les propos des candidats afin qu’ils ne dépassent pas la limite de l’acceptable dans une société démocratique.

Le tableau suivant présente les instances chargées du contrôle de la propagande électorale.

Tableau 26 – Les instances chargées du contrôle de la propagande électorale

PaysInstanceMissions
AlbanieLe Conseil moniteur des médiasAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
AlgérieNON
BelgiqueNON
BéninLa Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communicationAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
BulgarieLes commissions électoralesAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
Burkina FasoLe Conseil supérieur de l’informationAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
CambodgeLe Comité national des électionsAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
CamerounL’Observatoire national des élections (ONEL), le Conseil national de la communicationAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
CanadaL’Arbitre en matière de radiodiffusionAssurer l’accès équitable des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques, arbitrage des conflits de partage du temps d’antenne
CongoLe Conseil supérieur de la liberté de communicationAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
ÉgypteLe ministère de l’Information pour la propagande dans les chaînes officielles de la télévisionVeiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
FranceLe Conseil supérieur de l’audiovisuelVeiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
GabonLe Conseil national de la communicationVeiller à assurer l’égal accès des partis aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
Guinée-BissauLa Commission nationale des électionsVeiller à assurer l’égal accès des partis aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
HaïtiL’Assemblée électoraleVeiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
LibanNON
MadagascarLe Conseil national électoralVeiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
MaliLe Comité national de l’égal accès aux médias d’ÉtatVeiller à assurer l’égal accès aux médias publics, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
MarocLa Commission nationale de suivi des électionsAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
MauriceNON
MauritanieNON
MoldavieLa Commission électorale centraleAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
MonacoStructure sans dénomination particulière [39]Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
NigerLe Conseil supérieur de la communicationAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
RoumanieLe Conseil national de l’audiovisuelAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale [40]
RwandaLe Haut Conseil de la presseAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
SénégalLe Haut Conseil de l’audiovisuelAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
SlovénieNON
SuisseNON
TchadLe Haut Conseil de la communicationAssurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques
République tchèqueNON [41]
TogoLa Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC)Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

L’Algérie, la Belgique, le Liban, l’Île Maurice, la Mauritanie, la Slovénie, la Suisse et la République tchèque ne disposent pas d’instances chargées du contrôle de la propagande électorale. En Bulgarie, au Cambodge, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Maroc et en Moldavie, les commissions électorales assurent cette fonction. Au Cameroun, le Conseil national de la communication exerce son contrôle en coopération avec l’Observatoire national des élections. Au Canada, l’Arbitre en matière de radiodiffusion relève de l’administration du Directeur général des élections, qui le nomme. En Égypte, il n’existe pas d’autorité administrative indépendante, puisque c’est le ministère de l’Information qui surveille le respect de la législation en matière de propagande.

Les missions de ces instances sont relativement homogènes. Elles ont pour fonction principale de réglementer et de fixer le temps d’antenne radio télévisée de chaque parti politique. Pour s’assurer de l’égal accès des partis aux médias, elles procèdent, généralement, au relevé et suivi des temps d’antenne et de parole. Néanmoins, au Cameroun, en Égypte, au Mali, au Maroc, à Monaco, en Roumanie, au Rwanda et au Tchad, leurs compétences ne s’étendent pas aux médias privés.

Tableau 27 – Les compétences et le contrôle des instances chargées du contrôle de la propagande électorale [42]

PaysCompétencesRecoursOrgane compétent
AlbanieEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, proposer des injonctions et des sanctionsNONLes décisions sont prises par la Commission électorale et susceptibles de recours devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana
Algérie
Belgique
BéninEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILa Chambre administrative de la Cour suprême
BulgarieEffectuer des contrôles, prononcer des sanctionsOUILes juridictions ordinaires
Burkina FasoEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILe Conseil constitutionnel
CambodgeEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILe Conseil constitutionnel
CamerounÉmettre des injonctionsNON
CanadaEffectuer des contrôles, émettre des injonctionsOUILes juridictions ordinaires
CongoEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctionsNON
ÉgypteÉmettre des recommandationsNON
FranceÉmettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILe Conseil d’État
GabonEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, des sanctions, des avis.OUILa Cour constitutionnelle
Guinée-BissauEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsNON
HaïtiEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsNON
Liban
MadagascarEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctionsOUILe Conseil d’État
MaliEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctionsOUILa Cour constitutionnelle
MarocEffectuer des contrôlesNON
Maurice
Mauritanie
MoldavieEffectuer des contrôles, émettre des recommandationsOUILes juridictions ordinaires
MonacoEffectuer des contrôles, émettre des recommandationsNON [43]
NigerEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILes juridictions ordinaires
RoumanieÉmettre des recommandations, prononcer des sanctionsOUILes juridictions administratives
RwandaN.C.N.C.N.C.
SénégalEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILe Conseil d’État
Slovénie
Suisse
TchadEffectuer des contrôles, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUILa Cour suprême
République tchèque
TogoEffectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctionsOUIN.C.

Les décisions que les instances sont susceptibles d’adopter, ont des répercussions importantes sur le déroulement de la campagne et les processus électoraux. Dans la majorité des pays, elles ont le pouvoir de faire suivre d’effet les contrôles qu’elles effectuent en prononçant des sanctions et des injonctions. Elles peuvent aller jusqu’à l’interdiction temporaire d’un média.

Certaines instances ont des pouvoirs plus réduits, notamment au Cameroun, en Égypte et au Maroc. En Albanie, le Conseil moniteur des médias n’a pas le pouvoir de prendre des décisions mais transmet ses recommandations à la Commission électorale, qui décidera des sanctions à prendre. De même, à Monaco, il revient au ministre d’État de suivre les recommandations de la commission compétente.

Au Cameroun, au Congo, en Égypte, en Guinée-Bissau, à Haïti, à Monaco et au Maroc [44], les actes des instances chargées du contrôle de la propagande électorale ne sont pas susceptibles de recours. Au Burkina Faso, au Cambodge, au Gabon et au Mali, le juge constitutionnel connaît des réclamations. Au Bénin, en France, à Madagascar, au Sénégal et au Tchad, ce sont les juridictions suprêmes qui sont compétentes, en particulier les Cours suprêmes administratives. Enfin, en Bulgarie, au Canada, en Moldavie, au Niger et en Roumanie, les décisions des instances peuvent faire l’objet d’un recours de droit commun.


  • [1]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission électorale centrale.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission nationale de recensement général des votes.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission nationale des élections.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudié que le Conseil national électoral.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission électorale nationale indépendante.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudié que le Bureau électoral central.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudié que l’Observatoire national des élections.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Il existe néanmoins une commission dénommée « commission de la liste électorale » dont la compétence est limitée à l’établissement de la liste électorale.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Cette fonction est assurée par les observateurs nommés par le Conseil constitutionnel pour l’élection présidentielle.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Le Secrétariat administratif permanent est composé de 4 hauts fonctionnaires élus par l’Assemblée nationale.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Voir du Bois de Gaudusson (Jean), « Les structures de gestion des opérations électorales », in Francophonie et démocratieSymposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er-3 nov. 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, p. 214-225.  [Retour au contenu]
  • [12]
    La Belgique, le Cambodge, le Canada et le Maroc sont des monarchies ; en Albanie, au Liban, à Maurice, en Moldavie et en République tchèque, le chef de l’État n’est pas élu au suffrage direct ; en Égypte, les électeurs confirment le choix de l’Assemblée du peuple par référendum ; enfin, en Mauritanie, les commissions électorales ne disposent pas de compétences pour les élections présidentielles.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Uniquement la formation.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Uniquement la formation.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Voir Jean-Pierre Kingsley, « Rapport général introductif et bibliographie sélective », in Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er -3 nov. 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, p. 147-163.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Voir Jean du Bois de Gaudusson, « Les structures de gestion des opérations électorales », in Francophonie et démocratie, p. 214-225.  [Retour au contenu]
  • [17]
    En Algérie, les Commissions nationales constituées pour les deux scrutins nationaux ne sont pas prévues par la loi électorale. Elles sont créées par un décret du président de la République. En revanche, la loi électorale institue des commissions électorales communales, composées d’un président, d’un vice-président et de deux assesseurs désignés par le wali parmi les électeurs de la commune, et des commissions électorales de wilaya, composées de trois magistrats désignés par le ministre de la Justice. Elles procèdent au recensement des résultats transmis par les bureaux de vote.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Le Directeur général des élections au Canada constitue certainement un modèle à retenir d’administration électorale indépendante.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Voir « Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances. L’expérience de la Cour constitutionnelle du Togo », tome II, p. 45.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Les décisions des commissions électorales de circonscription sont susceptibles de recours devant la Commission électorale centrale. Les décisions de cette dernière sont susceptibles de recours devant la Cour administrative suprême dans les trois jours qui suivent leur notification. La Cour a trois jours pour statuer.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Le Directeur général des élections nomme le Commissaire aux élections fédérales dont le mandat est de faire observer et d’appliquer les dispositions de la loi électorale. Il a le pouvoir d’émettre des injonctions et de conclure des transactions avec les contrevenants. Les poursuites ne sont arrêtées que si le contrevenant respecte toutes les conditions. Dans l’autre cas, le Commissaire peut engager des poursuites pénales.  [Retour au contenu]
  • [22]
    Pour les actes des commissions départementales de recensement des votes.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Jusqu’à l’adoption de la loi électorale de 1995, les décisions du Conseil électoral provisoire étaient susceptibles de recours devant la Cour de cassation. Une récente réforme a rétabli la compétence de la Cour de cassation. Voir note 24 1re partie.  [Retour au contenu]
  • [24]
    À l’exception des décisions de validation des candidatures aux élections législatives.  [Retour au contenu]
  • [25]
    À l’exception du contentieux des candidatures.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Voir Jean du Bois de Gaudusson, op. cit.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Il ne doit pas y avoir plus de 25 membres composant la Commission pour l’élection des députés, 21 membres pour l’élection du président de la République.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Le Directeur général des élections est nommé par le Parlement.  [Retour au contenu]
  • [29]
    Plus précisément : la commission de propagande comprend un magistrat désigné par le premier président de la Cour d’appel (président) et 3 fonctionnaires désignés respectivement par le préfet, le trésorier-payeur général, le directeur départemental des postes et télécommunications ; la commission de contrôle des opérations de vote comprend un magistrat désigné par le premier président de la Cour d’appel (président), un membre désigné par la même autorité parmi les magistrats, anciens magistrats ou auxiliaires de justice et un fonctionnaire désigné par le préfet (secrétariat) ; la commission de recensement comprend un magistrat désigné par le premier président de la Cour d’appel (président), 2 juges désignés par la même autorité et un fonctionnaire désigné par le préfet. Des représentants des candidats peuvent participer aux travaux de ces deux dernières commissions. La Commission nationale de contrôle de la campagne comprend le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes.  [Retour au contenu]
  • [30]
    De son côté, la Commission de recensement matériel des votes est composée d’un magistrat nommé par arrêté du Garde des Sceaux (président), de 6 fonctionnaires en service désignés par arrêté du préfet par délégation de pouvoir du ministre de l’Intérieur.  [Retour au contenu]
  • [31]
    Il s’agit de la composition de la Commission de contrôle électoral. Le Commissaire électoral est nommé par la Judicial and Legal Service Commission.  [Retour au contenu]
  • [32]
    Il s’agit de la composition des commissions de recensement. Les commissions administratives prévues pour les élections légistatives sont présidées par le Wali (préfet) et omprennent deux magistrats et deux fonctionnaires régionaux.  [Retour au contenu]
  • [33]
    6 membres pour le secrétariat et 6 membres du collège de commissaires. Le Secrétariat permanent est l’organe technique de la Commission formé de personnes nommées sans considération politique ; les commissaires sont généralement issus des partis politiques et de la société civile.  [Retour au contenu]
  • [34]
    À noter que la composition de la CENI a été fortement modifiée par rapport à celle prévue par la loi de 1997 notamment en ce qui concerne la place des partis d’opposition.  [Retour au contenu]
  • [35]
    La composition est : le directeur du service de l’administration générale du ministère de l’Intérieur, le président de l’Office tchèque des statistiques, un adjoint du ministre des Finances, un adjoint du ministre des Affaires étrangères, un adjoint du ministre de la Justice, un adjoint du ministre de la Défense, un adjoint du ministre de la Santé, ministre du Travail et des Affaires sociales, un adjoint du directeur du cabinet du président de la République.  [Retour au contenu]
  • [36]
    Le haut cadre de la Nation, qui exerce la présidence de la Commission est nommé par la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [37]
    Les 7 magistrats sont tirés au sort parmi les juges de la Cour suprême.  [Retour au contenu]
  • [38]
    Les démembrements locaux de l’administration électorale sont composés de représentants des partis politiques.  [Retour au contenu]
  • [39]
    Il s’agit d’une structure qui a fonctionné pour la première fois lors des élections nationales de février 2003. Elle a été créée de manière informelle à l’initiative du ministre d’État, en concertation avec les représentants des deux listes en présence. Cette instance n’a suscité aucune critique de la part des candidats en lice et paraît, au contraire, leur avoir donné toute satisfaction.  [Retour au contenu]
  • [40]
    La réglementation du temps d’antenne radio télévisée des partis politiques relève de la compétence d’une commission parlementaire spéciale.  [Retour au contenu]
  • [41]
    Cependant, il est possible de demander le respect de la loi électorale qui contient des dispositions sur la propagande électorale, à la Commission électorale ou aux juridictions administratives.  [Retour au contenu]
  • [42]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [43]
    En théorie, les décisions de l’organe monégasque ne sont pas susceptibles de recours puisqu’il ne s’agit pas d’une autorité administrative compétente pour prendre des décisions exécutoires. Seule la décision du ministre d’État suivant la recommandation de cette commission pourrait être déférée devant le Tribunal suprême par la voie du recours pour excès de pouvoir.  [Retour au contenu]
  • [44]
    Nous avons déjà vu que les actes de la Commission électorale ne sont pas susceptibles de recours.  [Retour au contenu]

IV. Les cadres de l’élection et les opérations préélectorales

La période électorale se divise en trois périodes distinctes : avant l’élection, le jour de l’élec tion et après l’élection. De la bonne organisation de la première dépend le bon déroulement des deux suivantes.

Les opérations préélectorales comprennent une diversité d’opérations. Il s’agit principalement du découpage des circonscriptions électorales, de l’établissement des listes électorales et des cartes d’électeur. De nombreuses autorités participent à la préparation du scrutin. Enfin, la question des candidatures doit également être réglée dès la phase préélectorale. Il n’est, dès lors, pas étonnant que ces opérations multiples ne relèvent pas du même juge.

1. Les circonscriptions électorales

Le découpage des circonscriptions est l’opération préalable à toute élection.

Dans un régime démocratique, le découpage électoral doit être neutre, impartial et objectif. Il doit ignorer les arrière-pensées partisanes et politiques. Il revêt une particulière importance dans les systèmes électoraux majoritaires. Il est donc nécessaire que les règles du jeu soient clairement définies.

Précisons, dès à présent, qu’à Monaco, compte tenu d’une superficie de 2 km2, la Principauté constitue une circonscription électorale unique. Les questions relatives aux critères et à l’autorité compétente pour le découpage électoral ne se posent donc pas.

Peu de constitutions prévoient la répartition des sièges ou la procédure à suivre en matière de découpage. Cette tâche revient, par conséquent, à des autorités plus sensibles aux pressions électorales. Dans la majorité des cas, la délimitation des circonscriptions électorales relève du pouvoir législatif. Dans le cadre des États étudiés, il s’agit de l’Algérie, la Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Congo, l’Égypte, la France, la Guinée-Bissau, le Liban, le Mali, le Niger, la Roumanie, le Sénégal, la Slovénie et la République tchèque pour les élections sénatoriales [1]. En Bulgarie, au Cameroun, à Haïti, à Madagascar, au Maroc et au Togo, l’Exécutif est compétent pour opérer le découpage électoral. Néanmoins, précisons que les lois relatives aux circonscriptions sont, en général, élaborées par le Gouvernement et plus particulièrement par le ministère de l’Intérieur. Les circonscriptions sont de facto déterminées par l’Exécutif.

Au Gabon et en Mauritanie, le découpage est effectué par l’administration. Dans un souci similaire à celui qui a commandé le développement des commissions électorales dans le monde, l’Albanie, le Canada et l’Île Maurice ont confié cette tâche à des commissions indépendantes [2], suivant de ce fait l’exemple britannique. Ces commissions procèdent régulièrement à des propositions de découpage. Ces dernières sont adressées au Parlement, qui reste libre de les accepter. La Moldavie se rapproche de ce modèle en donnant compétence à la Commission électorale centrale. En ce qui concerne la Suisse, les circonscriptions sont déterminées par le constituant, conférant au découpage la quasi immutabilité de la Loi fondamentale.

La détermination des circonscriptions électorales relève, par conséquent, des plus hautes autorités de l’État, ce qui, tout en témoignant de l’importance de cette question, réduit le nombre des organes susceptibles de contrôler le découpage. Si l’administration et, éventuellement, les commis sions électorales peuvent s’assurer de la bonne application de la règle, les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. peuvent contrôler la loi de délimitation. Cependant, seuls la Cour constitutionnelle d’Albanie [3], la Cour d’arbitrage de Belgique [4], la Cour suprême du Canada [5], le Conseil constitutionnel de France [6], le Conseil constitutionnel du Liban et la Cour constitutionnelle de Slovénie [7] se sont prononcés sur le découpage électoral, dans le cadre de leur fonction de contrôle des [8]. Les diverses jurisprudences s’articulent autour de l’application d’un principe fondamental, qui encadre la détermination des circonscriptions électorales : le principe d’égalité et son corollaire en matière électorale, le principe d’égalité de suffrage.

Ce principe impose une égalité de représentation entre tous les électeurs, dans le sens où la voix de chaque votant doit avoir le même poids. Il implique l’équilibre démographique entre les circonscriptions. L’ensemble des jurisprudences précitées encadre les dérogations acceptables à ce principe. La décision du Conseil constitutionnel français du 18 novembre 1986 [9] est caractéristique : « L’Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ; …si le législateur peut tenir compte d’impératifs d’intérêt général susceptibles d’atténuer la portée de cette règle fondamentale, il saurait le faire que dans une mesure limitée et en fonction d’impératifs précis. »

Dans sa décision « Circonscriptions électorales provinciales (Sask.) » de 1991 [10], la Cour suprême canadienne a jugé que les dérogations à la parité électorale absolue peuvent se justifier pour des raisons d’impossibilité matérielle ou d’amélioration de la représentation réelle. Des facteurs comme la géographie, l’histoire, les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent être pris en compte afin de garantir que les assemblées législatives représentent réellement la diversité de la mosaïque sociale [11].

Le tableau ci-dessous présente les paramètres sur lesquels repose le découpage électoral dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Tableau 28 – Les paramètres du découpage électoral

AlbanieÉgalité des populations, contiguïté des circonscriptions, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts/liens culturels, facilités de communication ou de transport
AlgérieÉgalité des populations, contiguïté des circonscriptions, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales
BelgiqueConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
BéninÉgalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, importance démographique
BulgarieÉgalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
Burkina FasoConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
CambodgeConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
CamerounConformité avec les frontières administratives locales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels
CanadaÉgalité des populations, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels
CongoÉgalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales
ÉgypteÉgalité des populations, isolement géographique des circonscriptions électorales
FranceÉgalité des populations, contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels, facilités de communication ou de transport, découpage antérieur
GabonÉgalité des populations, superficie des circonscriptions électorales
Guinée-BissauSuperficie des circonscriptions électorales
HaïtiÉgalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
LibanContiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales, facilités de communication ou de transport
MadagascarÉgalité des populations, contiguïté des circonscriptions, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts/liens culturels, facilités de communication ou de transport
MaliConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
MarocN.C.
MauriceÉgalité des populations, contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, isolement géographique des circonscriptions électorales, facilités de communication ou de transport
MauritanieN.C.
MoldavieConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
NigerConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, nécessité de représentation des minorités ethniques à l’Assemblée nationale (8 circonscriptions spéciales)
RoumanieConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
RwandaConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
SénégalConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
SlovénieÉgalité des populations, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels
SuisseN.C.
TchadN.C.
République tchèqueÉgalité des populations, contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques
TogoConformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Nous observons que le critère démographique est loin d’être le paramètre principal guidant la délimitation des circonscriptions électorales. Des contraintes géographiques et des considérations culturelles ont une influence notable et justifient des écarts de représentation. La conformité des circonscriptions aux frontières administratives locales ou aux frontières politiques reste le critère essentiel dans la majorité des États étudiés. Cela ne facilite pas le contrôle du juge constitutionnel, qui peut néanmoins appliquer le principe d’égalité de suffrage à la détermination de la répartition des sièges.

Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada, des écarts de représentation sont autorisés dans le but d’une meilleure prise en compte de la diversité sociale du pays [12]. Par exemple, au Niger, la volonté de permettre une représentation des minorités ethniques à l’Assemblée nationale a conduit à la création de circonscriptions spéciales. Ce principe n’est pas étranger à la jurisprudence française, qui en 1986, a autorisé un découpage électoral de la Nouvelle-Calédonie entraînant une sur-représen tation limitée de la communauté autochtone par rapport à la population d’origine européenne. Ces différences doivent, néanmoins, se maintenir dans le cadre du principe d’égalité. Ainsi, la Cour d’arbitrage belge, pourtant sensible aux intérêts des différentes communautés linguistiques, a rappelé ses obligations au législateur : le juge constitutionnel a suspendu puis annulé [13] pour rupture de l’égalité, un découpage électoral complexe adopté en vue de garantir la représentation de la minorité néerlandophone à Bruxelles et de la minorité francophone dans la banlieue de la capitale [14].

Le découpage des circonscriptions électorales est relativement stable dans les États étudiés. En effet, peu de législations imposent une révision périodique ou une période pendant laquelle la carte des circonscriptions doit être revue. Dans la majorité des États, la révision des limites des circonscriptions s’effectue à la discrétion de l’organe compétent.

En Albanie, en Bulgarie, au Canada, en France, au Gabon, à Madagascar, à Maurice, en Moldavie et en République tchèque, il est prévu une période précise pour le découpage ou une révision périodique de la carte des circonscriptions électorales. En Bulgarie, au Gabon, à Madagascar et en Moldavie, le découpage doit être effectué quelque temps avant l’élection [15]. D’autres dispositions prévoient une révision périodique. En Albanie, la Commission de découpage électoral doit se réunir tous les 5 ans pour formuler des propositions de révision. Au Canada et à Maurice, les propositions des commissions interviennent tous les 10 ans à la suite du recensement national. En République tchèque, la délimitation des petits districts suit l’évolution démographique. En France, l’article L 125 du code électoral impose la révision des limites des circonscriptions en fonction de l’évolution démographique, après le second recensement général de la population suivant la dernière délimitation. Le Conseil constitutionnel est venu préciser cette obligation dans sa décision des 1er et 2 juillet 1986 [16], en indiquant que la constatation de l’évolution démographique peut résulter de chaque recensement général de la population.

Dans les États dont le découpage électoral correspond au découpage national, notamment le Cambodge ou le Rwanda, des dispositions peuvent prévoir une révision périodique de la répartition des sièges. Ainsi, l’article 63 de la Constitution belge impose une nouvelle répartition des sièges à la suite du recensement décennal [17].

En Bulgarie, en France et en République tchèque, la révision du découpage électoral est interdite pendant la période qui précède l’élection, dans un souci de transparence et d’impartialité. Par exemple, en République tchèque, la révision est interdite entre l’annonce de la date des élections et la proclamation des résultats définitifs.

2. Les listes électorales

La tenue correcte des listes électorales est une condition essentielle de la sincérité du scrutin. Comme le découpage électoral, l’établissement des listes électorales est une opération préélectorale. Cependant, elle n’est pas directement liée à l’organisation d’un scrutin déterminé et exige une attention continue des autorités compétentes.

A. L’établissement et la révision des listes électorales

Tableau 29 – Les autorités chargées de l’établissement des listes électorales

L’administration de l’ÉtatLes collectivités territorialesLa commission électorale centrale ou institution équivalenteUn organisme ad hoc
Congo France Gabon Liban Maroc Mauritanie Sénégal Slovénie République tchèque TogoAlbanie Algérie Belgique [18] Bulgarie [19] Égypte France Mali Moldavie [20] Monaco [21] Roumanie [22] Suisse [23]Albanie [24] Bénin Burkina Faso Cambodge Canada Guinée-Bissau Haïti Maurice [25] Niger [26] RwandaCameroun [27] Égypte Madagascar France [28] Tchad [29]

Comme toute opération électorale, les listes électorales ne sont pas à l’abri des manipulations à des fins partisanes. Elles doivent être entourées de garanties qui touchent, en premier lieu, l’autorité chargée de leur établissement et de leur révision. L’attribution de cette tâche aux commissions électorales ou à une institution équivalente en Albanie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, en Guinée-Bissau, à Haïti, à l’Île Maurice, au Niger et au Rwanda répond à une volonté de transparence et de neutralité. Néanmoins, les commissions électorales ne disposent pas toujours des moyens nécessaires. L’exemple des élections législatives au Mali en 1997 est le plus significatif. La Commission électorale nationale, qui était en charge de la révision des listes des électeurs, n’a pu mener à bien cette opération, faute de temps, de matériel adéquat et de personnel qualifié [30]. Depuis, les compétences de la CENI ont été réduites au suivi et au contrôle des élections et l’établissement des listes a été confié aux collectivités territoriales.

En outre, l’exigence de neutralité est garantie également lorsque les autorités publiques sont en charge de l’établissement des listes électorales, ce qui est le cas dans la majorité des États francophones. Par autorités publiques, on entend aussi bien l’administration d’État que les collectivités territoriales. Si la France apparaît dans plusieurs catégories du tableau ci-dessus, c’est parce que l’établissement des listes électorales est confié à l’autorité municipale sous le double contrôle du préfet et du président du tribunal de grande instance qui désignent chacun un membre de la commission administrative qui dresse la liste des électeurs dans chaque bureau de vote. De même, à Madagascar, une commission locale de recensement des électeurs est chargée de recenser tous les citoyens ayant acquis les qualités requises pour exercer le droit de vote dans chaque Fokontany (région). Elle est placée sous la responsabilité du président du Fokontany et est composée de 4 représentants de chaque secteur du Fokontany ; les organisations non gouvernementales, les associations et les organisations politiques sont membres de droit de cette commission. Une commission administrative, présidée par le préfet ou le sous-préfet arrête la liste électorale ; elle comprend les maires, le délégué administratif d’arrondissement, un représentant de chaque parti politique, un représentant de chaque ONG compétente en matière d’éducation civique et d’observation des élections. En Mauritanie, une commission composée de quatre membres, présidée par le préfet et comprenant un magistrat établit les listes électorales. La révision de celles-ci revient à une autre commission administrative au niveau communal, composée d’un magistrat, qui préside, d’un représentant de l’autorité administrative locale, du maire et d’un conseiller municipal.

Les sources à partir desquelles les listes électorales sont constituées sont variées, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 30 – Les sources des listes électorales

PaysSources des listes électorales
AlbanieSur la base des registres des bureaux d’état civil
AlgérieSur la base d’inscriptions obligatoires [31]
BelgiqueÀ partir du recensement de la population
BéninSur la base d’inscriptions volontaires
BulgarieÀ partir du recensement de la population
Burkina FasoÀ partir du recensement de la population, sur la base d’inscriptions volontaires
CambodgeRecensement de la population, sur la base d’inscriptions volontaires
CamerounSur la base d’inscriptions volontaires
CanadaSur la base d’inscriptions volontaires, coopération avec des organismes fédéraux et provinciaux [32]
CongoRecensement de la population, inscriptions volontaires
ÉgypteRecensement de la population, inscriptions obligatoires
FranceInscriptions volontaires et obligatoires
GabonInscriptions volontaires
Guinée-BissauRecensement de la population
HaïtiInscriptions volontaires
LibanRecensement de la population, inscriptions volontaires
MadagascarRecensement de la population
MaliRecensement de la population
MarocInscriptions volontaires
MauriceInscriptions volontaires, recensement annuel
MauritanieRecensement de la population, inscriptions volontaires
MoldavieInscriptions obligatoires
MonacoN.C.
NigerN.C.
RoumanieRecensement de la population
RwandaInscriptions obligatoires
SénégalInscriptions volontaires
SlovénieSur la base du registre de la population
SuisseRecensement de la population
TchadRecensement de la population, inscriptions volontaires
République tchèqueRecensement de la population, inscriptions obligatoires
TogoRecensement de la population

Il n’y a pas de prescription précise concernant l’inscription des électeurs sur les listes électorales. L’enregistrement des électeurs relève soit de l’initiative de l’État, soit de la volonté des personnes remplissant les conditions nécessaires à l’exercice du droit de vote. Des contraintes pratiques imposent souvent la dernière solution. Néanmoins, il revient toujours à l’administration de faciliter et d’inciter les électeurs à s’inscrire.

Peu de pays établissent des procédures spécifiques d’inscription pour les populations non sédentaires. Au Sénégal, une commission itinérante d’inscription effectue l’enregistrement des nomades. La Suisse a prévu pour la population Rom le vote dans la commune d’origine à la place du lieu de résidence. Des procédures spécifiques sont également prévues au Cambodge (pour les travailleurs migrants), en France (pour les sans domicile fixe) et en Mauritanie.

La permanence des listes électorales est une caractéristique essentielle. Alors que le code de bonne conduite en matière électorale [33] de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe la préconise, l’Albanie, l’Algérie, la Belgique, la Bulgarie, l’Égypte, la Guinée-Bissau, le Liban, la Slovénie et le Tchad ne disposent pas de liste permanente. Au Bénin, les listes ne sont pas encore permanentes malgré les termes de l’article 11 de la loi du 3 janvier 2001. Des mesures sont en cours d’élaboration pour donner effet à cette disposition. En outre, tous les États, sauf le Burkina Faso, le CamerounMadagascar et la Moldavie, ont informatisé leurs listes électorales.

La publication des listes est également un élément important puisqu’elle permet l’accès des listes aux électeurs. Cet accès est garanti dans la majorité des pays des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., les listes étant publiées et consultables auprès des autorités. Par exemple, en Belgique, les listes peuvent être consultées à la municipalité ; en France et à Monaco, elles sont disponibles aux archives de la commune ; au Gabon, elles sont affichées au siège de la circonscription électorale pendant la période de révision. Au Canada et en Suisse, les listes ne sont pas publiées.

La publication doit intervenir suffisamment tôt pour que des corrections soient effectuées à temps pour le jour du scrutin.

Tableau 31 – La publication et la consultation des listes électorales

AlbanieLes listes préliminaires sont publiées 7 mois avant le terme du mandat électoral ; les listes définitives sont publiées 10 jours avant l’élection
AlgérieNon déterminé
BelgiqueLes listes électorales peuvent être consultées à la municipalité jusqu’au 12e jour précédant celui de l’élection
BéninNon déterminé
Bulgarie40 jours avant la date du scrutin
Burkina Faso30 jours avant la date du scrutin
Cambodge90 jours avant la date du scrutin
CamerounNon déterminé
Congo10 jours avant la date du scrutin
ÉgypteChaque année, au mois de février
FranceLes listes sont disponibles aux archives de la commune sans limitation de temps
GabonDu 1er au 31 mars, elles sont affichées au siège de la circonscription électorale et aux centres de vote
Guinée-BissauNon déterminé
Haïti60 à 90 jours avant le scrutin
LibanÀ partir du 10 février de chaque année
MadagascarElles peuvent être consultées au bureau du Fokontany
MaliNon déterminé
MarocNon déterminé
MauriceDate fixée par la loi
MauritanieAu plus tard 20 jours avant le scrutin
MoldavieAu plus tard 10 jours avant les élections
MonacoLe 16 janvier de chaque année
NigerAu moins 2 mois avant chaque élection générale
RoumanieAu maximun 15 jours après l’annonce de la date du scrutin
Rwanda15 jours avant l’élection
SénégalFixé par décret avant chaque élection
SlovénieAu maximun 20 jours après l’annonce de la date du scrutin
République tchèqueNon déterminé
Tchad45 jours avant le scrutin
TogoPas de délai fixe

Ce tableau doit être abordé en liaison avec le tableau suivant relatif à la révision des listes électorales. En effet, les dates de publication diffèrent souvent selon la périodicité de la mise à jour. Cette dernière est très importante pour la bonne tenue des listes électorales, qui doit prendre en compte les mouvements de population.

Tableau 32 – La mise à jour des listes électorales

Obligation légale de mise à jour des listes électoralesPériodicité de la mise à jour
AlbanieArticles 55 à 64 du code électoralÀ chaque élection législative ou locale
AlgérieCode électoralAu cours du dernier trimestre de chaque année, avant chaque consultation
BelgiqueArticle 10 du code électoral80 jours avant le jour de l’election
BéninArticle 11 de la loi du 3 janvier 2001Avant toute élection sauf si celle-ci intervient 6 mois après la précédente élection
BulgarieArticle 28 de la loi sur l’élection des députésAvant chaque consultation nationale
Burkina FasoCode électoralAvant chaque élection générale
CambodgeCode électoralChaque année
CamerounLes lois électoralesChaque année
CanadaLoi électorale du Canada, L.C. 2000, ch.9, tel que modifiéPlusieurs fois par an, en période électorale
CongoArticle 7 de la loi électoraleChaque année
ÉgypteArticle 15 de loi de 1956 sur l’organisation de l’exercice des droits politiquesChaque année, du 1er novembre au 31 janvier
FranceArticle L16 du code électoralChaque année du 1er septembre au 31 décembre
GabonOrdonnance du 14 août 2002 modifiant la loi électoraleChaque année du 1er au 31 mars
Guinée-BissauArticle 25 de la loi n° 3/98 du 23 avril 1998Avant chaque élection
HaïtiLoi électoraleAvant chaque élection
LibanLoi électoraleChaque année avant le 1er février
MadagascarCode électoralChaque année du 1er décembre au 31 janvier
MaliLoi électoraleChaque année
MarocOuiN.C.
MauriceRepresentation of the People ActChaque année
MauritanieOrdonnance du 20 octobre 1987 sur les communesChaque année du 1er otobre au 31 décembre
MoldavieArticle 38 du Code électoralChaque année
MonacoArticle 6 de la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, modifiéeChaque année
NigerArticle 27 du code électoralChaque année
RoumanieLoi n° 372/2002Avant chaque élection
RwandaLoi organique n° 17/2003 du 7 juillet 2003Avant chaque élection
SénégalArticle L34 du code électoralChaque année
SlovénieArticle 21 de la loi sur le registre du droit de voteAvant chaque élection
SuisseArticle 4 de la loi sur les droits politiquesAu fur et à mesure des changements de domicile
TchadOuiChaque année
République tchèqueNon
TogoArticle 62 du code électoralChaque année

Il existe deux groupes distincts d’États. D’un côté, nous avons les États qui opèrent une révision avant les échéances électorales. Il s’agit de l’Albanie, la Belgique, le Bénin, la Bulgarie, le Burkina Faso, la Guinée-BissauHaïti, la Roumanie, le Rwanda et la Slovénie. D’un autre côté, certains États opèrent une révision annuelle des listes électorales. C’est le cas au Cambodge, au Cameroun, au Congo, en Égypte, en France, au Gabon, au Liban, à Madagascar, au Mali, à Maurice, en Mauritanie, en Moldavie, à Monaco, au Sénégal, au Tchad et au Togo. L’Algérie entre dans les deux catégories. Au Canada et en Suisse, la révision des listes électorales est permanente, les autorités chargées de leur établissement enregistrent les modifications au fur et à mesure qu’elles se présentent à elles.

La mise à jour des listes électorales est effective dans la majorité des États. Toutefois, la Cour constitutionnelle albanaise précise que si elle est globalement satisfaisante, des irrégularités ont été constatées. Les Cours du Congo, du Niger et du Tchad soulèvent également des problèmes de mise à jour. Au Congo, le manque de moyens est à l’origine de dysfonctionnements. La Cour constitutionnelle du Niger relève une contradiction entre la compétence de la Commission électorale pour l’établissement des listes et l’obligation annuelle de révision. La Commission n’étant pas permanente, la mise à jour des listes s’effectue, en réalité, en fonction des consultations électorales.

B. Le fichier électoral central (ou liste électorale nationale)

En fichier électoral central répertorie l’ensemble des listes électorales du pays. Le Cameroun, la Moldavie, la Slovénie, la Suisse et la République tchèque ne disposent pas de fichier national [34]. En ce qui concerne les autres États, la majorité des fichiers centraux sont informatisés, à l’exception des fichiers béninoisburkinabé et égyptien. Des programmes d’informatisation sont en cours au Bénin et au Burkina Faso.

C. Le contentieux des listes électorales

Les opérations d’établissement et de révision des listes électorales doivent pouvoir faire l’objet de réclamations conformément aux exigences de l’État de droit.

Tableau 33 – Le contentieux des listes électorales

PaysJuridiction compétenteRecours ouvert aux citoyens
AlbanieLa Commission électorale locale, le tribunal de grande instanceOUI
AlgérieLes juridictions de droit commun [35]OUI
BelgiqueLe Collège des bourgmestres et échevins, appel près la Cour d’appelOUI
BéninLa Cour constitutionnelleOUI
BulgarieLes autorités municipales, le tribunal de districtOUI
Burkina FasoLa Commission électorale hiérarchiquement supérieure, le tribunal administratif en appelOUI
CambodgeLe Comité national des élections et le Conseil constitutionnelOUI
CamerounLa Commission départementale de supervision [36] et la Cour d’appelOUI
CanadaLe Commissaire aux élections fédérales, les tribunaux de droit communOUI
CongoLe tribunal de grande instanceOUI
ÉgypteLa Cour du contentieux administratif au Conseil d’État [37]OUI
FranceLe tribunal d’instance [38]OUI
GabonLes juridictions administrativesOUI
Guinée-BissauLe Tribunal suprême de justiceNON
HaïtiLe Conseil électoralOUI
LibanLe Conseil d’État, et incidemment le Conseil constitutionnel à l’occasion d’un recours en annulation [39]OUI
MadagascarLe tribunal de première instance [40]OUI
MaliLe tribunal civilOUI
MarocLe tribunal de première instanceOUI
MauriceLe juge des référés (Cour suprême) [41]OUI
MauritanieLes commissions administratives, la Chambre administrative de la Cour suprêmeOUI
MoldavieLes organes électoraux supérieurs et les juridictions de droit communOUI
MonacoLe tribunal de première instance [42]OUI
NigerLa commission administrative, le juge délégué, la Cour constitutionnelleOUI
RoumanieLes tribunaux de droit communOUI
RwandaLa Commission nationale électorale et la Cour suprêmeOUI
SénégalLe tribunal départemental, le Conseil d’État en appelOUI
SlovénieLa Cour suprême (Chambre du contentieux administratif)OUI
SuisseLe Gouvernement cantonal, le Tribunal fédéral (recours de droit administratif)OUI
TchadLe tribunal de première instanceNON
République tchèqueLa mairie, le tribunal régional (section administrative)OUI
TogoLe tribunal de première instanceOUI

Les recours sont possibles dans la totalité des États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. Selon les pays, c’est le juge judiciaire, le juge administratif [43] ou le juge électoral qui est compétent. En premier lieu, des procédures administratives ou des recours gracieux auprès de l’organe qui a établi la liste sont prévues, notamment en Albanie, en Belgique, au Burkina Faso, au Cameroun, au Liban, à Madagascar, à Maurice, en Mauritanie, en Moldavie, à Monaco, au Niger, au Rwanda, en Suisse, en République tchèque. Cette procédure doit obligatoirement être sujette à un contrôle judiciaire. Haïti constitue une exception puisque la commission électorale est compétente en premier et dernier ressort ; elle est cependant assistée de deux juristes pour ses attributions contentieuses.

Le contentieux des listes électorales est confié au juge électoral de façon moins générale. Dans le cadre de référence, il s’agit du Bénin, de l’Égypte, de la Guinée-Bissau, du Liban, de Maurice, du Niger, du Rwanda et de la Suisse.

Nous pouvons constater que bien qu’une majorité de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. dispose d’attributions en matière électorale, un très petit nombre connaît du contentieux des listes électorales. Cela s’explique par le fait que ce contentieux met en jeu des questions qui relèvent de la compétence de droit commun du juge judiciaire, c’est-à-dire des questions de domicile, de nationa lité, d’état et de capacité des personnes. Cela apparaît dans une grande partie des États qui ont attribué ce contentieux aux juridictions civiles.

En même temps, l’établissement des listes électorales relevant de l’administration, il s’agit d’actes administratifs susceptibles de recours devant le juge administratif. Ceci explique que certains pays aient opté pour cette voie de recours, notamment le Burkina Faso, la Mauritanie, le Sénégal, la Slovénie ou la République tchèque. L’Algérie a également choisi cette solution depuis février 2004 [44].

L’ambiguïté de ce contentieux ne s’arrête pas à ce stade. Il est vrai que l’établissement des listes électorales n’a pas forcément lieu en période électorale, ce qui justifie en partie que le juge électoral ne soit pas compétent. Cependant, il se peut que la fraude ou l’erreur n’apparaisse qu’à l’occasion d’une élection. Le juge de la sincérité et de la régularité du scrutin peut alors se saisir de la question. La situation française est caractéristique de la « polymorphie » du contentieux des listes électorales. Ainsi, le tribunal d’instance connaît de la contestation d’un électeur lorsqu’elle vise son sort personnel et n’est pas liée au déroulement du scrutin. Le tribunal administratif connaît des recours du préfet qui visent la régularité formelle des opérations de révision. Le Conseil constitutionnel est compétent pour les irrégularités soulevées lors des résultats du scrutin [45] et qui résultent d’une « manœuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin [46] ».

Les juges n’ont pas toujours le pouvoir suffisant pour répondre à la complexité de ce contentieux. Par exemple, au Mali, lors des élections de 1997, si la loi électorale prévoyait la compétence du juge judiciaire civil pour les irrégularités et si la Cour constitutionnelle pouvait connaître des « irrégularités commises lors de l’établissement des listes qui ont eu des conséquences sur la sincérité des opérations électorales proprement dites [47] », aucun de ces deux juges n’a reçu le pouvoir de contrôler les contestations relatives à la légalité de l’établissement de la liste électorale [48].

Enfin, parce qu’il touche à l’état et à la capacité des personnes, le contentieux des listes électorales est largement ouvert aux citoyens, sauf en Guinée-Bissau et au Tchad. En revanche, les Cours remettent rarement en cause des résultats du fait d’irrégularités dans les listes électorales, à l’exception notable de la Cour constitutionnelle du Mali. Les Cours invalident généralement les scrutins lorsque les inscriptions frauduleuses dépassent l’écart des suffrages qui séparent les deux candidats. En ce qui concerne le Mali, nous avons déjà évoqué les difficultés de la Commission électorale lors de la révision des listes en 1997. Elles ont donné lieu à des annulations de scrutins dans l’arrêt n° 97-046 du 25 avril 1997.

3. Les cartes d’électeur

La carte d’électeur est le document officiel attestant de la qualité d’électeur et de l’inscription sur une liste électorale [49]. Elle constitue également un moyen de contrôle de l’identité de l’électeur. Si la carte d’électeur caractérise l’appartenance au corps électoral et l’accomplissement des devoirs civiques, elle n’est, cependant, pas impérative. Aussi, de nombreux pays n’établissent pas de cartes d’électeur ; un document officiel attestant de l’identité de l’électeur suffit à prouver l’inscription sur la liste électorale.

Parmi les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., le Canada et l’Île Maurice n’émettent pas de cartes d’électeur. L’identification se fait sur la base des pièces d’identité officielles (passeport, permis de conduire…). En Belgique, tous les électeurs doivent disposer d’une lettre de convocation individuelle. Elle doit être présentée au bureau de vote ; à l’issue du vote un cachet est apposé sur la convocation de sorte que l’électeur puisse établir qu’il a effectivement voté. Cette convocation est envoyée par le Collège des bourgmestres et échevins de la commune où l’électeur est inscrit, 15 jours au moins avant l’élection. L’électeur qui ne l’a pas reçue peut la retirer au secrétariat communal jusqu’au jour de l’élection à 12 heures.

Ce système constitue une sorte de trait d’union entre les pays qui instaurent des cartes d’électeur et les autres. D’une certaine manière, le système belge n’est pas si différent de ce qui prévaut en Slovénie où les cartes s’apparentent à des cartes de convocation pour chaque consultation. Aussi, nous observons que l’Europe centrale semble moins attachée à la carte d’électeur. Les électeurs bulgares n’en ont pas besoin. Seulement 40 % des électeurs albanais sont munis de la carte d’électeur, qui, si elle a été créée en 2000, n’est plus prévue par le code électoral de juin 2003. En Roumanie, les cartes ont également été créées en 2000. En Moldavie et en République tchèque, si elles existent depuis les années 1920, les cartes d’électeur, comme en Slovénie, ne sont valables que pour une élection.

Dans les autres États étudiés, les électeurs sont munis d’une carte. La date de leur création va de 1820 pour la France à l’an 2000 pour le Liban. La majorité des États africains les a instituées lors de l’accession à l’indépendance, Monaco en 1968, le Cambodge en 1993, l’Égypte en 1923, la Guinée-Bissau en 1994, Haïti en 1987, le Mali en 1946, la Mauritanie en 1986, le Tchad en 1995. L’utilisation de la carte d’électeur n’est cependant pas obligatoire dans certains de ces pays. En Albanie, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, en Égypte, en France, au Gabon, à Madagascar, au Mali, au Niger, en Roumanie et au Tchad, un électeur peut voter sur simple présentation d’une pièce d’identité. Au Congo, une déclaration de deux témoins attestant l’identité de l’électeur suffit pour les habitants des zones rurales reculées. À Madagascar, l’identification peut se faire par le biais d’une ordonnance délivrée par l’autorité judiciaire compétente. Au Niger, les électeurs peuvent produire une carte professionnelle, une carte d’étudiant, un livret de pension ou de famille.

Le tableau suivant présente les autorités chargées de la confection des cartes d’électeur. Une fois de plus, la compétence est partagée entre l’administration de l’État et les commissions électorales indépendantes. Nous observerons, néanmoins, que les autorités locales, en particulier les municipalités, et les antennes locales des commission électorales ont un rôle dominant dans la confection des cartes d’électeur.

Tableau 34 – Les autorités chargées de la confection des cartes d’électeur

L’administration de l’ÉtatUn service de la commission électorale centraleAu niveau local, les commissions électorales ou les municipalitésUne société informatique requise par la commission électorale (sous-traitance)Autres
CamerounAlbanieAlgérieBénin [50]Tchad (la
CongoBurkina FasoÉgypteCambodgeCommission
FranceÉgypteGuinée-BissauHaïtinationale de
GabonGuinée-BissauMarocrecensement
Guinée-BissauMoldavieMonacoélectoral)
LibanNigerRépublique
MadagascarRwandatchèque (mairie
Mali [51]Slovénieou ambassade)
Maroc
Mauritanie
Roumanie
Sénégal
Suisse
Togo

Les cartes d’électeur sont numérotées dans la plupart des pays, à l’exception de la France, la Moldavie et la Slovénie. Elles sont, en revanche, peu nombreuses à être dotées d’un système anti-fraude. Il s’agit de l’Albanie, du Bénin, de la Guinée-Bissau, de Haïti, du Liban, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, de la Slovénie, du Tchad et du Togo.

La durée de validité des cartes est très variable d’un État à un autre. Nous avons déjà évoqué la Moldavie, la Slovénie et la République tchèque où la carte ne vaut que pour une élection. C’est également le cas au Congo, à Haïti, à Monaco, au Niger et au Togo. Certaines cartes ont un durée de vie illimitée, notamment au Burkina Faso, au Cambodge, en Guinée-Bissau, au Maroc, ou ne valent que pour un nombre déterminé de scrutins comme en Albanie, au Gabon, au Liban ou au Tchad. Enfin, en France, la durée de vie des cartes d’électeur est de 3 ans.

La transmission des cartes d’électeur doit s’effectuer un certain temps avant le jour du scrutin. Le tableau suivant présente les autorités de transmission et précise si les cartes électorales sont retirées par les électeurs ou distribuées par les autorités.

Tableau 35 – La transmission des cartes d’électeur

PaysTransmission aux électeurs
AlbanieRetirées par les électeurs à la Commission électorale centrale
AlgérieRetirées par les électeurs au service des élections de la commune, envoyées aux électeurs par ces mêmes services
BéninRemises aux électeurs lors de l’inscription sur la liste électorale dans chaque bureau d’enregistrement
Burkina FasoRetirées par les électeurs auprès de la Commission électorale nationale indépendante et de ses démembrements
CambodgeRetirées par les électeurs auprès de la Commission électorale communale
CamerounRetirées par les électeurs auprès des commissions de contrôle, d’établissement et de distribution des cartes électorales
CongoRetirées par les électeurs auprès des antennes locales de la Commission nationale électorale
ÉgypteRetirées par les électeurs auprès des commissions électorales
FranceEnvoyées aux électeurs par la mairie
GabonRetirées par les électeurs dans les centres de vote
Guinée-BissauRetirées par les électeurs auprès des commissions de recensement
HaïtiRetirées par les électeurs auprès des bureaux d’inscription sur les listes électorales
LibanRetirées par les électeurs auprès du ministère de l’Intérieur
MadagascarRetirées par les électeurs auprès de la collectivité territoriale de base ou envoyées par le président de cette même collectivité
MaliRetirées par les électeurs à la mairie, envoyées aux électeurs par la Commission de distribution
MarocRetirées par les électeurs
MauritanieRetirées par les électeurs aux bureaux de vote
MoldavieEnvoyées aux électeurs par la Commission électorale centrale par le biais des conseils électoraux de circonscriptions
MonacoEnvoyées aux électeurs par la Mairie de Monaco
NigerRetirées par les électeurs auprès des structures administratives et coutumières
RoumanieRetirées par les électeurs auprès de l’administration
RwandaRetirées par les électeurs auprès de l’antenne locale de la Commission électorale
SénégalRetirées par les électeurs auprès de la Commission de distribution des cartes d’électeur
SlovénieEnvoyées aux électeurs par la Commission électorale
SuisseEnvoyées aux électeurs par l’administration
TchadRetirées par les électeurs lors de l’inscription sur les listes
République tchèqueRetirées par les électeurs à la mairie ou à l’ambassade
TogoRetirées par les électeurs auprès des comités administratifs des listes et cartes

Dans la majorité des États, les cartes d’électeur sont retirées directement par les électeurs, ce qui peut poser des problèmes lorsque ces derniers sont obligés de les présenter au bureau de vote. Seuls la FranceMadagascar, le Mali, la MoldavieMonaco, la Slovénie et la Suisse envoient les cartes chez les électeurs. La transmission s’effectue, en règle générale, par la voie des structures décentralisées de gestion des élections, que ce soit l’administration par le biais des autorités municipales, ou les antennes locales des commissions électorales.

Peu de Cours font état de dysfonctionnements dans la distribution des cartes d’électeur. Parmi les États qui envoient les cartes directement chez les électeurs, la Cour de Madagascar précise que la réception du document est parfois aléatoire. La Slovénie a connu un problème ponctuel concernant les électeurs votant par procuration, dont certains ont reçu les documents trop tard. Il a alors été pris la décision de proroger les délais de réponse de ces électeurs.

Lorsque les électeurs doivent retirer leur carte, il est possible que les inscrits sur les listes électorales ne viennent pas la chercher. C’est notamment le cas en Albanie où la carte électorale semble avoir des difficultés à s’introduire dans les habitudes électorales du pays. En outre, au Cambodge, les électeurs sont à l’origine des difficultés, en particulier les frontaliers. Néanmoins, il se peut que les autorités n’informent pas correctement les citoyens, comme au Cameroun où beaucoup d’électeurs ne connaissent ni les dates ni les lieux de retrait des cartes. Au Bénin, au Congo, au Gabon, au Maroc et au Niger, des problèmes matériels perturbent la bonne diffusion des cartes et l’exactitude des informations inscrites.

Pour autant, aucune des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. n’a annulé une élection pour cause d’irrégularités liées aux cartes d’électeur, même si la Cour béninoise avoue avoir invalidé les suffrages de certains bureaux de vote. Les cartes d’électeur ne génèrent pas un contentieux aussi important que les listes électorales.

4. Les candidatures

Plus encore que l’établissement des circonscriptions électorales, des listes électorales et des cartes d’électeur, la candidature est l’acte initial de la procédure électorale. Elle est aussi un acte juridique par lequel une personne se propose ou est proposée comme candidat au suffrage. Elle est indissociable de la démocratie représentative moderne, mais la candidature doit être libre afin de garantir le caractère démocratique d’une élection.

A. Les conditions d’éligibilité

L’acte de candidature est encadré par certaines conditions. Ces dernières doivent être déterminées par les textes applicables en matière électorale de manière claire et précise dans l’objectif d’éviter tout arbitraire des pouvoirs publics. Ces exigences concernent aussi bien le fond que la forme de la candidature.

En ce qui concerne le fond, la plupart des Constitutions se contentent de définir de manière sommaire les conditions d’éligibilité, qui s’articulent souvent autour de l’âge et de la nationalité. La pleine jouissance des droits civils et politiques est également impérative pour pouvoir se présenter à un mandat représentatif.

Les tableaux suivants présentent les conditions d’âge, de résidence et de nationalité dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Tableau 36 – Les conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle

(Pays non concernés : Belgique, Cambodge, Canada, Maroc, Monaco, Suisse)

PaysÂge minimumDélai de résidence dans le paysCondition de nationalité/ citoyenneté [52]
Albanie40 ansAu moins 10 ansNationalité albanaise
Algérie40 ansAucunNationalité algérienne d’origine, de religion islamique
Bénin40 ans (70 ans au plus)Au moment des électionsNationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins 10 ans
Bulgarie40 ans5 ansNationalité bulgare de naissance
Burkina Faso35 ansAucunBurkinabé de naissance et né de parents burkinabé
Cameroun35 ans12 moisCitoyen camerounais de naissance
Congo40 ans (70 au plus)2 ansNationalité congolaise de naissance
Égypte40 ansAucunNationalité égyptienne de naissance
France23 ansAucunNationalité française
Gabon40 ans (70 au plus)AucunGabonais d’origine [53]
Guinée-Bissau35 ansAucunNationalité guinéenne de naissance et enfant de guinéens de naissance
Haïti35 ans5 ansHaïtien de naissance
Liban25 ansAucunNationalité acquise depuis au moins 10 ans
Madagascar40 ansAucunAvoir la nationalité malgache depuis au moins 10 ans
Mali35 ansAucunNationalité malienne de naissance
Maurice40 ans5 ansNationalité mauricienne
Mauritanie40 ansOUINationalité mauritanienne, de religion islamique
Moldavie40 ans10 ansCitoyen moldave
Niger40 ansAucunNigérien de naissance
Roumanie35 ansAucunCitoyenneté roumaine
Rwanda35 ansAucunNationalité rwandaise et ne pas avoir d’autre nationalité
Sénégal35 ansAucunNationalité sénégalaise et ne pas avoir d’autre nationalité
Slovénie18 ansAucunCitoyenneté slovène
Tchad35 ans12 moisTchadien de naissance, né de parents tchadiens de naissance, ne pas avoir d’autre nationalité
République tchèque40 ansAucunNationalité tchèque
Togo35 ans12 moisNationalité togolaise de naissance

Tableau 37 – Les conditions d’éligibilité aux élections parlementaires

PaysÂge minimumDélai de résidence dans la paysCondition de nationalité/ citoyenneté
Albanie18 ansAucunNationalité albanaise
Algérie28 ans pour l’Assemblée du peuple, 40 ans pour le Conseil de la NationAucunN.C.
Belgique21 ansAucunNationalité belge
Bénin25 ansS’il est béninois de naissance, il doit résider sur le territoire depuis un an ; s’il est naturalisé, il doit être domicilié sur le territoire et y vivre sans interruption depuis au moins 10 ansNationalité béninoise
Bulgarie21 ansAucunCitoyenneté bulgare et ne pas avoir d’autre citoyenneté
Burkina Faso21 ansAucunNationalité de naissance ou acquise depuis au moins 10 ans
Cambodge25 ans pour l’Assemblée nationale, 40 ans pour le SénatAucunKhmer de naissance
Cameroun23 ansAucunNationalité camerounaise
Canada18 ansAucunNationalité canadienne
Congo25 ans pour l’Assemblée nationale, 45 ans pour le SénatAu moment du dépôt de candidatureNationalité congolaise
Égypte30 ans [54]N.C.Nationalité égyptienne
France23 ans pour l’Assemblée nationale, 30 ans pour le SénatAucunNationalité française
Gabon18 ans pour l’Assemblée nationale, 40 ans pour le SénatAucunNationalité gabonaise
Guinée-Bissau21 ansAucunNationalité guinéenne
Haïti25 pour les députés, 30 ans pour les sénateurs4 ans dans le département concernéHaïtien de naissance
Liban25 ansAucunNationalité acquise depuis au moins 10 ans
Madagascar21 ans pour les députés, 40 ans pour les sénateursAucunNationalité malgache depuis au moins 10 ans
Mali21 ansAucunNationalité malienne
Maroc23 ans pour la Chambre des représentants, 30 ans pour la Chambre des conseillersN.C.N.C.
Maurice18 ans2 ans avant le dépôt de candidatureCitoyen du Commonwealth
Mauritanie35 ansOUINationalité mauritanienne
Moldavie18 ansOUICitoyen moldave
Monaco25 ansAucunNationalité monégasque depuis 5 ans
Niger25 ansAucunNationalité nigérienne
Roumanie23 ans pour l’Assemblée, 33 ans pour le SénatAucunCitoyen roumain
Rwanda21 ansAucunNationalité rwandaise et ne pas avoir pas d’autre nationalité
Sénégal25 ansAucunNationalité sénégalaise depuis 10 ans et ne pas avoir d’autre nationalité
Slovène18 ansAucunCitoyenneté slovène
Suisse18 ansAucunNationalité suisse
Tchad25 ans12 moisCitoyen tchadien
République tchèque21 ans pour la Chambre des députés, 40 ans pour le SénatAucunNationalité tchèque
Togo25 ans6 moisNationalité togolaise de naissance

Les conditions d’accès à la présidence sont plus sévères que les conditions d’accès au Parlement. Hormis en France, au Liban et en Slovénie, l’âge minimum des candidats à l’élection présidentielle est plus élevé que celui requis pour les candidats aux élections des chambres basses. Il s’élève, en règle générale, à 35 ou 40 ans. De même, des différences d’âge similaires existent pour devenir sénateur. En outre, l’âge minimum d’accès aux fonctions électives correspond exceptionnellement à l’âge de la majorité politique. C’est en particulier le cas en Albanie, au Canada, au Gabon, à Maurice, en Moldavie, en Slovénie et en Suisse.

Les conditions de résidence et de nationalité sont également plus strictes à l’égard des candidats à l’élection présidentielle. Le tableau signale qu’une majorité d’États réserve le poste de chef de l’État aux nationaux de naissance. Cette condition est également exigée pour les élections parle mentaires dans certains États. Les critères peuvent être encore plus exigeants. Par exemple, en Guinée-Bissau ou au Tchad, les parents du candidats doivent également avoir possédé la nationalité du pays à leur naissance. Au Gabon, cette condition s’étend jusqu’à la quatrième génération. Lorsque la naturalisation suffit pour se présenter à des élections, elle doit être intervenue depuis un certain temps, qui s’élève à 10 ans au Bénin, au Liban, à Madagascar pour les deux scrutins nationaux et au Burkina Faso et au Sénégal pour l’élection du Parlement. En outre, certains pays rejet tent la double nationalité, notamment, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad, la Bulgarie. À l’inverse, l’Île Maurice ouvre son Parlement à tous les citoyens du Commonwealth.

D’autres conditions d’éligibilité entrent en jeu, comme l’accomplissement du service militaire en Égypte, la connaissance orale et écrite d’une des deux langues officielles au Cameroun, un contrôle médical des candidats au Bénin… Les incompatibilités de fonction sont également nombreuses. Nous pouvons citer comme illustration le Bénin qui interdit l’accès à la présidence à tout membre en fonction dans les Forces armées ou de sécurité publique [55]. Certaines dispositions nationales sont très exigeantes. Ainsi, l’article 73 de la Constitution algérienne énonce les conditions d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle comme telles :

Art. 73 – « Pour être éligible à la présidence de la République, le candidat doit :

  • jouir uniquement de la nationalité algérienne d’origine ;
  • être de confession musulmane ;
  • avoir quarante (40) ans révolus au jour de l’élection ;
  • jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ;
  • attester de la nationalité algérienne du conjoint ;
  • justifier de la participation à la Révolution du 1er Novembre 1954 pour les candidats nés avant juillet 1942 ;
  • justifier de la non-implication des parents du candidat né après juillet 1942, dans des actes hostiles à la Révolution du 1er novembre 1954 ;
  • produire la déclaration publique du patrimoine mobilier et immobilier, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Algérie.
  • D’autres conditions sont prescrites par la loi. »

Sur la forme, nous nous intéresserons particulièrement à l’origine des candidatures. La liberté de proposer une candidature est un des éléments fondamentaux de la démocratie pluraliste. À l’inverse dans les régimes autoritaires, les candidats sont imposés par le pouvoir en place. Néanmoins, il est acceptable qu’une réglementation encadre l’acte de candidature même dans les régimes représentatifs. Ainsi, certains pays n’autorisent pas les candidatures individuelles et, par conséquent, placent cet acte sous la responsabilité des partis politiques.

Tableau 38 – L’origine des candidatures

Élection présidentielleÉlections parlementaires
Candidature individuelleInvestiture par un parti ou un groupement politiqueCandidature individuelleInvestiture par un parti ou un groupement politique
AlgérieAlbanie [56]AlbanieAlbanie
BéninAlgérieAlgérieAlgérie
BulgarieBulgarieBelgiqueBelgique
Burkina FasoBurkina FasoBulgarieBénin
CamerounCamerounCanadaBulgarie
CongoÉgypte [57]CongoBurkina Faso
FranceGabonÉgypteCambodge
GabonGuinée-BissauFranceCameroun
Guinée-BissauHaïtiGabonCanada
HaïtiMadagascarHaïtiCongo
Liban [58] Madagascar Mali Maurice [59] Mauritanie Moldavie Niger Roumanie Rwanda Sénégal Slovénie Tchad République tchèque [60] TogoMoldavie Niger Roumanie Rwanda Sénégal Slovénie Tchad TogoLiban Madagascar Mali Maroc Maurice Moldavie Monaco Niger Roumanie Rwanda Sénégal Slovénie Suisse TogoÉgypte Gabon Guinée-Bissau Haïti Madagascar Mali Maroc Maurice Mauritanie Moldavie Niger Roumanie Rwanda Sénégal Slovénie Suisse Tchad République tchèque Togo

Nous observons, une fois de plus, une différence entre l’élection présidentielle et les élections parlementaires. La première autorise en priorité les candidatures individuelles, même si la majorité des pays acceptent parallèlement des candidats investis par les partis politiques. La situation est inverse pour le choix du corps législatif. Ceci illustre le fait que le choix du chef de l’État met en avant une personnalité individuelle. En outre, des différences peuvent s’expliquer par le mode de scrutin, les scrutins de liste à la proportionnelle favorisant davantage les candidats investis par les partis politiques que le scrutin majoritaire uninominal.

Les candidatures individuelles doivent fréquemment être appuyées par des élus locaux. C’est le cas, entre autres, en France [61] et en Mauritanie [62]. Le « parrainage » est utile pour éviter les candidatures fantaisistes, mais le nombre de signatures requises doit rester raisonnable pour garantir la liberté de candidature.

Néanmoins, il convient de souligner la mainmise des partis politiques sur la candidature et sur l’ensemble du processus électoral. La domination des partis de masse, le besoin de moyens de pro pagande, la charge financière et logistique et la complexité de tous les actes juridiques et politiques inhérents au bon déroulement des procédures électorales rendent exceptionnelles les candidatures non soutenues par une formation politique.

Afin de garantir une fidèle représentation des diverses composantes de la société, le constituant et le législateur ont pu élaborer des dispositions permettant un meilleur accès de certaines catégories de personnes aux fonctions électives. Ces normes concernent principalement les minorités nationales et les femmes. Si les pouvoirs publics ne peuvent se soustraire au choix des électeurs pour des raisons de respect de la volonté populaire, ils peuvent néanmoins contraindre les formations politiques à proposer des candidats de sexe féminin ou issus des minorités nationales. En ce qui concerne les femmes, la Belgique, la France, le Maroc, le Niger, le Rwanda et la Slovénie disposent de normes prévoyant une exigence de parité femmes/hommes dans la présentation des candidatures. Cette exigence prend, généralement, la forme de quotas. En France, au Rwanda et en Slovénie, la parité résulte de dispositions constitutionnelles. L’article 3 de la Constitution française et l’article 43 de la Constitution slovène imposent au législateur de prendre des mesures susceptibles de favoriser l’égal accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives. Des lois ont été adoptées pour mettre en œuvre cette obligation. L’article 9 de la Constitution du Rwanda fixe elle même un quota féminin de 30 % dans les instances de prise de décision. En Belgique, la loi du 18 juillet 2002 a introduit l’exigence de parité à l’article 117bis du code électoral. De même, la loi organique 06-02 modifiant la loi organique 31-97 relative à la Chambre des représentants du Royaume du Maroc, institue un système de quotas. La loi n° 2000-008 du 7 juin 2000 du Niger étend l’exigence de parité aux fonctions gouvernementales et à l’administration d’État.

La candidature à des fonctions électives est un acte positif. Parce qu’elle implique parfois des conséquences juridiques, la déclaration de candidature doit respecter un certain formalisme. Une déclaration orale est de moins en moins souvent acceptée. Dans 21 pays, il existe un modèle de déclaration de candidature. Il s’agit de l’Albanie, du Bénin [63], du Cambodge, du Canada [64], du Congo, de l’Égypte, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de Haïti, du Liban, de Madagascar, du Mali[65], du Maroc, de Maurice, de la Moldavie, de la Roumanie, du Rwanda, de la Slovénie, du Tchad, de la République tchèque et du Togo.

La candidature est également un acte très complexe. Les candidats individuels ou soutenus par de petites formations politiques n’ont pas toujours les capacités techniques pour constituer correctement leur dossier. Une aide est souvent nécessaire. Les Cours constitutionnelles semblent les plus aptes à l’apporter. Néanmoins, seules les Cours de Madagascar et du Tchad peuvent être sollicitées par un candidat pour la constitution de son dossier par le biais du Greffe ou du Secrétariat général. De son côté, la Cour constitutionnelle du Togo avoue répondre aux demandes des candidats de manière informelle.

B. L’enregistrement des candidatures

Tableau 39 – L’enregistrement des candidatures [66]

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLEÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
AlbanieL’Assemblée nationaleLa Commission électorale centrale
AlgérieLe ConseilLa wilaya (département)
BelgiqueLe président du bureau principal de la circonscription électorale
BéninLa Commission électorale nationale autonomeLa Commission électorale nationale autonome
BulgarieLa Commission électorale centraleLes commissions électorales de circonscription
Burkina FasoLe ConseilLa Commission électorale centrale
CambodgeLa Commission électorale centrale
CamerounLe ministère de l’IntérieurLa préfecture
CanadaLe directeur du scrutin de la circonscription [67]
CongoLe ministère de l’IntérieurLe ministère de l’Intérieur
ÉgypteL’Assemblée du peupleN.C.
FranceLe ConseilLes préfectures
GabonLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centraleLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale
Guinée-BissauLa Courla Cour
HaïtiLa Commission électorale centraleLa Commission électorale centrale
LibanN.C.Le ministère de l’Intérieur
MadagascarLa CourLa Commission administrative de vérification des candidatures
MaliLa CourLe ministère de l’Intérieur
MarocLe ministère de l’Intérieur
MauriceL’AssembléeLe Bureau du commissaire électoral
MauritanieLe ConseilL’administration locale [68]
MoldavieN.C.La commission électorale centrale
MonacoLa Mairie de Monaco
NigerLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centraleLe chef-lieu de la circonscription administrative
RoumanieLa Commission électorale centraleLes bureaux électoraux de circonscription
RwandaLa Commission électorale centraleLa Commission électorale centrale
SénégalLe ConseilLe ministère de l’Intérieur
SlovénieLa Commission électorale centraleLa Commission électorale de circonscription
SuisseL’administration (les cantons)
TchadLe ConseilLa Commission électorale centrale
République tchèqueLa Chambre des députésLes organes administratifs de la région
TogoLa Commission électorale centraleLa Commission électorale centrale

Les Cours d’Algérie, du Burkina Faso, de France, de Guinée-Bissau, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Sénégal et du Tchad enregistrent les candidatures à la présidence de la République. En revanche, seul le Tribunal suprême de justice de Guinée-Bissau a la même compétence en ce qui concerne l’enregistrement des candidats aux élections parlementaires. Les Cours constitutionnelles interviennent donc davantage dans les élections présidentielles dont elles arrêtent généralement la liste des candidats. Les commissions électorales centrales sont également compétentes dans un nombre élevé de pays (BéninBulgarieGabonHaïtiNigerRoumanieRwandaSlovénie et Togo), ce qui pose, une fois de plus, la question de la concurrence des attributions entre ces institutions et les Cours constitutionnelles. Le ministère de l’Intérieur, qui tradi tionnellement est l’autorité de gestion du processus électoral, ne se voit reconnaître la fonction d’enregistrement des candidatures que dans une minorité d’États (CongoCamerounNiger et le Gabon en coopération avec la commission électorale). Dans les États où le choix du chef de l’État n’est pas soumis au suffrage universel, l’enregistrement se fait à l’intérieur même du corps électoral c’est-à-dire du Parlement. C’est notamment le cas en République tchèque. L’Égypte est dans une situation intermédiaire puisque la candidature à la présidence est présentée à l’Assemblée du peuple par au moins un tiers de ses membres. Le candidat proposé doit obtenir les deux tiers des suffrages de l’Assemblée pour ensuite être soumis à l’approbation des citoyens par voie de référendum.

En ce qui concerne les élections parlementaires, qui se déroulent généralement au niveau des circonscriptions électorales, les déclarations de candidature se font, le plus souvent, auprès des autorités administratives locales (préfectures, départements, cantons…) ou des antennes locales des commissions électorales.

C. Le contentieux relatif aux candidatures

Tableau 40 – La compétence des cours constitutionnelles en matière de contentieux relatif aux candidatures

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLEÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
AlbanieOui [69]Non [70]
AlgérieCompétence en premier et dernier ressortNon [71]
BelgiqueNon [72]
BéninCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
BulgarieNon [73]Non [74]
Burkina FasoCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
CambodgeCompétence d’appel des décisions rendues par la Commission électorale centrale
CamerounCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
CanadaNon [75]
CongoNon [76]Non [77]
ÉgypteNonNon
FranceCompétence en premier et dernier ressortCompétence d’appel des décisions rendues par le tribunal administraif
GabonCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
Guinée-BissauCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
Haïti [78]NonNon
LibanNon [79]
MadagascarCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
MaliCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
MarocCompétence d’appel des décisions rendues par une juridiction administrative
MauriceNon [80]
MauritanieCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
MoldavieNonNon [81]
MonacoNon [82]
NigerCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
RoumanieCompétence en premier et dernier ressortNon [83]
RwandaCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
SénégalCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort
SlovénieNon [84]Non [85]
SuisseNon [86]
TchadCompétence en premier et dernier ressortCompétence d’appel des décisions rendues par la commission électorale centrale
République tchèqueNonNon [87]
TogoCompétence en premier et dernier ressortCompétence en premier et dernier ressort

De nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. sont compétentes pour connaître des contestations à l’égard des candidatures. Rappelons que les Cours belgecanadienne et égyptienne ne connaissent pas du contentieux électoral et que les compétences des Cours bulgaremoldaveslovènesuisse et tchèque sont réduites, ce qui explique en partie qu’elles ne se prononcent pas sur les candidatures. Néanmoins, il convient de nuancer cette affirmation. Par exemple, la Cour constitutionnelle bulgare peut statuer sur des contestations relatives aux candidatures dans le cadre d’un recours en interprétation de la Constitution émanant de la Cour suprême administrative, les conditions d’éligibilité se trouvant dans la Loi fondamentale, et dans le cadre du contentieux postélectoral

Ce tableau illustre le fait que le contentieux des candidatures relève majoritairement des Cours constitutionnelles à la différence des autres opérations préélectorales. Il se déroule obligatoirement pendant la période électorale, période pendant laquelle les Cours voient leurs activités décupler. Les contestations liées aux candidatures peuvent ainsi être soulevées avant et après le jour du vote. Les institutions doivent statuer dans des délais courts. Par exemple, au Cameroun, tout électeur et candidat doit saisir la Cour suprême dans les 2 jours qui suivent la publication des candidatures pour la présidentielle et dans les 5 jours qui suivent la notification de la décision de rejet de candidature aux législatives. La Cour dispose de 5 jours pour statuer [88].

Les Cours compétentes pour l’élection présidentielle le sont uniquement en premier et dernier ressort. Pour les élections parlementaires, la Cour intervient en appel des décisions rendues par la commission électorale centrale au Cambodge et au Tchad et en appel des juridictions administratives en France et au Maroc.


  • [1]
    Les circonscriptions pour l’élection de la Chambre des députés correspondent aux collectivités territoriales autonomes supérieures. Les petits districts électoraux sont uniquement créés en vue du dépouillement des bulletins de vote ; ils sont délimités par le maire et doivent comprendre environ 1 000 électeurs.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Au Canada, une commission indépendante est établie dans chacune des 10 provinces. À Maurice, la commission est nationale et prévue par l’article 38 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Décision n° 40 du 17 mai 2001 sur la loi n° 8746 du 28 février 2001 portant découpage électoral.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Arrêts n° 30/2003 (suspension) et 73/2003 (annulation).  [Retour au contenu]
  • [5]
    Arrêt du 6 juin 1991, Carter c. Saskatchewan (Procureur général) [1991] S.C.C.A. n° 93.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986, décision n° 86-218 DC du 18 novembre 1986.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Ordonnance U-I-128/92 du 27 octobre 1992, ordonnance U-I-226/00 du 10 avril 2003.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Il convient de préciser que le Tribunal fédéral suisse ne peut pas contrôler la constitutionnalité des lois constitutionnelles.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Décision n° 86-218 DC du 18 novembre 1986.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Voir note 5.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Voir « La Cour suprême du Canada et le système électoral fédéral canadien, survol de la jurisprudence récente », tome II, p. 223.  [Retour au contenu]
  • [12]
    En l’espèce, le découpage électoral révélait une certaine sous-représentation des zones urbaines.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Voir note 4.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Voir « Les Cours constitutionnelles et les questions relatives aux circonscriptions électorales : L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique : l’utilisation du découpage des circonscriptions en vue de la protection des minorités linguistiques », tome II, p. 57  [Retour au contenu]
  • [15]
    55 jours avant le scrutin en Bulgarie et en Moldavie.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Décision n° 86208 DC.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Art. 63

§ 1er. La Chambre des représentants compte cent cinquante membres.

§ 2. Chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur fédéral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par cent cinquante.

Les sièges restants sont attribués aux circonscriptions électorales ayant le plus grand excédent de population non encore représenté.

§ 3. La répartition des membres de la Chambre des représentants entre les circonscriptions électorales est mise en rapport avec la population par le Roi.

Le chiffre de la population de chaque circonscription électorale est déterminé tous les dix ans par un recensement de la population ou par tout autre moyen défini par la loi. Le Roi en publie les résultats dans un délai de six mois.

Dans les trois mois de cette publication, le Roi détermine le nombre de sièges attribués à chaque circonscription électorale. La nouvelle répartition est appliquée à partir des élections générales suivantes.

§ 4. La loi détermine les circonscriptions électorales ; elle détermine également les conditions requises pour être électeur et le déroulement des opérations électorales.  [Retour au contenu]

  • [18]
    Le Collège des bourgmestres et échevins.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Les autorités municipales.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Les autorités municipales.  [Retour au contenu]
  • [21]
    La Commune de Monaco est le seule collectivité territoriale monégasque. L’établissement de la liste électorale relève plus précisément de la commission de la liste électorale. Cette dernière est composée du maire, d’un délégué du gouvernement et de deux membres du conseil communal (article 6 de la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, modifiée).  [Retour au contenu]
  • [22]
    Les autorités municipales.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Les cantons.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Les autorités municipales établissent les listes et les envoient aux commissions électorales responsables des élections locales. L’ensemble du processus s’effectue sous la supervision de la Commission centrale.  [Retour au contenu]
  • [25]
    Plus précisément le Commissaire électoral et les Registration Officers.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Plus précisément, une commission administrative sous l’autorité de la CENI.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Les commissions d’établissement des listes électorales dans les sous-préfectures.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Une commission administrative par bureau de vote composée du maire ou de son représentant, du délégué de l’administration désigné par le préfet, ou le sous-préfet, et d’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance.  [Retour au contenu]
  • [29]
    La Commission nationale de recensement électoral.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Voir Tapo (Kassoum), « Les structures de gestion des opérations électorales : le cas de la CENI au Mali », in Franco phonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er -3 novembre 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pedone, 2001, p. 279-288.  [Retour au contenu]
  • [31]
    Article 8 de la loi électorale.  [Retour au contenu]
  • [32]
    Créé sur la base du recensement des électeurs de 1997, le registre national des électeurs est mis à jour par le biais de partenariats avec des agences fédérales (Citoyenneté et immigration Canada, Revenu Canada…) et des agences et organismes provinciaux (agences électorales, registres des données vitales, permis de conduire…).  [Retour au contenu]
  • [33]
    Avis n° 190/2002, CDL-AD (2002) 23 rev.  [Retour au contenu]
  • [34]
    Monaco ne dispose pas de fichier central électoral au sens propre du terme. Néanmoins, parce qu’il n’existe qu’une seule circonscription électorale, l’unique liste électorale de la Principauté équivaut à un fichier central.  [Retour au contenu]
  • [35]
    La loi du 7 février 2004 a confié le contentieux des listes électorales au juge administratif.  [Retour au contenu]
  • [36]
    Commission électorale.  [Retour au contenu]
  • [37]
    Une commission présidée par le président du tribunal de première instance et composée du directeur de la sécurité de l’autorité régionale et d’un procureur peut connaître des contestations relatives à l’établissement et à la révision des listes électorales (article 16 de la loi de 1956 sur l’exercice des droits politiques).  [Retour au contenu]
  • [38]
    Le préfet peut déférer au tribunal administratif les opérations de la commission administrative (article L20 du code électoral).  [Retour au contenu]
  • [39]
    Selon la loi électorale, les commissions d’enregistrement sont compétentes pour les demandes de rectification de toute erreur dans les listes électorales ; un appel est possible devant les hautes commissions d’enregistrement (art. 23 et 24 Loi n° 171 du 6 janvier 2000).  [Retour au contenu]
  • [40]
    Une commission spéciale, composée du préfet ou sous-préfet, d’un maire, de 2 conseillers municipaux et de 2 électeurs peut connaître des réclamations en première instance.  [Retour au contenu]
  • [41]
    La contestation doit être auparavant portée devant le Registration Officer.  [Retour au contenu]
  • [42]
    En outre, le ministre d’État peut, dans les 15 jours qui suivent la réception du tableau de révision de la liste électorale, déférer au Tribunal suprême les opérations de la commission.  [Retour au contenu]
  • [43]
    Quand il existe une séparation des ordres juridiques.  [Retour au contenu]
  • [44]
    Article 5 de la loi organique du 7 février 2004 modifiant l’article 25 de la loi organique relative au régime électoral du 6 mars 1997.  [Retour au contenu]
  • [45]
    En outre, le juge délégué envoyé pour observer les opérations de vote est compétent pour remettre sur la liste ceux qui en ont été indûment radiés. Ceci est possible dans d’autres États, notamment au Niger.  [Retour au contenu]
  • [46]
    Décision n° 97-2113/2119/2146/2154/2234/2235/2242/2243 du 20 février 1998, Paris 2e.  [Retour au contenu]
  • [47]
    Arrêt n° CC-EP 97-047 du 8 mai 1997.  [Retour au contenu]
  • [48]
    Voir Keita (Fassémé), « La liste électorale et l’électorat : rapport du Mali », in Aspects du contentieux électoral en Afrique, actes du séminaire de Cotonou, 11-12 novembre 1998, Paris, Agence intergouvernementale de la Francophonie, 2000, p. 100-109  [Retour au contenu]
  • [49]
    Voir Bigaut (Christian), « Droit de la carte d’électeur », in Perrineau (Pascal) et Reynié (Dominique) (dir.), Dictionnaire du vote, P.U.F., Paris, 2001, p. 150-151.  [Retour au contenu]
  • [50]
    Une société d’imprimerie adjudicataire d’un appel d’offre lancé par la Commission électorale nationale autonome.  [Retour au contenu]
  • [51]
    Délégation générale aux élections  [Retour au contenu]
  • [52]
    Dans le cadre de ce bulletin, les termes nationalité et citoyenneté sont synonymes.  [Retour au contenu]
  • [53]
    En cas d’acquisition de la nationalité gabonaise, seuls les descendants ayant séjourné sans discontinuité au Gabon peuvent être candidats à partir de la quatrième génération.  [Retour au contenu]
  • [54]
    En outre, il faut être inscrit sur les listes électorales, savoir lire et écrire, avoir accompli le service militaire ou en être exempté.  [Retour au contenu]
  • [55]
    Article 5 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [56]
    Suffrage indirect. Les candidats doivent être proposés par un groupe d’au moins 20 députés.  [Retour au contenu]
  • [57]
    Le candidat à l’élection doit être présenté à l’Assemblée du peuple par au moins un tiers de ses membres. Une modification de la Constitution est en cours en vue de permettre l’élection du président de la République au suffrage universel direct.  [Retour au contenu]
  • [58]
    Suffrage indirect.  [Retour au contenu]
  • [59]
    Suffrage indirect. Le candidat est proposé par le Premier ministre.  [Retour au contenu]
  • [60]
    Suffrage indirect.  [Retour au contenu]
  • [61]
    Le candidat à la présidence doit être présenté par 500 élus représentant au moins 30 départements ou collectivités assimilées parmi les parlementaires, les conseillers régionaux, les conseillers généraux, les membres des assemblées territoriales d’outre-mer, les maires, les membres élus du Conseil supérieur des Français de l’étranger.  [Retour au contenu]
  • [62]
    Le candidat à la présidence doit être présenté par 50 conseillers municipaux.  [Retour au contenu]
  • [63]
    Le modèle de candidature est conçu par la Commission électorale nationale autonome.  [Retour au contenu]
  • [64]
    Le modèle de candidature est disponible sur le site d’« Élections Canada » (www.elections.ca.  [Retour au contenu]
  • [65]
    Le modèle de candidature est élaboré par le Conseil des ministres après avis de la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [66]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [67]
    Le directeur du scrutin, qui relève de l’administration du Directeur général des élections, administre le processus électoral dans chaque circonscription.  [Retour au contenu]
  • [68]
    Les candidatures sont cependant validées par les commissions administratives composées par le Wali, deux magistrats et deux fonctionnaires locaux.  [Retour au contenu]
  • [69]
    Selon l’article 64 de la loi sur la Cour constitutionnelle, cette dernière statue sur la décision de l’Assemblée de la République relative à l’éligibilité du président de la République, sur saisine d’au moins un cinquième des députés ou un parti politique.  [Retour au contenu]
  • [70]
    Compétence de la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana.  [Retour au contenu]
  • [71]
    Compétence du juge administratif depuis la loi de février 2004 (article 113 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [72]
    Compétence de Bureau principal de la circonscription électorale, appel près la Cour d’appel.  [Retour au contenu]
  • [73]
    Compétence de la Cour administrative suprême.  [Retour au contenu]
  • [74]
    Compétence de la Cour administrative suprême.  [Retour au contenu]
  • [75]
    Toute plainte doit être portée par écrit à l’attention du Commissaire aux élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [76]
    Compétence du tribunal de grande instance (article 107 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [77]
    Compétence du tribunal de grande instance (article 107 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [78]
    Pas de compétence depuis la loi électorale de 1995.  [Retour au contenu]
  • [79]
    Compétence du Conseil d’État.  [Retour au contenu]
  • [80]
    La Cour suprême ne connaît pas du contentieux électoral avant la tenue du scrutin. En revanche, l’inéligibilité du candidat élu est un motif de saisine de la Cour dans le cadre du contentieux post-électoral.  [Retour au contenu]
  • [81]
    Les décisions de la Commission électorale centrale peuvent être contestées devant la Cour suprême de justice.  [Retour au contenu]
  • [82]
    Le contentieux des candidatures relève du tribunal de première instance.  [Retour au contenu]
  • [83]
    Compétence du tribunal de la région.  [Retour au contenu]
  • [84]
    Compétence de la Cour suprême.  [Retour au contenu]
  • [85]
    Recours possible devant la Commission électorale de la République et une cour compétente en matière de contentieux administratif.  [Retour au contenu]
  • [86]
    Compétence du Gouvernement cantonal.  [Retour au contenu]
  • [87]
    Les recours sont d’abord examinés par la Commission électorale régionale, puis par la Commission électorale d’État. Un recours juridictionnel est possible devant la Cour suprême dans un délai de 24 heures (article 86 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [88]
    La même exigence de délai s’applique aux juridictions non constitutionnelles compétentes en matière de contentieux relatif aux candidatures.  [Retour au contenu]

V. Le déroulement du scrutin

Le vote reste un acte fondamental de la vie des régimes démocratiques. Il est important que le résultat des élections soit l’expression fidèle de la volonté du peuple. Pour cela, le déroulement du scrutin doit être strictement encadré, à un moment où l’intention des électeurs peut être facilement détournée

Des règles précises régissant la composition des bureaux de vote et les opérations de dépouillement sont impératives. En outre, les procédures de vote doivent être à la fois fiables et permettre au plus grand nombre d’électeurs d’exercer leur devoir civique. Enfin, afin de s’assurer du bon déroulement du scrutin, un contrôle objectif des opérations de vote doit être autorisé.

1. Les bureaux de vote

Les membres du bureau de vote ont pour fonction de veiller à la régularité et au maintien de l’ordre dans et autour du lieu de vote [1]. Si les élections mobilisent un nombre important d’acteurs, les membres du bureau de vote constituent le personnel électoral le plus visible des électeurs. La localisation des bureaux de vote doit être proche des citoyens et il importe qu’ils soient précisément identifiés.

Le nombre des bureaux de vote varie en fonction de la population, du nombre d’inscrits sur les listes électorales et de la taille du territoire. Ainsi, parmi les pays francophones, la France est le pays qui compte le plus d’habitants et, par conséquent, le plus de bureaux de vote : leur nombre s’élève à 65 000. À Madagascar, qui a une superficie équivalente mais 4 fois moins d’habitants, on dénombre environ 17 000 bureaux de vote. Le Canada, qui a 30 millions d’habitants mais un territoire presque 20 fois plus vaste que celui de la France, a recensé lors des élections générales de 2000, 56 822 bureaux ordinaires et 883 bureaux itinérants dans 17 340 lieux de scrutin. À l’opposé, à l‘Île Maurice, avec une superficie inférieure à 2 000 km2 et 1,2 million d’habitants, on ne dénombre que 2 000 bureaux de vote. Quant à la Principauté de Monaco, elle ne compte qu’un seul bureau de vote.

Le nombre d’électeurs inscrits par bureau de vote illustre mieux encore la proximité de l’urne électorale du citoyen.

Tableau 41 – Nombre d’électeurs inscrits par bureau de vote

Albanie577 en moyenne (entre 50 et 1 000 électeurs par bureau selon le code électoral)
AlgérieN.C. [2]
BelgiqueEntre 150 et 800
Bénin400 en moyenne
Bulgarie1 000
Burkina Faso800 au maximum
Cambodge700 au maximum
Cameroun600 pour l’élection présidentielle, 800 pour l’élection parlementaire
Canada358 en moyenne
Congo1 000 au maximum
ÉgypteN.C.
France600 à 700 en moyenne
Gabon500 en moyenne
Guinée-Bissau400 en moyenne
Haïti420 en moyenne
LibanN.C.
Madagascar363 en moyenne
Mali700 en moyenne en 2002
MarocN.C.
MauriceEntre 400 et 450
Mauritanie500 en moyenne
MoldavieEntre 30 et 3 000
Monaco6 000
NigerMoins de 600 électeurs
RoumanieN.C.
Rwanda400 en moyenne
Sénégal800 au maximum dans les communes, 500 dans les communautés rurales
Slovénie500 en moyenne
SuisseN.C.
TchadEntre 500 et 600
République tchèqueDe 9 à 2 050 électeurs
Togo600 en moyenne

La composition des bureaux de vote est un élément essentiel de la réussite des opérations électorales le jour du scrutin. Elle requiert les mêmes exigences, parfois paradoxales, d’impartialité et d’efficacité que celles présidant la composition des commissions électorales. Ainsi, le personnel électoral doit, à la fois, maîtriser toutes les étapes du déroulement du scrutin telles que prévues par les textes, faire preuve de la plus grande neutralité vis-à-vis des enjeux partisans et enfin ne pas exercer une influence sur le choix des électeurs.

Tableau 42 – La composition des bureaux de vote

AlbanieUn président, un assesseur, quatre représentants des partis politiques, un secrétaire
AlgérieUn président, deux assesseurs, un vice-président, un secrétaire
BelgiqueUn président, quatre assesseurs et quatre suppléants, des représentants des partis politiques, un secrétaire [3]
BéninUn président et deux assesseurs (le second fait office de secrétaire)
Bulgarie [4]Un président, sept à neuf assesseurs
Burkina FasoUn président, deux assesseurs, un secrétaire
CambodgeUn président et quatre assesseurs
CamerounUn président, des assesseurs et des représentants des partis politiques
CanadaDes représentants des partis politiques, un scrutateur, un greffier. Peuvent être présents : le directeur du scrutin et tout représentant de celui-ci ainsi que des observateurs et les membres du personnel du Directeur général des élections.
CongoUn président, plusieurs assesseurs, un représentant du ministère de l’Intérieur
ÉgypteUn président, au moins deux assesseurs et un secrétaire, des représentants des partis politiques
FranceUn président [5], au moins quatre assesseurs, un secrétaire
GabonUn président, des assesseurs, des représentants des partis politiques
Guinée-BissauUn président, un secrétaire, quatre scrutateurs
HaïtiUn président, un vice-président, un clerc, deux assesseurs, des représentants des partis politiques
LibanUn président, quatre assesseurs, des représentants des partis politiques [6]
MadagascarUn président, quatre assesseurs, un vice-président et un secrétaire
MaliUn président, au moins quatre assesseurs, des représentants des partis politiques
MarocUn président, deux assesseurs, des représentants des partis politiques
MauriceUn président, deux assesseurs, des représentants des partis politiques
MauritanieUn président, deux assesseurs, des représentants des partis politiques
MoldavieUn président, des assesseurs
MonacoUn président, plusieurs assesseurs, au moins deux membres du Conseil communal, un secrétaire [7]
NigerUn président, trois assesseurs, des représentants des partis politiques
RoumanieUn président, plusieurs assesseurs, des représentants des partis politiques
RwandaUn président, trois assesseurs (dont un fait office de secrétaire), des représentants des partis politiques en tant qu’observateurs
SénégalUn président, un assesseur, des représentants des partis politiques, un secrétaire
SlovénieUn président, un nombre pair d’assesseurs, des suppléants
SuisseUn président, des représentants des partis politiques
TchadUn président, des assesseurs, des représentants des partis politiques, un vice-président, un secrétaire
République tchèqueUn président, des représentants des partis politiques, un vice-président
TogoUn président, deux assesseurs

La composition du bureau de vote soulève deux questions importantes : la présence des partis politiques et le rôle du président. Une fois de plus, le débat est le même que celui qui régit la composition des commissions électorales. D’un côté, la présence de représentants des candidats ou des partis politiques est une garantie de contrôle des activités du bureau de vote. D’un autre côté, ceux-ci peuvent entraver l’efficacité du travail s’ils n’ont pas la formation requise.

Sur les 32 États présents dans le tableau ci-dessus, 13 ne comptent pas de représentants des partis politiques dans les bureaux de vote. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, de la Bulgarie, du Burkina Faso, du Cambodge, du Congo, de la France, de la Guinée-Bissau, de Madagascar, de la Moldavie, de Monaco, de la Slovénie et du Togo. Néanmoins, il est possible pour les partis politiques de participer à la nomination des membres du bureau de vote, notamment en France où chaque candidat a le droit de désigner un assesseur. En outre, le rôle des représentants des partis peut être restreint au sein du bureau. Par exemple, la Cour suprême du Rwanda précise que les représentants des formations politiques ne sont présents qu’en tant qu’observateurs, brouillant de ce fait la frontière entre observateurs et membres.

Les bureaux de vote sont composés d’un président et d’assesseurs, dont le nombre varie de 1 à 9. Le Canada, la Suisse et la République tchèque représentent des exceptions. Néanmoins, en ce qui concerne le Canada, sa particularité doit être relativisée puisque les termes scrutateur et greffier semblent correspondre à ceux de président du bureau de vote et d’assesseurs. Toutefois, si les scrutateurs et greffiers tiennent indirectement leur nomination des partis politiques, l’autorité du Directeur général des élections et du Commissaire aux élections fédérales se manifeste par la présence des directeurs du scrutin ou de membres du personnel du Directeur général. La structure de gestion des opérations électorales encadre le processus électoral jusqu’à la composition des bureaux de vote. Le Canada n’est pas le seul pays à avoir confié une partie des opérations le jour du scrutin à la commission électorale.

Ainsi, en Albanie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Gabon, en Guinée-Bissau, à Haïti, à l’Île Maurice, au Niger, au Rwanda, en Slovénie et au Tchad, les commissions électorales et le plus souvent leurs démembrements locaux nomment le président du bureau de vote. En Moldavie et en République tchèque, le bureau élit lui-même son président. Les 7 membres des bureaux de vote albanais sont désignés par les partis politiques. En Moldavie, les bureaux de vote sont créés par les conseils électoraux de circonscription au moins 20 jours avant le jour des élections sur proposition de l’autorité municipale ; 2 jours après sa création, les membres du bureau doivent élire leur président. En République tchèque, le président et le vice président sont tirés au sort lors de la première session de la commission électorale de petit district.

Dans d’autres États, l’administration nomme le président des bureaux de vote ; il s’agit rarement du pouvoir central comme au Congo, en Mauritanie et au Togo (le ministre de l’Intérieur) mais plus souvent des autorités déconcentrées ou décentralisées de l’État notamment en Algérie (le wali : le préfet), au Cameroun (les sous-préfets), en France (le maire), au Liban (le mohafez : représentant de l’État dans les communes), à Madagascar (le Fokontany : assemblée générale de la collectivité territoriale), au Mali (le préfet), au Maroc (le gouverneur), au Sénégal (le gouverneur ou le préfet) et en Suisse (les autorités cantonales ou communales en début de législature). Les autorités judiciaires peuvent intervenir dans le choix du président. C’est le cas en Belgique, où il est nommé par le tribunal de première instance ou le juge de paix et en Égypte où le Conseil supérieur de la magistrature choisit le président au sein du corps des magistrats.

Dans une majorité d’États, tout électeur inscrit sur les listes de la circonscription électorale, peut être désigné président du bureau de vote ou assesseur. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, de la Bulgarie, du Cambodge, du Cameroun, du Congo, de la France, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, de la Moldavie, du Niger, du Rwanda, de la Slovénie, de la Suisse, du Tchad, de la République tchèque et du Togo. Certains pays posent néanmoins quelques conditions. Elles concernent les aptitudes des membres du bureau de vote à lire et à écrire la langue officielle et parfois la langue locale. Cette exigence est précisée notamment au Bénin, en Guinée-Bissau, à Haïti et à Madagascar. La réglementation cambodgienne énonce de nombreuses incompatibilités : ne peuvent devenir membres de bureaux de vote les militaires, les policiers, les fonctionnaires des autorités judiciaires, les ministres du culte, les chefs et les sous-chefs de district, les membres du conseil de la commune, les fonctionnaires de la commune, le chef, le sous-chef et les membres du village.

À l’inverse, la présidence de l’unique bureau de vote monégasque est détenue par le Maire de Monaco ou un adjoint. Les assesseurs sont choisis par le président parmi les électeurs fonction naires de l’État ou de la Commune le lendemain du jour limite fixé pour le dépôt des candidatures [8].

De même, au Burkina Faso, au Liban, au Maroc, à l’Île Maurice et au Sénégal, les bureaux de vote sont composés de fonctionnaires. Cela ne concerne que le président au Maroc, les assesseurs étant des électeurs. Le Burkina Faso et le Sénégal se réservent, en outre, le droit de désigner les membres du bureau de vote parmi les électeurs sachant lire et écrire si le nombre de fonctionnaires est insuffisant.

En Belgique, le président du bureau de vote est, par ordre de priorité, un magistrat, un avocat, un notaire, un fonctionnaire de niveau 1 ou un enseignant. En revanche, l’assesseur peut être tout électeur âgé de plus de 30 ans. De même, en Roumanie, les membres sont des magistrats ou des personnes ayant une formation juridique. Au Canada, les scrutateurs sont choisis sur une liste de personnes aptes à remplir cette fonction fournie par le candidat du parti dont le candidat s’est classé premier dans la circonscription lors de la dernière élection générale. Les greffiers sont choisis sur une liste de personnes fournie par le candidat du parti dont le candidat est arrivé deuxième dans la circonscription lors de la dernière élection générale.

Dans 19 États, un bureau de vote incomplet entraîne, en principe, l’irrégularité de l’élection. Dans les autres pays, un quorum de membres suffit. Il s’agit de l’Albanie, du Bénin, du Cameroun, du Canada, de la France, de Madagascar, de l’Île Maurice, de Monaco, du Niger et de la Suisse. En Albanie, le procès-verbal doit être signé par au moins cinq des sept membres de la commission. Au Bénin, l’élection est annulée si le procès-verbal constate la présence d’un seul membre du bureau de vote. En France et à Madagascar, au moins trois membres du bureau doivent être constamment présents tout le long de l’opération électorale. En République tchèque, si le nombre minimal n’est pas réuni, il appartient au maire de désigner des membres supplémentaires.

Lorsque le scrutin est clos, le bureau de vote doit dresser un procès-verbal des résultats. Cette tâche relève fréquemment de la compétence du président du bureau. C’est le cas au Bénin, au Burkina Faso, en Égypte, au Liban, au Maroc, à l’Île Maurice, à Monaco, au Niger, en Roumanie, au Rwanda et en Suisse. En Albanie, en Bulgarie, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, en France, au Gabon, à Haïti, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, en Moldavie et en Slovénie, le président partage sa compétence avec les autres membres du bureau de vote. Au Tchad, l’ensemble des membres dresse le procès-verbal contresigné par les représentants des can didats, qui sont en outre autorisés à y introduire des observations. En Belgique et au Sénégal, ce sont les secrétaires du bureau de vote qui élaborent le procès-verbal. En République tchèque, cette tâche incombe au greffier, au Canada, aux directeurs du scrutin et au Togo, à un rapporteur désigné par l’administration électorale.

Un des devoirs du bureau de vote à la clôture du scrutin est la gestion des bulletins non utilisés. Elle se doit d’être transparente afin d’éviter les tentations d’utilisation frauduleuse de ces bulletins. Les solutions choisies sont variées. Néanmoins, elles s’articulent autour de trois réponses : la des truction, le renvoi à l’autorité de gestion des opérations électorales, la mise sous scellés.

Tableau 43 – La gestion des bulletins de vote non utilisés

AlbanieIls sont mis dans une enveloppe et insérés dans l’urne, qui sera fermée, revêtue d’un sceau et d’un numéro d’identification
AlgérieN.C.
BelgiqueIls sont retournés au ministère de l’Intérieur
BéninIls sont retournés à la CENA
BulgarieIls sont mis sous emballage scellé par la commission électorale de section
Burkina FasoIls sont détruits après la proclamation des résultats
CambodgeIls sont mis dans une enveloppe séparée fournie par le Comité national des élections et qui lui est envoyée
CamerounIls sont conservés dans les sous-préfectures
CanadaIls sont contrôlés et retournés au bureau du Directeur général des élections
CongoIls sont envoyés au siège de la circonscription électorale
ÉgypteIls sont mis à part jusqu’à la fin de l’élection
FranceIls sont détruits
GabonIls sont brûlés publiquement
Guinée-BissauIls sont signés par le président et les délégués, introduits dans une enveloppe et envoyés à la commission régionale des élections
HaïtiIls sont mis dans une enveloppe à part
LibanN.C.
MadagascarIls sont remis à la commission administrative compétente
MaliIls sont détruits
MarocIls sont retournés à l’administration centrale
MauriceIls sont scellés en présence des candidats ou de leur représentant et conservés par la Commission de contrôle électoral pour être détruits après le délai légal
MauritanieIls sont remis à l’administration
MoldavieIls sont retournés au conseil électoral de circonscription
MonacoIls sont détruits
NigerIls sont retournés au siège de la Commission électorale
RoumanieIls sont annulés par le président
RwandaIls sont conservés au siège de la branche de la Commission électorale nationale jusqu’à l’expiration du délai de recours puis détruits
SénégalIls sont laissés sur place
SlovénieIls sont mis sous scellés
SuisseIls sont détruits après la proclamation définitive des résultats
TchadIls sont conservés
République tchèqueIls sont conservés à la mairie pendant 30 jours après la proclamation des résultats définitifs. Ensuite, trois séries de bulletins qui n’ont pas été utilisés sont archivés, les autres sont détruits
TogoIls sont comptabilisés et retournés à l’administration électorale

Une des missions essentielles des membres du bureau de vote est d’assurer l’ordre public à l’intérieur des locaux. Les textes électoraux confient, en règle générale, cette tâche au président du bureau. En pratique, l’ordre public est assuré par les forces de l’ordre, qui, cependant, peuvent entrer dans le bureau de vote uniquement sur requête du président dans la totalité des États étudiés [9]. Le Conseil constitutionnel marocain précise que la police ne peut pas pénétrer dans l’enceinte du bureau de vote et le Conseil cambodgien ajoute que les forces de l’ordre doivent rester au-delà d’un rayon de 200 mètres autour du bureau.

Seule une petite minorité des Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. a sanctionné des pressions sur les électeurs. La Cour constitutionnelle du Bénin a fait état de pressions dans ses décisions de proclamation des résultats sans avoir sanctionné un cas particulier. Les pressions émanent des partisans des candidats, des membres des forces de l’ordre ou plus précisément de personnes revêtues d’une tenue militaire comme le constate le Conseil constitutionnel tchadien. Des pressions administratives ou de chefferie ainsi que des faits de corruption sont déplorés par les Cours libanaise et malienne. Les pressions ont pu évoluer en violences physiques au Sénégal. Au Canada, les tribunaux de droit commun ont sanctionné à plusieurs reprises des infractions à la liberté de vote qui ont pris la forme d’intimidations et de pots-de-vin. Enfin, dans une décision de 1997, le Conseil constitutionnel français a sanctionné des pressions exercées sur les électeurs par le président départemental d’habitations à loyer modéré [10].

2. Les procédures de vote

Les procédures de vote jouent un rôle essentiel dans l’ensemble du processus électoral puisque c’est lors du vote qu’une éventuelle fraude est la plus probable. La grande majorité des électeurs dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. votent le jour du scrutin dans un bureau de vote au moyen d’un bulletin papier. Cette procédure de vote demeure la procédure la plus répandue et celle qui garantit le mieux la liberté et le secret du vote.

Mais il revient à l’État d’offrir des formes spéciales de vote aux électeurs qui ne peuvent se déplacer au bureau de vote le jour de l’élection. Ces personnes doivent avoir les mêmes chances d’exercer leur droit de vote que les autres électeurs. En outre, afin de faire face au problème de l’abstention, le devoir des États est de favoriser l’accessibilité au vote à l’ensemble de la population dont la mobilité est souvent accrue dans les sociétés industrialisées. Nous observons une tendance vers l’extension des procédures spéciales de vote à l’ensemble de la population.

Le vote par procuration est la procédure spéciale de vote la plus fréquemment rencontrée dans les pays étudiés. Il est pratiqué en Algérie, Belgique, Bénin, Égypte, France, Gabon, Mali, Île Maurice, Niger, Tchad, Togo. Les modalités diffèrent d’un État à l’autre mais l’objectif de cette procédure reste, dans tous ces pays, de favoriser l’accès au vote de personnes qui en sont empêchées pour des raisons valables, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 44 – Les bénéficiaires du vote par procuration

PaysLes bénéficiaires du vote par procuration
AlgérieToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les nationaux résidant à l’étranger, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile, les militaires
BelgiqueToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les nationaux résidant à l’étranger
BéninToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile, les militaires, les observateurs [11]
ÉgypteToute personne dont l’empêchement est constaté
FranceToute personne dont l’empêchement est constaté, les nationaux résidant à l’étranger, les membres des commissions électorales en déplacement, les membres de la force publique absents de leur domicile
GabonToute personne dont l’empêchement est constaté
MaliToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, membres des bureaux de vote, membres des commissions électorales en déplacement, membres de la force publique absents de leur domicile, agents de l’État absents de leur domicile, les militaires
MauriceLes membres des bureaux de vote, les membres de la force publique absents de leur domicile, le personnel des ambassades
NigerToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les agents de l’État absents de leur domicile
TchadToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales en déplacement, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile le jour du scrutin
TogoToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales en déplacement, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile le jour du scrutin, les militaires

Les conditions du vote par procuration ont été interprétées de façon extensive en France. Les éléments à apporter permettant de prouver l’empêchement de l’électeur (certificats médicaux, ordres de mission, titres de transport…) ont été abandonnés au profit d’une simple attestation sur l’honneur. Néanmoins, le vote par procuration n’est pas exempt de manœuvres frauduleuses notamment en ce qui concerne le respect de la volonté électorale du citoyen empêché. Le risque de voir des membres d’une famille se défaire de leur droit de vote en faveur du chef de famille est également un risque récurrent du vote par procuration. L’Algérie a ainsi exclu des bénéficiaires du vote par procuration les membres de la famille afin d’inciter les femmes à exercer directement leurs droits politiques [12].

Le vote par procuration a, certes, un grand intérêt, mais son utilisation doit être préalablement expliquée pour éviter les irrégularités, qui, par ailleurs, ne procèdent pas forcément d’intentions frauduleuses. C’est le vœu du Conseil constitutionnel tchadien, qui constate qu’un nombre impor tant de personnes ne connaissent pas les règles du code électoral et confie leur carte d’électeur à un autre électeur au lieu de retirer leur procuration quelques jours avant le scrutin [13].

Une solution pour les électeurs ne pouvant se déplacer le jour de l’élection et qui souhaitent voter personnellement, consiste à envoyer le bulletin de vote directement au bureau de vote par le biais des services de la poste. Le vote par correspondance peut être utilisé en priorité pour les personnes à mobilité réduite et pour les électeurs résidant à l’étranger. Seuls la Belgique, le Canada, la Slovénie et la Suisse ont recours à cette procédure.

Tableau 45 – Les bénéficiaires du vote à distance

PaysLes bénéficiaires du vote à distance
BelgiqueLes nationaux résidant à l’étranger
CanadaToute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les nationaux résidant à l’étranger, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile, les militaires, quiconque en fait la demande
SlovénieLes nationaux résidant à l’étranger, les personnes hospitalisées, les résidents des maisons de retraite, les personnes en détention
SuisseTout citoyen peut voter par correspondance

La Belgique n’a reconnu qu’en 1998 le droit de vote aux Belges résidant à l’étranger. Les conditions trop sévères ont incité le législateur en 2002 à élargir les possibilités de vote des Belges de l’étranger [14]. Le vote par correspondance n’est donc, en pratique, que très rarement utilisé. La situation est inverse au Canada et en Suisse où l’ensemble de la population peut recourir à cette procédure spéciale de vote. Par exemple, en Suisse, le vote par correspondance est très fréquemment utilisé, au point que dans certaines communes, le vote traditionnel dans un bureau de vote a pratiquement disparu. Le Tribunal fédéral observe, en outre, qu’il a permis de réduire l’abstention [15]. Cette procédure doit reposer sur des services postaux sûrs et fiables et doit être strictement encadrée afin de préserver le secret du vote.

Parmi les autres formes de procédure spéciale de vote, il existe le vote par anticipation, c’est-àdire effectué avant la date officielle du scrutin. Il est pratiqué au Canada, en Guinée-Bissau, au Mali, en Slovénie, en Suisse et au Togo. La Roumanie a recours à « l’urne mobile » pour les électeurs qui ne peuvent se déplacer. Elle doit être soumise à des conditions très strictes, notamment la présence auprès de l’urne de plusieurs membres de la commission électorale représentant les différentes tendances politiques [16].

Des procédures de vote reposant sur les nouvelles technologies se développent timidement. Le vote électronique peut s’entendre de deux façons. Il concerne, en premier lieu, la machine à voter. L’électeur vote dans un bureau de vote au moyen d’une carte magnétique. Des États ont expérimenté ce système, comme la France, mais c’est en Belgique que le vote électronique semble faire l’objet de la diffusion la plus large [17]. Il concerne environ la moitié des électeurs. Le choix de l’électeur n’est pas inscrit dans l’ordinateur qui se trouve dans l’isoloir mais sur une carte magnétique, qui remplace le bulletin papier. Cette dernière est ensuite introduite dans l’urne électronique.

Le vote électronique peut également être effectué à distance par Internet. C’est en Suisse, où, comme nous venons de le voir, le vote par correspondance est très répandu, que cette procédure est la plus développée. Il a fait l’objet de plusieurs essais concluants dans quelques communes. L’électeur télécharge le bulletin de vote depuis son ordinateur personnel, le remplit puis le renvoie par courrier électronique à un bureau de vote central.

Ces nouvelles procédures de vote font cependant l’objet de nombreuses réticences. Celles-ci portent principalement sur la fiabilité des programmes informatiques et le risque de stigmatisation des personnes qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies.

Il convient de se demander si, parallèlement aux procédures spéciales de vote, la législation des États concernés prévoit des procédures de vote particulières pour certaines catégories de la population pour lesquelles les procédures normales de vote ne leur permettent par d’exercer leurs droits politiques convenablement.

Cela concerne, en premier lieu, les populations non sédentarisées. Ce terme vise essentiellement, mais pas exclusivement, les populations nomades de l’Afrique sub-saharienne et les populations rom en Europe.

L’Algérie, la Belgique, la Guinée-Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la Suisse et le Tchad prévoient de telles procédures. L’objectif est de favoriser l’accès au vote. La solution la plus usuelle est la mise en place de bureaux itinérants. C’est la solution retenue en Algérie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie et au Tchad. En outre, le Tchad prévoit la possibilité d’un allongement de la durée du scrutin pour les populations non sédentaires. La mise en place de bureaux itinérants ne semble pas satisfaisante selon les Cours de Guinée-Bissau et de Mauritanie. Au Mali, parce qu’ils ne permettaient pas de joindre tous les électeurs, les bureaux de vote itinérants ont été supprimés en 2003. Il ne reste aux nomades que la possibilité du vote par procuration. C’est par ailleurs la solution qui prévaut en Belgique. Le Niger donne la possibilité aux nomades de voter dans le lieu où ils résident le jour du scrutin à condition qu’ils soient déclarés nomades sur leur carte d’électeur. En Suisse, il est prévu que les Rom votent dans leur commune d’origine et non dans leur commune de résidence. Dans ce cas, l’objectif est moins de faciliter l’accès des populations non sédentaires aux bureaux de vote que de permettre leur inscription sur les listes électorales.

Les militaires peuvent également avoir besoin d’une procédure spéciale de vote. Outre les législations algérienne, béninoise et malienne qui prévoient le vote par procuration pour les membres de l’armée, le Canada et la Suisse le vote par correspondance, des bureaux de vote sont installés à proximité des casernes en Albanie et au Niger et sur le lieu de travail en Algérie.

Le vote des illettrés pose également un problème difficile à régler. Il est du devoir de l’État de permettre aux personnes qui ne savent ni lire ni écrire de voter étant donné qu’elles représentent une part non négligeable de la population dans certains pays. Néanmoins, il est difficile de respecter le secret du vote lorsque l’électeur ne peut exprimer son choix sans une aide extérieure. Certains États permettent de demander l’assistance d’une personne qui n’appartient pas au bureau. Il s’agit de la Bulgarie, du Cambodge, de la Slovénie et de la République tchèque. La loi électorale canadienne ne prévoit aucune mesure dans ce sens, mais la réglementation administrative autorise la présence de services d’assistance dans les bureaux de vote pour les personnes qui en feraient la demande. Certains pays africains (le Congo, la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Tchad) ont recours aux empreintes digitales de l’électeur illettré. Ce dernier trempe son doigt dans l’encre indélébile et l’appose en marge de son nom sur la liste électorale. En Égypte, l’électeur exprime son choix oralement aux membres du bureau ; le secrétaire enregistre son choix et le président le ratifie. De même, à l‘Île Maurice, le bulletin qui correspond au choix de l’électeur illettré est enre gistré par un assesseur sous la surveillance de deux autres assesseurs. À Haïti, les illettrés sont aidés par les membres du bureau en présence des mandataires des candidats et des observateurs.

Le droit des minorités et, en particulier, les droits linguistiques font l’objet d’une reconnaissance accrue dans de nombreux pays. Cependant, seule la Slovénie rédige les bulletins de vote dans les langues des minorités nationales. Il convient de noter néanmoins que de nombreux États ont plusieurs langues officielles, comme le Canada où l’ensemble du matériel électoral est rédigé en anglais et en français.

Le vote des nationaux résidant à l’étranger dans les consulats n’est pas autorisé par tous les États francophones, notamment l’Albanie et le Canada. Le pourcentage d’électeurs concernés par ce vote est en général très faible : il est inférieur à 1 % en France, 0,32 % en Moldavie, 0,3 % au Rwanda, environ 1 % au Sénégal, 2 % en Suisse et 0,078 % en République tchèque. Le Mali constitue une exception notable puisque environ 10 % de l’électorat se trouve à l’étranger et exerce son droit dans les représentations consulaires.

3. L’observation des élections

Les observateurs électoraux observent le déroulement de l’élection dans le but de déceler et de prévenir les erreurs et les tentatives de manipulation mais également de constater la conformité du processus aux règles électorales. L’observation favorise l’ouverture et la transparence des opérations de vote et permet d’accroître la confiance de la population. L’observation a également un effet dissuasif sur les pratiques irrégulières et les tentatives de fraude. Elle permet, en outre, d’avancer des propositions en vue de l’amélioration des systèmes électoraux.

Nous pouvons distinguer trois types d’observateurs : les observateurs nationaux partisans, les observateurs nationaux non partisans et les observateurs internationaux. Dans le cadre de cette étude, nous nous intéresserons particulièrement aux observateurs nommés par les Cours constitutionnelles. En outre, les observateurs ici étudiés sont uniquement les observateurs dont la mission se limite au jour du scrutin.

A. Les observateurs nationaux

La mission des observateurs nationaux est de suivre le déroulement du scrutin et de s’assurer de la régularité et de la transparence des opérations de vote. Concrètement, leur rôle est de relever toutes les irrégularités et infractions à la réglementation électorale et d’en faire rapport aux structures qui les ont mandatés. Comme nous l’avons déjà précisé, la présence des observateurs a également un effet dissuasif.

L’article 19 du code électoral albanais énonce les droits et devoirs des observateurs dans les termes suivants : les observateurs ont le droit d’observer librement tous les préparatifs du déroulement de la procédure de vote, de présenter leurs observations par écrit sur toute irrégularité observée, d’inspecter toute la documentation ou le matériel de la procédure de vote ; ils doivent se conformer aux exigences du code électoral et aux recommandations de la Commission électorale, se comporter en toute équité, s’abstenir de faire de la propagande dans les lieux du bureau de vote ou à l’extérieur, être munis de l’autorisation d’observateur délivrée par la Commission électorale, ne pas porter de signes distinctifs qui puissent influencer le choix de l’électeur, ne pas se comporter de manière à porter atteinte au secret du vote de l’électeur. La Moldavie précise que, outre leur présence dans les bureaux de vote le jour du scrutin, les observateurs ont le droit d’assister aux réunions de la Commission électorale centrale, des conseils électoraux et des bureaux de vote.

Les observateurs nationaux relèvent généralement de quatre catégories d’organes : les partis politiques, les commissions électorales, la société civile et les Cours constitutionnelles. Les modalités d’observation en seront d’autant plus variées. Le tableau suivant présente les organes chargés d’observer, dans les bureaux de vote, le déroulement des opérations de vote.

Tableau 46 – Les observateurs nationaux [18]

PaysLes juges de la CourDes délégués/ observateurs de la CourDes représentants des partis politiques ou des candidatsDes représentants des commissions électoralesDes observateurs des organisations non gouvernementalesDes représentants des associations de défense des droits de l’hommeAutres
AlbanieOuiOuiOuiOui
AlgérieOuiOuiOuiOui
BelgiqueOui
BéninOuiOuiOuiOuiOuiOui
BulgarieOuiOuiOuiOui
Burkina FasoOuiOuiOuiOuiOuiOui
CambodgeOuiOuiOuiOui
CamerounOuiOuiOuiL’ONEL
CanadaOuiScrutateurs et greffiers
CongoOuiOuiOui
ÉgypteOuiOuiOui
FranceOuiOui
GabonOuiOuiOuiOui
Guinée-BissauOuiOuiOuiOui
HaïtiOuiOuiOuiOui
LibanOui
MadagascarOuiOuiOuiOui
MaliOuiOuiOuiOuiOui
MarocOui
MauriceOuiOui
MoldavieOuiOui
Monaco [19]Oui
NigerOuiOuiOuiOuiOuiObservateurs regroupés au sein d’un collectif et agréés par la CENI
RoumanieOuiOuiOuiOui
RwandaOuiOuiOuiOuiCommission nationale des droits de l’homme, Commission pour l’unité et la réconciliation
SénégalOuiOuiOuiLes délégués de la Cour d’appel
SlovénieOui
TchadOuiOuiOuiOui
République tchèqueOuiOuiOui
TogoOuiOuiOui

Les partis politiques observent les élections dans l’ensemble des États, à l’exception du Sénégal et du Tchad. Rappelons que dans ces deux derniers pays, des représentants des formations politiques ou des candidats sont néanmoins présents dans les bureaux de vote. Naturellement, ces observateurs vont essentiellement s’assurer que le candidat qu’ils représentent est traité de façon équitable. Leur neutralité peut être mise en doute mais l’intérêt principal du recours à des observateurs issus des partis est de faire accepter les résultats du scrutin par les sympathisants du candidat battu. Néanmoins, il est nécessaire de prévoir l’observation d’organes dont l’impartialité vis-à-vis des candidats en compétition ne peut être mise en cause.

Les organisations non gouvernementales et les associations de défense des droits de l’homme constituent des organes structurellement indépendants et distincts des autorités publiques et des partis politiques et, par conséquent, sont à même d’effectuer des observations impartiales. Elles exercent ce rôle dans une majorité d’États, à l’exception de la Belgique, du Canada, de la France, du Liban, du Maroc, de l’Île Maurice, de la Moldavie, de Monaco et de la Slovénie. En Bulgarie, il est précisé dans la loi que les organisations « l’Initiative civile pour des élections libres et démocratiques » et « l’Association bulgare de défense des élections équitables et des droits civils » sont autorisées à envoyer des observateurs. Au Niger, des observateurs indépendants se sont regroupés au sein d’un collectif agréé par la Commission électorale nationale indépendante. La société civile rencontre, toutefois, des difficultés à faire face aux moyens importants à engager pour couvrir une partie substantielle du territoire.

L’envoi d’observateurs par les commissions électorales serait une solution combinant l’effectivité de l’appareil administratif et l’impartialité des organisations non gouvernementales. Une des fonctions premières des commissions réside justement dans le contrôle et la supervision des opéra tions électorales. Autorités administratives, elles jouissent également d’une plus grande autorité sur les membres des bureaux de vote que les représentants des partis politiques et des organisations non gouvernementales. La Belgique, le Cameroun, la France, le Liban, le Maroc, le Rwanda et la Slovénie n’ont pas d’observateurs mandatés par les commissions électorales. La Belgique, la France et le Liban ne disposent pas de commission centrale. En France, néanmoins, pour les élections législatives et dans les communes de plus de 20 000 habitants, des commissions de contrôle des opérations de vote sont chargées de l’observation des opérations de vote le jour du scrutin et contrôlent les opérations de dépouillement. Au Cameroun et au Liban, les commissions ne sont pas compétentes pour observer la régularité des opérations de vote. Au Cameroun, la Commission de recensement des votes contrôle le dépouillement des bulletins mais des observateurs sont mandatés par l’Observatoire national des élections (ONEL). Au Maroc, la Commission nationale de suivi des élections a uniquement pour tâche la préparation matérielle de l’élection. Au Rwanda, la Commission nationale des droits de l’homme et la Commission pour l’unité et la réconciliation peuvent envoyer des observateurs dans les bureaux de vote.

Les commissions électorales peuvent également intervenir dans la formation et l’accréditation des observateurs électoraux nationaux.

L’Albanie, la Belgique, la Bulgarie, l’Égypte, la France, le Liban, le Maroc, l’Île Maurice, la Moldavie, la Roumanie, la Slovénie et la République tchèque n’assurent pas de formation aux observateurs nationaux. Les commissions électorales organisent des formations au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, au Niger et au Rwanda ; mais mis à part en Guinée-Bissau et au Rwanda, elles partagent cette fonction avec d’autres orga nismes. Au Burkina Faso, la CENI ne forme que les délégués des partis politiques. À l’inverse, au Canada, « Elections Canada » n’offre une formation qu’aux directeurs du scrutin, qui à leur tour, assurent la formation des fonctionnaires électoraux dans leur circonscription. En revanche, aucune initiation n’est prévue pour les représentants des partis politiques. D’une manière générale, les structures qui envoient des observateurs assurent elles-mêmes leur formation. Il peut s’agir des organisations non gouvernementales, notamment au Cambodge, au Cameroun, au Mali, au Niger ; des partis politiques à Madagascar, au Mali, au Niger. Au Congo, à Madagascar, au Sénégal et au Togo, le ministère de l’Intérieur assume ce rôle pédagogique. Au Sénégal, le Centre de formation judiciaire et les organisations non gouvernementales organisent également des formations. Au Tchad, seule la société civile initie les observateurs à la réglementation électorale. Au Gabon, cette tâche revient à la Cour constitutionnelle.

L’accréditation des observateurs nationaux se fait davantage par le biais des commissions électorales. En premier lieu, aucune accréditation n’est nécessaire en Belgique, en France et en République tchèque. Les commissions électorales centrales ou leurs démembrements locaux sont seuls compétents pour accréditer les observateurs en Albanie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, au Congo, en GuinéeBissau, à Haïti, à Madagascar [20], à l’Île Maurice, en Moldavie, au Niger, en Roumanie, au Rwanda et en Slovénie. Elles partagent cette compétence avec les Cours constitutionnelles du Bénin et du Gabon, qui accréditent les délégués qu’elles nomment. Au Sénégal, cette tâche revient à l’Observatoire national des élections, au Gouvernement et à la Cour d’appel de Dakar [21]. En Bulgarie, les observateurs sont accrédités par l’organe qui les envoie. De même, les représentants des candidats sont accrédités par les candidats eux-mêmes en Égypte et au Gabon. Enfin, l’accréditation passe par l’administration et en particulier le ministère de l’Intérieur au Cameroun, en Égypte et au Togo.

Les observateurs doivent arborer des signes distinctifs au cours de leurs missions d’observation dans tous les pays étudiés, à l’exception de la Bulgarie, de l’Égypte, de la France, du Gabon, du Liban, du Maroc, de la Slovénie et de la République tchèque. Dans les autres pays, les signes dis tinctifs se présentent généralement sous la forme d’un badge, qui peut comporter le nom de l’obser vateur (CanadaRwanda), sa photo (Niger), le nom de l’organisme qui l’envoie (RwandaTchad) et le sceau de la commission électorale (Rwanda). Au Congo et en Roumanie, l’observateur doit, en outre, présenter son acte d’accréditation. Au Bénin, les délégués de la Cour constitutionnelle doivent porter des t-shirts avec le logo de la Cour. De même, les observateurs de la Cour constitutionnelle malienne arborent t-shirts, casquettes et sacs avec le symbole de la juridiction.

B. Les délégués/observateurs nommés par les Cours constitutionnelles

Les Cours et Conseils constitutionnels du Bénin, du Burkina Faso, de France, du Gabon, du Mali, du Niger et du Tchad nomment des délégués chargés d’observer le déroulement des opéra tions de vote. Cette compétence découle de leur rôle de contrôle de la régularité des scrutins. Compte tenu du nombre limité de conseillers dans chaque juridiction, ils désignent des délégués pour être présents dans le plus grand nombre possible de bureaux de vote.

Au Bénin et au Mali, les délégués sont sélectionnés parmi les citoyens sur la base de critères définis par la Cour. Ainsi, la Cour constitutionnelle béninoise invite les associations à communiquer des noms et accueille les candidatures individuelles. Les critères de sélection portent sur la formation de l’observateur, sa capacité de déplacement, son impartialité politique, la durée de résidence dans la circonscription électorale [22]. Le Conseil constitutionnel du Burkina Faso nomme les délégués parmi les membres du Conseil et surtout parmi les magistrats de l’ordre judiciaire. En France et au Niger, ils sont également choisis principalement parmi les magistrats de l’ordre judiciaire, sauf dans les départements et territoires français d’outre-mer où les délégués sont des juges administratifs. Au Gabon et au Tchad, les observateurs sont mis à la disposition de la Cour par les autres institutions de l’État.

Tableau 47 – Le nombre de délégués/observateurs désignés par les cours

En matière d’élection présidentielleEn matière d’élections parlementaires
Bénin34 en 1996, 351 en 2001403 en 2003
Burkina FasoN.C.N.C.
FranceEnviron 1 200 dont un cinquantaine directement0
Gabon30 et plus30 et plus
MaliEn moyenne 1 000 par tourEn moyenne 1 000 par tour
NigerN.C.N.C.
Tchad140

Le nombre de délégués désignés est donc très variable d’un pays à un autre et témoigne des obstacles que peuvent rencontrer les Cours pour trouver un financement et un nombre suffisant de personnes compétentes. Ainsi, le Conseil constitutionnel tchadien évoque les nombreuses difficultés qu’il a eues pour déployer des délégués pour l’élection présidentielle de 2001. En outre, la Cour constitutionnelle du Togo désignait des magistrats observateurs mais ils n’étaient pas assez nombreux. Pour des raisons politiques, l’observation des élections a été confiée à la Commission électorale, qui doit cependant faire face aux mêmes difficultés [23].

Le contrôle des bureaux de vote s’effectue dans l’ensemble des États concernés de façon inopinée. L’itinéraire des délégués doit rester secret, chaque bureau de vote devant s’attendre à avoir la visite d’un observateur.

Les mesures d’observation consistent à s’assurer des conditions de régularité des votes (contrôle des pièces d’identité, obligation d’utiliser l’isoloir…). Elles concernent également la présence du matériel électoral, le contrôle des membres du bureau et toute perturbation mettant en cause le bon déroulement du scrutin.

L’autorité des délégués sur les membres du bureau de vote varie. Au Burkina Faso et en France, les mesures d’observation peuvent se traduire par des injonctions. Au BéninGabonMaliNiger et Tchad, ce sont de simples mesures de constatation. En France, les délégués peuvent faire part de leurs observations aux membres du bureau. Si elles ne sont pas prises en compte, elles sont inscrites sur le procès-verbal du bureau de vote. En cas de doute sur une éventuelle irrégularité, les délégués prennent contact avec la permanence téléphonique du Conseil constitutionnel.

Des questionnaires d’observation standards sont établis au Bénin, au Burkina Faso, au Gabon, au Mali et au Tchad. Ils ont l’avantage de permettre une harmonisation du contrôle de chaque observateur et de rationaliser leur travail. La Cour constitutionnelle du Bénin précise que chaque observateur doit passer environ 10 minutes dans chaque bureau. Cette même Cour a établi un questionnaire pour chacune des trois étapes du processus électoral : l’inscription sur les listes électorales, la campagne électorale et les opérations de vote le jour du scrutin. La Cour constitutionnelle du Mali a rédigé un guide de l’observateur permettant d’orchestrer l’évaluation des élections.

Les observations sont portées sur le procès-verbal du bureau de vote au Burkina Faso et en France. Dans les autres pays, il n’y a pas de trace des irrégularités constatées dans les documents élaborés par le personnel électoral. Elles sont directement transmises à la Cour constitutionnelle. Au Bénin, les observateurs formulent, en premier lieu, leurs observations sur les fiches. À l’issue du scrutin, le coordonnateur communal établit un rapport transmis au coordonnateur départemental. L’ensemble des coordonnateurs départementaux se réunissent pour élaborer un rapport de synthèse pour la Cour constitutionnelle. De même, au GabonMaliNiger et Tchad, les observations sont formulées sur les fiches d’observations et des rapports sont élaborés à l’attention des Cours consti tutionnelles. En outre, au Burkina Faso et en France, si les observations sont inscrites sur les pro cès-verbaux des bureaux de vote, les délégués dressent également des rapports envoyés aux Conseils constitutionnels. Un lien direct est, dans tous les cas, conservé entre la juridiction consti tutionnelle et les observateurs qu’elle a envoyés sur le terrain.

Les missions d’observation des délégués/observateurs de la Cour ont permis de constater les anomalies suivantes :

Tableau 48 – Les anomalies observées par les observateurs des cours et conseils constitutionnels

BéninProblème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux, capacité insuffisante des urnes pour contenir tous les bulletins de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pressions sur les électeurs dans les bureaux de vote, retard d’ouverture des bureaux de vote, retard dans l’acheminement du matériel de vote, mauvaise qualité de l’encre, absence de tableau pour le décompte des voix, manque de procès-verbaux.
Burkina FasoN.C.
FranceProblème de composition des bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pressions sur les électeurs dans les bureaux de vote
GabonProblème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, électeurs régulièrement inscrits mais dont les noms n’apparaissent pas sur les listes électorales
MaliProblème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pression sur les électeurs dans les bureaux de vote
NigerN.C.
TchadProblème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pressions sur les électeurs dans les bureaux de vote

Les Cours constitutionnelles examinent ces observations lors de l’élaboration des décisions de proclamation des résultats définitifs, notamment au Bénin et au Mali. Les remarques constituent également un support pour l’examen des procès-verbaux des bureaux de vote. Elles peuvent aussi être prises en compte lorsque les Cours émettent des recommandations aux pouvoirs publics. Le Conseil constitutionnel du Burkina Faso précise que les délégués constituent des agents d’information essentiels : ils permettent aux conseillers de se faire une idée de l’ampleur des irrégularités et éventuellement de confirmer les constatations des membres des bureaux de vote ou des représentants des partis politiques. Les observations sont également des outils utiles lorsque la juridiction doit statuer sur une réclamation [24].

Toutefois, dans leur jurisprudence électorale, seules les institutions française et malienne ont sanctionné des pressions sur les observateurs.

C. Les observateurs internationaux

L’envoi d’observateurs internationaux poursuit les mêmes objectifs que celui des observateurs nationaux : vérifier la régularité et la transparence des opérations de vote mais également leur conformité aux standards internationalement reconnus en matière électorale. Cependant, à la différence des délégués des Cours constitutionnelles dont les conclusions servent d’outils de travail au juge de l’élection, l’observation internationale expose l’État à la critique de la communauté internationale. Les observateurs internationaux offrent des garanties d’indépendance et d’impartialité vis-à-vis du pouvoir en place [25].

Si elle offre des garanties d’objectivité, l’observation internationale présente certains inconvénients. Pour des raisons pratiques évidentes, la présence sur le terrain est restreinte dans le temps ce qui n’offre pas la possibilité de s’imprégner du contexte de l’élection, même si des missions d’exploration sont organisées. Les observateurs internationaux doivent, tout de même, s’informer du cadre légal et politique. Le risque que les acteurs locaux perçoivent la démocratie comme un modèle imposé par l’étranger est aussi réel. Pour éviter cela, il est nécessaire d’instituer une coopé ration étroite avec les autorités et les acteurs nationaux.

Parmi les pays étudiés, la Belgique, le Canada, l’Égypte, la France, le LibanMadagascar, le Maroc, l’Île Maurice et la Suisse ne sollicitent pas d’observateurs électoraux internationaux. Exceptionnellement, des observateurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se sont rendus à Monaco à l’occasion des élections parlementaires de 2003, dans le cadre de l’instruction de la demande d’adhésion de la Principauté à cette organisation régionale.

Il convient de remarquer que, de façon générale, les observateurs internationaux doivent être invités par les autorités nationales, dans le strict respect de la souveraineté nationale.

Les missions d’observation électorale se sont multipliées depuis le début des années 1990. Elles ont accompagné le mouvement de démocratisation qui a touché l’Europe centrale et orientale et l’Afrique francophone. Les organisations, particulièrement les organisations régionales, ont fortement développé leur capacité à effectuer de telles missions. L’Organisation internationale de la Francophonie s’est également engagée dans l’élaboration de programmes d’observation électorale à la suite des sommets de Chaillot en 1991 et de l’Île Maurice en 1993. Des organisations « sœurs » fondées sur le partage d’une langue commune, notamment le Commonwealth et la Communauté des pays de langue portugaise, mettent aussi en œuvre des missions d’observation. Des organisa tions non gouvernementales se sont spécialisées dans l’étude et le contrôle des processus électo raux, la plus connue étant L’International Foundation for Electoral Systems.

Tableau 49 – Les organisations internationales sollicitées par les états francophones

Les organisations internationales sollicitéesPour quelles élections ?
AlbanieLe Conseil de l’Europe, l’UE [26], l’OSCE [27]Les élections législatives de mars 1991, mars 1992, mai 1996, juin 1997, juin 2001. les référendums de novembre 1994 et novembre 1998. les élections locales d’octobre 1992, octobre 1996, octobre 2000 et octobre 2003
AlgérieL’ONU [28], l’UA [29], l’UE, la Ligue arabePlusieurs élections
BéninL’OIF [30], l’UE, IFES [31], GERDDES-Afrique [32], plusieurs OINGToutes les élections depuis 1991
BulgarieL’OSCE, administration électorale de Bosnie-HerzégovineLes élections parlementaires de juin 2001, l’élection présidentielle de novembre 2001
Burkina FasoL’UA, l’OIF, l’UEToutes les élections nationales
CambodgeL’ONU, l’OIF, l’UELes élections parlementaires
CamerounN.C.L’élection présidentielle
CongoL’ONU, l’UA, l’OIF, l’UE, pays amisToutes les élections
GabonL’UELes élections présidentielles et législatives
Guinée-BissauL’ONU, l’UA, l’OIF, L’UE, la CPLP [33]Les élections présidentielles et parlementaires
HaïtiL’ONU, l’OEA [34], CARICOM [35]Les élections présidentielles et parlementaires
MaliL’OUA, l’OIF, l’UELes élections législatives d’avril 1997 et de juillet 2002, l’élection présidentielle de mai 1997 et d’avril 2002
MoldavieLe Conseil de l’Europe, l’OSCE, le Comité Helsinki pour les droits de l’homme, IFESLes élections parlementaires de 2001
NigerL’UA, l’OIF, l’UE, Canada, DanemarkLes élections législatives et présidentielles
RoumanieLe Conseil de l’Europe, l’OSCESeptembre 1992, octobre 1996
RwandaL’ONU, l’UA, l’OIF, l’UE, plusieurs missions diplomatiques, IFES, le NDI [36]Référendums de mai, août, septembre, octobre 2003 ; les élections présidentielle et législative de mars 2002 ; les élections locales de mars 2001
SénégalL’UA, l’OIF, l’UE, plusieurs OINGL’élection présidentielle de 2000, les élections législatives de 2001
SlovénieL’OSCELes élections présidentielles et parlementaires [37]
TchadL’ONU, l’UA, l’OIF, l’UE, GERDDES-AfriqueLe référendum de 1996, les élections présidentielles de 1996 et de 2001, les élections législatives de 2002
République tchèqueL’OSCELes élections à la chambre des députés du parlement, notamment en 1998 et 2002
TogoL’ONU, l’UA, l’OIF, l’UELes élections présidentielles et législatives

IV. Le dépouillement des bulletins de vote

La dernière étape du scrutin est le dépouillement des opérations de vote. Il débute après la clôture du scrutin. Le dépouillement des bulletins de vote est effectué directement dans les bureaux de vote, sans déplacement des urnes, dans la plupart des pays de l’espace francophone. Il existe néanmoins des exceptions.

En Belgique, au Cambodge, au Cameroun, en Égypte, à l’Île Maurice et au Tchad, les suffrages sont recensés dans des centres spécifiques. En Belgique, le dépouillement des bulletins papiers est effectué par un bureau de dépouillement constitué au plus tard à 14 heures le jour du scrutin. Il y a un bureau de dépouillement pour 2 400 électeurs inscrits, ce qui représente environ un bureau de dépouillement pour 3 bureaux de vote. En cas de vote automatisé, il n’y a pas de dépouillement mais une totalisation électronique. Le président du bureau principal de canton procède à l’enregistrement des supports de mémoire provenant des bureaux de vote sur le support de mémoire destiné à la totalisation des votes. Les autres pays cités ont institué des systèmes semblables puisque que ce sont des commissions spéciales qui opèrent le dépouillement. Au Cambodge, il s’agit de groupes relevant de la Commission électorale communale. En Égypte, le comité de dépouillement centralise les bulletins de plusieurs bureaux de vote ; il est composé du président du bureau de vote central et de deux présidents de « sous-bureau de vote [38] ». La réglemen tation électorale mauricienne institue également des bureaux de dépouillement [39] composés de fonctionnaires désignés par le commissaire électoral et placés sous la présidence du Returning Officer [40]. Enfin, au Tchad, une commission de dépouillement a été créée. Elle est composée des membres du bureau de vote, de quatre scrutateurs choisis parmi les électeurs ainsi que des observateurs nationaux et internationaux.

Dans les autres pays, le dépouillement des bulletins de vote est effectué dans les bureaux de vote par les membres du bureau de vote. Ils sont assistés de scrutateurs choisis parmi les électeurs inscrits dans le bureau, notamment en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, en France, à Madagascar, au Niger et au Tchad. Dans un souci de transparence, les représentants des partis politiques peuvent y participer, notamment au MarocRwanda et au Tchad. Ils sont souvent contraints à un simple rôle de surveillance, comme au Canada, à Haïti et au Liban. La présence des observateurs nationaux et internationaux peut être autorisée. C’est le cas en Albanie et en Roumanie. Au Burkina Faso, au Gabon et au Tchad, les délégués de la Cour constitutionnelle sont associés au dépouillement.

Le procès-verbal du bureau de vote retrace l’ensemble des opérations électorales, les incidents ainsi que les observations et les contestations des membres du bureau, délégués ou scrutateurs. Il est établi par le président du bureau de vote en Algérie, au Bénin, au Liban, à Monaco, au Rwanda et en Suisse et par l’ensemble du bureau de vote en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Congo, en France, au Gabon, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, en Moldavie [41], en Slovénie, en République tchèque et au Togo. Le président de la commission de dépouillement est responsable de l’établissement du procès-verbal en Égypte et à l’Île Maurice. En Albanie, le président dresse le tableau des résultats et établit le procès-verbal, qui est ensuite signé par l’ensemble des membres du bureau. En Belgique, au Sénégal et au Tchad, cette tâche revient au secrétaire du bureau de vote [42]. Au Cambodge et à Haïti, les représentants des candidats ou des partis politiques ont la possibilité de signer le procès-verbal. Il en est de même en France et au Maroc ; au Tchad, les délégués des partis sont uniquement présents lors de l’établissement du document. Au Cameroun, la commission en charge du dépouillement, la commission locale de vote, rédige le procès-verbal, qui doit être signé par l’ensemble des membres du bureau de vote. Au Niger, le procès-verbal est établi soit par le président soit par le secrétaire du bureau puis requiert la signature des membres du bureau et les délégués des partis politiques.

Au Canada, après le dépouillement opéré par les scrutateurs et les greffiers, les bulletins de vote sont insérés dans des enveloppes par section de vote. Les enveloppes sont scellées et y sont inscrits les résultats du dépouillement. Une fois le dépouillement achevé pour l’ensemble de la circonscription, le directeur du scrutin annonce le candidat vainqueur et transmet le décompte des voix aux médias et au Directeur général des élections, qui en fait la diffusion immédiate sur le site Internet d’ « Elections Canada ».

Les procès-verbaux sont acheminés vers les autorités compétentes pour la proclamation des résultats et/ou le contentieux électoral. Au Canada, les directeurs du scrutin font parvenir les procès-verbaux de déroulement du scrutin et de dépouillement des bulletins au Directeur général des élections, qui en accuse réception et en fait la publication dans la Gazette du Canada. Les commissions électorales locales et/ou centrales reçoivent également les procès-verbaux en Albanie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, au Gabon, en GuinéeBissau, à Haïti, à Madagascar, à Maurice, en Moldavie, au Niger, en Roumanie, au Rwanda, au Sénégal, en Slovénie, au Tchad et au Togo.

Les procès-verbaux sont, par ailleurs, acheminés vers les autorités administratives en charge d’une partie de la gestion du processus électoral. Il s’agit du ministère de l’Intérieur en Algérie, en Belgique, au Bénin, en Égypte, au Liban, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Tchad et au Togo, du gouvernement cantonal en Suisse, des préfectures en France et du ministre d’État [43] à Monaco.

Les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. peuvent, également, directement recevoir les procès-verbaux du fait de leurs compétences électorales. C’est notamment le cas en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie et au Tchad.

Les trois autorités que nous venons de citer, sont les principaux acteurs du processus électoral et, par conséquent, constituent les premiers destinataires, même s’ils ne sont pas les seuls, des pro cès-verbaux des résultats des bureaux de vote, dont l’utilité pour l’ensemble des opérations postélectorales est essentielle, en particulier en ce qui concerne le contentieux de la régularité des opérations de vote.

Le tableau suivant récapitule les autorités vers lesquelles sont acheminés les procès-verbaux.

Tableau 50 – Les destinataires des procès-verbaux de résultats des bureaux de vote

AlbanieLa Commission électorale centrale
AlgérieLe ministère de l’Intérieur, le ministère de la Justice, le Conseil constitutionnel
BelgiqueLe ministère de l’Intérieur [44]
BéninLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale, la Cour constitutionnelle, les mairies, les préfectures, les représentants des candidats
BulgarieLes Commissions électorales de district, qui font une synthèse et transmettent une copie à la Commission centrale
Burkina FasoLa Commission électorale centrale, le Conseil constitutionnel
CambodgeLa Commission électorale centrale
CamerounLa Commission départementale de supervision, la Commission nationale de recensement général des votes
CanadaLa Commission électorale centrale, la Gazette du Canada
CongoLa Commission électorale nationale [45]
ÉgypteLe ministère de l’Intérieur
FranceLes préfectures [46]
GabonLes commissions électorales centrale et locales
Guinée-BissauLa Commission électorale centrale, le ministre de l’Intérieur
HaïtiLes bureaux électoraux communaux
LibanLe ministère de l’Intérieur
MadagascarLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale [47], la Haute Cour constitutionnelle
MaliLe ministère de l’Intérieur, la Cour constitutionnelle, les mairies, les consulats, les ambassades et les commissions de centralisation
MarocLe ministère de l’Intérieur, la commission électorale centrale, le tribunal de première instance
MauriceLa Commission électorale centrale
MauritanieLe ministère de l’Intérieur, le Conseil constitutionnel
MoldavieLa Commission électorale centrale [48]
MonacoLe ministre d’État
NigerLa Commission électorale centrale
RoumanieLa Commission électorale centrale
RwandaLa Commission électorale centrale
SénégalLes commissions départementales de recensement des votes, qui les transmettent à la Commission nationale de recensement des votes
SlovénieLa Commission électorale centrale
SuisseLe gouvernemental cantonal
TchadLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale, le Conseil constitutionnel, les archives de la circonscription électorale
République tchèqueL’Office tchèque de la statistique
TogoLe ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale

  • [1]
    Voir Bigaut (Christian), « Le bureau de vote », dans Perrineau (Pascal) et Reynié (Dominique) (dir.), Dictionnaire du vote, P.U.F., Paris, 2001, p. 126.  [Retour au contenu]
  • [2]
    En cas de vote automatisé, dans les bureaux de vote de plus de 800 électeurs, il y a désignation d’un assesseur, d’un assesseur suppléant d’un secrétaire adjoint.  [Retour au contenu]
  • [3]
    En cas de vote automatisé, dans les bureaux de vote de plus de 800 électeurs, il y a désignation d’un assesseur, d’un assesseur suppléant d’un secrétaire adjoint.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Les bureaux de vote sont appelés commissions électorales de section.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Les bureaux sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux. À leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Selon l’article 42 de la loi électorale.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Selon l’article 35 de la loi de 1968.  [Retour au contenu]
  • [8]
    C’est-à-dire 7 jours avant le jour du scrutin.  [Retour au contenu]
  • [9]
    À Haïti, les forces de l’ordre peuvent entrer librement dans les bureaux de vote.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Décision n° 97-2169 du 23 octobre 1997, A.N., Haut-Rhin, 6e circ.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Mis à part les personnes empêchées, les autres bénéficiaires du vote par procuration peuvent également voter dans n’importe quel bureau de vote, munies de leur carte d’électeur et de leur accréditation ou ordre de mission.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience du Conseil constitutionnel algérien », tome II, p. 87.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad », tome II, p. 97.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique », tome II, p. 91.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Voir « Le rôle du Tribunal fédéral suisse comme autorité de recours dans le processus électoral », tome II, p. 263.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Voir le rapport explicatif du code de bonne conduite en matière électorale, adopté par la Commission européenne pour la démocratie par le droit le 18-19 octobre 2002, CDL-AD (2002) 23.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique », tome II, p. 91.  [Retour au contenu]
  • [18]
    La Mauritanie et la Suisse n’ont pas répondu à cette partie du questionnaire.  [Retour au contenu]
  • [19]
    L’article 38 de la loi électorale précise que deux délégués de chaque candidat ou liste de candidats sont admis dans la salle de vote.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Les observateurs sont agréés par la Comité national électoral et sont tenus de respecter les dispositions de la Charte de l’éducation civique et de l’observation des élections annexée au code électoral.  [Retour au contenu]
  • [21]
    L’article 35 de la Constitution sénégalaise énonce que les cours et tribunaux veillent à la régularité du scrutin. Ce rôle a été dévolu essentiellement à la Cour d’appel de Dakar. L’envoi d’observateurs en est l’illustration. De même, le Premier président de la Cour d’appel préside la Commission nationale de recensement des votes.  [Retour au contenu]
  • [22]
    Voir « Le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote. L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin », tome II, p. 99.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Voir « Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances. L’expé rience de la Cour constitutionnelle du Togo », tome II, p. 43.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Voir « Le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote. L’expérience du Conseil constitutionnel du Burkina Faso », tome II, p. 103.  [Retour au contenu]
  • [25]
    Les organisations intergouvernementales doivent néanmoins éviter d’inclure parmi les membres de la mission des personnes issues d’un pays avec lequel le pays visité a un contentieux.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Union européenne.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe  [Retour au contenu]
  • [28]
    Organisation des Nations Unies  [Retour au contenu]
  • [29]
    Union Africaine.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Organisation Internationnale de la Francophonie  [Retour au contenu]
  • [31]
    Internationnal Foundation for Election Systems  [Retour au contenu]
  • [32]
    Groupe de recherche sur la démocratie et le développement économique et social en Agrique  [Retour au contenu]
  • [33]
    Communauté des pays de langue portugaise (Comunidade dos paises de lingua portuguesa)  [Retour au contenu]
  • [34]
    Organisation des États américains.  
    [Retour au contenu]
  • [35]
    Caribbean Community  
    [Retour au contenu]
  • [36]
    National Democratic Institute for International Affairs.  
    [Retour au contenu]
  • [37]
    Malgré les invitations, la dernière présence d’observateurs internationaux remonte aux élections parlementaires et présidentielles de 1992.  
    [Retour au contenu]
  • [38]
    Sub polling station.  
    [Retour au contenu]
  • [39]
    Counting station.  
    [Retour au contenu]
  • [40]
    Le Returning Officer est nommé par la Commission de contrôle électoral (Electoral Supervisory Commission) ; il assume la responsabilité générale et la supervision des opérations électorales dans leur district.  
    [Retour au contenu]
  • [41]
    Selon un modèle présenté par la Commission électorale centrale.  
    [Retour au contenu]
  • [42]
    En pratique, en France, le secrétaire rédige le procès-verbal. Ce dernier est ensuite signé par l’ensemble des membres du bureau de vote.  
    [Retour au contenu]
  • [43]
    Chef du gouvernement monégasque.  
    [Retour au contenu]
  • [44]
    Ils sont d’abord acheminés vers le président du bureau principal de circonscription.  
    [Retour au contenu]
  • [45]
    Qui transmet au juge constitutionnel et au ministre de l’Intérieur (article 17 loi électorale).  
    [Retour au contenu]
  • [46]
    Une copie est également déposée au secrétariat de la mairie selon l’article R70 du code électoral.  
    [Retour au contenu]
  • [47]
    Dans ce cas, il s’agit de la Commission de recensement matériel des votes, composée d’un magistrat et de 6 fonctionnaires.  
    [Retour au contenu]
  • [48]
    Un exemplaire reste au bureau de vote, un autre est adressé au conseil électoral de circonscription, les autres aux représentants des candidats.  
    [Retour au contenu]

VI. La proclamation des résultats et le contentieux électoral

L’intervention des Cours constitutionnelles après le scrutin clôt généralement la période électorale. Il incombe au juge constitutionnel de régler des litiges électoraux, dans les limites de ses attri butions, afin que les résultats définitifs soient proclamés. Le déroulement de la période post-électorale débute par la transmission des documents électoraux aux Cours et Conseils jusqu’à l’archivage de ces mêmes documents, qui annonce la fin de la période électorale.

1. La transmission des documents électoraux aux Cours constitutionnelles

Dans leur majorité, les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent du contentieux électoral. Néanmoins, l’étendue de leurs compétences est très variable d’un État à l’autre. Par conséquent, la transmission des documents électoraux (bulletins, procès-verbaux…) au juge constitutionnel n’est pas nécessaire dans tous les pays. Aussi, ils ne sont pas transmis aux Cours de l’Albanie, de Belgique, de Bulgarie, du Cambodge, du Canada [1], d’Égypte, de Guinée-Bissau, de Haïti, du Liban, de l’Île Maurice, de Moldavie, de Monaco, de Slovénie, de Suisse et de République tchèque.

A contrario, les autres Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. reçoivent donc les documents électoraux. Il s’agit essentiellement des Cours africaines mais également du Conseil constitutionnel français et de la Cour constitutionnelle roumaine. Ces deux dernières institutions ne recueillent que les documents relatifs à l’élection du président de la République.

Dans la plupart des pays, les commissions électorales sont chargées d’acheminer les documents électoraux. Ces autorités administratives ont souvent comme tâche de centraliser les résultats des bureaux de vote, comme nous venons de le voir dans la précédente partie de ce bulletin, et parfois de proclamer les résultats provisoires. Lorsqu’elles ne disposent pas de ces attri butions, certaines commissions ont pour principale fonction de recenser et centraliser les votes et les procès-verbaux.

Ainsi, l’acheminement des documents électoraux est confié aux commissions centrales au Bénin, au Burkina Faso, au Congo, au Gabon, au Niger, en Roumanie, au Rwanda et au Togo et à leurs démembrements locaux au Maroc et au Tchad [2]. Au Cameroun, à Madagascar et au Sénégal, des commissions nationales de recensement des votes sont spécialement chargées de cette tâche. Il s’agit des commissions régionales de recensement en Mauritanie et en France [3]. Au Mali, c’est le ministère de l’Intérieur et les collectivités locales qui s’occupent de la transmission des résultats au juge constitutionnel.

Des mesures de sécurité sont prises pour le bon acheminement des documents électoraux dans tous les États concernés, à l’exception de la France qui ne prévoit de telles mesures que le cas échéant, et essentiellement pour les documents provenant de l’outre-mer. Les mesures de sécurité reposent dans la plupart des pays sur le transport des documents électoraux sous plis scellés, et éventuellement sous surveillance, notamment d’un huissier de justice au Congo, de la gendarmerie au Maroc ou de gardes armés en Roumanie. Au Mali, les ambassades et consulats, qui recueillent environ 10 % des votes des Maliens, transmettent les documents électoraux à la Cour constitutionnelle par envois spéciaux par avion.

Finalement, seules les Cours béninoisemalgache et malienne ont relevé des dysfonctionnements lors de cet acheminement. Les juges béninois font état de plis transmis avec retard et surtout d’enveloppes non scellées [4]. La Cour malienne observe les mêmes irrégularités ainsi que la transmission de documents incomplets. Le même dysfonctionnement a été constaté à Madagascar.

Les tableaux suivants énumèrent les opérations effectuées par les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. une fois en possession des documents électoraux.

Tableau 51 – Le traitement des documents électoraux de l’élection présidentielle

Nouveau décompte intégral des votesDécompte partiel des votes (bulletins litigieux)Rectification du décompte des voixExamen des réclamations avant la proclamation des résultatsProclamation des résultats
Algérie Bénin Burkina Faso Congo Gabon France Madagascar Mali Mauritanie Niger TchadAlgérie France Sénégal TchadAlgérie Bénin Burkina Faso Congo Gabon France Madagascar Mali Mauritanie Sénégal Tchad TogoAlgérie Bénin Burkina Faso Cameroun Congo France Madagascar Mali Mauritanie Roumanie Sénégal Tchad TogoAlgérie Bénin Burkina Faso Cameroun Congo Gabon France Madagascar Mali Mauritanie Niger Roumanie Rwanda Sénégal Tchad Togo
Algérie Bénin Burkina Faso Congo Gabon France Madagascar Mali Mauritanie Niger TchadAlgérie France Sénégal TchadAlgérie Bénin Burkina Faso Congo Gabon France Madagascar Mali Mauritanie Sénégal Tchad TogoAlgérie Bénin Burkina Faso Cameroun Congo France Madagascar Mali Mauritanie Roumanie Sénégal Tchad TogoAlgérie Bénin Burkina Faso Cameroun Congo Gabon France Madagascar Mali Mauritanie Niger Roumanie Rwanda Sénégal Tchad Togo

Tableau 52 – Le traitement des documents électoraux des élections parlementaires

Nouveau décompte intégral des votesDécompte partiel des votes (bulletins litigieux)Rectification du décompte des voixExamen des réclamations avant la proclamation des résultatsProclamation des résultats
AlgérieAlgérieAlgérieAlgérieAlgérie
BéninBéninBéninBénin
Burkina FasoBurkina FasoBurkina FasoBurkina Faso
CamerounCameroun
Congo
GabonGabonGabon
MadagascarMadagascarMadagascarMadagascar
Mali Maroc [5]Maroc [6]Mali MarocMaliMali
Mauritanie
NigerNiger
Rwanda
SénégalSénégalSénégalSénégal
TchadTchadTchadTchadTchad
TogoTogoTogo

En premier lieu, il convient de préciser que si les opérations énumérées dans les tableaux ne sont pas effectuées par la Cour constitutionnelle, elles le sont par une autre autorité. Il s’agira principalement des commissions électorales et plus rarement du ministère de l’Intérieur. Par exemple, la Commission électorale centrale bulgare proclame les résultats et les publie dans la Gazette d’État.

Ensuite, il existe une différence de « traitement » entre les documents des élections présidentielles et ceux des élections parlementaires. Nous avons déjà précisé que les institutions française et roumaine ne reçoivent pas les documents électoraux concernant l’élection des députés. Si la Cour roumaine n’est pas compétente pour le contentieux électoral de ces élections, ce n’est pas le cas du Conseil constitutionnel français. Il est cependant moins impliqué dans cette élection, pour laquelle, à la différence de l’élection du président de la République, il ne dresse pas la liste des candidats, n’envoie pas d’observateurs, ne recompte pas les bulletins et ne proclame pas les résultats. C’est également le cas au Congo et en Mauritanie où les Cours constitutionnelles se limitent à la proclamation des résultats même si, au demeurant, le contentieux électoral relève de leurs attributions.

Un nouveau décompte des voix permet aux Cours d’opérer des rectifications matérielles dans le cadre de leur qualité de juge de la validité des élections et d’annuler des suffrages au niveau de certains bureaux de vote avant de procéder à la proclamation définitive des résultats. Dans l’ensemble, la majorité des Cours procèdent à un nouveau décompte des votes, rectifient le cas échéant ce décompte, examinent les réclamations et proclament les résultats. Seules les institutions du Cameroun, de Roumanie, du Rwanda, du Sénégal et du Togo n’effectuent pas un nouveau décompte intégral des bulletins de vote. Au Maroc, il n’est effectué qu’en cas de recours. Par ailleurs, seules les Cours du Gabon, du Niger et du Rwanda n’examinent pas les réclamations avant la proclamation des résultats.

Nous observons, néanmoins, une relative homogénéité des pratiques des Cours qui reçoivent les documents électoraux. Celles-ci ne sont que la conséquence de compétences voisines en matière de contentieux électoral. Les institutions, qui sont citées ici, correspondent globalement à celles qui possèdent des attributions relativement importantes pour juger de la régularité et de la sincérité du scrutin.

Il convient, à présent, de s’interroger sur les conditions d’exercice de ce contentieux.

II. La procédure devant les Cours constitutionnelles

A. La saisine des Cours constitutionnelles

Le juge constitutionnel opère un véritable « dédoublement de personnalité » lorsqu’il s’érige en juge électoral. S’ils relèvent du même juge dans la majorité des États étudiés, le contentieux électoral ne se confond pas avec le contentieux constitutionnel. Il en résulte des procédures distinctes, qui apparentent davantage le juge électoral à un juge ordinaire. Le caractère juridictionnel des attributions du juge constitutionnel en matière électorale est d’autant plus remarquable dans les cas où le particulier n’a pas accès au juge siégeant en matière de contentieux des normes, comme notamment en France.

Les personnes autorisées à saisir le juge électoral ne sont donc pas les mêmes que celles autorisées à saisir le juge constitutionnel. Les autorités étatiques (président, Premier ministre, parlementaires…) ont une rôle secondaire et doivent faire preuve de neutralité. En revanche, les premiers concernés sont les candidats eux-mêmes et les partis politiques qui participent au scrutin. Dans certains cas, les électeurs ont également la possibilité de saisir le juge.

Les tableaux suivants présentent les personnes autorisées à saisir les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. d’une requête électorale. Il convient de préciser, en premier lieu, que ce tableau ne concerne que le contentieux post-électoral. Les contentieux relatifs notamment aux listes électorales et aux candidatures ont été évoqués plus haut. Néanmoins, il reste toujours possible dans certains pays d’évoquer devant le juge des arguments relatifs à l’éligibilité d’un candidat après le déroulement du scrutin.

Précisons également que la Cour d’arbitrage belge, la Cour suprême constitutionnelle égyptienne, la Cour de cassation haïtienne et le Tribunal suprême monégasque ne sont pas concernés puisqu’ils ne disposent d’aucune attribution en matière électorale. Le cas du Canada est particulier ; la Cour suprême peut connaître de requêtes électorales dans le cadre de ses attributions ordinaires de juridiction de dernière instance. À ce stade, la requête électorale ne connaît pas de spécificité propre comparée à une requête normale. Néanmoins, la loi électorale a institué un système placé sous l’autorité du Directeur général des élections et du Commissaire aux élections fédérales qu’il conviendra d’évoquer dans ses grandes lignes.

Enfin, nous distinguerons deux groupes de Cours constitutionnelles. La distinction, déjà esquissée dans la première partie de ce bulletin, s’opère entre les Cours qui disposent de compétences étendues et similaires en matière électorale et les Cours dont les attributions sont soit moins globales, soit répondent à des caractéristiques distinctes. Concrètement, le premier groupe correspond à la France et à l’Afrique francophone où l’influence de la première est évidente, et la seconde catégorie rassemble en majorité les États européens. Plus précisément, le Cambodge et le Liban se rattachent à la première catégorie et nous étudierons l’Île Maurice dans la seconde.

Tableau 53 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour l’élection présidentielle (1er groupe) [7]

PaysÉlecteurCandidat ou leurs représentantsParti ou groupement politiqueCommission électoraleJuridictionAuto saisine de la CourAutres
AlgérieOui
BéninOuiOui
Burkina FasoOui
Cambodge
CamerounOuiOuiOui [8]Un agent du Gouvernement
CongoOuiOui [9]
FranceOui [10]OuiLe préfet
GabonOuiOuiOuiLe délégué du Gouvernement [11]
Guinée-BissauOui
LibanOuiAu moins un tiers des membres de la Chambre des députés [12]
MadagascarOuiOuiOuiUn observateur, une ONG
MaliOuiLes membres du bureau de vote (y compris les mandataires des candidats) [13], représentants de l’État dans la circonscription
Maroc
MauritanieOui
NigerOuiOuiOuiOui [14]
RwandaOuiOuiOuiOuiTout intéressé
SénégalOui
TchadOuiOui
TogoOuiOuiOui [15]

Tableau 54 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour les élections parlementaires (1er groupe)

PaysÉlecteurCandidat ou leurs représentantsParti ou groupement politiqueCommission électoraleJuridictionAuto saisine de la CourAutres
AlgérieOuiOui
BéninOui [16]OuiOuiOui
Burkina FasoOuiOui
CambodgeOuiOuiOuiOui
CamerounOuiOuiUn agent du Gouvernement
CongoOuiOui [17]
FranceOuiOuiLa Commission des comptes de campagne
GabonOuiOuiOuiLe délégué du Gouvernement [18]
Guinée-BissauOui
LibanOui
MadagascarOuiOuiOuiUn observateur, une ONG
MaliOuiOuiLes membres du bureau de vote (y compris les mandataires des candidats) [19], représentants de l’État dans la circonscription
MarocOuiOui
MauritanieOuiOui
NigerOuiOuiOuiOui [20]
RwandaOuiOuiOuiOuiTout intéressé
SénégalOui
TchadOuiOui
TogoOuiOuiOui [21]

Les Cours constitutionnelles, que nous avons comparées dans les deux tableaux précédents, ont en commun d’être compétentes en premier et dernier ressort pour le contentieux post-électoral. Leur compétence est établie dans des termes relativement équivalents dans les textes constitutionnels. Nous observons cependant que les auteurs de la saisine varient d’un État à l’autre.

Dans tous les États, pour les deux scrutins nationaux, les candidats ou leurs représentants peuvent saisir le juge constitutionnel d’une requête électorale. Ils sont, en effet, les premières victimes des éventuelles irrégularités électorales. La saisine des partis et formations politiques est moins répandue mais il ne faut pas négliger le fait que les partis politiques accompagnent les candi dats qu’ils désignent durant tout le processus électoral et la saisine du candidat équivaut à une saisine du parti, qui investit tous ses moyens financiers et juridiques dans la bataille. Ainsi, l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, la France, la GuinéeBissauMadagascar, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal n’autorisent pas les groupes politiques à saisir le juge constitutionnel d’une réclamation portant sur l’élection du président de la République. Le Burkina Faso, le Cameroun, la France, la GuinéeBissau, le LibanMadagascar, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal ont adopté la même solution pour l’élection des parlementaires. L’Algérie, le Bénin et le Mali permettent, en revanche, aux partis de saisir la Cour pour ce deuxième scrutin.

La saisine est ouverte aux électeurs en France, au Gabon, à Madagascar, au Niger et au Rwanda pour l’élection présidentielle ; au Burkina Faso, au Cambodge, en France, au Gabon, à Madagascar, en Mauritanie, au Niger et au Rwanda pour les élections parlementaires. Madagascar et le Rwanda semblent avoir retenu un système plus ouvert. Le premier permet aux observateurs et aux organisations non gouvernementales de saisir la Haute Cour constitutionnelle et le second autorise toute personne intéressée à exercer un recours. Cela reflète une vision objective du contentieux électoral.

Les autorités étatiques ne sont pas exclues du contentieux, par le biais des représentants locaux de l’État en France [22] et au Mali ou d’agents du Gouvernement au Cameroun et au Gabon.

Il faut encore préciser que l’accès au juge constitutionnel n’est pas toujours direct. Par exemple, en ce qui concerne l’élection du président de la République, les candidats en Algérie et les électeurs en France doivent porter leurs réclamations sur les procès-verbaux des bureaux de vote. Au Togo, les plaintes sont déposées à la Commission électorale nationale indépendante qui les transmet à la Cour constitutionnelle. Le Cambodge a instauré un système particulier puisque le Conseil constitutionnel peut être saisi soit directement soit en appel d’une décision de la Commission électorale nationale.
En ce qui concerne la seconde catégorie de Cours constitutionnelles, les réponses apportées sont encore plus diverses, ce qui s’explique par la diversité de leurs attributions en matière électorale.

Tableau 55 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour l’élection présidentielle (2e groupe)

PaysÉlecteurCandidatParti ou groupement politiqueCommission électoraleJuridictionAuto saisine de la CourAutres
AlbanieUn cinquième des députés ou un parti politique [23]
BulgarieOuiOui
Maurice
Moldavie
RoumanieOuiOui
Slovénie
Suisse
République tchèque

Tableau 56 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour les élections parlementaires (2e groupe)

PaysÉlecteurCandidatParti ou groupement politiqueCommission électoraleJuridictionAuto saisine de la CourAutres
Albanie
Bulgarie [24]OuiOui
Maurice [25]OuiOuiAttorney General
Moldavie
Roumanie
SlovénieOuiLes représentants d’une liste de candidats
SuisseOuiOui
République tchèque [26]OuiOui

La compétence de la Cour constitutionnelle albanaise est prévue uniquement pour l’élection du président de la République depuis l’adoption du code électoral de 2003 confiant le contentieux des élections parlementaires à la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana. La compétence de la Cour constitutionnelle est d’autant plus subsidiaire que le président de la République est élu par l’Assemblée de la République et qu’elle ne peut être saisie que sur des affaires portant sur l’éligibilité du président, sur saisine d’un cinquième des députés ou d’un parti politique. Le code électoral de 2003 a ainsi concentré le contentieux électoral des élections parlementaires entre les mains de la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana. Cette dernière intervient en appel des décisions de la Commission électorale centrale sur saisine d’un candidat ou d’un parti politique. La Chambre électorale est composée de 8 juges, tirés au sort par le Conseil supérieur de la justice. Ses décisions sont définitives. Qualifier la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana de juridiction ordinaire serait erronée du fait de sa spécialisation en matière électorale et de la nomination des juges qui la composent. En outre, la Cour constitutionnelle n’est pas totalement écartée des réclamations électorales. Elle peut connaître des décisions de la Chambre électorale lorsque le requérant allègue le non respect du droit à un procès équitable. Dans cette situation, nous ne nous situons plus dans le cadre du contentieux électoral mais dans celui du contentieux en défense des droits constitutionnels [27].

La Cour constitutionnelle moldave se prononce sur la validité de l’élection du président de la République et des députés mais elle ne peut pas être saisie par un requérant. Elle confirme les résultats en séance publique et adopte une résolution sur la validité des résultats. Elle doit se prononcer dans les trois jours de la réception de la résolution du Parlement sur l’élection du président de la République. En ce qui concerne les élections parlementaires, les électeurs et les candidats n’ont pas accès à la Cour constitutionnelle pour le contentieux électoral. Il doivent s’adresser en premier lieu à la commission électorale hiérarchiquement supérieure à la commission qui a pris la décision contestée. Un recours juridictionnel est possible devant les cours locales pour les décisions et activités des commissions locales et devant la Cour suprême de justice pour les décisions et activités de la Commission électorale centrale. De son côté, la Cour constitutionnelle décide, sur proposition de la Commission électorale centrale, de la régularité de l’élection des députés. La Commission électorale doit transmettre à la Cour constitutionnelle les résultats provisoires proclamés et les listes des parlementaires élus. La Cour confirme ou non la régularité des élections en prenant une décision. Simultanément, elle valide les mandats des députés élus.

Le contentieux électoral échappe à la Cour constitutionnelle, qui n’a qu’un rôle de validation des résultats. En revanche, l’accès à la justice électorale s’effectue par les commissions électorales, qui disposent d’attributions contentieuses importantes.

En Roumanie, la Cour constitutionnelle n’a aucune compétence pour vérifier la régularité de l’élection des parlementaires. Cette tâche revient au Bureau électoral central. En ce qui concerne l’élection du président de la République, la compétence de la Cour constitutionnelle s’établit au niveau de l’éligibilité des candidats sur saisine des électeurs, des candidats et des partis politiques. Après la clôture du scrutin, la Cour constitutionnelle confirme les résultats et valide le mandat du président élu sur la base des documents du Bureau électoral central. Elle tranche les requêtes des candidats et partis politiques ayant participé à l’élection et relatives à la légalité du scrutin. Les contestations sont transmises à la Cour par le Bureau électoral central.

La Slovénie confirme la prééminence des commissions électorales dans les pays d’Europe centrale. La Cour constitutionnelle intervient cependant dans le contentieux électoral mais de façon marginale. Les réclamations électorales sont d’abord portées devant une commission électorale. Un candidat ou les représentants d’une liste de candidats peuvent ensuite faire appel devant l’Assemblée nationale selon une procédure proche du système de la vérification des pouvoirs. La Cour constitutionnelle est ensuite compétente pour connaître des appels contre les décisions de l’Assemblée nationale relatives à la vérification des mandats des députés sur saisine des mêmes requérants. Rappelons que pour l’élection présidentielle, les recours sont portés devant la Commission électorale de la République et la Cour suprême.

En République tchèque, les candidats et les partis politiques peuvent introduire une requête électorale mais la Cour constitutionnelle n’est pas accessible en première instance. Elle intervient en appel des décisions de la Chambre du Parlement concernée [28] qui vérifie la validité de l’élection, et de la Cour suprême saisie d’une requête électorale.

L’intervention de la Cour constitutionnelle après le Parlement est directement inspirée de l’Allemagne où la Cour constitutionnelle fédérale peut être saisie d’un recours contre la décision du Bundestag ayant pour objet la validation d’un mandat de député.

Si les règles d’organisation du scrutin sont communes à l’ensemble du continent européen, en matière de contentieux électoral, les traits distinctifs l’emportent. Les systèmes bulgare et suisse apportent leurs particularités.

Le Tribunal fédéral suisse ne connaît que d’une partie restreinte du contentieux électoral, dans un pays où les cantons ont une primauté dans le processus électoral. Ainsi, selon la loi fédérale sur les droits politiques, les recours sont d’abord portés devant le gouvernement cantonal. Il est possible de faire appel de cette décision dans des conditions différentes selon l’objet du recours. Les recours touchant les votations sont susceptibles d’appel devant le Conseil fédéral, c’est-à-dire l’Exécutif fédéral. Les irrégularités affectant la préparation et l’exécution des élections fédérales [29] font l’objet d’appel devant le Conseil national ; le Conseil statue lorsqu’il valide les élections, c’està-dire au cours de la séance constitutive de la nouvelle assemblée. Enfin, les appels des recours relatifs au droit de vote (domicile politique, listes électorales, procédures de vote) sont portés devant le Tribunal fédéral dans le cadre du recours de droit administratif. Par conséquent, la Suisse se rattache à la tradition de la vérification des pouvoirs, le Tribunal fédéral n’intervenant que pour assurer le respect des conditions d’exercice du droit de vote des citoyens helvètes.

Le système bulgare semble se rapprocher du système français puisque un candidat ou un parti politique peut contester les résultats de l’élection du président et du vice-président de la République et de l’élection des députés devant la Cour constitutionnelle. Toutefois, l’accès au juge n’est pas direct. En effet, la Cour constitutionnelle ne peut être saisie que par les organes et personnes prévues à l’article 150 alinéa 1 de la Constitution, c’est-à-dire un cinquième des députés, le président de la République, le Conseil des ministres, la Cour suprême de cassation, la Cour suprême administrative et le Procureur général. Cette condition est, par ailleurs, précisée à l’article 112 de la loi sur l’élection des députés qui dispose que les candidats et les partis politiques peuvent contester la légalité de l’élection uniquement par le biais des organes cités. Force est de constater que l’accès au juge n’est pas plus ouvert pour le contentieux électoral que pour le contentieux du contrôle des normes.

À Haïti, les commissions électorales ont des compétences contentieuses importantes établies dans le texte de la Constitution. La loi électorale de 1987 prévoyait un recours en appel des décisions du Conseil électoral provisoire devant la Cour de cassation. Cette possibilité a été abrogée en 1995.

Le contentieux électoral à l’Île Maurice n’a que très peu de points communs avec les systèmes instaurés dans les précédents pays. En effet, la Cour suprême est compétente en premier et dernier ressort [30] pour connaître du contentieux électoral. L’article 37 de la Constitution autorise la saisine des électeurs, des candidats et du Procureur général [31]. L’Île Maurice a instauré un système semblable aux pays de l’Afrique francophone. Pourtant, l’inspiration diffère et s’il y a une influence française, elle doit s’intégrer dans un système anglo-saxon. La particularité de la saisine de la Cour suprême mauricienne par rapport à la saisine des Cours et Conseils africains s’exprime notamment dans les délais de recours.

Les délais de recours sont, par ailleurs, un des éléments caractéristiques du contentieux électoral comparé au contentieux constitutionnel. Ils s’en distinguent par leur relative brièveté. Néanmoins, ils peuvent varier considérablement d’un État à l’autre, comme le montrent les tableaux suivants.

Tableau 57 – Les délais de recours pour l’élection présidentielle

Pays AlbaniePoint de départ du délaiDurée du délai de recours
AlgérieImmédiatement [32]
Belgique
BéninProclamation des résultats provisoires5 jours
BulgarieProclamation des résultats par la Commission électorale centrale15 jours
Burkina FasoProclamation provisoire par la CENI48 heures [33]
Cambodge
CamerounClôture du scrutin72 heures
CongoLa publication des résultats provisoires5 jours
Égypte
FranceFermeture des bureaux de vote48 heures
GabonProclamation officielle des résultats15 jours
Guinée-BissauProclamation des résultats48 heures
Haïti [34]
LibanProclamation des résultats24 heures
MadagascarJour du scrutin20 jours
MaliJour du scrutin5 jours [35]
Maroc
Maurice
MauritanieFin des opérations de vote48 heures
Moldavie
Monaco
NigerProclamation des résultats définitifs15 jours
RoumanieFin des opérations de vote3 jours
RwandaProclamation provisoire des résultats48 heures
SénégalProclamation provisoire des résultats72 heures
Slovénie
Suisse
TchadProclamation provisoire des résultats5 jours
République tchèque
TogoProclamation provisoire des résultats48 heures

Tableau 58 – Les délais de recours pour les élections parlementaires

PaysPoint de départ du délaiDurée du délai de recours
Albanie [36]
AlgérieProclamation des résultats48 heures en ce qui concerne la régularité des opérations de vote, 24 heures en ce qui concerne les résultats [37]
Belgique
BéninProclamation des résultats10 jours
BulgarieProclamation des résultats par la Commission électorale centrale15 jours
Burkina FasoClôture du scrutin, proclamation des résultats provisoires72 heures pour les citoyens [38], 5 jours pour les candidats [39]
Cambodgeproclamation provisoire des résultats (saisine directe) date de notification de la décision du Comité électoral national (saisine en appel)72 heures 48 heures [40]
CamerounClôture du scrutin4 jours
CongoLa publication des résultats15 jours
Égypte
FranceProclamation des résultats10 jours
GabonProclamation officielle des résultats15 jours
Guinée-BissauProclamation des résultats48 heures
Haïti [41]
LibanProclamation des résultats30 jours
MadagascarJour du scrutin20 jours
MaliJour du scrutin5 jours [42]
MarocProclamation des résultats15 jours
MauriceProcès-verbal du Returning officer [43]21 jours
MauritanieFin des opérations de vote5 jours
Moldavie [44]
Monaco [45]
NigerProclamation des résultats15 jours
Roumanie
RwandaProclamation provisoire des résultats48 heures
SénégalProclamation provisoire des résultats5 jours
SlovénieDate de la décision de l’Assemblée nationale8 jours
SuisseNotification de la décision du gouvernement cantonal30 jours [46]
TchadProclamation provisoire des résultats10 jours
République tchèqueNotification de la décision10 jours
TogoProclamation provisoire des résultats72 heures

Les délais de recours ne dépassent pas 30 jours mais ils sont inférieurs à 5 jours dans la majorité des États, notamment en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, en France, en GuinéeBissau, au Liban, au Mali, en Mauritanie, en Roumanie, au Rwanda, au Sénégal, au Tchad et au Togo pour les élections présidentielles, en Algérie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, en GuinéeBissau, au Mali, en Mauritanie, au Rwanda, au Sénégal et au Togo pour les élections parlementaires. Nous observons, toutefois, une tendance à accorder un délai plus long pour ces dernières élections. Ainsi, par exemple, au Togo, le délai est de 48 heures pour l’élection du président de la République et de 72 heures pour l’élection des députés. En France, les recours sont reçus dans les 48 heures de la fermeture des bureaux de vote pour les présidentielles et dans les 10 jours de la proclamation des résultats pour les législatives.

L’exemple de la France démontre également que le point de départ du délai importe dans la prise en considération du délai de recours. Le point de départ qui semble le moins favorable aux requérants est celui de la clôture du scrutin. Il est retenu en Algérie, au Cameroun, en France, à Madagascar, au Mali et en Mauritanie pour les élections présidentielles, au Burkina Faso [47], au Cameroun, à Madagascar, au Mali et en Mauritanie pour les élections législatives. La majorité des autres pays préfère prendre comme point de départ du recours, la proclamation – en général, provisoire lorsqu’elle est prévue – des résultats puisque les contestations peuvent autant porter sur les opérations de vote que sur les résultats du scrutin. Enfin, lorsque les Cours n’interviennent pas en première instance, le délai court à partir de la notification de la première décision contentieuse. C’est le cas en Slovénie et en République tchèque ainsi que partiellement au Cambodge.

L’existence de délais relativement brefs laisse présager un nombre important de saisines tardives. Étonnamment, ce ne sont pas les Cours devant lesquelles les délais de recours sont les plus brefs qui font état de nombreux cas d’irrecevabilité pour non respect de celui-ci. Ainsi, les Cours et Conseils du Gabon, du Liban, de Madagascar et du Maroc entrent dans cette catégorie avec des délais de 15 jours, 30 jours [48], 20 jours et 15 jours. Cette affirmation n’est pas vérifiée pour l’Algérie, le Bénin, le Cambodge, le Cameroun et la Mauritanie où les Cours relèvent de nombreux cas de requêtes tardives. Pourtant, une quantité non négligeable de ces décisions d’irrecevabilité pourrait être évitée grâce à une meilleure connaissance de la procédure électorale. C’est ce que constate la Cour constitutionnelle du Bénin, qui a vu le nombre de décisions d’irrecevabilité sensiblement baisser, à la suite des séances de formation qu’elle a organisées et de la diffusion de la plaquette du « guide du requérant ».

Pour conclure sur les conditions de saisine des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., il convient d’apporter des précisions sur le contentieux électoral au Canada. Nous avons déjà relevé, à plusieurs reprises, que la Cour suprême ne pouvait être saisie de requêtes électorales que dans le cadre de ses attributions ordinaires de juridiction du dernier degré. Cela signifie que la requête électorale n’a aucune particularité par rapport à une requête ordinaire et il semble difficile d’identifier un contentieux électoral. Néanmoins, la singularité du règlement des réclamations portant sur les élections est marquée par la position stratégique du Commissaire aux élections fédérales. Ce dernier, dont la mission est de veiller au respect de la loi électorale, dispose de pouvoirs de décision en cas de contestation de la part de tout particulier, des candidats ou des formations politiques. Il peut engager des poursuites devant les juridictions de droit commun s’il a des motifs de croire qu’une infraction a été commise. Cette compétence s’exerce d’office ou à la suite d’une plainte écrite reçue dans les 6 mois qui suivent l’acte contesté. Des poursuites peuvent également être engagées à la suite d’une enquête que le Directeur général des élections lui a ordonné de faire. Les poursuites judiciaires, qui sont portées devant un tribunal pénal doivent être effectuées dans les 18 mois suivant la date de connaissance des faits par le Commissaire. La personne reconnue coupable est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement et s’il s’agit d’un candidat, son élection peut être annulée [49].

En outre, les articles 522 à 532 de la loi électorale prévoient que tout électeur ou candidat peut contester la validité de l’élection d’un candidat dans la même circonscription pour inéligibilité ou pour irrégularité, fraude, manœuvre frauduleuse ou acte illégal ayant influé sur le résultat de l’élection. La requête doit être présentée devant les tribunaux de première instance de chaque province et territoire dans les 30 jours suivant la date de la publication dans la Gazette du Canada, du résultat contesté. Un appel peut être interjeté auprès la Cour suprême du Canada dans les 8 jours suivant la date de la décision. La Cour statue sur l’appel sans délai et selon une procédure sommaire. L’ensemble des ces éléments démontre que le Canada s’est doté d’un arsenal étendu de moyens juridictionnels permettant de faire face à la particularité du contentieux électoral.

B. Le filtrage des requêtes

La majorité des institutions membres de l’A.C.C.P.U.F. subissent un afflux exceptionnel de recours, auquel elles ne sont pas forcément préparées. Les requêtes doivent faire l’objet d’une analyse préliminaire afin éviter une surcharge difficilement supportable de travail.

Néanmoins, peu de Cours ont institué une procédure de filtrage des recours électoraux. Il s’agit du Burkina Faso, du Cambodge, du Canada et de la France. Au Burkina Faso, conformément au code électoral de 2001, l’organe compétent en la matière est le président du Conseil constitutionnel, à qui sont adressées les requêtes. Au Cambodge, depuis la création de l’institution en 1998, l’ensemble du Conseil constitutionnel accomplit cette tâche et au Canada, il s’agit du Commissaire aux élections fédérales. En France, un filtrage s’opère par le biais des commissions départementales de recensement pour l’élection du président de la République, qui centralisent un nombre important de réclamations électorales. Les procédures de filtrage donnent lieu à des résultats satisfaisants dans l’ensemble de ces pays.

Des procédures sommaires de traitement des recours manifestement irrecevables en matière électorale sont plus fréquemment mises en place. Elles concernent le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Cameroun, le Congo, la France, le Gabon, le Maroc, la Mauritanie, la Slovénie et le Tchad. Précisons, toutefois, que dans certains pays, la procédure ordinaire de recevabilité s’applique de plein droit aux requêtes électorales. C’est notamment le cas en Albanie et en Bulgarie. En Albanie, une chambre de trois juges examine la recevabilité des recours. Si elle ne parvient pas à adopter une décision à l’unanimité, l’affaire est renvoyée devant l’assemblée plénière réunissant les 9 juges de la Cour. La Cour constitutionnelle bulgare se prononce sur la recevabilité des requêtes par une résolution prise à huis clos.

L’article 38 alinéa 2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que le Conseil constitutionnel français, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection. Nous retrouvons cette disposition, rédigée dans des termes similaires, dans de nombreux pays de l’Afrique francophone, notamment au Bénin, au Burkina Faso, au Congo, au Gabon, au Maroc, en Mauritanie et au Tchad.

C. L’instruction

Les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., qui, pour la plupart, ne statuent qu’en matière constitutionnelle, doivent adapter leurs méthodes d’instruction à des situations concrètes : elles doivent, notamment, opérer un contrôle des faits qui est souvent étranger au contentieux constitutionnel.

La solution retenue par la majorité des Cours est de confier l’instruction des affaires électorales à un juge de l’institution désigné comme rapporteur. C’est le cas en Albanie, en Algérie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, en GuinéeBissau, au Liban, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, en Slovénie, en République tchèque et au Togo. La désignation est, de manière générale, effectuée par le président. La France et le Gabon désignent également un juge rapporteur mais celui-ci peut être un magistrat ad hoc nommé pour les élections [50]. Au Tchad, le conseiller rapporteur peut être assisté d’une commission ad hoc composée de 2 ou 3 conseillers et en Roumanie, des magistrats-assistants de la Cour constitutionnelle. Au Cambodge, ce sont les sections dans leur ensemble, qui ont la charge de l’instruction.

Les procédures sont, par conséquent, relativement homogènes. Le Canada, l’Île Maurice et la Suisse ont ici encore des procédures différentes. Au Canada, un pouvoir d’enquête important a été reconnu au Commissaire aux élections fédérales. S’il décide ensuite d’intenter des poursuites judiciaires, le Procureur général sera exclu de la procédure pour préserver le caractère non partisan du processus électoral. En ce qui concerne les recours en contestation des élections, l’article 532 alinéa 2 de la loi électorale précise que la Cour suprême saisie d’un appel statue sans délai et selon une procédure sommaire. À l’Île Maurice, la loi électorale [51] prévoit l’application de la procédure habituellement en vigueur devant la Cour suprême. Enfin, c’est le Greffe du Tribunal fédéral qui est en charge de l’instruction en Suisse.

Le tableau suivant présente les moyens d’instruction utilisés par les Cours et Conseil constitutionnels :

Tableau 59 – Les moyens d’instruction des cours constitutionnelles en matière électorale

PaysMoyens d’instruction
Albanie
AlgérieConsultation des procès-verbaux, audition des parties
Belgique
BéninConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition de témoins, déplacement sur place.
BulgarieAudition des parties, audition d’experts
Burkina FasoConsultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, auditions de témoins
CambodgeConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties ou de leurs représentants, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
CamerounAudition des parties ou de leurs représentants, consultation du procès-verbal de la Commission nationale de recensement général des votes
CanadaConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties ou de leurs représentants, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
CongoConsultation des procès-verbaux, audition des témoins, instruction sur place
Égypte
FranceConsultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants
GabonConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Guinée-BissauConsultation des procès-verbaux, audition d’experts
Haïti
LibanConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
MadagascarConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
MaliConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des observateurs, audition de témoins,  déplacement sur place
MarocConsultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, audition de témoins, déplacement sur place
MauriceConsultation des procès verbaux et des bulletins de vote [52]
MauritanieConsultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, auditions d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Moldavie
Monaco
NigerConsultation des procès-verbaux, consultation (et audition) des observations des délégués de la Cour et autres observateurs, audition des parties ou de leurs représentant, audition de témoins, déplacement sur place
RoumanieConsultation des procès-verbaux et autres documents, le président de la Cour peut inviter des personnes dont la présence paraît nécessaire
et demander toute information aux autorités publiques
RwandaConsultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, déplacement sur place
SénégalConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs
SlovénieConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs
SuisseAudition des parties ou de leurs représentants
TchadConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs
République tchèqueAudition des parties ou de leurs représentants, audition de témoins
TogoConsultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs

Les procès-verbaux des opérations de vote représentent la matière première des affaires électorales. Ils constituent une photographie du déroulement du scrutin. Ils sont utilisés par toutes les Cours à l’exception du Tribunal fédéral suisse [53] et de la Cour constitutionnelle tchèque. La consultation des observations des délégués de la Cour lorsqu’ils sont prévus, et des autres observateurs est également un outil approprié au règlement des litiges électoraux.

Plus étonnante pour une juridiction constitutionnelle, est la possibilité d’entendre les parties ou leurs représentants. Des auditions sont effectuées en Algérie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, au Canada, en France, au Gabon, au Liban, à Madagascar, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda, en Suisse et en République tchèque. De même, de nombreuses Cours entreprennent des déplacements sur place. Il s’agit des institutions du Bénin, du Cambodge, du Canada [54], du Congo, du Gabon, du Liban, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Rwanda.

Les Cours disposent, par conséquent, de moyens d’instruction variés et importants. En outre, en Albanie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, au Gabon, en GuinéeBissau, au Liban, à Madagascar, en Mauritanie, au Rwanda, en Slovénie, en Suisse et au Tchad, le rapporteur peut ordonner des mesures d’instruction complémentaires ayant pour effet d’allonger les délais d’instruction.

D. Le jugement des affaires électorales

Une fois l’instruction close, le juge doit statuer sur l’affaire. Il est intéressant de mettre en évidence trois éléments dans le but de dégager les traits caractéristiques du contentieux électoral. Il s’agit de la formation de jugement, de la publicité de l’audience et du délai accordé à la Cour pour rendre sa décision.

En ce qui concerne la formation de jugement compétente pour traiter le contentieux électoral, il s’agit de la formation plénière dans toutes les Cours [55], sauf dans les trois pays mentionnés plus haut : le Canada, l’Île Maurice et la Suisse. La particularité du système canadien où le contentieux électoral est traité par les juridictions ordinaires et le Commissaire aux élections fédérales rend difficile la comparaison avec les autres États. Les requérants mauriciens présentent leur réclamation à un juge de la Cour suprême qui fixe la date du jugement. C’est ensuite une formation de deux juges qui statue sur la demande. Enfin, en Suisse, c’est une section du Tribunal fédéral qui juge les recours de droit administratif relatifs à la matière électorale. Le traitement du contentieux électoral ne se distingue pas par des formations de jugement particulières. Cette affirmation n’est pas non plus erronée en ce qui concerne les autres Cours où les affaires constitutionnelles sont généralement réglées en formation plénière.

Les Cours constitutionnelles statuent en audience publique pour les affaires électorales en Albanie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, au Gabon, au Mali, à l’Île Maurice, au Rwanda, en Suisse et en République tchèque [56].

Le délai pour statuer sur une affaire électorale est un élément distinctif du contentieux électoral. L’enjeu implique qu’il soit le plus bref possible mais le tableau suivant indique que ce n’est pas toujours le cas.

Tableau 60 – Le délai pour statuer sur une affaire électorale

PaysDélai
AlbanieN.C. [57]
Algérie3 jours [58]
Belgique
Bénin8 jours
BulgarieN.C.
Burkina Faso8 jours
CambodgeDélai de 10 à 20 jours [59]
Cameroun15 jours
CanadaPas de délai
CongoPas de délai précis : délai moyen d’un mois
Égypte
FrancePas de délai précis : délai moyen entre 2 et 7 mois pour les élections législatives ; lors de la proclamation des résultats dans les 10 jours qui suivent le scrutin pour l’élection présidentielle
Gabon2 mois, prorogation possible d’un mois
Guinée-Bissau48 heures
Haïti
LibanPrésidentielle : 3 jours
Législatives : 30 jours après la communication du rapport du rapporteur qui doit intervenir dans les 30 jours de la saisine du Conseil (le délai peut aller jusqu’à 3 mois à compter de la proclamation des résultats)
MadagascarPas de délai précis : délai moyen de 6 mois
MaliAvant l’expiration des mandats en cours
MarocPas de délai [60]
MauriceN.C.
Mauritanie5 jours pour l’élection présidentielle, délai non déterminé pour les élections législatives (de 5 jours à un mois)
Moldavie
Monaco
Niger15 jours
Roumanie48 heures
Rwanda5 jours
Sénégal5 jours à compter de la proclamation provisoire des résultats
SlovéniePas de délai précis : délai moyen d’un mois.
SuissePas de délai
Tchad15 jours pour l’élection présidentielle, 10 jours pour les élections législatives
République tchèquePas de délai
Togo8 jours

Lorsqu’ils sont prévus par un texte, les délais varient de 48 heures à 2 mois. En Algérie, en GuinéeBissau, au Liban pour l’élection du président de la République [61], en Mauritanie pour cette même élection, au Rwanda, et au Sénégal, les institutions ne peuvent rendre leurs décisions au-delà des 5 jours qui suivent leur saisine. En ce qui concerne les autres États, les délais ne dépassent généralement pas 15 jours, à l’exception du Cambodge, du Gabon, du Liban pour les élections législatives et du Mali. En France, les réclamations doivent être jugées pour la proclamation des résultats de l’élection présidentielle qui doit intervenir dans les 10 jours qui suivent le scrutin, à l’exception du contentieux sur les comptes de campagne. Le temps accordé aux Cours est donc relativement réduit mais les contrastes sont réels et ne correspondent pas forcément à des différences dans l’étendue des compétences en matière de contentieux électoral.

En outre, les Cours canadiennemauricienneslovènesuisse et tchèque ne statuent pas dans un délai déterminé, de même que les Cours congolaisefrançaise pour les élections parlementaires et malgache.

3. La proclamation des résultats de l’élection

Nous avons vu que de nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F ne disposent pas uniquement d’attributions contentieuses en matière électorale. Entre autre, elles peuvent avoir pour charge de proclamer les résultats. Nous avons déjà souligné que de nombreuses Cours opèrent un recomptage des voix. La proclamation des résultats est, également, profondément liée à l’activité contentieuse puisque des décisions sur la régularité des élections vont dépendre les résultats définitifs du scrutin et certaines institutions, comme en France ou au Sénégal, intègrent leurs décisions sur la régularité des opérations de vote dans la décision de proclamation des résultats. En outre, la proclamation des résultats provisoires constitue le point de départ du délai de saisine dans de nombreux États.

Tableau 61 – La proclamation des résultats provisoires

PaysÉlection présidentielleÉlections parlementaires
AlbanieNON
AlgérieNONLe Conseil constitutionnel
BelgiqueLe ministère de l’Intérieur
BéninLa Cour constitutionnelle [62]La Commission électorale nationale autonome
BulgarieNONNON
Burkina FasoLa Commission électorale nationale indépendanteLa Commission électorale nationale indépendante
CambodgeLe Comité national des élections
CamerounNONNON
CanadaLes directeurs du scrutin
CongoLe ministre de l’IntérieurLe ministre de l’Intérieur
ÉgypteNONNON
FranceNONNON
GabonLe ministre de l’IntérieurLe ministre de l’Intérieur
Guinée-BissauLa Commission électorale nationaleLa Commission électorale nationale
HaïtiLe Conseil électoral provisoireLe Conseil électoral provisoire
LibanNON
MadagascarLe GouvernementLe Gouvernement
MaliLe ministère de l’Administration territorialeLe ministère de l’Administration territoriale
MarocNON
MauriceNON
MauritanieLe ministère de l’IntérieurLe ministère de l’Intérieur
MoldavieLa Commission électorale centrale
MonacoNON
NigerLa Commission électorale nationale indépendanteLa Commission électorale nationale indépendante
RoumanieNONN.C.
Rwanda [63]La Commission nationale électoraleLa Commission nationale électorale
SénégalLa Commission nationale de recensement des votesLa Commission nationale de recensement des votes
SlovénieLa Commission électorale de la RépubliqueLa Commission électorale de la République
SuisseLe gouvernement cantonal
TchadLa Commission électorale nationale indépendanteLa Commission électorale nationale indépendante
République tchèqueNON
TogoLa Commission électorale nationale indépendanteLa Commission électorale nationale indépendante

Seuls le Conseil constitutionnel algérien pour l’élection des parlementaires et la Cour constitutionnelle béninoise pour l’élection du président de la République procèdent à une proclamation provisoire des résultats. Cette tâche revient traditionnellement à l’administration électorale, en particulier à la commission électorale et plus subsidiairement au ministre de l’Intérieur.

Tableau 62 – La proclamation des résultats définitifs

PaysÉlection présidentielleÉlections parlementaires
AlbanieN.C.La Commission électorale de circonscription à l’échelle de la circonscription, la Commission électorale centrale à l’échelle nationale
AlgérieLe Conseil constitutionnel [64]Le Conseil constitutionnel [65]
BelgiqueLe ministère de l’Intérieur
BéninLa Cour constitutionnelle [66]La Cour constitutionnelle [67]
BulgarieLa Commission électorale centraleLa Commission électorale centrale
Burkina Faso [68]Le Conseil constitutionnelLe Conseil constitutionnel
CambodgeLe Comité national des élections
CamerounLa Chambre constitutionnelle de la Cour suprêmeLa Chambre constitutionnelle de la Cour suprême
CanadaLe Directeur général des élections
CongoLa Cour constitutionnelleLe ministre de l’Intérieur
ÉgypteLe président de l’Assemblée du PeupleLe ministre de l’Intérieur
FranceLe Conseil constitutionnel [69]Les commissions de recensement siégeant en préfecture
GabonLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelle
Guinée-BissauLa Commission électorale nationaleLa Commission électorale nationale
HaïtiLe Conseil électoral provisoireLe Conseil électoral provisoire
LibanLe président de la Chambre des députésLe ministère de l’Intérieur
MadagascarLa Haute Cour constitutionnelle [70]La Haute Cour constitutionnelle [71]
MaliLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelle
MarocLes commissions provinciales ou régionales
MauriceLe Returning Officer
MauritanieLe Conseil constitutionnelLe ministère de l’Intérieur
MoldavieLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelle
MonacoLe Maire de Monaco
NigerLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelle
RoumanieLa Cour constitutionnelle sur la base des données communiquées
par le Bureau électoral central
Le Bureau électoral central
RwandaLa Cour suprêmeLa Cour suprême
SénégalLe Conseil constitutionnelLa Conseil constitutionnel
SlovénieLa Commission électorale de la RépubliqueLa Commission électorale de la République
SuisseLe gouvernement cantonal
TchadLe Conseil constitutionnelLe Conseil constitutionnel
République tchèqueLe président de la Chambre des députésLa Commission électorale d’État
TogoLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelle

Ce dernier tableau montre qu’une majorité de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F proclament les résultats définitifs de l’élection présidentielle. C’est moins vrai pour les résultats des élections parlementaires. Seules 13 Cours sur 30 effectuent cette opération.

Dans les Cours et Conseils d’Algérie, du Bénin, de France, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, du Tchad et du Togo, les documents électoraux sont traités avec des outils informatiques. Le traitement informatique des résultats est effectué par le personnel des institutions lui-même, en France, au Gabon, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda et au Togo. Néanmoins, le Conseil constitutionnel français et la Cour constitutionnelle du Niger sollicitent également les services d’une autre institution publique [72]. En outre, le Conseil mauritanien procède à des recrutements temporaires en période électorale. Les Cours et Conseils algérienbéninoismalgachemaliensénégalais et tchadien confient le traitement informatique des documents électoraux à des sociétés privées. Celles-ci installent leur matériel dans les locaux des Cours constitutionnelles et travaillent sous le contrôle des membres.

Les résultats définitifs sont proclamés par les Cours concernées en audience publique [73]. La présence de la presse et d’un large public favorise la diffusion massive des résultats. Ainsi, les résultats proclamés par les Cours d’Algérie, du Bénin, du Congo, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad et du Togo font l’objet d’une retransmission télévisée. Une conférence de presse est organisée en France et au Tchad. De plus, les institutions algériennefrançaisemaliennemauritanienneroumaine et tchadienne publient un communiqué de presse.

En Algérie, en France, au Gabon, en Mauritanie, en Roumanie, au Rwanda et au Tchad, le président de la Cour est chargé de proclamer les résultats. La proclamation doit, cependant, se faire en présence des autres membres de l’institution, notamment au Gabon, en Mauritanie [74] et au Tchad. Au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, à Madagascar, au Mali, au Niger et au Togo, il revient à l’ensemble des membres de la Cour de proclamer les résultats définitifs du scrutin. Le greffier en chef du Conseil constitutionnel sénégalais a pour fonction d’annoncer les résultats.

La proclamation des résultats définitifs ne conclut pas forcément le processus électoral et le juge électoral peut toujours être saisi d’une requête électorale. C’est le cas au Canada, au Gabon, en GuinéeBissau, au Maroc, à l’Île Maurice, en Mauritanie, au Niger, en Slovénie, en Suisse et en République tchèque. Au Bénin, au Congo et en France, cela n’est possible que pour contester l’élection d’un parlementaire.

4. La publication des décisions des Cours en matière électorale

Si les décisions des Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. en matière électorale connaissent une publicité plus importante que les autres décisions émanant de ces juridictions, il semble qu’elles ne fassent pas l’objet d’une publication particulière.

Tableau 63 – La publication des décisions des cours constitutionnelles en matière électorale

PaysAlbanieJournal officielOuiAutre journal d’annonces légalesInternetOuiAutresLe recueil annuel des décisions de la Cour
AlgérieOuiOui
Belgique
BéninOuiOuiRecueil des décisions de la Cour
Bulgarie
Burkina FasoOuiOuiLa presse
CambodgeOuiOui
CamerounOuiOui
CanadaOui
CongoOui
Égypte
FranceOuiOui
GabonOuiOuiOui
Guinée-BissauOui
LibanOui
MadagascarOuiOui
MaliOui
MarocOuiOuiLa revue du Conseil constitutionnel
MauriceN.C.
Mauritanie
Moldavie
Monaco
NigerOuiOuiOuiPresse publique et privée
RoumanieOuiOui
RwandaOui
SénégalOui
SlovénieOuiOuiOuiIUS-INFO (base de données du droit slovène), le Bulletin officiel de la Cour
SuisseOuiOui
TchadOuiOui
République tchèqueOuiOuiLe Recueil des arrêts et décisions de la Cour
TogoOui

5. Les observations/recommandations émises par les Cours après le scrutin

L’élaboration d’un rapport présentant des observations ou recommandations sur le déroulement des élections à l’intention des pouvoirs publics résultent des compétences des Cours auxquelles la réglementation électorale attribue un rôle plus large que le simple règlement du contentieux électoral. Il n’est donc pas surprenant que les Cours et Conseils, qui nomment des délégués chargés d’observer le déroulement du scrutin, fassent connaître leurs remarques sur celui-ci et proposent des solutions aux problèmes rencontrés.

Ainsi, les Cours du Bénin, de la France, du Gabon, du Mali et du Tchad, qui envoient des observateurs sur place, présentent leurs recommandations à l’administration. Néanmoins, les institutions burkinabé et nigérienne ne font pas suivre leurs missions d’observation d’un rapport adressé aux pouvoirs publics. En revanche, le Conseil constitutionnel algérien et la Haute Cour constitutionnelle malgache présentent des recommandations concernant le déroulement du scrutin.

Dans les autres pays, des rapports sont établis par les différents acteurs du scrutin, en particulier par les commissions électorales du fait de leur forte implication dans la gestion du processus électoral, comme le précise la Cour suprême du Rwanda. Le principal protagoniste des élections canadiennes, le Directeur général des élections, rédige deux rapports à l’intention des pouvoirs publics. Il établit dans les 90 jours qui suivent les élections générales, un rapport intitulé rapport statutaire, adressé au président de la Chambre des communes. Le rapport doit signaler tout événement ou toute difficulté qui s’est produit relativement à l’exercice de sa charge depuis la date de son dernier rapport. Le rapport doit également faire état des mesures qui ont été prises. Ensuite et dans les meilleurs délais après la tenue des élections générales, le Directeur général des élections fait au président de la Chambre des communes un rapport signalant les modifications qu’il est souhaitable d’apporter à la loi électorale. Ce second rapport est intitulé « rapport des recommandations ».

Ces rapports sont, en outre, publiés dans la Gazette du Canada, transmis aux médias et diffusés sur le site du Directeur, « Elections Canada ».

Les rapports des Cours ne sont pas toujours publiés, comme au Bénin où ils sont transmis au chef de l’État et à l’Assemblée nationale. En France, ils font l’objet d’une publication au Journal officiel et sont diffusés par le Conseil constitutionnel par le biais du site Internet et du recueil officiel des décisions du Conseil. Cependant, ils ne sont publiés que depuis une dizaine d’années alors que le Conseil fait des observations depuis sa création en 1959. La Cour constitutionnelle du Gabon transmet son rapport aux médias et en fait connaître le contenu lors de la cérémonie de rentrée solennelle. Au Mali et au Tchad, les rapports sont également publiés au Journal officiel et transmis aux médias. La Cour constitutionnelle du Mali s’efforce d’assurer la diffusion la plus large possible de ses observations. À cet effet, le rapport sur les élections générales de 2002 a été publié avec le soutien de l’A.C.C.P.U.F. en 2004. Au Tchad, le Conseil constitutionnel transmet ses observations aux partis politiques. Cette pratique des Cours est, à l’exception de la France, récente et a été mise en place dans le tournant des années 2000, notamment au Bénin, au Mali et au Tchad.

Une meilleure acceptation des résultats électoraux nécessite certainement une large diffusion des rapports. Elle réduit également les risques d’accusation de partialité des Cours constitutionnelles et finalement permet une meilleure appréhension de leur travail et de la réglementation électorale.

L’objectif premier de ces rapports demeure, néanmoins, le perfectionnement du système électoral. Aussi, les Cours et Conseils concernés remarquent que leurs observations et recommandations ont débouché sur des amendements à la législation électorale.

6. L’archivage

Les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. compétentes en matière électorale doivent procéder à la gestion des documents électoraux qui leur sont acheminés. Selon l’étendue de leurs attributions, la quantité des documents qui échoient aux juridictions constitutionnelles varie considérablement. Cela appelle, par conséquent, des réponses qui s’adaptent à la situation nationale. Néanmoins, force est de constater que la réglementation n’offre pas toujours de solutions spécifiques pour la gestion des documents électoraux.

La majorité des États dispose d’un texte général sur les archives. Certains pays n’ont cependant toujours pas une telle législation, notamment le Mali, la GuinéeBissau ou Monaco. En outre, ces textes ne régissent pas forcément les archives des Cours et Conseils constitutionnels. Ainsi, le Conseil constitutionnel français a organisé lui-même la gestion de ses archives [75] par une décision spéciale du 27 juin 2001.

En ce qui concerne les documents électoraux, le tableau suivant présente les documents archivés par les Cours.

Tableau 64 – Les documents électoraux archivés par les cours constitutionnelles

Albanie
AlgérieLes procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les dossiers de candidature, les documents comptables
utiles à l’examen des comptes de campagne
Belgique
BéninLes procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les procès-verbaux de clôture de l’inscription sur les listes électorales
Bulgarie
Burkina FasoN.C.
CambodgeLes procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales
CamerounN.C.
Canada
CongoN.C.
Égypte
FranceLes dossiers de candidature, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les documents comptables utiles à l’examen des comptes de campagne
GabonLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les rapports de l’instruction
Guinée-BissauLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales
Haïti
Liban
MadagascarLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
MaliLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
MarocLes procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les bulletins de vote contestés ou nuls, les dossiers de recours
Maurice
MauritanieLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
Moldavie
Monaco
NigerLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
République tchèque
RoumanieLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales
RwandaN.C.
SénégalN.C.
Slovénie
Suisse
TchadLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
TogoLes dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections

Le volume de documents archivés dépend des compétences des Cours en matière électorale, selon qu’elles se limitent au contentieux, qu’elles proclament les résultats et procèdent à un nouveau décompte des voix ou qu’elles contrôlent les comptes de campagne.

Nous avons déjà vu que les documents électoraux ne sont pas transmis aux Cours albanaisebelgebulgarecambodgiennecanadienneégyptienne, de GuinéeBissauhaïtiennelibanaisemauriciennemoldavemonégasqueslovènesuisse et tchèque. Lorsqu’elles sont saisies d’un recours électoral, elles peuvent demander la production des documents électoraux nécessaires à l’instruction de l’affaire. Une fois le litige réglé, il ne leur appartient pas forcément de procéder elles-mêmes à l’archivage, notamment à Maurice. À l’inverse, le Conseil constitutionnel cambodgien, le Tribunal suprême de justice de GuinéeBissau sont en charge de l’archivage des procèsverbaux utiles à l’instruction des affaires électorales et des dossiers de candidature pour la seconde institution étant donné sa compétence en la matière.

Dans certains pays, les commissions électorales s’occupent de l’archivage des documents électoraux. Par exemple, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, les procèsverbaux de décompte des résultats des élections et les dossiers de candidature sont déposés aux Archives de l’État par la Commission électorale centrale albanaise. Au Canada, le bureau du Directeur général des élections et celui du Commissaire aux élections fédérales disposent d’un service interne d’archivage. L’ensemble des documents électoraux (dossiers de candidature, procèsverbaux utiles à l’instruction des affaires et de décompte des résultats et les documents comptables utiles à l’examen des comptes de campagne) sont d’abord archivés en interne, puis, après une certaine période, les documents de nature historique sont transmis aux Archives nationales.

La France constitue un exemple significatif du lien entre les compétences des Cours et la quantité de documents à archiver. Ainsi, la différence dans l’implication du Conseil pour chacun des deux scrutins nationaux se traduit par un volume différent d’archives. Pour l’élection du président de la République, il doit gérer les documents produits pour la préparation de l’élection, les documents de parrainage des candidatures, les procès-verbaux des commissions départementales de recensement des votes et les comptes de campagne et les éventuelles coupures de presse utiles au contrôle de la campagne électorale. En ce qui concerne l’élection des députés, le Conseil constitutionnel reçoit directement les mémoires des requérants potentiels et il peut demander au ministère de l’Intérieur la production des procès-verbaux de bureaux de vote utiles à l’instruction. En outre, il n’est saisi des comptes de campagne des candidats que sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Ces deux dernières séries de documents seront remises aux autorités dont elles proviennent dès la fin du traitement, le Conseil n’ayant à archiver que les documents émanant des parties [76].

Les procès-verbaux des séances des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., lorsqu’elles siègent en tant que juge électoral, constituent également des documents électoraux à part entière. Les Cours algériennebéninoisecambodgiennefrançaisemalgachemauritaniennenigérienneroumaineslovènesuissetchadienne et togolaise dressent un procès-verbal des séances. Ces documents sont archivés, suivant généralement le régime des procès-verbaux des séances des Cours siégeant en tant que juge constitutionnel.

Le tableau suivant présente le service chargé de l’archivage des documents électoraux dont disposent les Cours. Nous observerons qu’un partage de compétences s’effectue entre les Services de documentation et les Services du greffe.

Tableau 65 – Les services chargés de l’archivage des documents électoraux

Albanie
AlgérieLe Service de documentation, le Service du greffe
Belgique
BéninLe Service de documentation, le Service du greffe, le secrétaire général
Bulgarie
Burkina FasoN.C.
CambodgeLe Service du greffe
CamerounN.C.
Canada
CongoN.C.
Égypte
FranceLe Service du greffe
GabonLe Service du greffe
Guinée-BissauLe Service de documentation
Haïti
Liban
MadagascarLe Service de documentation, le Service du greffe
MaliLe Service du greffe
MarocLe Service de documentation, le Service du greffe
Maurice
MauritanieLe Service de documentation
Moldavie
Monaco
NigerLe Service de documentation, le Service du greffe
RoumanieLe Service du greffe
RwandaN.C.
SénégalLe Service du greffe
Slovénie [77]Le Bureau central (greffe)
Suisse [78]Le Service des archives
TchadLe Service de documentation et archives, le Greffe sous l’autorité du secrétaire général
République tchèqueN.C.
TogoLe Service du greffe

D’un point de vue pratique, les documents électoraux sont soit archivés dans les locaux des Cours constitutionnelles, soit à l’extérieur, notamment dans les bâtiments des Archives nationales. La première situation prévaut au sein des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. Ainsi, en Albanie, au Bénin, au Cambodge, en Égypte, en France, au Gabon, en GuinéeBissau, à Haïti, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, à Monaco, au Niger, en Roumanie, au Sénégal, en Slovénie, en Suisse, au Tchad et au Togo, les institutions constitutionnelles disposent de lieux de conservation des documents archivés. Cela ne va pas sans causer de sérieux problèmes, soit parce que l’espace disponible est insuffisant pour entreposer le volume important de documents, soit parce que les locaux ne sont pas appropriés. Ainsi, les Cours du Bénin, de Madagascar, du Maroc, du Sénégal, du Tchad et du Togo font état de ces difficultés pour gérer l’archivage des documents électoraux. Le défaut de personnel qualifié pour la gestion des archives, notamment les archives électroniques, est également mis en avant par les institutions du Bénin, de GuinéeBissau, de Madagascar et du Mali.

Une fois archivés par les Cours, il convient de se demander si les documents électoraux peuvent être consultés par des personnes extérieures aux institutions. C’est le cas au Cambodge, en France, au Gabon, en GuinéeBissau, en Mauritanie, au Sénégal, en Slovénie, en Suisse, au Tchad et au Togo. Il n’existe pas obligatoirement de délai pour la consultation. Celle-ci peut s’effectuer sur simple demande, notamment au Cambodge ou en Mauritanie, ou sur place, comme au Gabon. En France, le délai au-delà duquel les procès-verbaux de séance peuvent être librement consultés a été fixé à 60 ans ; le président du Conseil constitutionnel peut cependant autoriser la consultation de ces documents avant l’expiration du délai.

Au terme d’un certain délai, il existe une obligation de transmission des documents archivés par les Cours aux archives nationales, notamment en Algérie, au Cambodge, à Haïti, au Maroc, en Roumanie et au Sénégal. Le délai est de 2 ans à Haïti, 30 ans en Roumanie et de 50 ans au Sénégal. Au Maroc, rien n’a été mis en place pour rendre effective la transmission. Au Cambodge, aux termes d’une circulaire du 13 septembre 2001, le Conseil transmet les documents électoraux lorsqu’elle n’en a plus l’utilité. Il semble que la même solution ait été choisie par le Conseil constitutionnel algérien. Si l’obligation de transmission aux archives nationales n’existe pas, rien n’empêche pour autant les Cours constitutionnelles d’effectuer cette opération. Par exemple, le Conseil constitutionnel français remet tous les ans aux Archives nationales les originaux des procès-verbaux de séances et les originaux des décisions. Régulièrement, il leur transmet les documents relatifs aux élections présidentielles et aux référendums : dès que l’archivage d’une élection est achevée, les documents relatifs à la précédente sont remis aux Archives nationales.

  • [1]
    Les scrutateurs transmettent les documents électoraux aux directeurs du scrutin, qui, après avoir annoncé le candidat élu, les transmettent aux médias et au Directeur général des élections aux fins de validation. Les enveloppes de chaque section de vote sont acheminées aux entrepôts d’Elections Canada. L’accès à ces documents et la réouverture des enveloppes sont strictement contrôlés.  
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  • [2]
    De plus, les délégués nommés par le Conseil constitutionnel tchadien peuvent acheminer les documents électoraux.  
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  • [3]
    Les commissions départementales de recensement des votes existent pour les élections présidentielles et législatives mais elles ont des attributions différentes. Pour l’élection des députés, elles recensent les votes, procèdent aux rectifications matérielles, arrêtent les résultats et proclament le candidat élu. Lors de l’élection du président de la République, les commissions de recensement ne procèdent qu’au décompte des voix, à la centralisation des réclamations et envoient l’ensemble au Conseil constitutionnel.  
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  • [4]
    En 1995, la Cour constitutionnelle a annulé les élections dans une circonscription électorale au motif que « le retard anormal et les conditions de transmission des documents vicient la procédure de sa saisine ; qu’au surplus, un nombre particulièrement important d’irrégularités a été constaté lors de leur examen ; que ces circonstances enlèvent toute crédibilité aux documents et toute sincérité aux résultats des élections », Décision de proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 28 mars 1995.  
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  • [5]
    En cas de recours  
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  • [6]
    En cas de recours  
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  • [7]
    La partir sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  
    [Retour au contenu]
  • [8]
    La Cour suprême peut se saisir d’office au vu dues procès-verbaux  
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  • [9]
    Selon l’article 54 de la loi organique du 17 janvier 2003 portant organisation de la Cour constitutionnelle.  
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  • [10]
    Uniquement en faisant porter au procès-verbal des opérations de vote mention de sa contestation  
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  • [11]
    Le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice, le gouverneur de province  
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  • [12]
    Selon l’article 23 de la loi du 14 juillet 1993 portant institution du Conseil constitutionnel, modifiée par la loi du 4 novembre 1999.  
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  • [13]
    En faisant portant leur réclamation sur le procès-verbal des opération de vote  
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  • [14]
    Selon l’article 90 du code électoral, dans le cas où la Cour constitutionnelle constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement du scrutin sur rapport des délégués de la Cour, il lui appartient d’apprécier s’il y a lieu de maintenir les opérations ou de prononcer leur annulation partielle ou totale.  
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  • [15]
    Selon la loi électorale, les plaintes sont déposées à la CENI qui les transmet à la Cour constitutionnelle.  
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  • [16]
    Dans les conditions prévues à l’article 55 de la loi organique portant organisation de la Cour : tout électeur inscrit sur les listes électorales de la circonscription du candidat dont l’élection est contestée.  
    [Retour au contenu]
  • [17]
    Selon l’article 54 de la loi organique du 17 janvier 2003 portant organisation de la Cour constitutionnelle.  
    [Retour au contenu]
  • [18]
    Le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice, le gouverneur de province.  
    [Retour au contenu]
  • [19]
    En faisant porter leur réclamation sur le procès-verbal des opérations de vote.  
    [Retour au contenu]
  • [20]
    Selon l’article 90 du code électoral, dans le cas où la Cour constitutionnelle constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement du scrutin sur rapport des délégués de la Cour, il lui appartient d’apprécier s’il y a lieu de maintenir les opérations ou de prononcer leur annulation partielle ou totale.  
    [Retour au contenu]
  • [21]
    Selon la loi électorale, les plaintes sont déposées à la CENI qui les transmet à la Cour constitutionnelle.  
    [Retour au contenu]
  • [22]
    Le préfet.  
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  • [23]
    Article 64-2 de la loi organisant la Cour constitutionnelle.  
    [Retour au contenu]
  • [24]
    Article 112 de la loi sur l’élection des membres de l’Assemblée nationale.  
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  • [25]
    Article 37 de la Constitution.  
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  • [26]
    Les électeurs peuvent toutefois saisir la Cour suprême d’une requête électorale dans un délai de 10 jours suivant la proclamation des résultats.  
    [Retour au contenu]
  • [27]
    Avec la réforme de 2003, l’Albanie a véritablement opéré un rapprochement vers le système espagnol, caractérisé par des recours introduits devant la Chambre du contentieux administratif du Tribunal suprême et un recours direct possible devant le Tribunal constitutionnel aux fins de défendre les droits constitutionnels.  
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  • [28]
    Chambre des députés ou Sénat.  
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  • [29]
    Par conséquent, les recours contre les opérations de vote qui nous intéressent ici.  
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  • [30]
    À l’exception d’un recours possible devant le Comité judiciaire.  
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  • [31]
    Attorney General.  
    [Retour au contenu]
  • [32]
    Les réclamations sont portées sur les procès-verbaux de bureau de vote ; le Conseil constitutionnel en est informé immédiatement.  
    [Retour au contenu]
  • [33]
    Article 149 de la loi du 3 juillet 2001.  
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  • [34]
    Le délai de recours devant le Conseil électoral permanent est de 3 jours à compter de la publication des résultats.  
    [Retour au contenu]
  • [35]
    En outre, dans les 48 heures qui suivent la proclamation des résultats provisoires, tout candidat peut contester les résultats obtenus par les candidats (article 15 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle).  
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  • [36]
    Les délais de saisine de la Chambre électorale de Tirana sont de deux jours à partir de la date de la décision de la Commission électorale centrale. Elle statue dans les 7 jours de sa saisine.  
    [Retour au contenu]
  • [37]
    Les requêtes sont déposées auprès du Greffe du Conseil constitutionnel.  
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  • [38]
    Articles 194 (régularité du scrutin) et 195 (régularité du dépouillement) de la loi du 3 janvier 2001.  
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  • [39]
    Article 199 de la loi du 3 janvier 2001.  
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  • [40]
    Les parties peuvent saisir directement le Comité électoral national pour contestation des résultats préliminaires dans un délai de 72 heures ; il doit statuer dans les 48 heures.  
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  • [41]
    Les délais de recours devant le Conseil électoral permanent est de 3 jours à compter de la publication des résultats.  
    [Retour au contenu]
  • [42]
    En outre, dans les 48 heures qui suivent la proclamation des résultats provisoires, tout candidat peut contester les résultats obtenus par les candidats (article 15 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle).  
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  • [43]
    Selon l’article 45 du Representation of People Act (date of the return made by the Returning Officer to the Commission).  
    [Retour au contenu]
  • [44]
    La Commission électorale doit soumettre les résultats électoraux dans les 48 heures suivant la fin du dépouillement des bulletins de vote. En matière de contentieux, les recours devant les tribunaux locaux doivent être effectués dans un délai de trois jours à compter de la décision de la commission électorale locale ; les recours devant la Cour suprême de justice doivent être effectués dans les 3 jours qui suivent la décision de la Commission électorale centrale. Les cours ont 5 jours pour statuer.  
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  • [45]
    Tout électeur a le droit d’arguer de la nullité les élections auprès du tribunal de première instance. La réclamation doit être soit consignée au procès-verbal des opérations de vote, soit déposée dans les cinq jours qui suivent le jour de l’élection au secrétariat de la mairie (articles 52 et 53 de la loi sur les élections nationales et communales).  
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  • [46]
    Selon la loi fédérale sur les droits politiques, les recours au gouvernement cantonal sont recevables au plus tard dans les trois jours qui suivent la publication des résultats dans la feuille officielle du canton. Le gouvernement cantonal tranche le litige dans les 10 jours qui suivent son dépôt. L’appel devant le Conseil national s’effectue dans les 5 jours qui suivent la décision en première instance.  
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  • [47]
    Mais uniquement pour les recours des citoyens.  
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  • [48]
    Pour les élections parlementaires.  
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  • [49]
    Voir Kingsley (Jean-Pierre), « Administration et application du processus électoral : le modèle canadien », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, 2002, p. 91-99.  
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  • [50]
    Le président du Conseil constitutionnel français désigne 10 rapporteurs adjoints parmi les magistrats du Conseil d’État et de la Cour des comptes.  
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  • [51]
    Article 47 of the Representation of The People Act 1958.  
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  • [52]
    Article 46 of the Representation of the People Act 1958.  
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  • [53]
    Qui ne statue pas véritablement sur la régularité des opérations de vote  
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  • [54]
    Plus précisément le Commissaire aux élections fédérales.  
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  • [55]
    La Cour constitutionnelle tchèque traite le contentieux électoral en formation plénière ou en chambre.  
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  • [56]
    En général, la Cour constitutionnelle tchèque statue à huis clos. Néanmoins, l’article 35 de la loi sur la Cour constitution nelle prévoit qu’elle peut connaître d’une affaire en audience publique, si le président de la Cour le déclare d’office ou à l’initiative des parties, ou si 3 juges en font la demande. C’est une disposition générale applicable également pour les affaires électorales.  
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  • [57]
    Non communiqué.  
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  • [58]
    Un délai de 4 jours est donné au requérant lors des recours contre les opérations de vote pour les élections parlementaires afin qu’il puisse produire des informations écrites.  
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  • [59]
    Un délai de 5 jours peut être accordé au requérant pour qu’il produise des preuves.  
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  • [60]
    Cependant, la loi organique précise que dès que l’affaire est en état d’être jugée, le Conseil constitutionnel y statue après avoir entendu le rapporteur dans un délai de 60 jours.  
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  • [61]
    Qui, rappelons-le, est élu par le Parlement.  
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  • [62]
    Dans les 72 heures qui suivent la réception du dernier pli.  
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  • [63]
    Dans un délai de 5 jours après la fin du scrutin.  
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  • [64]
    Dans les 10 jours qui suivent la date de réception des procès-verbaux des commissions électorales de wilaya.  
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  • [65]
    Dans les 72 heures qui suivent la date de réception des résultats des commissions électorales.  
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  • [66]
    Dans les 15 jours qui suivent le scrutin.  
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  • [67]
    Dans les 72 heures qui suivent la date de réception des résultats des commissions électorales.  
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  • [68]
    Les recours relatifs aux contestations éventuelles des résultats provisoires sont reçus par le Conseil constitutionnel dans les 7 jours suivant la publication des résultats provisoires. Le Conseil statue et proclame les résultats définitifs dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai imparti pour les recours. Si aucune contestation n’a été enregistrée, le Conseil proclame les résultats définitifs.  
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  • [69]
    Dans les 10 jours qui suivent le scrutin où la majorité des suffrages exprimés a été atteinte par un des candidats.  
    [Retour au contenu]
  • [70]
    Dans les 20 jours qui suivent la réception du dernier pli soit après la clôture du délai de saisine.  
    [Retour au contenu]
  • [71]
    Dans les 20 jours qui suivent la réception du dernier pli soit après la clôture du délai de saisine.  
    [Retour au contenu]
  • [72]
    En France, il s’agit du ministère de l’Intérieur.  
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  • [73]
    Sauf au Sénégal.  
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  • [74]
    Le secrétaire général doit également être présent lors de la proclamation des résultats.  
    [Retour au contenu]
  • [75]
    Il s’agit essentiellement des originaux des décisions du Conseil et les procès-verbaux de séance. L’ensemble de ces documents ne sont librement consultables avant 60 ans ou, auparavant, sur autorisation du président.  
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  • [76]
    Voir « L’archivage des procès-verbaux et autres documents électoraux. L’expérience du Conseil constitutionnel français », tome II, p. 187.  
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  • [77]
    Pour les arrêts de la Cour statuant sur des affaires électorales.  
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  • [78]
    Pour les arrêts du Tribunal statuant sur les recours de droit administratif.  
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VII. Le financement des campagnes électorales et le patrimoine des élus

Les questions financières ont envahi le débat public avec une grande acuité depuis la seconde moitié des années 1980. La période électorale s’est ainsi trouvée enrichie du contrôle des dépenses des candidats et des partis politiques. En outre, poursuivant le même objectif de transparence de la vie politique, un contrôle du patrimoine des élus a été institué dans certains États.

1. Le financement des campagnes électorales

L’étude du processus électoral ne saurait être exhaustive sans aborder le financement des campagnes électorales. Les ressources financières des partis politiques entrent dans la prise en considé ration de la sincérité du scrutin sous deux aspects. D’abord, l’absence d’encadrement du financement des partis a pu provoquer dans certains pays des pratiques obscures de financement. Mais surtout, les disparités extrêmes des ressources des partis politiques faisaient craindre une inégalité incompatible avec la démocratie électorale. Les partis possédant des ressources supé rieures à la moyenne auraient plus de chances de remporter les élections. De même, force est de constater que le recours sans limite aux divers moyens de communication a encouragé une inflation des dépenses électorales. La loi intervient alors pour rétablir une certaine égalité des chances entre les différentes forces politiques.

Il n’est donc pas étonnant que de nombreux États aient adopté des systèmes de financement public des campagnes électorales et de contrôle des dépenses électorales. Concrètement, une alter native est ouverte aux États entre le financement des partis eux-mêmes et le financement des campagnes électorales. Certains États ont fait le choix de combiner les deux systèmes. D’autres pays ne prévoient que le financement du fonctionnement des partis politiques. Les moyens alloués seront naturellement utilisés pour les dépenses électorales puisque l’activité électorale demeure l’activité première des partis politiques. Ainsi, parce que cette étude porte sur le processus électoral, nous nous intéresserons au financement des partis politiques uniquement lorsqu’un financement de la campagne électorale n’est pas parallèlement institué [1].

Précisons, toutefois, que dans un nombre important d’États, un financement public de la vie politique a été institué ; l’Algérie, le Cambodge, le Congo, le LibanMadagascar, le Maroc, l’Île Maurice, la Moldavie, le Sénégal et la Suisse ne connaissent cependant pas un tel système. Le financement public n’est pas, par conséquent, encore un principe unanimement admis. Ajoutons également que l’existence d’un financement public n’empêche nullement un financement privé [2]. La contrepartie du financement étatique est l’organisation d’un encadrement strict du financement privé et surtout d’un contrôle des comptes des formations politiques.

En ce qui concerne la période électorale qui nous concerne plus particulièrement, des législations réglementant le financement des campagnes électorales ont été spécifiquement adoptées. Toutefois, au travers des réponses aux questionnaires, il apparaît difficile, pour un certain nombre de Cours, de savoir si les textes concernant le financement de la vie politique inclut celui des campagnes électorales ; en résultent parfois des confusions qu’il a été difficile de dissiper.

Le tableau suivant présente les législations relatives au financement des campagnes électorales :

Tableau 66 – La législation sur le financement des campagnes électorales

AlbanieArticle 145 du code électoral
AlgérieLoi portant régime électoral (article 145)
BelgiqueLoi du 4 juillet 1989
BéninLoi n° 2000-18 du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections
BulgarieLois électorales
Burkina FasoLoi du 2 mai 2000 portant financement des partis politiques et des campagnes électorales
CambodgeArticle 28 de la loi du 18 novembre 1997 sur les partis politiques
CamerounLoi du 19 décembre 2000 portant financement des partis politiques
CanadaLoi électorale
CongoPas de législation
ÉgypteN.C. [3]
FranceCode électoral depuis 1990
GabonLoi du 6 juin 1996 relative aux partis politiques
Guinée-BissauPas de législation
HaïtiPas de législation
LibanPas de législation
MadagascarPas de législation
MaliPas de législation
MarocDahir n° 1-97-83 du 2 avril 1997 portant promulgation du code électoral
MauriceRepresentation of the People Act 1958
MauritaniePas de législation
MoldavieArticles 37 et 38 du code électoral (loi du 21 novembre 1997)
MonacoPas de législation
NigerPas de législation
RoumanieLoi n° 43/2003 sur le financement de l’activité des partis politiques et des campagnes électorales
RwandaPas de législation
SénégalLe code électoral
SlovénieLoi du 8 octobre 1994 sur les campagnes électorales
SuissePas de législation
TchadLoi du 14 décembre 1994 portant charte des partis politiques, article 142 du code électoral
République tchèqueLoi n° 424/1991 sur l’association en partis et groupements politiques et loi n° 151/1991 sur la comptabilité
TogoLe code électoral

Nous constatons qu’un nombre important d’États ne disposent pas de législation sur le financement des campagnes électorales. Ce nombre est plus important que celui des pays ne prévoyant pas de financement de la vie politique. Ainsi, il n’y a pas de législation au Congo, en GuinéeBissau, à Haïti, au Liban, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, à Monaco, au Niger, au Rwanda et en Suisse. Cependant, il semble, à la lecture des questionnaires remis par la GuinéeBissau et Monaco, qu’il puisse exister une participation publique aux frais de campagne sans réglementation spécifique.

Au Congo, à Haïti, au Liban [4], à Madagascar et en Suisse, aucune réglementation n’a été élaborée, ce qui signifie que les partis politiques doivent mobiliser eux-mêmes les moyens nécessaires à la campagne électorale.

En GuinéeBissau, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Rwanda, la législation sur le finan cement de la vie des partis politiques a notamment pour but de financer les dépenses électorales.

Nous avons déjà évoqué l’existence d’une participation publique aux frais de campagne en GuinéeBissau. Le financement public de la vie politique des partis poursuit également l’objectif de supporter le coût des élections. Cette aide publique est accordée aux partis inscrits à la Cour suprême, ayant des élus au Parlement. Le financement privé est, en outre, autorisé. En revanche, aucun contrôle de la comptabilité des partis politiques n’est mis en place.

Une aide de l’État est accordée aux partis politiques mauritaniens en fonction du nombre de conseillers municipaux élus. L’utilisation de ces ressources n’est toutefois pas contrôlée et les contributions privées, qui ne peuvent émaner que de personnes physiques, ne sont pas plafonnées.

Ces deux pays ont institué des systèmes de financement peu élaborés. Ce n’est pas le cas du Mali et du Niger où le financement participe pleinement à la prise en charge des dépenses liées aux élections, lesquelles constituent un critère objectif de détermination du montant de l’aide publique. La frontière entre financement de la vie politique et financement de la campagne électorale est particulièrement délicate à délimiter dans ces deux pays.

Au Mali, le financement de la vie politique des partis varie selon les résultats électoraux et s’applique à tout parti qui a un siège distinct du domicile de son président et qui réunit régulièrement ses instances statutaires. Le financement privé est encadré et ne doit pas dépasser 20 % des ressources propres du parti. En contrepartie, un rapport financier doit être déposé régulièrement à la section des comptes de la Cour suprême sous peine de perdre le bénéfice du financement public.

Le Niger accorde une subvention annuelle aux formations politiques qui présentent des candidats aux élections et ont des élus à l’Assemblée nationale. Son montant est déterminé proportionnellement à la représentation à cette Assemblée. Le financement privé ne peut provenir que de personnes physiques et morales nationales et ne doit pas représenter plus de 50 % des ressources propres des partis. Les comptes sont contrôlés par la Chambre des comptes de la Cour suprême.

Dans les autres États étudiés, il existe une législation sur le financement des campagnes électorales, même s’il est parfois difficile de la distinguer de celle relative au financement de la vie politique.

La réglementation du financement des campagnes électorales s’articule autour de trois points essentiels : le plafonnement des dépenses électorales et des contributions privées, l’existence ou non d’une participation publique et le contrôle des comptes de campagne.

A. Le plafonnement des dépenses électorales

Afin de rétablir l’égalité des chances des candidats à un mandat électif et de mettre un terme à l’inflation des dépenses constatée dans certains pays, il est apparu utile de limiter les frais engagés par les partis politiques dans la campagne électorale.

Tableau 67 – Le plafonnement des dépenses électorales [5]

Plafonnement des dépenses électoralesLe montant du plafonnement
Élection présidentielleÉlections parlementaires
AlbanieNON
AlgérieOUI1 500 000 euros1 500 euros
BelgiqueOUI1 000 000 euros
+ montant plafonné par candidat
BéninOUI150 000 000 francs
CFA (228 673 euros)
3 000 000 francs
CFA (4 573 euros)
BulgarieOUI1 000 000 euros500 000 euros pour un parti politique et 1 000 000 pour une coalition politique
Burkina FasoNON
CambodgeNON
CamerounNON
CanadaOUICalculé selon le nombre d’électeur dans chaque circonscription [6]
CongoNON
ÉgypteOUIN.C.N.C.
FranceOUI13 700 000 euros pour le premier tour,
18 300 000 pour le second
38 000 + 0,15 euros par habitant de la circonscription
GabonNON
Guinée-BissauNON
HaïtiNON
LibanNON
MadagascarNON
MaliNON
MarocN.C.
MauriceOUI8 000 euros
MauritanieNON
MoldavieOUIPartis politiques : 83 000 euros ; candidats indépendants : 4 200 euros ; Quantum du crédit sans  intérêt pour chaque parti : 2 500 euros par candidat
MonacoNON
NigerNON
RoumanieOUIN.C.N.C.
RwandaNON
SénégalNON
SlovénieOUI0,16 euro par électeur0,25 euro par électeur
SuisseNON
TchadNON
République tchèqueNON
TogoOUI50 000 000 francs CFA3 000 000 francs CFA

Si l’on prend seulement en considération les élections parlementaires, 21 États sur 32 ne prévoient pas de plafonnement des dépenses électorales, ce qui signifie que l’on ne trouve pas une tendance commune à l’ensemble des pays francophones. En outre, le montant des plafonnements est extrêmement varié étant donné l’hétérogénéité du niveau de vie des États considérés. Le nombre d’électeurs dans la circonscription est certainement le critère le plus neutre et adéquat pour fixer le montant du plafonnement des dépenses électorales. Il apparaît clairement au Canada, en France et en Slovénie.

Toute règle nécessite des sanctions pour en assurer son respect. L’établissement du plafond de dépenses n’échappe pas à ce principe. L’amende demeure l’instrument le plus communément utilisé par les États. Les fraudeurs risquent cette peine en Belgique, au Bénin [7], en Bulgarie, au Canada [8], en Slovénie [9] et au Togo [10]. Mais certains États ne se satisfont pas de cette sanction et vont jusqu’à prévoir des peines d’emprisonnement, notamment la Belgique et le Canada. Les can didats s’exposent également à des sanctions qui concernent directement leur financement. Ainsi, les dépenses électorales ne seront pas remboursées en Algérie, en France et au Togo. Les candidats doivent verser l’équivalent de la somme dépassant le plafond au Trésor public en France et en Roumanie et ils perdent leur droit à un financement public en Belgique.

Seuls le Bénin [11], la France et l’Île Maurice imposent une peine d’inéligibilité en cas de dépassement du plafond autorisé. Il reste difficile de revenir sur l’expression du suffrage universel pour des questions financières et le lien entre la victoire d’un candidat et les moyens mis en œuvre ne peuvent être scientifiquement établis.

Le souci de moralisation de la vie politique impose également un encadrement des contributions des personnes privées à la campagne électorale. Si les États ont pu restreindre le nombre de personnes autorisées à participer au financement des partis politiques, ils peuvent aussi limiter le montant des contributions privées. Parmi les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., seuls la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la France, la République tchèque, la Roumanie et la Slovénie prévoient un tel plafonnement. Il convient de préciser cependant que les règles relatives aux limites du montant des dons privés aux partis politiques s’appliquent dans les mêmes conditions pour le financement de la vie des partis politiques que pour le financement de la campagne électorale.

Tableau 68 – Le plafonnement des contributions privées à la campagne électorale

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLEÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
Belgique [12]500 euros par an et par donateur
Bulgarie5 000 euros pour les personnes physiques, 15 000 euros pour les personnes morales5 000 euros pour les personnes physiques, 15 000 euros pour les personnes morales
Canada5 000 CAN$ (3 054 euros) [13]
France [14]4 600 euros4 600 euros
RoumanieNon préciséNon précisé
Slovénie10 fois le salaire mensuel moyen [15]10 fois le salaire mensuel moyen [16]
République tchèque50 000 KC (environ 1 700 euros)

B. La participation publique aux frais de campagne

Outre un financement public de la vie politique [17], l’Albanie, l’Algérie, la Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Cameroun, le Canada, la France, le Gabon, la GuinéeBissau, le MarocMonaco, la République tchèque, la Roumanie, le Sénégal, la Slovénie, la Suisse et le Tchad participent aussi aux frais de campagne des partis et formations politiques.

En Algérie, au Bénin, au Canada, en France, à Monaco, au Sénégal, en Slovénie et au Tchad, la participation publique s’effectue par le biais d’un remboursement a posteriori des dépenses des partis ou des candidats. À l’inverse, la contribution de l’État peut également prendre la forme d’une avance sur les frais de campagne. C’est notamment le cas en Albanie, au Cameroun, en France [18] et au Maroc. Par exemple, en Albanie, le montant total des fonds alloués est partagé de la façon suivante : 10 % de cette somme est distribué de manière égale entre les partis politiques enregistrés auprès de la Commission électorale pour l’élection, 30 % de la somme est partagé de manière égale entre les partis qui ont des députés à l’Assemblée, 60 % de la somme est distribué en proportion des suffrages obtenus lors de la dernière élection. Au Cameroun, pour les élections législatives, une première tranche est allouée aux partis politiques ayant participé aux dernières élections législatives proportionnellement au nombre de siège obtenus ; la deuxième tranche est répartie entre tous les partis au prorata des listes présentées dans les différentes circonscriptions. En ce qui concerne l’élection présidentielle, une partie du financement est distribuée en fonction de la représentation à l’Assemblée nationale et la seconde est attribuée aux partis politiques qui présentent un candidat à l’élection. Il en résulte qu’un parti qui n’a pas de candidat reçoit une subvention ; en revanche, rien n’est prévu pour les candidats non soutenus par une formation politique. Au Burkina Faso, les partis politiques se voient attribuer un montant prédéterminé. En Belgique, la participation publique aux frais de campagne emprunte les mêmes modalités que le financement public de la vie politique. Cette participation prend la forme d’une subvention indissociable du montant attribué tous les ans aux partis politiques pour financer leur fonctionnement. Finalement la solution retenue ne diffère pas considérablement de celle en vigueur au Mali et au Niger où la législation ne prévoit pas de système distinct relatif au financement de la campagne électorale.

Le nombre de suffrages obtenus lors de l’élection peut être pris en compte pour ouvrir le droit à la participation publique et pour déterminer le montant de la contribution aux frais de campagne.

Tableau 69 – Les conditions de détermination du montant de l’aide publique à la campagne électorale

Prise en compte du nombre de suffrages obtenus lors de l’électionHauteur du remboursement 
Pourcentage minimum de suffrages obtenus donnant droit à un financement publicÉlection présidentielleÉlections parlementaires 
Élection présidentielleÉlections parlementaires
AlbanieOUI2,5 %Montant fixé avant le scrutin
AlgérieOUI0 %25 %10 %, 20 % ou
30 % des dépenses engagées [19]
25 % des dépenses engagées
BelgiqueOUIReprésentation dans chaque assemblée1,25 euros par vote valable
par an
BéninOUI10 %Un forfait par candidat élu (art. 39)Déterminé par décret pris en Conseil des ministresDéterminé par décret pris
en Conseil des ministres
Burkina FasoNONN.C.N.C.
CambodgeOUI3 % ou un siège au minimum100 %
CamerounNONN.C.N.C.
CanadaOUI2 % des votes valides à l’échelle nationale ou 5 % des votes à l’échelle des circonscriptions, pour les candidats, il est de 15 % des votes exprimésCandidats : 60 %, partis politiques enregistrés : 50 % (60 % à partir du 1 janvier 2004)
FranceOUI0 %5 %Au maximum 50 % du plafondAu maximum 50 % du plafond
GabonNONN.C.N.C.
Guinée-BissauNON
MarocOUIN.C.N.C.
MonacoOUI5 %Allocation forfaitaire
RoumanieOUI10 %10 %N.C.N.C.
SénégalOUI5 %1 candidat élu100 % du cautionnement100 % du cautionnement
SlovénieOUI10 %4 % et 2 %50 % des dépenses100 % pour ceux qui ont 4 % des suffrages, 50 % pour ceux qui ont 2 % des voix
TchadOUI30 %5 %30 millions de francs CFAN.C.
République tchèqueOUI1,5 %100 KC (3 euros) pour chaque suffrage

Les seuils ouvrant droit à une participation de l’État aux dépenses électorales sont extrêmement variables. En premier lieu, le montant de la contribution ne sera pas identique selon que celle-ci est attribuée au candidat ou au parti politique. Ainsi, lorsque l’aide est accordée proportionnellement au nombre d’élus, c’est la formation politique dont ils se réclament qui en bénéficie, comme c’est le cas, par exemple, en Belgique, au Bénin et au Sénégal. Cette solution, comme celle qui prévoit des seuils élevés, n’est pas favorable à l’émergence de nouveaux mouvements politiques.

En ce qui concerne l’élection du président de la République, le pourcentage minimum de suffrages pour obtenir le financement public varie de 0 en Algérie et en France à 30 au Tchad. Les données sont plus homogènes et moins élevées pour les élections parlementaires, mis à part au Canada et en Roumanie [20].

Quant au montant de la participation, plusieurs modalités sont adoptées. Il peut s’agir d’une somme fixe sans relation avec les frais réellement engagés par les formations (AlbanieBéninMonacoTchad), d’une somme proportionnelle au nombre de voix obtenues (BelgiqueRépublique tchèque) ou plus habituellement d’une part du plafond autorisé ou des dépenses effectuées (AlgérieCambodgeCanadaFranceSénégal et Slovénie).

C. Le contrôle des comptes de campagne

À titre de contrepartie à la participation publique aux frais de campagne, l’État peut effectuer un contrôle des comptes de campagne des candidats ou des partis politiques. Une majorité d’États prévoient que les candidats rendent public à des fins de contrôle leurs dépenses. Il s’agit de l’Algérie, de la Belgique, du Bénin, de la Bulgarie, du Burkina Faso, du Canada, de l’Égypte, de la France, du Maroc, de l’Île Maurice, de la Moldavie, de la République tchèque, de la Roumanie, de la Slovénie et du Togo.

Néanmoins, certaines pays n’instaurent pas de sanction en cas de non respect de l’obligation de publicité, notamment au Bénin et en Moldavie. Des amendes sont prévues en Belgique, en Bulgarie, au Canada et en Slovénie, des peines d’emprisonnement en Belgique et au Canada, l’inéligibilité au Canada, en Égypte et en France, la perte du financement public en France et en République tchèque et la non validation de l’élection du candidat vainqueur en Roumanie. Les Cours constatent, toutefois, que cette obligation est respectée par la majorité des partis politiques. En outre, les comptes de campagne doivent être certifiés par un comptable agréé en Algérie, en Bulgarie, au Canada, en France, en Moldavie, en République tchèque et en Slovénie.

Le tableau suivant présente les autorités chargées de vérifier les comptes de campagne.

Tableau 70 – Les autorités chargées de vérifier les comptes de campagne

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLEÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
AlgérieLe Conseil constitutionnelLe Conseil constitutionnel
BelgiqueLa Commission de contrôle des dépenses électorales et de la comptabilité des partis politiques
BéninLa Chambre des comptes de la Cour suprêmeLa Chambre des comptes de la Cour suprême
BulgarieLa Cour des comptesLa Cour des comptes
Burkina FasoLa Cour des comptesLa Cour des comptes
CambodgeLa Commission électorale centrale
CanadaLe Directeur général des élections
ÉgypteLe ministre de l’Intérieur
FranceLe Conseil constitutionnelLa Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
Guinée-BissauLa Commission électorale centraleLa Commission électorale centrale
MarocLa Commission de vérification des dépenses électorales
MauriceLe Bureau du commissaire électoral
MoldavieLa Commission électorale centrale
RoumanieLa Cour des comptesLa Cour des comptes
SlovénieLa Cour des comptesLa Cour des comptes
République tchèqueLa Chambre des députés [21]
TogoLa Cour des comptesLa Cour des comptes

Il convient de préciser, en premier lieu, que, mis à part l’Égypte, la GuinéeBissau, le Maroc, l’Île Maurice, la Moldavie et le Togo, les partis politiques soumettent les comptes de campagne aux autorités qui sont déjà chargées de vérifier leur comptabilité.

En second lieu, les dépenses électorales et la liste des donateurs sont indiquées dans le rapport financier remis tous les ans par les partis politiques en Belgique et en République tchèque. Ces deux pays ont également en commun le fait d’avoir confié le contrôle à des parlementaires. Il s’agit de la Chambre des députés en République tchèque et d’une commission spéciale composée de membres de la Chambre des représentants et du Sénat en Belgique. Cette situation s’accorde avec les pouvoirs déjà importants confiés aux parlementaires en matière de contentieux électoral.

Le Bénin, la Bulgarie, le Burkina Faso, la Roumanie et le Togo ont recours à des instances spécialisées dans la comptabilité. Il s’agit de la Chambre des comptes de la Cour suprême au Bénin et de la Cour des comptes dans les autres États. Le contrôle des comptes de campagne revient à des organes plus engagés dans le processus électoral au Cambodge, au Canada, en GuinéeBissau, à l’Île Maurice et en Moldavie puisque que ce sont les commissions électorales qui sont compétentes. Le Maroc et la France pour les élections législatives ont créé des autorités administratives à cet effet [22]. Ainsi, par exemple, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques française est composée de 9 magistrats de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et du Conseil d’État. Enfin, seuls le Conseil constitutionnel algérien et le Conseil constitutionnel français disposent d’attributions en matière de vérification des comptes de campagne. Le second n’est compétent que pour l’élection présidentielle. Ils ont le pouvoir de rejeter le compte ; le Conseil français peut, en outre, rectifier le compte.

En ce qui concerne les élections législatives, le Conseil constitutionnel français peut être saisi des comptes des candidats par la Commission des comptes de campagne lorsqu’elle constate que le compte de campagne n’a pas été déposé à temps, si elle rejette le compte ou si elle constate un dépassement du plafond. Dans ce cas, le Conseil a la faculté de déclarer le candidat inéligible. Parmi les autres Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., seuls le Conseil constitutionnel cambodgien et la Cour suprême de Maurice peuvent connaître du contentieux des comptes de campagne en appel des décisions des commissions électorales. Ils peuvent rejeter le compte et le rectifier dans le cas du Cambodge.

En Belgique, les juridictions ordinaires sont chargées du contentieux des comptes de campagne sur poursuite du ministère public ou à la suite d’une plainte de la commission de contrôle. En Roumanie, les décisions de la Cour des comptes peuvent être contestées en justice, et au Bénin le contentieux est porté devant le Tribunal de première instance de Cotonou. Dans les autres États évoqués, l’instance compétente pour vérifier les comptes est également chargée du contentieux.

En conclusion, on remarque que les autorités compétentes n’ont pas le pouvoir d’annuler l’élection à la suite du rejet d’un compte, à l’exception du Cambodge, de la France pour les élections législatives et de l’Île Maurice où le juge constitutionnel, statuant en tant que juge électoral peut être saisi de cette question.

2. Le patrimoine des élus

Le contrôle du patrimoine des élus ne concerne pas directement le financement de la campagne électorale. Il est cependant apparu comme un élément de l’impératif de transparence et de moralisation de la vie politique.

Tableau 71 – Les législations instituant un contrôle du patrimoine des élus

CONTRÔLE DU PATRIMOINE DES ÉLUSDISPOSITIONS 
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUEPARLEMENTAIRES
AlbanieNONOUILoi n° 9049 du 10 avril 2003 portant sur la déclaration de patrimoine des élus et d’autres hauts fonctionnaires publics
AlgérieOUINONArticle 73 de la Constitution
BelgiqueNON
BéninOUINONArticle 52 alinéa 2 de la Constitution
BulgarieOUIOUILoi sur la publicité du patrimoine des personnes exerçant des hautes fonctions au sein de l’État
Burkina FasoOUINONArticle 44 de la Constitution
CambodgeNON
CamerounOUIOUIArticle 66 de la Constitution (pas encore de
texte d’application)
CanadaNON
CongoOUIOUIArticle 48 de la Constitution (pas encore de
texte d’application)
ÉgypteOUIOUIPas de législation
FranceOUIOUILoi du 11 mars 1988 sur le financement de la vie politique
GabonOUIOUILoi n° 001/2003 instituant un régime de prévention
et de répression de l’enrichissement illicite en République gabonaise
Guinée-BissauOUIOUIN.C.
HaïtiOUIOUIArticle 279 de la Constitution [23], article 69 de la
loi électorale de 1995
LibanOUIOUILoi n° 154 du 27 décembre 1999 sur l’enrichissement injuste
MadagascarOUINONN.C.
MaliOUIOUIArticle 37 de la Constitution pour le président de la République
MarocOUIDahir du 7 décembre 1992 portant promulgation de la loi concernant la déclaration des biens immobiliers et valeurs mobilières
MauriceOUIOUIDeclaration of Assets Act
MauritanieNONNON
MoldavieNONNON
MonacoNON
NigerOUINONArticle 40 de la Constitution
RoumanieOUIOUILoi n° 161/2003 relative aux mesures pour assurer la transparence dans l’exercice des dignités publiques, des fonctions publiques, dans le milieu des affaires, la prévention et la sanction
de la corruption
RwandaOUIOUIArticle 182-4 de la Constitution
SénégalOUINONArticle 37 de la Constitution
SlovénieOUIOUILoi sur la prévention de la corruption
SuisseNON
TchadOUINONArticle 78 de la Constitution
République tchèqueNONOUILoi n° 238/1992 sur certaines mesures concernant l’intérêt général et sur l’incompatibilité de certaines fonctions
TogoOUIOUIArticle 145 de la Constitution

Un nombre important de pays francophones impose un contrôle du patrimoine des élus. Les exceptions sont la Belgique, le Canada, la Mauritanie, la MoldavieMonaco et la Suisse. En outre, dans les États dans lesquels le président de la République est élu au suffrage universel, nous observons que ce dernier est davantage soumis à cette obligation que les parlementaires, notamment en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Niger, au Sénégal et au Tchad.

Il convient de remarquer que dans les pays que nous venons de citer mais également au Cameroun, au Congo, au Mali, au Rwanda et au Togo, l’obligation de déclaration du patrimoine est formulée dans les Constitutions. En conséquence, il est possible de mettre en évidence une tendance à reconnaître une valeur constitutionnelle au contrôle du patrimoine des élus en Afrique francophone. À Haïti, l’obligation constitutionnelle n’est valable que pour le président de la République.

De même, il est intéressant d’observer qu’en Europe centrale et orientale, l’obligation de déclaration relève d’un mouvement plus large de contrôle du patrimoine des personnes détenant de hautes fonctions publiques.

L’objectif, qui sous-tend cette législation dans l’ensemble des États francophones et qui apparaît nettement au Gabon, en Roumanie et en Slovénie, demeure la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite des élus.

Les élus font donc état de leur patrimoine en déposant généralement une déclaration écrite. Ce document doit mentionner dans tous les États concernés l’ensemble du patrimoine.

Ces documents doivent être déposés à des périodes différentes selon les pays.

Tableau 72 – La période de transmission des documents relatifs au patrimoine

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUEPARLEMENTAIRES
AlbanieAprès son électionAprès leur élection
AlgérieAvant le dépôt de candidature
Belgique
BéninDès son entrée en fonction
BulgarieÀ l’entrée en fonction, au début de chaque année et à l’expiration du mandatÀ l’entrée en fonction, au début de chaque année et à l’expiration du mandat
Burkina FasoN.C.
Cambodge
Cameroun
Canada
Congo
ÉgypteÀ sa nomination, puis tous les 6 ans et au terme du mandatÀ sa nomination, puis tous les 6 ans et au terme du mandat
FranceAprès l’établissement de la liste des candidatsAprès l’élection
GabonAvant l’entrée en fonction et tous les 3 ansAvant l’entrée en fonction et tous les 3 ans
Guinée-BissauN.C.N.C.
Haïti30 jours après son électionAu dépot de la candidature
LibanDans les 3 mois qui suivent les résultatsDans les 3 mois qui suivent les résultats
MadagascarDépot de dossier de candidature
MaliÀ l’entrée en fonction et tous les ansÀ l’entrée en fonction et tous les ans
MarocN.C.
Maurice30 jours après la première séance du parlement
Mauritanie
Moldavie
Monaco
Niger48 heures après l’investiture et tous les ans
Roumanie15 jours à partir de la validation de l’élection15 jours à partir de la validation de l’élection
RwandaAu plus tard le 30 juin de chaque annéeAu plus tard le 30 juin de chaque année
SénégalAprès l’élection
SlovénieUn mois après l’entrée en fonctionUn mois après l’entrée en fonction
Suisse
TchadLors de l’entrée en fonction
République tchèqueJusqu’à la fin du mois de juin de l’année suivante
TogoAu début et à la fin du mandatAu début et à la fin du mandat

Le tableau suivant présente les organes auprès desquels les documents sont déposés.

Tableau 73 – Les organes de réception des documents relatifs au patrimoine

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUEPARLEMENTAIRES
Albanie« Inspectorat » national de déclaration et de contrôle des biens« Inspectorat » national de déclaration et de contrôle des biens
AlgérieLe Conseil constitutionnel
Belgique
BéninLa Chambre des comptes de la Cour suprême
BulgarieLa Cour des comptesLa Cour des comptes
Burkina FasoN.C.
Cambodge
Cameroun
Canada
Congo
ÉgypteLe ministère de la JusticeLe ministère de la Justice
FranceLe Conseil constitutionnelLa Commission de transparence financière
GabonCommission nationale de lutte contre l’enrichissement illiciteCommission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite
Guinée-BissauN.C.N.C.
HaïtiLe Greffe du tribunal de première instanceLe Conseil électoral
LibanLe président du Conseil constitutionnelLe président du Conseil constitutionnel
MadagascarLa Haute Cour constitutionnelle
MaliLe président de la Cour suprêmeLe président de la Cour suprême
MarocN.C.
MauriceLa commission indépendante anti-corruption [24]
Mauritanie
Moldavie
Monaco
NigerLa Cour constitutionnelle qui transmet aux services fiscaux
RoumanieLe chef de la Chancellerie de la présidenceLe secrétaire général de la Chambre dont le parlementaire fait partie
RwandaL’OmbudsmanL’Ombudsman
SénégalLe Conseil constitutionnel
SlovénieUne commission ad hoc [25]Une commission ad hoc [26]
Suisse
TchadLa Cour suprême
République tchèqueLes sénateurs déposent auprès du président de la Chambre des députés, les députés auprès du président du Sénat
TogoLa Cour suprêmeLa Cour suprême

Aucune tendance ne se dégage de ce tableau. Il est toutefois possible d’observer que les Cours constitutionnelles sont davantage concernées par le patrimoine des élus que par les comptes de campagne. Ainsi, les Cours et Conseils d’Algérie, de France pour le président de la République, du Liban, de Madagascar et du Sénégal reçoivent les déclarations de patrimoine. En revanche, les Cours suprêmes ont cette charge au Bénin, au Mali, au Tchad et au Togo. La République tchèque reste fidèle à un contrôle parlementaire, tout en prenant soin de garantir un souci d’impartialité en confiant le contrôle du patrimoine de l’élu à la Chambre dont il ne relève pas. En Roumanie, les déclarations sont déposées auprès du chef administratif de l’institution concernée.

Des commissions administratives ad hoc ont été instituées en Albanie, en France pour les députés, au Gabon, à l’Île Maurice et en Slovénie complétant la liste des commissions en charge des questions électorales.

Ensuite, les déclarations de patrimoine sont publiées en Algérie, en Bulgarie, en France, au Mali, au Niger, en Roumanie [27], au Sénégal et au Tchad pour le président de la République et uniquement en Bulgarie et en Roumanie [28] pour les parlementaires.
Les sanctions encourues par un élu qui ne produit pas les documents faisant état de son patrimoine sont limitées. En effet, il est difficile de revenir sur le choix des électeurs et des sanctions pénales peuvent se révéler disproportionnées. En revanche, s’il apparaît que l’élu a acquis des biens illégalement ou qu’il a fourni de faux documents, sa responsabilité pénale peut être mise en jeu. C’est notamment le cas en Albanie et à l’Île Maurice.

En cas de défaut de production des documents requis, aucun recours n’est prévu au Bénin, en Bulgarie, en France et au Gabon pour le président de la République, à Haïti, au Mali, au Rwanda et au Tchad. En Algérie et à Madagascar, le dossier de candidature des prétendants à la présidence est rejeté, étant donné que la déclaration de patrimoine s’effectue lors du dépôt de celui-ci. L’élu peut également être considéré comme n’occupant plus la fonction pour laquelle il a été choisi. C’est notamment le cas en France et au Gabon pour les parlementaires, au Liban, au Niger et en Slovénie. Dans ce dernier pays, si le président ou le parlementaire ne fournit pas les documents demandés, il est convoqué par la Commission instaurée par la loi sur l’incompatibilité des fonctions publiques avec des activités lucratives. S’il ne répond pas à la convocation, il peut être opéré une retenue sur son salaire pendant trois mois, et au-delà, une procédure visant à le démettre de ses fonctions est engagée. En Albanie, la Commission nationale de déclaration et de contrôle des biens informe l’Assemblée de la République du non dépôt de la déclaration de patrimoine. En Roumanie, la procédure de contrôle devant une commission d’enquête est déclenchée d’office. Elle est suivie par la traduction de l’élu devant la Haute Cour de cassation et de justice. Néanmoins, aucune des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. des pays cités dans ce paragraphe n’a relevé de cas de sanctions effectives en la matière.

  • [1]
    En outre, le financement des partis politiques sera un des thèmes du prochain bulletin de l’A.C.C.P.U.F.  
    [Retour au contenu]
  • [2]
    Néanmoins, le Conseil constitutionnel algérien et la Cour constitutionnelle moldave affirment que le financement privé des partis politiques est interdit dans leur pays.  
    [Retour au contenu]
  • [3]
    Non Communiqué  
    [Retour au contenu]
  • [4]
    Un contrôle du financement privé des partis politiques par le ministère de l’Intérieur est néanmoins prévu.  
    [Retour au contenu]
  • [5]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  
    [Retour au contenu]
  • [6]
    La limite moyenne pour chaque candidat était de 65 000 CAN$ (39 699 euros) en 2000. La limite agrégée pour les partis politiques était de 69 229 273 CAN$ (42 281 524 euros).  
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  • [7]
    Amende de 5 millions à 10 millions de francs CFA.  
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  • [8]
    Amende maximale de 1000 CAN$ (611 euros).  
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  • [9]
    Amende d’au moins 4 200 euros.  
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  • [10]
    Amende 5 à 10 fois supérieure au montant du dépassement.  
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  • [11]
    Plus précisément, il est prévu la déchéance des droits civils et politiques pendant 6 mois.  
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  • [12]
    Uniquement des personnes physiques.  
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  • [13]
    À chaque parti enregistré ou ses entités affiliées par année, à la direction d’un parti enregistré ou à l’ensemble des candidats à la direction par campagne, à un candidat non affilié à un parti enregistré par élection.  
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  • [14]
    Uniquement des personnes physiques.  
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  • [15]
    La loi sur les campagnes électorales se réfère à la loi sur les partis politiques.  
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  • [16]
    La loi sur les campagnes électorales se réfère à la loi sur les partis politiques.  
    [Retour au contenu]
  • [17]
    Il existe un financement public de la vie des partis et groupements politiques en Albanie, en Belgique, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cameroun, au Canada, en Égypte, en France, au Gabon, en Guinée-Bissau, au Mali, en Mauritanie, au Niger, en République tchèque, en Roumanie, au Rwanda, en Slovénie, au Tchad et au Togo.  
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  • [18]
    Pour les élections législatives.  
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  • [19]
    Plus précisément : 10 % des dépenses pour les candidats ayant obtenu moins de 10 % des suffrages exprimés ; 20 % des dépenses pour les candidats ayant obtenu entre 10 et 20 % des suffrages ; 30 % des dépenses pour les candidats ayant obtenu plus de 20 % des suffrages.  
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  • [20]
    Afin de compléter ce qui a été dit plus haut à propos de l’Albanie, les partis qui n’atteignent pas 2,5 % des suffrages doivent rétribuer l’avance qui leur a été allouée, à l’exception des 10 % de la somme globale accordés à tous les partis enregistrés à l’élection.  
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  • [21]
    Les partis soumettent un rapport financier annuel à la Chambre des députés. Il comprend, entre autre, les dépenses électorales, la liste des donateurs.  
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  • [22]
    La mise en place d’une commission de contrôle est également prévue par la loi au Cameroun, mais le décret d’application n’a toujours pas été adopté.  
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  • [23]
    Uniquement pour le président de la République.  
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  • [24]
    Independant Commission Against Corruption  
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  • [25]
    Instituée par la loi sur l’incompatibilité des fonctions publiques avec des activités lucratives.  
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  • [26]
    Instituée par la loi sur l’incompatibilité des fonctions publiques avec des activités lucratives.  
    [Retour au contenu]
  • [27]
    Sur Internet.  
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  • [28]
    Sur Internet.  
    [Retour au contenu]

VIII. Conclusion

Des débats lors du séminaire, comme des réponses au questionnaire fournies par plus de trente Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., se dégage une grande richesse de solutions au regard de l’enga gement plus ou moins important – voire presque inexistant dans quelques cas – des institutions. Certes, au fil des étapes qui jalonnent le processus électoral, des traits communs ont pu être dégagés mais l’image d’ensemble demeure celle d’une grande diversité. La photographie riche de couleurs variées ne livrerait-elle que des impressions, ou bien la confrontation des expériences permet-elle, utilisant les méthodes de droit comparé, de dégager quelques constantes ? On ne pourrait conclure cette étude sans tenter d’apporter des réponses à une telle question.

Les Cours constitutionnelles francophones issues de systèmes juridiques différents, jeunes pour la plupart, nées pour beaucoup au lendemain de secousses politiques importantes, présentent-elles aujourd’hui des traits communs en matière électorale, qui pourraient conduire, par delà leur diver sité originelle, à une construction d’ensemble sur le rôle des Cours constitutionnelles en période électorale ?

À la différence d’autres domaines, les principes régissant le droit électoral semblent communs à l’ensemble des États concernés. Ces derniers s’accordent à admettre que le suffrage doit être universel, égal, libre, secret et direct. Si en pratique, des efforts doivent encore être entrepris pour garantir la pleine effectivité de ces principes, tous les pays dont nous avons étudié le système, reconnaissent les droits politiques des citoyens et ont adopté des législations électorales auxquelles ils apportent régulièrement de nombreuses modifications. Les pays ayant en partage l’usage du français ont affirmé leur attachement à ces principes dans la Déclaration de Bamako en s’engageant pour la tenue d’« élections libres, fiables et transparentes ».

Toutefois, cet engagement n’est pas propre à la Francophonie. Force est de constater que l’organisation d’élections libres, pluralistes et démocratiques fait partie des standards reconnus par la communauté internationale. Le code de bonne conduite en matière électorale de la Commission européenne pour la démocratie par le droit [1] peut être considéré comme un catalogue de ces valeurs. Si celui-ci s’attache à dégager le patrimoine électoral européen, nous pouvons affirmer que les lignes directrices contenues dans le document guident l’activité électorale de l’ensemble des pays démocratiques [2].

Par conséquent, aucune spécificité francophone en matière électorale n’est à mentionner sur le plan des règles élémentaires relatives à l’organisation des scrutins.
Comme il en est avec la protection des droits de l’homme en général, dont le droit électoral est une manifestation, on trouve un fonds commun à l’ensemble des démocraties. Les principes sont reconnus universellement mais les États conservent leurs compétences et leurs responsabilités pour la mise en œuvre effective des droits proclamés.

Le même raisonnement s’impose pour la matière électorale : les principes sont communs mais l’organisation du processus électoral relève de la compétence souveraine des États.

De longs développements ont ainsi été consacrés à la préparation et au déroulement du scrutin dans cette étude. Le premier constat que nous pouvons faire, concerne la gestion des opérations électorales. Cette dernière exige des capacités techniques et logistiques considérables que seule l’administration peut fournir. Néanmoins, le champ d’action des autorités publiques se voit délimité par un cadre plus ou moins strict selon les États : l’histoire et les traditions nationales expliquent, en grande partie, les solutions choisies. Les alternatives sont, cependant, relativement limitées, même si les États font preuve d’une grande créativité.

La tenue d’élections périodiques n’est plus un gage de démocratie. Les autorités en charge de la préparation du scrutin, traditionnellement le ministère de l’Intérieur, doivent faire preuve d’impartialité et de transparence. En Europe centrale et en Afrique francophone, des doutes légitimes quant à la neutralité des pouvoirs publics ont surgi lors de l’organisation des premières élections pluralistes dans les années 1990 au moment où ces pays se libéraient des régimes autoritaires. L’activité des autorités étatiques a, par conséquent, été encadrée et contrôlée par des commissions administratives dites indépendantes [3]. La crainte de fraude étant moins importante dans les démocraties occidentales, les commissions électorales n’ont pas un rôle aussi déterminant dans l’organisation des élections. En Belgique, en France, à Monaco et en Suisse, l’État ou les collectivités locales restent les principaux acteurs du processus électoral.

Parmi les démocraties occidentales, le Canada a institué un système qui fait figure de référence. Une puissante administration électorale d’environ 300 personnes a été créée autour du Directeur général des élections, nommé par le Parlement. Ce modèle a certainement exercé une forte influence. À titre d’illustration, on peut citer le Professeur Jean du Bois de Gaudusson affir mant qu’« il est de notoriété publique que la détermination des modes de gestion des élections dans les pays francophones a fait l’objet de compétition entre les États pourvoyeurs d’aide électorale et l’on peut distinguer les influences canadiennes et québécoises et françaises [4]… ». Incontestable ment, l’institution de structures indépendantes de gestion des opérations électorales confirme le rayonnement du modèle canadien, au moins en ce qui concerne l’Afrique francophone [5].

Néanmoins, l’attractivité réelle de ce système peut faire l’objet de questions. L’activité du Directeur général des élections s’intègre dans un système anglo-saxon, qui ne correspond pas à celui des autres pays francophones, à l’exception de l’Île Maurice. L’administration électorale dans ce pays ressemble d’ailleurs en de nombreux points à l’institution canadienne. Mais, si l’existence d’une administration électorale indépendante de l’État est une caractéristique de la gestion des opérations électorales dans les pays étudiés, la composition et les compétences de celle-ci sont très diverses et il est difficile de dégager un modèle unique.

Les commissions électorales se composent, dans des proportions variables, de représentants de l’État, de représentants des partis politiques, de juristes et éventuellement de représentants de la société civile. La recherche de consensus et la volonté de faire participer l’ensemble des acteurs d’une élection constituent une des raisons d’être de ces instances.

Ainsi, en Afrique, la création des Commissions électorales nationales autonomes ou indépendantes (CENA ou CENI) est d’abord apparue comme une solution de sortie de crise. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, les commissions électorales centrales semblent être la clef de voûte du système électoral et disposent même de compétences contentieuses. De même, les commissions centrales albanaise, bulgare, moldave, roumaine [6] et tchèque sont des structures permanentes. À l’inverse, en Afrique francophone, seules les institutions du Burkina Faso, de GuinéeBissau, du Sénégal et du Togo sont pérennes. En outre, les débats qui se tiennent à propos de leurs attributions sont plus vifs en Afrique. Doivent-elles prendre en charge l’intégralité de l’organisation matérielle des élections [7] ou sont-elles uniquement des organes de supervision et de contrôle du processus électoral, comme c’est notamment le cas au Sénégal ?

Ces interrogations sur le rôle des administrations électorales ne doivent pas conduire à sousestimer leur importance dans l’espace francophone. Encore faut-il préciser que ce mouvement de création n’a pas été général. Par exemple, le Cameroun, le Liban et la Mauritanie ne disposent pas de commission centrale comparable. Dans ces trois pays, comme en France et en Belgique, les différentes phases de la préparation des élections sont confiées à diverses commissions administratives. L’État est alors encadré, voire relayé, par plusieurs organes.

En effet, les tâches qui incombent à l’administration électorale sont nombreuses. Lors de la phase préélectorale, il s’agit notamment du découpage des circonscriptions électorales, de l’établissement des listes électorales, éventuellement de la confection des cartes d’électeur ainsi que de l’enregistrement des candidatures.

Si les trois premières opérations sont des préalables indispensables à toute élection, elles ne sont pas obligatoirement effectuées lors de la période précédant les élections [8]. Il en résulte que les autorités chargées de ces opérations ne sont pas forcément les autorités électorales. Ainsi, le découpage électoral relève en général du législateur ou de l’exécutif et les listes électorales sont habituellement établies par l’administration de l’État ou les collectivités territoriales. L’intervention des commissions électorales est possible si elles disposent de structures permanentes. Ces opérations doivent être strictement réglementées puisque deux aspects fondamentaux des droits politiques sont en jeu : l’égalité de suffrage pour le découpage ; l’accès au vote et par conséquent l’universalité du suffrage dans le cas des listes électorales.

En revanche, la question des candidatures est intimement liée au scrutin. Les conditions d’éligibilité ainsi que les procédures d’enregistrement doivent être clairement énoncées afin de ne pas porter atteinte de façon disproportionnée au droit de chaque citoyen de participer à la vie publique. Par ailleurs, les États doivent s’efforcer d’éviter la multiplication des candidatures « fantaisistes » qui peuvent entraîner de graves inconvénients. En revanche, les organes électoraux sont davantage impliqués notamment les commissions électorales mais également les Cours constitu tionnelles dans l’enregistrement des candidatures à l’élection présidentielle en Algérie, au Burkina Faso, en France, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, au Sénégal et au Tchad. Les mêmes considérations d’impartialité et de transparence s’appliquent à la phase du déroulement du scrutin. Des principes spécifiques régissent la composition des bureaux de vote, la détermination des procédures de vote et le dépouillement des bulletins de vote. Pour s’assurer de leur respect, des missions d’observation sont organisées par les protagonistes nationaux engagés dans le processus électoral et par des organisations internationales.

La sincérité du scrutin est aussi contrôlée par le juge. Le Professeur Francis Delpérée note qu’« en matière de contentieux électoral, les traits distinctifs l’emportent [9] ». Cette diversité ne surprend pas ; on la constate déjà pour le contentieux constitutionnel où les techniques de contrôle diffus, concentré, abstrait, concret, a priori, a posteriori se côtoient sans qu’un système domine réellement un autre.

Cependant, tout au long de cette étude, deux ensembles de Cours constitutionnelles ont pu être distingués. Un premier comprenant les institutions d’Albanie, de Belgique, de Bulgarie, du Canada, d’Égypte, de Haïti, de Maurice, de Moldavie, de Monaco, de Roumanie, de Slovénie, de Suisse et de République tchèque confirme l’affirmation de Francis Delpérée [10]. Aucun des ces États n’amé nage le contentieux électoral de façon similaire. Le dénominateur commun réside dans la distance des Cours à l’égard des affaires électorales, à l’exception notable de la Cour suprême de Maurice. À côté de cet ensemble, les Cours et Conseils constitutionnels d’Algérie, du Bénin, du Burkina Faso, du Cambodge, du Cameroun, du Congo, de France, du Gabon, de Guinée-Bissau, du Liban, de Madagascar, du Mali, du Maroc, de Mauritanie, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, du Tchad et du Togo sont compétents en premier et dernier ressort pour connaître des contestations soulevées après le scrutin. Les modalités d’exercice de leurs attributions sont similaires. Ce groupe comprend la quasi totalité des Cours africaines auxquelles s’ajoutent les Conseils cambodgien, français et libanais. Si cette situation caractérise le contentieux électoral dans l’espace francophone, pouvons-nous pour autant conclure à l’existence d’un modèle francophone de justice électorale ?

Pour ce faire, il convient de se tourner vers les modèles de contentieux électoral. Quatre modèles se distinguent. Le plus ancien est la technique de la vérification des pouvoirs, qui confie le contrôle de la régularité du processus électoral à la Chambre parlementaire qui vient d’être élue. Un second modèle consiste à transférer le contentieux électoral au juge ordinaire. Les deux derniers modèles sont apparus plus récemment. Le premier établit la compétence du juge constitutionnel. Le second postule l’établissement d’une administration électorale permanente, indépendante et structu rée, qui pourra prendre en charge l’organisation du scrutin et recevoir les recours contentieux [11].

Parmi les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., les institutions des pays occidentaux constituent des exemples intéressants dans la mesure où ces pays disposent d’une longue expérience dans l’organisation d’élections libres et pluralistes. La Belgique, le Canada, la France, Monaco et la Suisse ont érigé des systèmes dont les architectures diffèrent considérablement. Si la Belgique adhère totalement à la technique de la vérification des pouvoirs [12] et si Monaco confie le contentieux électoral aux juridictions de droit commun, le Canada associe une administration électorale puissante et les juridictions ordinaires. La Suisse a réparti les compétences entre les cantons, le Parlement et le Tribunal fédéral. En France, le contentieux électoral est attribué au juge constitutionnel [13].

Aussi, il apparaît que le système proposé par la Constitution française de 1958 a fait l’objet d’une grande attractivité lors du mouvement de démocratisation de l’Afrique francophone dans les années 1990, qui s’est traduit par des réformes politiques et constitutionnelles importantes. Ces États s’en sont inspirés et ont adapté ce régime aux réalités nationales, la création des commissions électorales nationales en étant une illustration. D’une façon générale, nous avons observé que les Constitutions et législations électorales ont attribué des compétences importantes aux Cours et Conseils constitutionnels, qui sont les principaux juges des élections politiques et les garants de la régularité du scrutin.

Les États africains, dont la plupart étaient sous domination française, ont souvent reproduit le système de l’ancienne puissance coloniale. L’influence de la France, notamment par le maintien des structures administratives qu’elle avait mises en place et la formation des élites, est restée importante dans cette région et a, par conséquent, conditionné leur choix. De même, les régimes constitutionnels étant proches, il était cohérent qu’ils se tournent vers un contentieux électoral comparable à celui en vigueur en France.

De plus, la longue expérience du Conseil constitutionnel français, juge des élections depuis 1959, le désigne naturellement comme une institution de référence. Par ailleurs, la pratique des Cours constitutionnelles africaines, de création récente et dont les ressources sont limitées, en est encore à ses premiers pas. Des bilans peuvent, toutefois, être établis pour celles d’entre elles qui ont déjà connu plusieurs consultations, comme au Bénin. Mais d’autres institutions, notamment le Conseil constitutionnel de Burkina Faso dont les membres ont prêté serment en décembre 2002 ou la Cour suprême du Rwanda dont les compétences en matière électorale résultent de la Constitution de 2003, n’ont pas encore contrôlé d’élections nationales.

En ce qui concerne les pays d’Europe centrale, la coopération qui leur a été proposée par les démocraties occidentales après la chute du communisme, leur a permis de comparer les expériences de différents pays et de choisir le système auquel ils reconnaissaient le plus de mérites techniques. Les Cours d’Europe centrale membres de l’A.C.C.P.U.F. s’effacent devant les commissions électorales centrales, dont nous avons déjà dit qu’elles disposaient de compétences contentieuses. Les Cours constitutionnelles interviennent de manière résiduelle : la Cour albanaise connaît des litiges relatifs à l’éligibilité ou à l’incompatibilité des fonctions du président de la République, qui est élu par l’Assemblée de la République ; la Cour bulgare est compétente pour le contentieux postélectoral mais l’ouverture du prétoire est étroite ; la Cour moldave confirme les résultats des élections et valide le mandat des députés mais elle ne statue pas sur les réclamations ; la Cour roumaine ne connaît que les contestations relatives à l’élection du président de la République et les Cours slo vène et tchèque ne disposent que d’une compétence d’appel des décisions des chambres sur la validation de l’élection d’un député.

L’importance des administrations électorales laisse penser que ces pays se sont orientés vers un modèle confiant l’essentiel à des organes administratifs indépendants [14]. D’où une différence fondamentale entre l’Europe centrale et l’Afrique francophone que nous avons déjà soulevée plus haut à propos des commissions électorales et qui éclaire les choix effectués dans les années 1990. La création des commissions électorales en Afrique relève davantage d’une volonté de faire participer l’ensemble des acteurs politiques dans une optique d’adhésion au processus électoral, mais ces États ont manifestement suivi le modèle français de justice électorale.

En outre, si un contrôle juridictionnel des activités des commissions électorales constitue un élément du respect de l’État de droit, il n’est pas du tout évident que ce contrôle revienne à la Cour constitutionnelle comme le montre la réforme du code électoral albanais en 2003 confiant le contentieux électoral à une chambre spécialisée de la Cour d’appel de Tirana.

Nous avons observé qu’une majorité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ne se contentent pas de compétences juridictionnelles. Elles agissent également en tant qu’organe administratif en participant pleinement à l’organisation du scrutin. Une fois de plus, il s’agit des Cours africaines et française.

Certaines dispositions constitutionnelles relatives à la compétence des Cours suggèrent un tel rôle. La Constitution française de 1958 est claire à cet égard. L’article 58 dispose que « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». Quant à l’article 59, il précise que « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs ». Cette dernière disposition limite la compétence du Conseil au contentieux proprement dit pour les élections parlementaires alors que celle-ci couvre l’ensemble des opérations relatives à l’élection présidentielle et aux consultations référendaires.

Nous trouvons des dispositions rédigées dans des termes similaires dans un certain nombre de Constitutions francophones sans, pour autant, qu’une différence apparaisse, dans tous les textes, entre les deux scrutins nationaux. Il s’agit des Constitutions algérienne [15], béninoise [16], burkinabé [17], camerounaise [18], congolaise [19], malienne [20], mauritanienne [21] et nigérienne [22].

Un nombre important de Cours constitutionnelles sont ainsi investies d’une mission générale de surveillance au cours de laquelle elles exercent des attributions essentiellement juridictionnelles, et, dans une moindre mesure, des fonctions administratives.

Cette mission générale de surveillance se traduit par plusieurs attributs. L’acte le plus caractéristique de cette fonction est l’envoi de délégués de la Cour dans les bureaux de vote afin d’observer le déroulement du scrutin. Néanmoins, seules les institutions béninoise, burkinabé, française, gabonaise, malienne, nigérienne et tchadienne observent les opérations de vote. Le déploiement de délégués nécessite des moyens importants et surtout le recours à des personnes extérieures à l’insti tution pour couvrir l’ensemble du territoire.

De même, de nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ont pour tâche de proclamer les résultats du scrutin. C’est le cas en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo [23], en France [24], au Gabon, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie [25], en Moldavie, au Niger, en Roumanie [26], au Rwanda, au Sénégal, au Tchad et au Togo. En proclamant les résultats définitifs d’une élection, généralement lors d’une audience solennelle et en présence des médias [27], les Cours attestent la régularité des opérations de vote.

La mission générale de surveillance du scrutin suppose que les Cours élaborent un rapport présentant leurs observations ou recommandations sur le processus électoral. Ce rapport doit être adressé aux autorités afin qu’elles apportent les améliorations nécessaires à la réglementation électorale. Pourtant, seules les Cours algérienne, béninoise, française, gabonaise, malgache, malienne et tchadienne font, jusqu’à maintenant, part de leurs observations.

La Cour constitutionnelle du Mali a exposé les raisons qui l’ont poussée à s’exprimer dans ses observations et recommandations sur les élections générales de 2002 [28] : « La Cour constitutionnelle après avoir accompli sa mission constitutionnelle relative à l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale, bien qu’aucun texte ni constitutionnel, ni législatif ne le lui prescrive, a cru devoir produire un rapport général sur les élections politiques de 2002. Ce rapport… évoque certaines des difficultés que posent ou peuvent poser les dispositions de la Constitution et des lois de la République en matière d’élections du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale. Évoquer les contraintes liées à l’application de nos textes fondamentaux en matière électorale permettra, certainement, aux décideurs d’analyser lesdites contraintes afin de les juguler. »

Certes, cette pratique ne s’est pas encore développée dans l’ensemble de l’espace francophone [29]. Nous observons néanmoins une réelle volonté de certaines Cours constitutionnelles de participer au processus électoral de manière plus active. Elles font preuve de pédagogie en diffusant des informations en matière électorale, sous la forme de déclarations, de publications papier ou de séances de formation. L’utilité d’un tel engagement est incontestable, essentiellement dans les jeunes démocraties, et participe d’une meilleure connaissance des règles du jeu électoral et des compétences de la juridiction. L’objectif est d’éviter les réclamations mal fondées ou non fondées, de garantir le bon déroulement du scrutin mais également d’attester la transparence des travaux du juge électoral. La Cour constitutionnelle du Gabon a justifié son intervention à la veille de l’élection prési dentielle de 1998 dans les termes suivants : « Il revient à la Cour constitutionnelle le devoir de rappeler à tous les citoyens, à tous les acteurs politiques et aux pouvoirs publics, non seulement son rôle en matière électorale, mais aussi les devoirs et obligations de tout un chacun en cette cir- constance grave pour notre pays. » Nous avons également signalé l’intense activité de la Cour constitutionnelle du Bénin qui élabore des plaquettes et brochures et organise des formations à l’attention des différents acteurs du processus électoral.

Ces deux exemples ne sont pas exhaustifs mais il faut insister sur l’importance de ces actions. Elles traduisent, de manière exemplaire, la variété des compétences des Cours constitutionnelles en période électorale et les caractéristiques de leur mission générale de surveillance.

Quelles conclusions pouvons-nous en déduire sur le fonctionnement des Cours constitutionnelles ?

À première vue, on serait tenter de penser que les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. s’écartent des fonctions que l’on pourrait naturellement attendre d’elles, c’est-à-dire le contrôle de la constitutionnalité des normes. Cependant, la tenue d’élections libres, pluralistes et démocratiques est un élément fondamental de l’État de droit, dont le contrôle du respect relève de la compétence du juge constitutionnel. Par conséquent, les Cours constituent des « organes crédibles dont l’indépendance est reconnue par tous » préconisés par la Déclaration de Bamako pour l’organisation des élections, à côté des commissions électorales. Il est vrai que les Cours possèdent une réelle autorité qui les fait apparaître comme les garants de la démocratie.

Pour autant, si elles s’insèrent dans le cadre de leur mission générale, nous avons observé tout au long de cette étude, que les attributions en matière électorale ont de fortes répercussions sur l’organisation des Cours et nécessitent une adaptation de leur mode de fonctionnement.

Tout d’abord parce que les requêtes électorales représentent un contentieux souvent très volumineux, auquel les Cours doivent répondre dans les plus brefs délais. La mobilisation des services de l’institution est, par conséquent, totale. Par ailleurs, les affaires électorales requièrent de la part des Cours l’accomplissement d’un contrôle concret : elles sont confrontées à un contentieux qui possède des caractéristiques propres au contentieux des droits subjectifs. De même, les juges étendent le champ des normes de référence. Les Cours ne fondent plus leur contrôle uniquement sur les textes à valeur constitutionnelle mais imposent également le respect de l’ensemble de la législation électorale.

Le juge constitutionnel opère un véritable « dédoublement de personnalité » lorsqu’il est juge électoral. S’ils sont soumis au même prétoire dans la majorité des États étudiés, le contentieux électoral et le contentieux constitutionnel ne se confondent pas.

Il en résulte des conditions de saisine, des procédures spécifiques qui modifient le fonctionnement des institutions constitutionnelles. L’ouverture du prétoire est le facteur le plus révélateur de la particularité du contentieux électoral. En effet, celui-ci est plus largement ouvert aux parti culiers. Il est vrai qu’il s’agit essentiellement des personnes directement concernées par l’élection, c’est-à-dire les candidats et les partis politiques. Toutefois, certains États autorisent la saisine [30] par les électeurs. C’est notamment le cas au Bénin, au Burkina Faso, en France, au Gabon, à Madagascar, à l’Île Maurice, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda et en Suisse. À l’inverse, l’intervention des autorités étatiques (Président, Premier ministre, parlementaires…) n’est pas encouragée : elles n’ont qu’un rôle secondaire et doivent faire preuve de neutralité vis-à-vis des candidats.

Si l’on considère, en outre, les attributions non contentieuses, nous pouvons affirmer que le fonctionnement des Cours constitutionnelles est profondément modifié en période électorale.

De plus, le droit électoral tend à s’étendre à la question du financement des campagnes électorales. Les réglementations sont, sur ce point, encore récentes. Jusqu’à présent, seules l’Algérie et la France ont confié au juge constitutionnel la charge de vérifier les comptes de campagne. Toutefois, l’avenir nous dira si d’éventuelles réformes conduiront à confier cette responsabilité aux autres institutions constitutionnelles.

Force est de constater que les élections ont profondément façonné la physionomie de la majorité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.. Il s’agit certainement d’un des traits caractéristiques de ces institutions, qui sont aussi bien perçues comme juges électoraux que comme juges constitutionnels.

Ainsi, les responsabilités sont nombreuses et les Cours constitutionnelles ne pourront exécuter ces tâches que si elles disposent de ressources humaines et financières conséquentes. L’importance des élections dans la vie démocratique d’un pays impose que l’État accorde, en toute impartialité, des moyens importants et permette la consolidation des pouvoirs des Cours constitutionnelles dans ce domaine.

En confiant aux Cours et Conseils constitutionnels membres de l’A.C.C.P.U.F. des attributions importantes en matière électorale, les États les font pleinement participer à l’émergence d’une vie politique apaisée, qui constitue un des engagements de la Déclaration de Bamako. Il n’est pas excessif d’affirmer que le champ d’action des Cours constitutionnelles répond à l’ensemble des engagements de Bamako : la consolidation de l’État de droit, la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, une vie politique apaisée et la promotion des droits de l’homme.

En ce sens, et pour répondre à la question posée au début de cette conclusion, il apparaît objectif de relever que l’analyse du rôle des Cours constitutionnelles dans les élections, relève davantage de la recherche des meilleures solutions techniques pour la défense et le service des valeurs aux quelles toutes les Cours apportent leur adhésion, que d’une construction d’ensemble, même si nous avons tenté de regrouper des pays autour de certains points convergents. Ces solutions ne peuvent trouver leur ancrage que dans le respect des spécificités nationales.


  • [1]
    Avis n° 190/2002, CDL-AD (2002) 23 rev. Les lignes directrices sont publiées dans le second tome de cette étude, p. 131.  [Retour au contenu]
  • [2]
    La tenue d’élections libres et démocratiques est un principe reconnu dans de nombreux textes internationaux de promotion des droits de l’homme. Ainsi, l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966 dispose :

« Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables :

De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ;

… »  [Retour au contenu]

  • [3]
    La même évolution s’est opérée au Cambodge  [Retour au contenu]
  • [4]
    Du Bois de Gaudusson (Jean), « Les structures de gestion des opérations électorales », in Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er -3 nov. 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, p. 215.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Le système espagnol exerce également une très forte influence en matière électorale. Dans ce pays, une administration électorale permanente, indépendante et structurée prend en charge les diverses opérations électorales. Elle dispose également d’attributions contentieuses. Ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif (plus précisément, la Chambre du contentieux administratif du Tribunal suprême). Le Tribunal constitutionnel n’intervient que pour défendre les droits constitutionnels des citoyens dans le cadre du recours direct (recours d’amparo).  [Retour au contenu]
  • [6]
    Depuis 2004.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Établissement des listes électorales, établissement des cartes d’électeurs, préparation des opérations de vote, distribution du matériel, impression des bulletins de vote, observation des opérations de vote, dépouillement, centralisation et proclamation des résultats…  [Retour au contenu]
  • [8]
    Dans de nombreux pays, l’établissement des listes électorales s’effectue au début de la période électorale et constitue, par conséquent, un acte préparatoire au scrutin. Ce choix n’est pas inévitable, beaucoup d’États préférant procéder à une révision annuelle des listes indépendamment de toute échéance électorale.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Voir Delpéré (Francis), « Le contentieux électoral en Europe », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel», n° 13, 2002, p. 74.  [Retour au contenu]
  • [10]
    La diversité du contentieux électoral est mise en évidence par plusieurs auteurs. Par exemple, Bernard Owen déclare en ouverture de son intervention à un séminaire sur le contentieux électoral devant la Cour constitutionnelle, organisée à Erevan, les 15 et 16 octobre 1998, par la Commission de Venise en coopération avec la Cour constitutionnelle d’Arménie : « La diversité est la règle ». CDL-JU (1998)039f-restr.  [Retour au contenu]
  • [11]
    >Voir Francis Delpérée, op. cit.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Dans l’arrêt n° 20/2000 du 23 février 2000, la Cour d’arbitrage a déclaré : « Relève des principes de base de la structure démocratique de l’État, la règle selon laquelle les chambres législatives élues disposent, dans l’exercice de leur mission, de l’indépendance la plus large possible. Cette indépendance s’exprime, entre autres, dans le contrôle qu’elles exercent ellesmêmes sur eurs membres, aussi bien pour ce qui concerne la validité du mandat que pour ce qui est de la manière dont celui-ci s’acquiert par voie d’élections.»  
    [Retour au contenu]
  • [13]
    Uniquement pour les élections présidentielle et parlementaires ainsi que les consultations référendaires. Les élections locales et européennes sont soumises à la juridiction du juge administratif.  
    [Retour au contenu]
  • [14]
    La République tchèque constitue certainement une exception.  
    [Retour au contenu]
  • [15]
    Article 163 de la Constitution du 8 décembre 1996.  
    [Retour au contenu]
  • [16]
    Article 117 de la Constitution du 11 décembre 1990.  
    [Retour au contenu]
  • [17]
    Article 154 de la Constitution du 11 juin 1991.  
    [Retour au contenu]
  • [18]
    Article 48 de la Constitution du 18 janvier 1996.  
    [Retour au contenu]
  • [19]
    Article 146 de la Constitution du 20 janvier 2002.  
    [Retour au contenu]
  • [20]
    Articles 33 et 86 de la Constitution du 12 janvier 1992.  
    [Retour au contenu]
  • [21]
    Articles 83 et 84 de la Constitution du 20 juillet 1991.  
    [Retour au contenu]
  • [22]
    Articles 6 et 109 de la Constitutions du 18 juillet 1999  
    [Retour au contenu]
  • [23]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  
    [Retour au contenu]
  • [24]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  
    [Retour au contenu]
  • [25]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  
    [Retour au contenu]
  • [26]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  
    [Retour au contenu]
  • [27]
    L’audience de proclamation fait l’objet d’une retransmission télévisée en Algérie, au Bénin, au Congo, au Gabon, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, au Tchad et au Togo.  
    [Retour au contenu]
  • [28]
    Publiées avec le soutien de l’A.C.C.P.U.F  
    [Retour au contenu]
  • [29]
    Précisons, toutefois, que de nombreuses commissions électorales font connaître leurs observations et recommandations.  
    [Retour au contenu]
  • [30]
    Directe ou indirecte.  
    [Retour au contenu]

Annexes

Tableau 74 – Tableau récapitulatif : les autorités compétentes en matière de contentieux électoral

Élection présidentielle

Autorités compétentes en matière de contentieux électoral
PaysRecours contre les décisions des commissions électoralesListe électoraleCandidatureContentieux post-électoral
Albanie [1]Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle pour les litiges relatifs à l’éligibilité ou à l’incompatibilité des fonctions du président
AlgériePas de recoursLes juridictions ordinaires [2]Le Conseil constitutionnel [3]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
Belgique [4]
BéninLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
BulgarieLa Cour administrative suprêmeLes autorités municipales, les tribunaux de districtsLa Cour administrative suprêmeCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
Burkina FasoLes tribunaux administratifs et le Conseil d’ÉtatLa commission électorale hiérarchiquement supérieure et le tribunal administratif en appelLe Conseil constitutionnel [5]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
Cambodge [6]
CamerounPas de recoursLa Commission départementale de supervision et la Cour d’appelLa Cour suprêmeCompétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême
Canada [7]
CongoPas de recoursLe tribunal de grande instanceLe tribunal de grande instanceCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
Égypte [8]
FrancePas de recoursLe tribunal d’instanceLe Conseil [9]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
GabonLa Cour constitutionnelleLes juridictions administrativesLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
Guinée-BissauLe Tribunal suprême de justiceLe Tribunal suprême de justiceLe Tribunal suprême de justiceCompétence en premier et dernier ressort du Tribunal suprême de justice
Haïti [10]Pas de recoursLe Conseil électoralLe Conseil électoralCompétence en premier et dernier ressort du Conseil électoral
Liban [11]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
MadagascarLe Conseil d’ÉtatUne commission administrative spéciale, le tribunal de première instanceLa Haute Cour constitutionnelle [12]Compétence en premier et dernier ressort de la Haute Cour constitutionnelle
MaliPas de recoursLe tribunal civilLa Cour constitutionnelle [13]Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
Maroc [14]
Maurice [15]
MauritaniePas de recoursLa Chambre administrative de la Cour suprêmeLe Conseil constitutionnel [16]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
Moldavie [17]Les résultats de l’élection sont confirmés par la Cour constitutionnelle
Monaco [18]
NigerPas de recoursLa commission administrative, le juge délégué, la Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
RoumanieLa Cour suprême de justiceLes tribunaux ordinairesLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelle confirme les résultats du scrutin et statue sur les contestations sur les opérations de vote et de dépouillement
RwandaLa Cour suprêmeLa Commission nationale électorale et la Cour suprêmeLa Cour suprêmeCompétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême
SénégalPas de recoursLe tribunal départemental, le Conseil d’État en appelLe Conseil constitutionnel [19]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
SlovénieLa Cour suprêmeLa Cour suprême (Chambre du contentieux administratif)La Commission électoraleLa Commission électorale, appel devant la Cour suprême
Suisse [20]
TchadLe Conseil constitutionnelLe tribunal de première instanceLe Conseil constitutionnel [21]Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
République tchèque [22]
TogoPas de recoursLe tribunal de première instanceLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Élections parlementaires

Autorités compétentes en matière de contentieux électoral
PaysRecours contre les décisions des commissions électoralesListe électoraleCandidatureContentieux post-électoral
AlbanieLa Commission électorale centrale, appel devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de TiranaLa Commission électorale de circonscription, appel devant le tribunal de grande instanceLa Commission électorale centrale, appel devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de TiranaLa Commission électorale centrale, appel devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana
AlgériePas de recoursLes juridictions ordinaires [23]Les juridictions administrativesCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
BelgiquePas de recoursLe Collège des bourgmestres et échevins agissant comme juridiction administrative, appel près la Cour d’appelLe bureau principal de la circonscription électorale, appel près la Cour d’appelLa Chambre des représentants
BéninLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
BulgarieLa Cour administrative suprêmeLes autorités municipales, les tribunaux de districtsLa Commission électorale centrale, la Cour administrative suprême en appelCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
Burkina FasoLes tribunaux administratifs et le Conseil d’ÉtatLa commission électorale hiérarchiquement supérieure et le tribunal administratif en appelLe Conseil constitutionnelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
CambodgeLe Conseil constitutionnelLe Comité national des élections et le Conseil constitutionnel en appelLe Comité national des élections, le Conseil constitutionnel en appelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel ou compétence en appel des décisions du Comité national des élections
CamerounPas de recoursLa Commission départementale de supervision et la Cour d’appelLa Cour suprêmeCompétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême
CanadaLes juridictions ordinairesLe Commissaire aux élections fédérales, les juridictions ordinairesLe Commissaire aux élections fédérales, les juridictions ordinairesLe Commissaire aux élections fédérales et les juridictions ordinaires
CongoPas de recoursLe tribunal de grande instanceLe tribunal de grande instanceCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
ÉgypteLa Cour du contentieux administratif du Conseil d’ÉtatLa Cour du contentieux administratif du Conseil d’ÉtatLa Cour du contentieux du Conseil d’État
FranceLe Conseil constitutionnel [24]Le tribunal d’instanceLes tribunaux administratifs, le Conseil constitutionnel en appelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
GabonLa Cour constitutionnelleLes juridictions administrativesLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
Guinée-BissauLe Tribunal suprême de justiceLe Tribunal suprême de justiceLe Tribunal suprême de justice [25]Compétence en premier et dernier ressort du Tribunal suprême de justice
Haïti [26]Pas de recoursLe Conseil électoralLe Conseil électoralCompétence en premier et dernier ressort du Conseil électoral
LibanPas de recoursLes commissions d’enregistrement et les hautes commissions d’enregistrement, le Conseil d’ÉtatLe Conseil d’ÉtatCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
MadagascarLe Conseil d’ÉtatUne Commission administrative spéciale, le tribunal de première instanceLa Haute Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Haute Cour constitutionnelle
MaliPas de recoursLe tribunal civilLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
MarocPas de recoursLe tribunal de première instanceLes juridictions administratives, le Conseil constitutionnel en appelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
MauriceLa Cour suprêmeLa Commission électorale [27], Le juge des référés (Cour suprême)La Cour suprême (après le scrutin)Compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême [28]
MauritaniePas de recours [29]La Chambre administrative de la Cour suprêmeLe Conseil constitutionnelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
MoldavieLes organes électoraux supérieurs, les juridictions ordinaires [30]Les organes électoraux supérieurs, les juridictions ordinaires [31]La Cour suprême de justiceLa Cour constitutionnelle décide, sur proposition de la Commission électorale, de la validation ou non du mandat de député. Les contestations sont portées devant les commissions électorales, appel possible devant les juridictions ordinaires. La Cour suprême de justice est compétente pour les décisions de la Commission électorale centrale
MonacoLe tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de révisionLe tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de révisionLe tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de révision
NigerPas de recoursLa commission administrative, le juge délégué, la Cour constitutionnelleLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle
RoumanieLa Cour suprême de justiceLes tribunaux ordinairesLes tribunaux ordinairesLe Bureau électoral central
RwandaLa Cour suprêmeLa Commission nationale électorale et la Cour suprêmeLa Cour suprêmeCompétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême
SénégalPas de recoursLe tribunal départemental, le Conseil d’État en appelLe Conseil constitutionnelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
SlovénieL’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelleLa Cour suprême (Chambre du contentieux administratif)La commission électorale hiérarchiquement supérieure, une cour compétente en matière de contentieux administratifLa Commission électorale, appel devant l’Assemblée nationale, appel devant la Cour constitutionnelle
SuisseLe Gouvernement cantonal et le Tribunal fédéralLe Gouvernement cantonal, le Conseil national (chambre basse)Le Gouvernement cantonal, le Conseil national (chambre basse) Le Tribunal fédéral dans le cadre du recours de droit administratif
TchadLe Conseil constitutionnelLe tribunal de première instanceLe Conseil constitutionnelCompétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel
République tchèquePas de recours [32]Les autorités municipales, le tribunal régionalLa Commission électorale régionale, la Commission électorale d’État, la Cour suprêmeCompétence de la Cour constitutionnelle en appel des décisions de la Cour suprême et de la Chambre des députés
TogoPas de recoursLe tribunal de première instanceLa Cour constitutionnelleCompétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Références Bibliographiques

Pascal Perrineau et Dominique Reynié (dir.), Dictionnaire du vote, Paris, P.U.F., 2001, 997 p. Francis Delpérée, Le contentieux électoral, Paris, P.U.F., collection Que sais-je ?, 1998, 128 p.

Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone (Bamako, 1er-3 novembre 2000), Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, 948 p.

Première partie : les réunions préparatoires

Chapitre III : 3e réunion préparatoire, les élections, Paris (AIF), 25-27 avril 2000, p. 145-317.

Rapport général introductif et bibliographie sélective, par Jean-Pierre Kingsley et Manon Tremblay ;

Les étapes techniques du scrutin, par M. Saïdou Agbantou ;

Les modes de scrutin en Afrique francophone, par Ata Messan Ajavon ;

Quel mode de gestion des élections pour l’avenir ? par Sadikou Ayo Alao

Les élections au Québec, par Francine Barry ;

Les élections en République centrafricaine, par Charles Armel Doubane ;

Les structures de gestion des opérations électorales, par Jean du Bois de Gaudusson ;

Déclaration sur le 2e tour de l’élection présidentielle du 19 mars 2000 au Sénégal, par Alioune Tine ;

La Commission de supervision de l’organisation du référendum constitutionnel (COSUR) en Côte d’Ivoire, par Honoré K. Guie ;

Note de présentation sur les élections en République islamique de Mauritanie, par Saleck Ould Abdel Jelil ;

Administration électorale : le modèle canadien, par Alain Pelletier et Marc Chénier ;

Le financement des campagnes électorales et des partis politiques dans les États africains francophones, par El Hadj Mbodj ;

La régulation médiatique des élections, l’exemple du Haut Conseil de l’audiovisuel du Sénégal, par El Hadj Mbodj ;

Le système électoral en Albanie, par Luan Omari ;

Le rôle de la Cour constitutionnelle dans les élections au Bénin, par Conceptia Denis Ouinsou ;

Rôle de la société civile à l’occasion des élections, aussi bien en ce qui concerne l’éducation et la sensibilisation des différentes parties, que dans l’observation des élections, le cas de Madagascar, par Madeleine Ramaholimihaso ;

Les élections au Mali en 1997, par Mohamed Traoré ;

Les structures de gestion des opérations électorales. Les étapes techniques du scrutin. Le cas du Niger, par Issaka Souna ;

Les structures de gestion des opérations électorales : le cas de la CENI au Mali, par Kassoum Tapo ;

L’élection présidentielle de 2000 au Sénégal, par Christian Valantin ;

Réflexion sur l’observation internationale des élections, par Karel Vasak ;

Rapport général de synthèse des travaux, par Mohamed El Hacen Ould Lebatt.

Aspects du contentieux électoral en Afrique, Actes du séminaire de Cotonou, 11-12 novembre 1998, organisé par l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie et la Cour suprême du Bénin, Paris, 2000, 409 p.

Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, 2002

Études et doctrines : la sincérité du scrutin, études réunies et présentées par Richard Ghevontian, p. 61-103.

Avant-propos, Richard Ghevontian ;

La notion de sincérité du scrutin, Richard Ghevontian ;

Les systèmes électoraux dans les Constitutions des pays de l’Union européenne, Jean-Claude Colliard ;

Le contentieux électoral en Europe, Francis Delpérée ;

Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la Démocratie, Michel Rosenfeld ;

dministration et application du processus électoral : le modèle canadien, Jean-Pierre Kingsley ;

Les élections à l’épreuve de l’Afrique, Jean du Bois de Gaudusson.

La Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe (Commission de Venise), sélection :

CDL-AD(2004)012 Rapport sur la compatibilité du vote à distance et du vote électronique avec les standards du Conseil de l’Europe adopté par la Commission de Venise lors de sa 58e session plénière (Venise, 12-13 mars 2004) (Ch. Grabenwarter) ;

CDL-AD(2004)003 Rapport sur les systèmes électoraux – Tableau de l’offre et critères de choix adopté par la Commission de Venise lors de sa 57e session plénière (Venise, 12-13 décembre 2003) ;

CDL-AD(2003)010 Guide pour l’évaluation des élections adopté par le Conseil des élec tions démocratiques lors de sa 5e réunion (Venise, 12 juin 2003) et par la Commission de Venise lors de sa 55e session plénière (Venise, 13-14 juin 2003) ;

CDL-EL(2003)001 Questionnaire pour l’observation des élections ;

CDL-EL(2003)001rev Guide pour l’évalutation des élections (C. Casagrande) ;

CDL-AD(2002)023 Code de bonne conduite en matière électorale : Lignes directrices et rapport explicatif – adoptés par la Commission de Venise lors de ses 51e et 52e sessions (Venise, 5-6 juillet et 18-19 octobre 2002) ;

CDL(2001)010 Lignes directrices sur le référendum constitutionnel : Document préparé par le Secrétariat en coopération avec les rapporteurs (G. Batliner & G. Malinverni) ;

CDL-INF(2000)004 Droit électoral et minorités nationales.

Base de données électorales de la Commission de Venise « VOTA » : www.venice.coe.int/vota/fr/

Publication électronique ACE (projet Administration et coût des élections) : www.aceproject.org

Maquette et mise en pages par DV Arts Graphiques à Chartres

Achevé d’imprimer en mai 2005 par Sagim-Canale à Courtry

Imprimé en France

N° d’impression : 8365

Tome 2 : contributions nationales

I. Propos introductifs

Le second tome du bulletin n° 5 rassemble les contributions des Cours constitutionnelles membres de l’ACCPUF produites à l’occasion du 3e séminaire des correspondants nationaux de l’Association, qui s’est tenu à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie du 17 au 19 novembre 2003. Conformément à la méthode proposée dans l’introduction, les interventions ont été classées en fonction des thèmes retenus.

II. L’organisation et le fonctionnement des services des Cours constitutionnelles en période électorale

A. L’organisation et le fonctionnement des services

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin

Mme Marcelline GBEéHA-AFOUDA Secrétaire générale de la Cour constitutionnelle du Bénin

La Cour constitutionnelle, institution de contre-pouvoir née au lendemain de la Conférence nationale, a été désignée comme seul juge de la régularité et de la validité des opérations électorales, et comptable de la proclamation des résultats définitifs des élections législatives et présidentielles au Bénin. Elle tient toutes ses attributions des dispositions constitutionnelles, notamment des articles 49, 81 alinéa 2, 82 alinéas 2 et 117 de la Constitution, 42 alinéas 2, 52 et 54 de la loi n° 91-009 du 4 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001.

La préparation intellectuelle et matérielle de ces consultations électorales induit toujours au sein de la Haute Juridiction une période d’activités très intenses, avant, pendant et après les élections.

Toutes les activités, ci-dessous énumérées, sont exécutées par l’ensemble des conseillers en collaboration avec tous les services du Secrétariat général de la Cour.

I. Avant les élections

La Cour organise plusieurs journées de réflexion en son propre sein en vue d’élaborer les stratégies pour une bonne gestion de l’élection. Elle prépare à cet effet un document de travail, un tableau de bord qui déterminera toutes les activités essentielles à exécuter, le chronogramme ainsi que les responsables chargés de leur mise en œuvre. Divers comités techniques sont mis sur pied et travaillent sous la supervision du secrétaire général et des conseillers.

La démarche suivie est quasiment la même à chaque élection. Dans un premier temps, la Cour élabore son budget ; ensuite, elle fait le point des activités à mener pour une meilleure connaissance de l’institution et une bonne gestion des opérations électorales.

1. L’élaboration du budget

L’élaboration du budget est particulièrement l’œuvre d’un Comité composé de quelques conseillers et essentiellement des collaborateurs du Service administratif et financier de la Cour. L’objectif poursuivi ici est d’évaluer tous les besoins financiers de l’institution au cours de la période et d’en obtenir le financement.

Le budget prévoit :

  1.  
    1.  
  2. Le transport et le déplacement des conseillers et de leurs collaborateurs
    • Véhicules, carburant, transport aérien éventuellement
  3.  
    1.  
  4. Les fournitures de bureau
  5.  
    1.  
  6. Les services divers
    • Traitement informatique des résultats
    • Micro-ordinateurs
    • Groupe électrogène
    • Confection des signes distinctifs
    • Téléphones portables
  7.  
    1.  
  8. Les indemnités
    • Des membres de la Cour
    • Du personnel administratif
    • Des agents de sécurité
    • Des rapporteurs adjoints (le cas échéant)
  9.  
    1.  
  10. La restauration et les réceptions diverses
  11.  
    1.  
  12. Les frais de mission à l’intérieur

2. Les activités pour une meilleure connaissance de l’institution

Il s’agit :

  • d’aider les citoyens à mieux la connaître ;
  • d’améliorer leur participation à l’élection envisagée ;
  • de renforcer les capacités de l’institution à exercer ses compétences ainsi que celles des acteurs intervenant dans le processus électoral.

Diverses activités sont donc initiées à ces fins (journées de réflexion, séances de formation, confection de divers documents, etc.)

a. La confection de plaquettes et de dépliants

L’objectif est de faire connaître l’institution et faire comprendre à la population les comportements à adopter et ceux à éviter en période électorale. Il s’agit de vulgariser à travers des opuscules, les attributions de la Cour d’une façon générale, et en particulier le rôle qui lui est dévolu au cours d’une élection tel qu’énoncé par la Constitution, la loi organique et le règlement intérieur.

Les documents sont conçus sous diverses formes présentant de façon succincte les attributions et le fonctionnement de la Haute Juridiction.

  1.  
    1.  
  1. Une plaquette intitulée « La Cour constitutionnelle de la République du Bénin au service du citoyen » ;
  2. Un dépliant à l’usage du grand public sous le titre « Citoyen, connais-tu la Cour constitutionnelle ? » ;
  3.  
    1.  
      1.  
  4. Un condensé des textes de loi conçu sous la forme de directives à respecter pour éviter les pièges en matière électorale. Il est présenté sous forme de questions-réponses : « que faire ? » et « que ne pas faire ? » pour vulgariser le contenu de la loi électorale et faciliter aux électeurs la compréhension des articles du code électoral qui les concernent au cours du processus électoral.

b. La confection d’un mémento
Elaboré pour l’usage exclusif des conseillers, le mémento reprend, cas par cas, les irrégularités susceptibles d’être relevées ainsi que les sanctions à appliquer lors du dépouillement.
Tous les documents ci-dessus cités sont conçus et réalisés par le Service juridique, de la documentation et des publications de la Cour, sous la supervision et le contrôle de Madame le secrétaire général.

c. Le recrutement des observateurs

Aux termes des dispositions des articles 49, 117 alinéa 3 de la Constitution, 42 alinéa 2 de la loi organique, il revient à la Cour constitutionnelle de veiller à la régularité de l’élection du président de la République, d’examiner les réclamations, de statuer sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même relever et de proclamer les résultats du scrutin. De fait, pour relever par elle-même ces irrégularités, la Cour a l’obligation de sillonner l’ensemble du territoire national, jusqu’au niveau des bureaux de vote. Ne comprenant que sept (7) membres, il est matériellement impossible de le faire. Aussi, procède-t-elle au recrutement d’observateurs pour l’aider dans ces tâches. Ils sont au niveau des départements, les coordonnateurs départementaux, et au niveau des communes, les délégués communaux.

Leur mission est de suivre pour le compte de la Cour constitutionnelle le déroulement des opérations de vote sur l’ensemble du territoire national.

Leur recrutement et leur nombre sont fonction de la superficie des départements et communes et du nombre des bureaux de vote.

Les critères de sélection sont préalablement déterminés, de même que le nombre de jours de travail, et les indemnités à leur allouer.

En général, la Cour retient les critères suivants :

  • être un cadre de niveau A ou titulaire au moins de la maîtrise ;
  • savoir lire et écrire correctement le français ;
  • disposer d’un moyen de déplacement ;
  • ne pas avoir une appartenance affichée à un parti politique ;
  • résider depuis au moins deux (2) ans dans le milieu où se déroulent les opérations ;
  • ne pas accepter, une fois sélectionné, de jouer un rôle dans les démembrements de la Commission électorale nationale autonome (CENA).

Toutes les demandes au poste d’observateur sont recensées et étudiées par un Comité qui procède à la présélection sur la base des critères prédéfinis et cités plus haut. Cette liste est ensuite soumise à l’Assemblée plénière des conseillers à la Cour qui, après un examen minutieux, arrête la liste définitive.
Les observateurs permettent à la Cour d’avoir un suivi du déroulement des opérations électorales sur le territoire national. Leur présence a été dissuasive, en ce sens qu’elle a freiné ou empêché les tentatives de fraude.

d. La formation à l’endroit des citoyens

Il s’agit des formations faites à l’intention de diverses cibles spécifiques, grâce à l’appui des partenaires au développement. Les groupes ciblés sont les requérants potentiels, à savoir les citoyens et les représentants des partis politiques, les femmes organisées en associations ou en coopératives, les observateurs délégués par la Cour constitutionnelle, les membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA).

La formation des requérants

Elle porte sur des points essentiels tels que le rôle de la Cour constitutionnelle dans les contentieux liés aux élections, la définition du contentieux électoral et du requérant, le contentieux relatif aux différentes étapes du processus électoral et le contentieux des résultats.

L’objectif de la formation faite à l’intention de cette cible composée de représentants des partis politiques, des candidats aux élections ou de leurs représentants, des hommes des médias et des organisations non gouvernementales (ONG) est de leur expliquer, entre autre, les motifs fondamentaux de rejet ou d’irrecevabilité des requêtes adressées à la Haute Juridiction, quant à la forme de la requête, la qualité du requérant, les délais de saisine et les modes de preuve et de les amener à comprendre les méthodes de travail de la Cour afin de lever toute suspicion sur le traitement des documents électoraux.

Des exposés sont faits ainsi que des dépliants et plaquettes élaborés pour servir de supports didactiques à cette formation. Ce sont les documents intitulés : « Élections législatives de mars 2003 : Guide du requérant » et « Élections législatives de mars 2003 : Mémento pratique ».

Les médias et les ONG sont associés à ces formations afin d’avoir une meilleure compréhension des textes et de pouvoir relayer les actions de la Haute Juridiction sur le terrain par une restitution efficace.

La formation des femmes

La formation initiée à l’endroit des femmes vise d’une part à insister sur leur rôle dans le processus électoral et d’autre part, à les sensibiliser, quelle que soit la catégorie sociale à laquelle elles appartiennent, en milieu urbain ou rural, à une meilleure appropriation des règles régissant le contentieux électoral.

La Cour veut, par le biais de cette formation, amener les femmes à participer plus activement au processus électoral, à prendre conscience de leur rôle dans le processus électoral. La Cour leur explique donc les contraintes qui freinent la libre expression de leur vote, les incite à une plus grande implication dans le processus électoral et principalement essaie de les convaincre de l’intérêt de leur présence massive aux urnes le jour du scrutin.

La plaquette « Élections législatives de mars 2003 : Que faire ? que ne pas faire ? » et le dépliant « Mémento pratique » ont servi de supports didactiques à cette formation.

La formation des observateurs

Les coordonnateurs départementaux et les délégués communaux sont formés à l’observation des élections. Des plaquettes ainsi que des fiches d’observation sont conçues pour servir de support au travail. La plaquette est intitulée : « Le Guide de l’observateur ».

En marge de toutes les formations sus-énoncées, la Cour organise, en collaboration avec les structures de l’Office de radiodiffusion et de télévision nationale et avec l’appui des partenaires au développement, des séances d’information et de formation à l’intention des citoyens. Les lois électorales sont reprises et commentées de façon à permettre aux citoyens de s’imprégner de toutes les mesures à prendre pour un vote utile le jour du scrutin.

e. La formation des membres de la Commission électorale nationale autonome

Aux termes de la loi électorale du Bénin, les élections sont gérées par un organe administratif dénommé Commission électorale nationale autonome (CENA). La CENA est représentée dans chaque département par une Commission électorale départementale (CED) et dans chaque commune par une Commission électorale locale (CEL).

La CENA est chargée de la préparation, de l’organisation, du déroulement, de la supervision des opérations de vote et de la centralisation des résultats. À ce titre, elle assure le recrutement et la formation des agents de recensement et des membres des bureaux de vote. La Cour constitutionnelle et la CENA sont donc les deux institutions fortement impliquées dans le processus électoral.

Pour rendre moins épineux le règlement du contentieux à toutes les étapes du processus, la Cour organise avant chaque échéance électorale une séance de travail avec les membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA) en vue d’une harmonisation des points de vue. Les membres de la CENA tiennent alors compte des remarques et recommandations faites au cours de cette séance pour les formations à donner aux agents électoraux.

D’une façon générale, les formations organisées à l’endroit des différentes cibles à l’occasion de chaque consultation électorale implique la participation de tous les conseillers et de tous leurs collaborateurs.

3. Choix de la société chargée du traitement informatique des résultats

Au nombre des activités électorales figure aussi le choix de la société qui sera chargée du traitement informatique des résultats.

À cet effet, la Cour lance un appel d’offres pour retenir une société. Les termes de référence sont préalablement définis et la société prestataire doit faire ressortir à l’issue du dépouillement, les résultats au niveau :

  1.  
    1.  
  1. du bureau de vote ;
  2. du village ou du quartier de ville ;
  3. de la commune ;
  4. de la circonscription électorale ;
  5. du département ;
  6. du territoire national.

Elle doit également préciser :

  1.  
    1.  
  1. le nombre d’inscrits ;
  2. le nombre de votants ;
  3. le nombre de bulletins nuls ;
  4. le nombre de bulletins valables ;
  5. le nombre de voix obtenues par chaque candidat ou parti politique ;
  6. le pourcentage obtenu par chaque candidat par bureau de vote, village ou quartier de ville, commune, département et sur le plan national ;
  7. le nombre de bulletins annulés par la Cour dans chaque bureau de vote ;
  8. le nombre de bulletins validés par la Cour dans chaque bureau de vote.

Tous les dossiers d’appel d’offres qui sont déposés au niveau du Secrétariat général de la Cour sont examinés en Assemblée plénière par les conseillers. C’est donc sur la base des termes de références contenues dans le cahier des charges qu’une société est retenue.

II. Pendant les élections

Trois séries d’activités marquent cette phase. Ce sont :

  1.  
    1.  
  1. l’observation ;
  2. le dépouillement et l’analyse des documents électoraux ;
  3. le traitement informatique. 

1. Les missions d’observation

Elles se font lors de l’inscription sur les listes électorales, lors de la campagne électorale et le jour du scrutin.

Les membres de la Cour, assistés de leurs collaborateurs et des observateurs vérifient, à toutes ces étapes, si les prescriptions des lois électorales sont respectées, et relèvent les irrégularités qu’ils constatent sur les fiches d’observation mises à leur disposition.

La mission d’observation révèle toute son importance, en ce sens que c’est sur la base des mentions relevées et consignées sur les fiches d’observation que la Haute Juridiction apprécie, lors du règlement contentieux, les sanctions à appliquer.

En effet, grâce aux observations sur le terrain, la Cour peut sanctionner, sans risque de se tromper, toutes les entorses à la loi électorale telles que :

  1.  
    1.  
  1. l’inscription des mineurs ;
  2. les inscriptions multiples ;
  3. la fermeture prématurée des postes d’inscription ;
  4. la distribution de vivres ou de billets de banque lors de la campagne électorale ;
  5. la destruction d’affiches ;
  6. la composition incomplète ou irrégulière des bureaux de vote ;
  7. le défaut d’isoloirs ;
  8. l’utilisation d’isoloirs de fortune n’assurant pas le secret du vote, etc. 

2. Le dépouillement et l’analyse des documents électoraux

La loi électorale fait obligation à la CENA de transmettre sous plis scellés à la Cour constitutionnelle tous les documents électoraux (feuilles de dépouillement, procès-verbaux de déroulement du scrutin, bulletins annulés, cahiers de vote par dérogation et/ou par procuration, réclamations rédigées par les électeurs, observations des délégués des candidats ou des partis politiques, etc.) provenant des bureaux de vote.

Aux termes des dispositions du décret n° 96-34 du 5 février 1996, « le Secrétariat général de la Cour constitutionnelle fait office de Greffe de la Cour constitutionnelle ».

À ce titre, les documents électoraux sont reçus sous plis scellés par le Secrétariat général qui les enregistre, procède à la vérification de leur nombre et de leur état physique. Les plis sont ensuite ouverts dans une salle destinée à cet effet, par tout le personnel administratif, sous la supervision du secrétaire général. Ils sont ensuite transmis aux conseillers pour examen et règlement.

La méthode de travail étant l’examen minutieux, un par un, des différents documents électoraux provenant des bureaux de vote, la Cour se réfère au mémento qu’elle a élaboré lors des premières journées de réflexion pour régler les violations à la loi électorale.
La sanction à appliquer à chaque cas d’irrégularité étant déjà déterminée et connue de tous les conseillers, l’examen se trouve facilité.

Ainsi, en sa qualité de juge souverain de la validité et garante de la régularité des élections, la Cour procède à des redressements, opère des rectifications matérielles et des annulations de vote jugées nécessaires au niveau de certains bureaux de vote. Après quoi, lesdits documents sont renvoyés pour le traitement informatique.

3. Le traitement informatique

Après le dépouillement des offres, la société retenue procède à l’installation de son matériel dans une salle apprêtée à cet effet dans l’enceinte de la Cour. Ainsi, au fur et à mesure que les documents électoraux sont examinés par les conseillers à la Cour, ils sont convoyés vers ladite salle pour enregistrement et compilation des données.

Après centralisation des résultats et analyse des données informatiques, la Cour procède à la proclamation des résultats.

4. La sécurité de la Cour en période électorale

En temps normal, la Cour constitutionnelle dispose d’un service de sécurité représenté par un groupe de gendarmes qui assure la sécurité de son personnel, de ses bâtiments et de son matériel. En période électorale, l’institution sollicite la mise à disposition d’un second peloton pour renforcer son système de sécurité. Le contrôle à l’entrée de la Cour est plus rigoureux.

III. Après les élections

1. Le règlement du contentieux électoral

Il ne s’agit pas ici en réalité d’une activité post-électorale, puisque les contestations relatives aux diverses élections parviennent à la Haute Juridiction déjà à partir de la phase d’inscription sur les listes électorales. De même, les listes de candidature, la campagne électorale, le déroulement du scrutin et la proclamation des résultats font également l’objet des recours dont la Cour est saisie.

Ainsi, en application des dispositions du décret n° 96-34 du 5 février 1996, tous les recours sont enregistrés de façon chronologique. Ils sont transmis par le secrétaire général au président qui désigne le conseiller rapporteur auquel chaque dossier est transmis. Ensuite, chaque recours est affecté d’un second numéro, suivi de la syllabe « EL » pour les élections législatives et « ELP » pour l’élection présidentielle. Cette numérotation permet d’évaluer à tout moment le nombre de recours dont la Haute Juridiction est saisie.

À la phase de règlement du contentieux, la Haute Juridiction apprécie la validité de ces recours sur le fondement des dispositions légales relatives au délai de saisine, à la qualité du requérant, à la forme ou à l’objet de la requête, à la nature de l’acte attaqué, etc. C’est donc à l’audience que le secrétaire général attribue des numéros à chacune des décisions prises par l’Assemblée plénière des conseillers. Les décisions sont ensuite notifiées aux requérants et autres personnes désignées par le secrétaire général. Il n’existe donc pas pour le moment un Service du greffe séparé.

2. Le séminaire de restitution

À la fin des opérations électorales, la Cour organise un séminaire de restitution au cours duquel elle fait le point de toutes les actions menées et relève les insuffisances constatées dans le déroulement des opérations et dans la mise en application des lois électorales. C’est une occasion pour la Haute Juridiction de faire des recommandations pertinentes au législateur et au Gouvernement.

L’expérience du Conseil constitutionnel français : présentation du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel

M. Stéphane COTTIN, Chef du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

I. Historique

Le Service est né de la fusion en 2000 du Service de l’informatique et du Service du greffe, chargé des élections. Ce dernier Service a été créé en 1993, sous l’impulsion du secrétaire général Olivier Schrameck, à l’occasion des élections législatives de mars 1993, premières élections parlementaires à avoir lieu sous le régime des lois sur le financement de la vie politique de 1988-1990. Le Conseil constitutionnel traite en effet du contentieux des élections présidentielles, législatives, sénatoriales et des votations référendaires nationales. Avant la création du Service, et comme les textes régissant le Conseil le prévoient, le Secrétariat général se chargeait du traitement matériel du contentieux (enregistrement, diffusion des pièces, préparation des séances de section et des séances plénières, notification). De fait, le Service juridique s’occupait de la plupart des tâches matérielles, relativement limitées, puisque le nombre de contentieux annuel n’avait jamais dépassé la centaine avant 1993.

Mais 1993 s’annonçait plus difficile avec la gestion du contentieux financier : ce sont effectivement plus de 800 décisions que Mme Evelyne Willame a dû traiter. Les tâches matérielles n’ont pas décru ensuite avec l’élection présidentielle de 1995, la dissolution et les élections législatives de 1997, et, moins lourds, mais tout aussi délicats, les traitements des différentes sénatoriales, du référendum de 2000 et des très nombreux contentieux issus d’élections partielles.

II. Statut

Le Service du greffe est directement rattaché au Secrétariat général. Comme les textes ne le prévoient pas expressément, il assume de fait des tâches dévolues au secrétaire général, sous son contrôle.
Le Service est composé d’un cadre permanent, chef de service, et d’un secrétariat non permanent d’une ou deux personnes, qui peut se former en tant que de besoin, notamment lors des périodes de contentieux. Depuis 2001, le service accueille un cadre du bureau des élections du ministère de l’Intérieur, qui assure en outre, par des notes et des études, la veille législative et réglementaire en matière électorale à destination du Service juridique et du secrétaire général.

III. Rôle

Le Service du greffe est chargé d’enregistrer pour le compte du secrétaire général les requêtes (émanant des particuliers, candidats ou électeurs) et les saisines (émanant des institutions, essentiellement de la Commission nationale de contrôle du financement de la vie politique) en matière électorale. Le service est ensuite chargé de constituer les dossiers, d’en assurer la reproduction, la notification aux parties, la diffusion au service juridique et au rapporteur adjoint affecté et de recueillir les observations du ministère de l’Intérieur (ou de l’Outre-mer).

Durant le contentieux, le Service du greffe est l’interlocuteur de toutes les parties, et enregistre tous les échanges de pièces et de mémoires, puis en assure la diffusion. Il assiste aux séances de section d’instruction, peut aider à la rédaction des visas de la décision finale. Au sortir de la séance plénière, il est chargé de faire signer au secrétaire général l’ampliation destinée aux parties et d’en assurer immédiatement la notification et la publication au Journal officiel. Il se charge de recueillir les documents administratifs expressément sollicités par le Conseil auprès des préfectures, notamment les procès-verbaux des bureaux de vote, les listes d’émargement, les documents liés à l’établissement des procurations… Ces documents sont souvent très volumineux. Le Service se charge d’en assurer la consultation par les parties ou, si c’est matériellement possible, leur communication. Il restitue à leurs destinataires les documents non archivés par le Conseil constitutionnel (procèsverbaux des bureaux de vote, compte de campagne des candidats).

Dans toutes ces tâches, le Service du greffe est assisté par un logiciel développé en interne. Les fonctionnalités de ce logiciel permettent l’enregistrement des pièces, la génération automatique des lettres, des enveloppes et documents postaux (LRAR) de notification ; il permet d’établir un tableau de bord de toutes les affaires en cours, des listes de pièces enregistrées, d’alerter les responsables des dépassements des délais. Dans une certaine mesure, il a aussi permis d’assister le Service juridique dans la génération automatique des décisions collectives pour le contrôle des visas et des dispositifs.

Pour le cas particulier de l’élection présidentielle, le Service du greffe est notamment chargé de l’organisation avec tous les autres services, du contrôle des cinq cents signatures, de l’enregistrement des procès-verbaux de décompte des voix, et de la gestion administrative du contentieux financier, en étant l’interlocuteur unique des mandataires financiers et des experts-comptables des candidats.

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Gabon

M. Paul MALEKOU Conseiller et M. Jules EYI-EDZANG Directeur de cabinet du président Cour constitutionnelle du Gabon

L’organisation des élections politiques au Gabon incombe à plusieurs entités de l’État conformément à la loi n° 07/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques modifiée par la loi n°10/98 du 10 juillet 1998 à savoir :

  1.  
    1.  
      1.  
        1.  
          1. L’administration (le ministère chargé de l’Intérieur) ;
          2. La Commission nationale électorale (CNE) ;
          3. La Cour constitutionnelle.

À l’examen de l’article 84 de la Constitution, 4e tiret, « la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielles, parlementaires, des collectivités locales et des opérations de référendum dont elle proclame les résultats ». L’intervention de la Cour dans le processus électoral se situe donc avant, pendant et après le scrutin.

Aussi, notre propos s’appuiera essentiellement sur les attributions de la Cour constitutionnelle conformément à la loi organique n° 9/91 au 26 septembre 1991 modifiée par la loi organique n° 003/2003 du 2 juin 2003 sur la Cour constitutionnelle.

En amont

  1.  
    1.  
      1. Élaboration du budget électoral affecté à l’institution par les membres de la Cour de concert avec les ministres chargés des Finances et du Budget et de la Planification.
      2. Par la nomination du président de la Commission nationale électorale (CNE).
      3. Par l’examen du contentieux préélectoral, notamment le contentieux relatif à la validation des candidatures et autres griefs.
      4. Notification à la Commission nationale électorale et au ministre chargé de l’Intérieur des décisions relatives à la validation des candidatures ayant fait l’objet du contentieux préélectoral.
      5. Selon la pratique constitutionnelle, il arrive au juge électoral gabonais de procéder au contrôle des conditions matérielles liées à l’organisation des élections et à celui du fichier électoral.

Pendant le scrutin

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    1.  
      1. Par la désignation et l’envoi des délégués dans les neuf (9) provinces qui composent la République gabonaise et dont la mission est d’observer le déroulement des opérations électorales.
      2. Dans la pratique, une permanence est ouverte au sein de la Cour constitutionnelle, laquelle à pour mission de recueillir toutes les difficultés rencontrées par les délégués de la Cour sur le terrain et d’en proposer les solutions.

Exemple : cas d’électeurs régulièrement inscrits et dont les noms n’apparaissent pas sur les listes électorales mais détenteurs de carte d’électeur ou vice versa. Quelle position adopte le juge électoral par rapport à une telle situation ? Selon la situation, la Cour peut demander aux délégués de faire voter les électeurs litigieux.

  1.  
    1.  
      1. À la fin de leur mission, ces délégués sont chargés de dresser un rapport relatif aux dysfonctionnements observés, rapport qui pourrait être, au moment de l’instruction, un élément déterminant pour éclairer l’opinion du juge constitutionnel.
      2. Contrôle du déroulement des opérations électorales dans l’ensemble des bureaux de vote par les délégués de la Cour.
      3. Réception et examen des rapports de mission de supervision et de contrôle des opérations électorales déposés au Greffe par les délégués de la Cour à l’issue du scrutin.

En aval

Il s’agit principalement du contentieux post-électoral. Ce contentieux peut amener le juge à prononcer une décision d’invalidation, de rejet de la requête, de reformulation ou encore une décision avant dire droit ; cette dernière conduit nécessairement à une enquête subsidiaire par le juge constitutionnel pour éclairer sa religion, lequel peut être assisté par des délégués.

  1.  
    1.  
      1. Réception des procès-verbaux (7 exemplaires) de centralisation des résultats et des opérations électorales en provenance de la Commission nationale électorale (CNE).
      2. Dépouillement, calcul des pourcentages, vérification et comparaison des données indiquées dans les procès-verbaux par rapport aux fiches des résultats électoraux.
      3. Audience publique de proclamation des résultats.
      4. Notification de la décision de proclamation à la Commission nationale électorale, au chef de l’État, au Gouvernement (Premier ministre) et au Parlement (président du Sénat et président de l’Assemblée nationale).
      5. Dépôt et enregistrement des recours au Greffe dans un délai de quinze (15) jours.
      6. Gestion du contentieux post-électoral dans un délai de deux (2) mois.

Quelle est la participation des différents services de la Cour constitutionnelle durant cette période ?

Répartition des tâches dans différents services :

  1.  
    1.  
  2. Le Greffe. Le Service du greffe de la Cour constitutionnelle de la République gabonaise est composé d’un greffier en chef, d’un greffier en chef adjoint et de six (6) greffiers.

En période électorale, un bureau spécial est ouvert pour recevoir tous les recours relatifs à l’élection concernée.

Un greffier est affecté à chaque membre. Il est chargé de tenir la plume pendant les séances d’audition des tiers par le conseiller. Il a pour mission de convoquer les parties en litige, de dresser des procès-verbaux d’audition, d’assister les membres de la Cour aussi bien en cabinet qu’à l’audience, d’authentifier les décisions de la Cour par son contreseing, de notifier lesdites décisions aux parties concernées, au chef de l’État, au Gouvernement (Premier ministre), au Parlement (président du Sénat et président de l’Assemblée nationale) et de les faire publier au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales.

Durant cette période, au conseiller rapporteur (membre de la Cour) est adjoint un magistrat des juridictions ordinaires nommé rapporteur adjoint pour la circonstance.

Le Service du greffe est pourvu d’un secrétariat équipé d’un ordinateur, d’un téléphone, de registres et de classeurs.

Les parties demanderesses déposent leurs recours au Greffe en onze (11) exemplaires dont neuf (9) pour les membres, un (1) pour la partie adverse et l’original (1) pour le greffier.

Ces recours sont reçus et enregistrés, par le greffier en chef ou par un greffier délégué, dans les délais impartis par la loi. La date d’enregistrement est déterminante car elle permet à la Cour de déclarer le recours recevable ou irrecevable.

À l’expiration du délai légal (15 et 20 jours) à compter de la date de proclamation des résultats par la Cour, ces recours sont mis en forme de dossiers par les greffiers (ouverture des chemises, classement des dossiers par province, par commune, par département, par parti politique et par siège) pour un meilleur regroupement et pour des raisons d’exploitation des données aux fins d’analyses statistiques.

Ces dossiers sont ensuite distribués aux membres de la Cour qui, chacun avec son greffier correspondant, se chargent de les instruire avant l’ouverture des audiences du contentieux.

L’instruction consiste pour les greffiers, et ce sous le contrôle du greffier en chef, de communiquer la copie du recours et des pièces y annexées à la partie adverse ou à son conseil, laquelle dispose d’un délai de dix (10) jours pour déposer son mémoire en défense au greffe.

Il revient au greffier en chef ou au greffier mandaté d’établir un calendrier des auditions, de recevoir les parties, de les entendre sur procès-verbal soit simultanément et/ou contradictoirement avec le conseiller rapporteur, de transmettre les écritures déposées par l’une ou l’autre partie à la partie adverse puis de ranger dans les dossiers les copies des mémoires en défense et des mémoires en réplique.

Au terme des auditions, le conseiller rapporteur rédige un rapport pour chaque affaire instruite. Ces rapports seront lus à l’audience. Les affaires sont enrôlées suivant l’ordre d’arrivée des rapports au greffe.

À l’audience, les débats sont publics et contradictoires, des notes en délibéré sont déposées séance tenante ou sous 48 heures.

Les affaires sont rarement renvoyées à une audience ultérieure.

Les délibérations sont faites à huis clos et les décisions sont rendues aux dates fixées lors des débats.

La notification des décisions est assurée par le greffier en chef ou par un greffier délégué.

Il y a lieu de préciser que les décisions d’annulation d’une élection dans une ou plusieurs localités données sont notifiées en priorité afin de permettre à la Commission nationale électorale (CNE) de fixer une nouvelle date du scrutin en vue d’organiser l’élection partielle.

  1.  
    1.  
      1.  
  2. Le Service de la documentation est chargé de mettre à la disposition des membres tous les textes législatifs et réglementaires spécifiques à chaque catégorie d’élection. Des copies sont mis à la disposition des utilisateurs, à savoir : les partis politiques, les candidats, les électeurs ou toute autre personne intéressée par la question électorale.

Il est aussi chargé de la gestion des documents d’archives relatifs aux opérations de vote (procèsverbaux, rapports et autres documents).

Il est chargé notamment de mettre à la disposition des avocats, les rapports et les procès-verbaux des bureaux de vote lors du contentieux, sur autorisation du président de la Cour constitutionnelle.

Les documents électoraux sont rangés dans des boîtes d’archives et classés par province, département ou commune, centre et bureau de vote.

  1.  
    1.  
  2. La cellule informatique. En plus de son personnel, des agents administratifs sont affectés au site informatique pour des opérations de saisie et de mise à jour de la base de données électorales (découpage électoral, candidatures) notamment :
    • des centres de vote ;
    • des partis politiques ;
    • des bureaux de vote ;
    • des candidats.

Cette cellule est aussi chargée, grâce à un progiciel spécifique développé par la Cour constitutionnelle, de la saisie des procès-verbaux de dépouillement du vote et du calcul automatisé des résultats.

Cette opération permet aux membres de la Cour d’instruire et de statuer sur les résultats puis de les comparer à ceux annoncés par le ministère de l’Intérieur et la Commission nationale électorale.

  1.  
    1.  
  2. Les forces de l’ordre (militaires) assurent de façon permanente la sécurité de l’institution.

Les efforts de communication lors du contrôle des élections

Lorsque les membres de la Cour constitutionnelle le jugent nécessaire, l’institution fait des déclarations ou des communications par le biais des médias (presse écrite, radio et télévision).

Ces interventions sont préparées en audience par les membres de la Cour et sont portées à la connaissance du public, selon leur importance, soit par Madame le président soit par le secrétaire général.

Schéma chronologique d’une affaire relevant du contentieux électoral

a. Première étape

GreffeCabinet du présidentCabinet
du conseiller rapporteur
Dépôt des requêtes et pièces y annexéesDésignation du conseillerrapporteur par ordonnance du présidentAudition des parties (demandeur et défendeur)
Enregistrement
et communication d’une copie de la requête et des pièces
à la partie adverse
Rédaction des procès-verbaux d’audition par le greffier
Réception et examen
des mémoires en défense
et des mémoires en réplique
Rédaction du rapport
par le conseiller rapporteur et son adjoint

b. Deuxième étape

GreffeSalle d’audienceSalle de délibération
Enrôlement de l’affaire à l’audience publiqueLecture du rapport par le conseiller rapporteurDélibération à huis clos
par les membres de la Cour.
Distribution du rôle
de l’audience publique aux membres de la Cour, aux avocats constitués
et affichage à la Cour
Plaidoirie de l’avocat du demandeur
Plaidoirie de l’avocat du défendeur
Réquisitions
du commissaire à la loi
Dépôt des notes en délibéré
Mise en délibéré pour décision
à être prononcée à une date fixée

c. Troisième étape

Cabinet
du conseiller rapporteur
Salle de réunionSalle d’audience
Rédaction de la décision de la CourPré lecture de la décision de la Cour par le conseiller rapporteur et corrections éventuellesLecture intégrale de la décision de la Cour par le président
Signature de la décision
par le greffier chargé de tenir la plume à l’audience

d. Quatrième étape

GreffeCabinet du PrésidentGreffe
Signature de la décision par le greffier ayant tenu la plume à l’audienceSignature de la décision par le présidentReproduction de la décision en plusieurs copies
Notification de la décision au demandeur
Notification de la décision au défendeur
Notification de la décision au Gouvernement (Premier ministre)
Notification de la décision au Parlement (président du Sénat, président
de l’Assemblée nationale)
Dépôt au Journal officiel et à un journal d’annonces légales pour publication.
Distribution de la copie
de la décision aux membres, au secrétaire général et au Service de la documentation et archives.
Classement de l’original
au rang des minutes du greffe
Reproduction de la décision en plusieurs copies

NB : Lire le tableau horizontalement par pavé.

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE Conseiller et M. Mamoudou KONE Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

I. Phase préparatoire des élections

  1.  
    1.  
  2. Secrétariat général

Il constitue le niveau de coordination de l’ensemble des activités administratives et juridictionnelles de l’institution.
Entre autres, le Secrétariat général veille :

  1.  
    1.  
      1.  
  1. à la réception, à l’enregistrement et à la distribution avec l’urgence requise, du courrier relatif à l’événement électoral ;
  2. à la saisie et à la transmission, avec la même diligence, des correspondances relatives aux élections ;
  3. à l’organisation des programmes de sélection, de formation et de déploiement des délégués de la Cour constitutionnelle chargés de l’observation sur place du scrutin ;
  4. à assurer l’organisation matérielle pour le bon déroulement des réunions de la Cour ;
  5. au suivi des relations avec les démembrements et organisations impliqués dans la mise en œuvre du processus électoral.
  6. Greffe

Maillon indispensable dans le fonctionnement juridictionnel de la Cour, le Greffe s’emploie à ce stade à ouvrir ou à mettre en état les différents registres et répertoires nécessaires à l’enregistrement des éventuelles requêtes, des documents électoraux, au traitement des décisions de la Cour ainsi qu’à la distribution interne et externe des actes.

  1.  
    1.  
  2. Gestion

Il s’agit du Service financier et comme tel, il assure l’élaboration et l’exécution du budget des élections approuvé au préalable par la Cour.
Entre autres, il assure l’organisation financière des missions de supervision des conseillers et des missions d’observation des délégués (paiement des avances et location des véhicules).

II. Le jour du scrutin

Une permanence est assurée par l’ensemble du Service administratif et du greffe en période électorale.

III. La phase post-électorale

Une permanence générale est mise en place pour les actions ci-après :

  1.  
    1.  
  1. Secrétariat général
    • Réception et transmission aux conseillers des rapports des délégués.
    • Réception et transmission au Greffe des requêtes.
    • Soutien au Greffe dans la gestion des procès-verbaux et documents annexes issus des bureaux de vote.
    • Soutien à la société chargée du traitement informatique des résultats.
    • Organisation des audiences de proclamation des résultats.
    • Transmission des copies des décisions à leurs destinataires (président de la République, président de l’Assemblée nationale, Premier ministre, secrétaire général du Gouvernement pour publication au Journal officiel).
    • ise en œuvre du plan de couverture de l’événement par l’ensemble des médias.
  2. Greffe
    • Réception et transmission aux conseillers des procès-verbaux et documents annexes issus des bureaux de vote.
    • Réception, enregistrement et ventilation des requêtes.
    • Traitement (saisie et ventilation) des projets de décision de la Cour.
    • Assistance de la Cour dans les plénières et dans les audiences.
    • Correction du projet de décision et mise à la disposition des usagers des expéditions.
    • Archivage des procès-verbaux, documents annexes et autres.
  3. Gestion
    • Paiement du reliquat des indemnités dues aux délégués sur la base de l’état de dépôt des rapports de mission.
    • Liquidation des factures relatives aux dépenses électorales.

IV. Sécurité de la Cour en période électorale

Elle est assurée par :

  1.  
    1.  
      1.  
  1. la protection du siège de l’institution par un renforcement conséquent de l’effectif classique des forces de l’ordre ;
  2. la protection des conseillers et du secrétaire général au moyen de gardes du corps.

L’expérience du Conseil constitutionnel du Maroc : l’organisation et le fonctionnement du Service du greffe en période électorale

Mme Amina HASSOUNI, Chef du Service de la documentation et de l’informatique du Conseil constitutionnel du Maroc

Le Service du greffe joue un rôle primordial dans la nomenclature juridictionnelle. C’est dans ce sens que ce service peut être présenté comme la colonne vertébrale de toute juridiction, car c’est en son sein que les dossiers se créent, se façonnent et se ferment.

Le Service du greffe du Conseil constitutionnel du Maroc est composé d’un greffier chef de service, d’une adjointe et de trois secrétaires. Le rôle du Service du greffe consiste à recevoir les saisines, à préparer les dossiers (saisine, pièces jointes, etc.) et à assister Messieurs les rapporteurs dans l’élaboration des projets de décisions (enquêtes, etc.).
Cette intervention sera articulée autour de trois axes : l’organisation du service du greffe avant, pendant et après le déroulement du scrutin.

1. Avant les élections législatives [1]. La tâche essentielle du Service est la préparation des imprimés suivants :

  1.  
    1.  
      1.  
        1. Le registre de la réception des procès-verbaux des commissions régionales et nationales ;
        2. Le quitus ou reçu qui est délivré par le Service du greffe aux personnes qui déposent les plis ;
        3. Les dossiers pour les prochaines saisines ;
        4. Le tableau de permanence du Service du greffe durant la période électorale.

Dans le grand registre figure les renseignements suivants :

  1.  
    1.  
  1. les communiqués du ministère de l’Intérieur où sont mentionnées les dates des élections et les permanences pour recevoir les procès-verbaux des commissions ;
  2. le procès-verbal des commissions régionales et nationales ;
  3. le procès-verbal des élections législatives et du référendum.
  4. Le jour du scrutin, lorsque les bureaux de vote sont fermés, une permanence est assurée de 18 h 30 jusqu’à la réception du dernier pli du dernier résultat de la dernière circonscription. Le Service du greffe s’organise en deux équipes de travail : la première est composée du chef de service et d’une secrétaire, la deuxième est composée de l’adjointe du chef de service et d’une secrétaire ; ces deux équipes reçoivent les plis. Les enveloppes doivent arriver scellées au Conseil constitutionnel.

Le greffier et son adjointe ouvrent les plis (dans chaque enveloppe figurent les résultats de la circonscription concernée) et remettent un quitus à la personne qui a amené le pli. Mais au préalable, ils inscrivent dans le grand registre l’heure de l’arrivée du pli, le nom de la province ou de la préfecture, le nom et la signature de la personne qui a déposé le procès-verbal.

Suite à l’opération de réception des plis, le Service du greffe s’organise pour recevoir les saisines, le délai du dépôt de la requête étant de 15 jours à partir de la date des résultats des élections (loi organique n° 29-93, article 29). La réception des requêtes se fait par le chef de service et son adjointe (2 équipes). Ils vérifient les pièces jointes remises personnellement par le requérant ou par son avocat. Le Service du greffe remet un reçu au requérant [2]. Après réception de toutes les saisines, le Service du greffe entame son travail relatif à la préparation des dossiers. Chaque requête équivaut à un dossier. Les dossiers sont internes ; seuls le président, le greffier en chef et le membre rapporteur peuvent les consulter.

  1.  
    1.  
      1. En fonction des demandes de Messieurs les rapporteurs, le Service du greffe s’adresse aux tribunaux de première instance de la région pour qu’ils leur transmettent les procès-verbaux des bureaux de vote, les procès-verbaux des bureaux centralisateurs, les bulletins nuls dont ils sont dépositaires. Il peut également exiger les listes d’émargement auprès des provinces et préfectures, ainsi que d’autres documents des autorités compétentes tels que les copies des jugements, les procès-verbaux de la police judiciaire transmis par le biais du parquet.

Le Service du greffe réceptionne au fur et à mesure les documents demandés, qui sont de l’ordre de 20 cartons par circonscription (200 kg le carton) sachant que le total des circonscriptions sur le territoire national est 91 circonscriptions.

L’étape du tri des cartons est la plus délicate car le Service du greffe ne peut à lui seul réaliser cette tâche. Il fait appel au personnel des autres services pour l’ouverture et le traitement des cartons et la compilation des documents suivants :

  1.  
    1.  
      1.  
        1. Les procès-verbaux de la circonscription ;
        2. Les procès-verbaux de la liste nationale ;
        3. Les bulletins nuls de la circonscription ;
        4. Les bulletins nuls de la liste nationale.

Cette opération ardue dure environ 3 mois, et nécessite l’aménagement d’un grand espace pour le classement.

Le problème majeur que rencontre le Service du greffe du Conseil constitutionnel du Maroc est la gestion des archives, essentiellement celle des bulletins nuls parce que nous conservons toujours les bulletins nuls des précédentes législatives, c’est-à-dire celles de novembre 1997 et des élections législatives partielles de 1995 et 1996.

L’inexistence de texte juridique ou d’arrêté ministériel prévoyant la destruction ou la conservation des bulletins nuls nous a amené à rechercher l’assise juridique du traitement des archives du Conseil constitutionnel, essentiellement celles du Service du greffe.

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad : le Service du greffe en période électorale

M. Samir Adam ANMOUR Conseiller et M. Joseph DARKEM Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Le contrôle juridictionnel de constitutionnalité de la loi ainsi que celui des élections présidentielles, législatives et des opérations référendaires ont été retenus au Tchad dès le début de l’indépendance nationale. Mais il a fallu attendre la Constitution du 31 mars 1996 pour voir la mise en place effective d’une juridiction constitutionnelle. Ainsi, après l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi n° 019/PR/98 du 2 novembre 1998 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, les membres de cette institution ont été installés lors d’une cérémonie solennelle le 28 avril 1999.

C’est dire que la juridiction constitutionnelle tchadienne ne dispose pas encore d’une expérience établie. Notre intervention se situera donc dans le cadre des deux élections que nous avons eues à gérer. Il s’agit de l’élection présidentielle de 2001 et des élections législatives de 2002.

À l’instar des autres juridictions, le Conseil constitutionnel tchadien connaît un surcroît d’activités en période électorale. Il faut d’abord noter au passage qu’il n’existe pas de Service du greffe à proprement parler. C’est le secrétaire général qui cumule ses fonctions administratives avec celles de greffier en chef. Par contre, au sein du Secrétariat général, il existe un Service juridique, un Service administratif et financier, un Service de presse et de communication et un Service des archives et de la documentation. Il faut rappeler également que notre institution étant encore très jeune, tous ces services fonctionnent avec un minimum de personnel, c’est-à-dire avec un seul agent. C’est pourquoi l’on comprendra aisément que tout le travail de greffe et celui administratif reposent essentiellement sur le secrétaire général.

Le Service du greffe est plus ou moins sollicité en fonction du type des élections. Il est davantage sollicité pendant les élections présidentielles que pendant les élections législatives.

C’est le Service du greffe qui reçoit les dossiers de candidature à l’élection présidentielle ainsi que les requêtes lors du contentieux.

1. La réception des dossiers de candidature

L’article 63 de notre Constitution dispose que « les candidatures à la présidence de la République sont déposées auprès du Conseil constitutionnel quarante (40) jours francs au moins et soixante
(60) jours francs au plus avant le premier tour du scrutin… ». C’est donc le greffier en chef qui reçoit ces dossiers de candidature. Il ouvre un registre dans lequel est mentionnée la date de dépôt du dossier et lui attribue un numéro d’ordre. Ceci est très important puisque c’est le même numéro d’ordre qui est conservé lorsque le Conseil arrête la liste des candidats. Il sera conservé également lors de la proclamation des résultats définitifs ainsi que pour l’affichage pour la propagande électorale des candidats. Le greffier en chef délivre un récépissé après le dépôt de chaque dossier.

Pour garantir le jeu démocratique, il a été décidé de permettre à tous les candidats de pouvoir se présenter. Dans ce but, le greffier en chef publie un communiqué par lequel il informe les candidats que le Conseil met en place une permanence destinée à les conseiller au besoin sur la constitution de leurs dossiers, ceci afin de leur éviter tout rejet. En pratique, les candidats n’ont pas toujours répondu à cette offre, préférant faire confiance à leur direction de campagne.

À la clôture de la date de dépôt des dossiers, le greffier en chef les communique au président du Conseil constitutionnel qui désigne un rapporteur et une commission ad hoc qui seront chargés d’examiner lesdits dossiers avant la plénière.

Conformément à l’article 137 du code électoral, le greffier en chef notifie, par lettre recommandée avec accusé de réception, toute candidature rejetée à l’intéressé.

En ce qui concerne les élections législatives, les candidatures sont reçues par la CENI, qui après examen, procède à leur validation ou leur rejet. Les candidats peuvent saisir le Conseil constitutionnel soit en contestation d’une candidature, soit en validation d’une candidature. Le Service du greffe reçoit les requêtes et les transmet au président comme précédemment décrit.

2. La réception des requêtes

Un autre aspect concerne la réception des requêtes dues au contentieux de l’élection ellemême. Là également, le Greffe enregistre ces requêtes et dresse un inventaire des moyens de preuves joints avant de les transmettre au président du Conseil constitutionnel.

Enfin la même procédure est appliquée pour la désignation d’un rapporteur et la mise en place d’une commission ad hoc.

Conclusion

De tout ce qui précède, on peut dire que pour ce qui est du Tchad, il n’y a ni restructuration, ni réorganisation du Service du greffe en période électorale. Mais il résulte que celui-ci occupe une place très importante tout le long du processus. Non seulement il centralise les candidatures pour les élections présidentielles et les requêtes pour les deux scrutins nationaux, mais il joue aussi le rôle d’interface entre les tiers et le Conseil constitutionnel.

B. Les aspects documentaires et techniques

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad

M. Samir Adam ANMOUR Conseiller et M. Joseph DARKEM Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Le processus électoral dans un pays donné est toujours régi par des textes. Outre les lois électorales, il y a les différents décrets de recensement, de convocation du corps électoral, de fixation du nombre des bureaux de vote, etc.

Comme toute institution jeune manquant d’expérience, le Conseil constitutionnel tchadien s’est constitué sur ses fonds propres un embryon de bibliothèque. Par la suite, le P.N.U.D. est intervenu pour financer l’achat d’autres ouvrages et armoires. En outre, l’adhésion à l’A.C.C.P.U.F. nous a permis d’avoir une documentation permettant de connaître l’organisation et le fonctionnement des Cours sœurs mais aussi à travers les bulletins et le CD-rom d’étudier leurs jurisprudences. Le Conseil constitutionnel tchadien s’est attelé à la publication d’une petite brochure pour faire connaître notre institution aux citoyens. Par ailleurs, pour éviter les différences d’interprétation des textes électoraux, le Conseil constitutionnel a adopté et fait publier un mémento des élections, qui recense les irrégularités susceptibles d’être soulevées et des indications sur les sanctions à appliquer. Cela permet non seulement la transparence dans le traitement des résultats mais aussi l’amélioration du travail des agents des bureaux de vote, en leur évitant de commettre les irrégularités susceptibles d’entraîner l’annulation des résultats d’un procès verbal.

À cette fin, le Conseil constitutionnel a pris le soin d’organiser plusieurs jours avant le scrutin, une réunion avec les partis politiques pour leur présenter et mettre à leur disposition le mémento des élections.

Enfin le Conseil a fait éditer pour son usage interne plusieurs fiches permettant de récapituler les résultats.

Pour ce qui est de l’outil informatique, l’expérience a démontré qu’il est indispensable pour assurer la célérité dans le traitement des résultats. Différents partenaires du Tchad sont intervenus pour doter notre institution en micro-ordinateurs.

Il s’agit des pays et organismes suivantes :

  • l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (A.I.F.) ;
  • l’Ambassade de France ;
  • l’Ambassade des États-Unis d’Amérique ;
  • l’A.C.C.P.U.F. ;
  • le P.N.U.D.

Nous saisissons d’ailleurs cette opportunité pour une fois de plus les remercier et leur exprimer notre reconnaissance. Une mention particulière est à adresser à l’A.I.F. qui a offert une dizaine de micro-ordinateurs, qui ont permis le traitement rapide des résultats des élections présidentielles et législatives passées.

  • [1]
    Le Maroc a opté pour le scrutin de liste, une liste locale par circonscription et une liste nationale.  
    [Retour au contenu]
  • [2]
    Lors des élections législatives de septembre 2002, le Conseil constitutionnel a enregistré à peu près 200 saisines.  
    [Retour au contenu]

III. Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

Au Mali, outre la Cour constitutionnelle, le ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, les autorités compétentes en matière électorale sont :

  • la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et ses démembrements ;
  • la Délégation générale aux élections (D.G.E.) ;
  • le Comité national de l’égal accès aux médias d’État.

Les compétences se répartissent ainsi qu’il suit :

  • Le ministère chargé de l’Administration territoriale assure :
  1. la préparation technique et matérielle de l’ensemble des opérations référendaires et électorales ;
  2. l’organisation des procédures et actes relatifs aux opérations référendaires et électorales ;
  3. la centralisation et la proclamation des résultats provisoires des référendums et des élections présidentielles et législatives ;
  4. l’acheminement des procès-verbaux des consultations référendaires, législatives et présidentielles à la Cour constitutionnelle.
  • La CENI est chargée du suivi et de la supervision des opérations électorales référendaires, présidentielles, législatives et communales.
  • La D.G.E est chargée de l’élaboration et de la gestion du fichier électoral, de la confection et de l’impression des cartes d’électeurs, du financement public des partis politiques.
  • Le Comité national de l’égal accès aux médias d’État veille à l’égal accès aux médias d’État des candidats, des partis politiques et des groupements de partis politiques en compétition.
  • Quant à la Cour constitutionnelle, elle contrôle la régularité de toutes les opérations relatives à l’élection du président de la République (cf article 86 de la Constitution) ; elle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielles, législatives et les opérations de référendum dont elle proclame les résultats.

Elle arrête et publie la liste des candidats (articles 136 et 148 du code électoral) et statue sur les contestations portant sur les candidatures (articles 137 et 148 du code électoral).

Elle procède au recensement général des votes, contrôle la régularité des scrutins et proclame les résultats définitifs (articles 142 et 150 du code électoral).

Il s’avère ainsi que les compétences de la Cour constitutionnelle s’étendent sur les missions de toutes les autres autorités ci-dessus citées chargées des élections.

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad

M. Samir Adam ANNOUR, Conseiller et M. Joseph DARKEM, Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Les relations entre le Conseil constitutionnel et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sont définies par le code électoral et la loi n° 15/PR/2000 du 18 novembre 2000 portant création de la CENI.

Le Conseil constitutionnel et la CENI sont deux organes complémentaires dans le dispositif électoral tchadien.

La CENI a pour mission générale l’organisation et le contrôle du déroulement des opérations référendaires, législatives et présidentielles. Elle proclame les résultats provisoires de ces scrutins. Il s’agit des résultats bruts, tels qu’ils sont sortis des urnes. La loi n° 15 précitée a prévu, en outre, dans son article 2, que la CENI est chargée entre autre « d’assister matériellement le Conseil constitutionnel dans l’accomplissement de sa mission en matière référendaire ». Mais en pratique, cette dernière disposition n’a jamais eu d’application, le Conseil ayant toujours bénéficié d’un budget spécial.

L’examen des textes nous a permis de noter une contradiction entre l’article 31 alinéa 1 de la loi n° 19/PR/98 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et l’article 77 alinéa 4 du code électoral. En effet, le 1er article dispose que le Conseil constitutionnel « peut désigner plusieurs délégués parmi les magistrats de l’ordre judiciaire pour suivre les opérations et lui transmettre les procès-verbaux sous scellés ». Le 2e article indique que c’est la sous-commission électorale (c’est-à-dire un démembrement de la CENI) qui transmet un rapport, des exemplaires des procès-verbaux et des exemplaires des fiches de résultats sous pli scellé au Conseil constitutionnel. Nous avons opté pour une application de l’article 31 alinéa 1 de la loi n° 19 précitée. Celle-ci s’est faite par étapes. En effet, lors des élections présidentielles de 2001, le Conseil n’a pu déployer ni ses membres ni des magistrats de l’ordre judiciaire sur le terrain. Il a été toutefois convenu avec la CENI de la mise en place d’une permanence au siège de celle-ci pour récupérer les enveloppes contenant les procès-verbaux destinés à la juridiction constitutionnelle. La CENI a pris le soin d’indiquer à ses sous-commissions que les procès-verbaux destinés au Conseil constitutionnel devaient être insérés dans une enveloppe scellée sur laquelle il serait mentionné « Conseil constitutionnel ». Ce fut un exemple de collaboration réussie entre les deux institutions.

L’application totale de l’article 31 précité a eu lieu lors des élections législatives de 2002. Le Conseil constitutionnel a pu déployer ses membres ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire pour suivre sur le terrain les opérations de vote et récupérer les procès-verbaux qui lui sont destinés.

S’agissant du contentieux des candidatures pour les élections législatives, le Conseil constitutionnel joue en quelque sorte le rôle d’une instance d’appel par rapport à la CENI. Celle-ci centralise toutes les candidatures et en publie la liste. Elle notifie les rejets aux intéressés. Ceux-ci disposent d’un droit de recours pour saisir le Conseil qui statuera.

Nous avons déjà vu que pour ce qui est des élections présidentielles, c’est le Conseil qui reçoit les candidatures et arrête la liste définitive des candidats par une décision. C’est cette décision qui permet à la CENI de lancer les commandes concernant l’impression des bulletins des candidats.

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Togo

M. Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI Juge

Cour constitutionnelle du Togo

Introduction

En son article 3, le code électoral togolais dispose : « La mise en œuvre des consultations référendaires et électorales est assurée par le ministère de l’Intérieur et une autorité administrative indépendante », en l’occurrence la Commission électorale nationale indépendante (CENI). A priori, la Cour constitutionnelle est donc exclue des « structures de gestion » des élections dont les compétences sont définies à l’article 4 du code électoral. Néanmoins, à l’article 5 apparaît la Cour constitutionnelle, en tant qu’arbitre, puisque sa mission consiste à régler « les conflits de compétence qui peuvent naître dans l’exécution des missions des deux structures chargées de gérer les différents scrutins ».

À la lecture de ces « dispositions communes », on peut penser que les compétences de la Cour constitutionnelle se limitent au règlement des conflits de compétence entre le ministère de l’Intérieur et la CENI. Il faut parcourir tout le code pour se rendre compte que la Cour participe activement à la mise en œuvre des consultations référendaires et électorales, tout comme, d’ailleurs, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).

S’agissant précisément de la Cour constitutionnelle, ses compétences s’étendent aux consultations référendaires, présidentielles, sénatoriales et législatives, à l’exclusion donc des élections locales. Néanmoins, le référendum n’entre pas dans notre réflexion, étant donné que, jusqu’ici, aucun texte ne précise les modalités de son organisation. La Constitution se borne quant elle à indiquer que la régularité de l’initiative populaire « sera appréciée par la Cour constitutionnelle » (art. 4, al. 3).

Pour l’accomplissement de sa mission, la Cour constitutionnelle entretient nécessairement des relations fonctionnelles avec les autres organes ou institutions qui interviennent sur la même matière. Mais, avant d’aller dans le vif du sujet, il convient d’apporter deux précisions.

D’abord, en dix ans, le code électoral, qui date de 8 juillet 1992 et sur lequel est fondé notre exposé, a été modifié six fois (avril 1993, septembre 1997, avril 2000, mars 2002, février et octobre 2003). Cette « instabilité juridique » a évidemment eu pour conséquence la variation des compétences de la Cour constitutionnelle et, partant, la fluctuation de ses relations avec les autres institutions électorales.

Ensuite, aux termes de l’article 154 initial de la Constitution du 14 octobre 1992, les compétences dévolues à la Cour constitutionnelle devaient être « exercées par la Cour suprême jusqu’à la mise en place de la Cour constitutionnelle ». Ainsi, pour les élections organisées avant l’installation de la Cour constitutionnelle en février 1997, toute référence à la Cour suprême (chambre constitutionnelle) dans notre exposé équivaut à une évocation de la Cour constitutionnelle.

Notre exposé aurait pu consister à examiner successivement les relations de la Cour constitutionnelle avec les autres organes et institutions électorales. Mais, une telle procédure nous aurait sans doute contraint à d’ennuyeuses redites. En vue d’un exposé fluide, il nous a donc paru préférable de suivre les étapes successives du processus électoral, de façon à retracer, à chaque niveau, les relations de la Cour avec l’ensemble de ses partenaires. Cette démarche a l’avantage supplémentaire de faire ressortir immédiatement la complémentarité et/ou l’interaction de toutes ces institutions. Nous aborderons ainsi, successivement, les cinq étapes suivantes :

  • l’enregistrement des candidatures ;
  • la campagne électorale ;
  • les opérations de vote ;
  • la proclamation des résultats ;
  • le contentieux électoral.

I. L’enregistrement des candidatures

Selon le code électoral initial, la déclaration de candidature à l’élection présidentielle « est déposée au Greffe de la Cour suprême, trente jours au moins avant le premier tour du scrutin… » (art. 124). Après avoir fait procéder à toutes les vérifications utiles pour s’assurer de la validité de la candidature, le président de la Cour « arrête et publie la liste des candidats vingt jours avant le premier tour du scrutin » (art. 127). Notification de la publication est adressée au président de la Commission électorale nationale (CEN) et au ministre de l’Intérieur à l’intention des préfets et chefs de missions diplomatiques et consulaires du Togo.

En ce qui concerne les législatives, le dépôt de candidatures a lieu, non pas à la Cour suprême, mais au ministère de l’Intérieur qui arrête la liste définitive des candidats (art. 179). Cependant, en cas de refus d’enregistrement d’une déclaration de candidature, le candidat peut se pourvoir devant la Cour suprême « qui statue sans recours dans un délai de huit jours » (art. 176). De même, toute contestation relative à cette liste doit être portée devant la Cour suprême qui statue également dans un délai de huit jours (art. 179).

Aussi bien pour les élections présidentielles que pour les législatives, ces dispositions de 1992 ont été maintenues lors des révisions de 1993 et de 1997. Il a fallu le Dialogue intertogolais de 1999 couronné par de l’Accord Cadre de Lomé et la mise sur pied d’un Comité paritaire de suivi (CPS) dudit Accord pour assister à un bouleversement total. En effet, soucieux de créer un cadre juridique et institutionnel susceptible de faciliter une organisation consensuelle d’élections, le CPS, composé de façon paritaire de représentants du pouvoir et de l’opposition, a soumis un nouveau code électoral « révolutionnaire » à l’Assemblée nationale, qui l’adopta en avril 2000. L’essentiel des prérogatives électorales est alors transféré à la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ainsi, l’une des principales attributions de la CENI, énumérée à l’article 9, est l’enregistrement, la validation et la publication des candidatures, aussi bien des présidentielles que des législatives.

S’agissant particulièrement des présidentielles, la déclaration de candidature est déposée à la CENI, et non plus à la Cour constitutionnelle, quarante-cinq jours au moins avant le premier tour (art. 162). Celle-ci procède à un examen du dossier et détermine les vérifications administratives nécessaires. S’il y a lieu, elle transmet ensuite le dossier au ministère de l’Intérieur qui dispose de cinq jours pour procéder à ces vérifications avant de lui renvoyer le dossier « pour validation » (art. 163). Vingt jours avant le premier tour, la CENI, et non plus la Cour constitutionnelle, publie la liste des candidats et la notifie au ministre de l’Intérieur. Cette liste est également notifiée directement par la CENI, et non plus par le biais du ministre de l’Intérieur, aux préfets et aux chefs de missions diplomatiques et consulaires du Togo (art.165). Il n’est même pas prévu une notification de cette liste à la Cour constitutionnelle. Et pourtant, en cas de contestations, c’est elle qu’il fallait saisir (art. 166).

Pour ce qui est des législatives, la déclaration de candidature est déposée et enregistrée, non plus au ministère de l’Intérieur, mais au siège de la CENI (art. 203). La procédure devant conduire à la validation des candidatures, à la publication et à la notification de la liste des candidats est la même que celle des présidentielles, conformément à l’article 204. C’est dire que la liste des candidats n’est pas notifiée à la Cour constitutionnelle. Et pourtant, ici aussi, c’est devant elle que les cas de refus d’enregistrement de candidature ou de contestation de la liste de candidats devaient être portés, conformément aux dispositions des articles 205, 207 et 210 du code électoral.

Comme on peut le constater, dès l’enregistrement de candidatures, première phase du processus électoral, le CPS, une structure purement politique, a dessaisi la Cour constitutionnelle et le ministère de l’Intérieur au profit de la CENI. En supprimant cette nécessaire collaboration voulue par le législateur de 1992, le CPS a instauré un climat de méfiance qui aurait pu générer des conflits entre institutions, puisque le même sentiment prévalait du début à la fin du processus électoral. Il n’en a pourtant rien été, car les révisions de mars 2002 puis de février 2003 ont restauré les dispositions remises en cause par la réforme de l’an 2000. Ainsi, selon les dispositions actuelles, la déclaration de candidature à la présidence de la République est déposée à la présidence de la CENI trente jours au moins avant le scrutin qui est désormais à un tour (art. 172). Celle-ci procède à l’examen préliminaire du dossier et détermine les vérifications administratives nécessaires avant d’envoyer le dossier au ministère de l’Intérieur, appelée ici « administration électorale », qui procède aux dites vérifications. Le dossier et les résultats des vérifications sont ensuite renvoyés à la CENI qui les transmet alors à la Cour constitutionnelle (art. 173). Après un ultime examen approfondi du dossier et « au plus tard dix-huit jours avant le scrutin », la Cour publie la liste des candidats, qui est notifiée sans délai aux intéressés, à l’Administration électorale et aux chefs des missions diplomatiques et consulaires du Togo (art. 175). Par la suite, tout retrait, possible seulement avant l’ouverture de la campagne, est immédiatement porté à la connaissance de la Cour qui le notifie à l’Administration électorale et à la CENI et le rend public (art.178).

Pour les législatives, les candidatures sont également enregistrées par la CENI (art. 214). Mais une procédure semblable à celle des candidats aux présidentielles aboutit, au plus tard dix-huit jours avant le scrutin, à la publication par la Cour constitutionnelle de la liste des candidats, qui est aussitôt notifiée à la CENI et à l’administration électorale (art. 215). Cependant, contrairement au cas des présidentielles, tout retrait ultérieur, possible avant l’ouverture de la campagne, est communiqué, non pas à la Cour constitutionnelle, mais à la CENI qui en informe l’administration électorale et le rend public sans délai (art. 221).

II. La campagne électorale

Cette phase du processus électoral échappe actuellement à l’emprise de la Cour constitutionnelle qui, avant la réforme de 2000, était chargée de « veiller à la régularité de la campagne électorale » (art. 140). À cet effet, elle était saisie de toute réclamation et pouvait donner des injonctions aux autorités ou aux candidats dont l’attitude viole le principe d’égalité entre candidats dans le traitement par les organes de la presse d’État (art.140). Mais, depuis la réforme de l’an 2000, cette tâche incombe à la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) qui l’accomplit en liaison avec la CENI (art. 170 et 171).

III. La supervision des opérations de vote

Jusqu’à la réforme de l’an 2000, la Cour constitutionnelle était chargée de veiller à la régularité des opérations de vote. À cet effet, elle désignait parmi les magistrats des tribunaux et cours d’appel, des délégués qui, le jour du scrutin, procédaient à des contrôles inopinés sur pièces dans les bureaux de vote. Ils étaient particulièrement chargés de « veiller à la régularité de la composition des bureaux de vote, du dépouillement des bulletins et du respect du libre exercice des droits des électeurs et des candidats » (art. 142 et 143). Les autorités administratives étaient tenues de leur accorder toute assistance souhaitée et de mettre à leur disposition toute information désirée. Cependant, dans la pratique, malgré leur dévouement, ces délégués de la Cour ne pouvaient jouer pleinement leur rôle. Par exemple, ils ne pouvaient assister au dépouillement dans tous les bureaux de vote, étant donné que chacun d’eux devait superviser des dizaines de bureaux dispersés à travers plusieurs préfectures couvrant des dizaines de kilomètres carrés. Mais, c’est pour des raisons politiques, plus que par souci d’efficacité, que la réforme de l’an 2000 a confié cette mission de supervision à la CENI, avec d’ailleurs les mêmes aléas, puisque les dix membres de la CENI ne peuvent être à la fois au siège et dans tous les bureaux de vote de l’ensemble du territoire national.

IV. La proclamation des résultats

Avant la réforme de l’an 2000, la procédure de proclamation des résultats des élections présidentielles et législatives était la suivante : dès réception des procès-verbaux de recensement des votes en provenance des Commissions électorales locales, la CEN (devenue CENI depuis l’an 2000) effectue le recensement général sur le plan national, au terme duquel elle procède à une proclamation provisoire des résultats. Conformément à l’article 171 du code électoral, le président de la CENI transmet ensuite les procès-verbaux et l’ensemble des pièces relatives aux opérations électorales à la Cour suprême (Cour constitutionnelle depuis 1997) qui examine l’ensemble des pièces et procède à une deuxième proclamation provisoire des résultats (article 86, al. 1er du code électoral). Si aucun candidat ne conteste les résultats dans les cinq jours ouvrables suivant cette proclamation, la Cour « déclare les résultats définitivement acquis » (art. 86, al. 2).
Mais, comme nous le soulignions tantôt, la réforme de l’an 2000 a bouleversé les données. Avec le code dit « révolutionnaire » né de cette réforme, c’est la CENI qui était chargée « de la centralisation et de la proclamation des résultats provisoires de toutes les opérations électorales, nationales et locales » (art. 9, 117 et 118). C’est seulement après cette proclamation qu’elle devait, dans un délai de huit jours, « adresser à la Cour constitutionnelle un rapport détaillé sur le déroulement des opérations électorales, l’état des résultats acquis et les cas de contestations non réglés » (art. 116). C’est enfin elle qui devait proclamer « solennellement l’ensemble des résultats (définitifs)… au vu des résultats acquis à son niveau et après l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle relatif aux cas de contentieux pour lesquels elle a été saisie » (art. 117). En définitive, le rôle de la Cour devait consister uniquement à enregistrer le rapport général que la CENI rédige sur ses propres activités et qu’elle doit lui adresser dans les trente jours qui suivent la proclamation des résultats du référendum et des autres élections nationales (art. 120).
La réforme de l’an 2000 n’a pas eu d’application avant le retour à la situation antérieure avec
les réformes de 2002 et de 2003. Désormais donc, c’est la Cour constitutionnelle qui retrouve cette compétence confisquée en l’an 2000. Certes, la CENI conserve le pouvoir de proclamation provisoire des résultats (art. 124) ; mais, elle doit ensuite adresser au président de la Cour constitutionnelle « un rapport détaillé sur le déroulement des opérations électorales, l’état des résultats acquis et les cas de contestations non réglés » (art. 124). Désormais, seule la Cour constitutionnelle est habilitée à proclamer solennellement l’ensemble des résultats définitifs après règlement des cas de contentieux pour lesquels elle a été saisie (art. 125).

V. Le contentieux électoral

Conformément au procédé adopté jusqu’ici, nous suivrons tout simplement l’évolution des textes depuis la Conférence nationale de 1991.

Aux termes de l’article 145 du code électoral du 8 juillet 1992, tout candidat à l’élection présidentielle pouvait « contester la régularité des opérations électorales sous la forme d’une requête adressée au président de la Cour suprême dans les 48 heures après la proclamation des résultats ». Le président de la Cour en informe le président de la CEN (art. 146) et, si la requête est recevable, statue dans les huit jours qui suivent le dépôt de la requête. De même, en vertu de l’article 185 de ce code, tout candidat à l’élection législative pouvait contester devant la Cour suprême la régularité des opérations électorales dans les 5 jours qui suivent la proclamation des résultats. Le président de la Cour en informe celui de la CEN et, si la requête est recevable, la Cour « statue dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats » (art. 188).

Les mêmes dispositions ont été reconduites lors des révisions de 1993 et de 1997, à cette exception près que la Cour suprême a rétrocédé ses compétences électorales à la Cour constitutionnelle installée en février 1997. Une fois encore, c’est la réforme de l’an 2000 qui a innové en la matière en partageant le contentieux électoral entre la CENI et la Cour constitutionnelle. Pour l’accomplissement de cette nouvelle mission, la loi a autorisé la CENI à mettre en place, « en son sein », une « sous-commission du contentieux » (art. 22). Ainsi était-il prévu, aussi bien pour les élections présidentielles que pour les législatives, que tout candidat pouvait, après la proclamation provisoire des résultats par la CENI, « contester la régularité des opérations électorales sous forme d’une plainte adressée à la CENI » (art. 154), dans un délai de 48 heures pour les présidentielles et de 72 heures pour les législatives. Le président de la CENI transmet la plainte au président de la sous-commission, sans délai. Celle-ci instruit la plainte et statue dans un délai de quatre jours à compter de sa saisine. « S’il ressort de l’examen du dossier des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité et à affecter la validité du résultat d’ensemble du scrutin, la CENI fait reprendre l’élection dans les soixante jours suivant la décision du règlement amiable» (art. 157). Cependant, l’annulation n’est possible qu’« en cas d’accord entre les candidats ». S’il n’y a pas d’accord, la CENI transmet alors le dossier à la Cour constitutionnelle « qui rend sa décision dans un délai de quatre jours ». En cas d’annulation, une nouvelle élection est organisée dans les soixante jours qui suivent la date d’annulation (art. 158).

À bien examiner la procédure, l’on peut affirmer que le transfert du contentieux électoral à la CENI était simplement fictif, car il est très rare que tous les candidats (y compris donc celui qui est déclaré provisoirement vainqueur), se mettent d’accord pour annuler les résultats. C’est dire que, dans la pratique, la sous-commission du contentieux n’aurait jamais pu prononcer une annulation et que, finalement, la Cour constitutionnelle devait toujours avoir le dernier mot. La présence de cette sous-commission constituait donc un obstacle supplémentaire dans le règlement rapide des litiges électoraux. C’est sans doute pour lever cet obstacle que le législateur a supprimé cette sous-commission en 2002. Ainsi, désormais, lorsque la CENI reçoit les plaintes, son président doit les transmettre « sans délai » à la Cour constitutionnelle (art. 164) qui seule est habilitée à y statuer dans un délai de 8 jours à compter de la date de sa saisine (art. 166).

Ainsi, à toutes les étapes du processus électoral, le législateur a restauré en 2002 la procédure préconisée au lendemain de la Conférence nationale.

En guise de conclusion

Au terme de cet exposé, la question qui peut se poser est de savoir pourquoi ce tango de la législation électorale. Celui-ci s’explique essentiellement par la méfiance des partis politiques, surtout ceux de l’opposition, vis-à-vis des institutions électorales qu’ils soupçonnent d’être favorables aux gouvernements en place parce qu’ils sont nommés par le pouvoir exécutif ou élus par la majorité parlementaire.

En effet, tant qu’il s’était agi de parti unique et, par conséquent de candidat unique, l’organisation d’élections relevait de l’administration traditionnelle que personne n’avait de raison de contester. Les Cours suprêmes, parfois secondées par de simples Commissions de recensement des votes, n’avaient que des fonctions symboliques de proclamation solennelle des résultats. Mais, avec la restauration du pluralisme politique en 1991, le gouvernement a perdu ce monopole. Depuis lors, le Togo cherche le meilleur moyen d’assurer des élections aux résultats acceptables par tous. Il pensait avoir trouvé la solution en créant des commissions « indépendantes » à composition paritaire. Mais, cette solution soulève un autre problème ; celui de la politisation des institutions censées être neutres. Chaque composante voulant défendre la cause de sa tendance, l’on aboutit souvent à des blocages lorsqu’il s’agit de prendre des décisions déterminantes telles que la proclamation des résultats des scrutins présidentiels. Ainsi a-t-on assisté à la démission des membres de la CENI en 1993 (opposition), en 1998 (majorité) et en 2003 (opposition).

Qu’il s’agisse de l’administration traditionnelle ou des nouvelles structures, la solution des problèmes que soulève l’organisation d’élections devra donc passer nécessairement par l’instauration d’un climat de confiance au sein de la classe politique.

IV/Les cadres de l’élection et les opérations préélectorales

A. Les Cours constitutionnelles et le contrôle des actes préparatoires

L’expérience du Conseil constitutionnel français

M. Régis FRAISSE, Chef du Service juridique du Conseil constitutionnel français

Le contrôle des actes préparatoires aux élections politiques est indispensable à la sécurité juridique. En effet, si l’annulation d’opérations électorales, dont le résultat est entaché d’insincérité, répond à une exigence de démocratie, il apparaît difficile, une fois que les électeurs se sont prononcés, d’annuler une élection au motif que la convocation de ces électeurs est entachée d’un simple vice de forme.
Ce constat a amené le Conseil constitutionnel français à intervenir à plusieurs stades de la procédure : comme juge constitutionnel, comme conseil du Gouvernement et comme juge administratif.

I. Le Conseil constitutionnel intervient comme juge constitutionnel

En vertu de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel est saisi systématiquement de toutes les lois organiques. Or, en vertu de l’article 6 de la Constitution, les modalités de l’élection du président de la République sont fixées par une loi organique.
S’il s’est déclaré incompétent pour la première loi du 6 novembre 1962, en partie organique, adoptée par référendum en 1962
[1], il a ensuite examiné la constitutionnalité de ses dix modifications[2].
Compte tenu du rôle primordial qu’il joue pour cette élection, ce contrôle de constitutionnalité est une garantie essentielle pour le bon déroulement de l’élection présidentielle.
En revanche, le régime électoral des assemblées parlementaires est fixé par la loi ordinaire et non organique. En France, le contrôle de telles lois est facultatif. Il est cependant d’usage que ces lois soient déférées au Conseil constitutionnel. Ce fut notamment le cas, en 1986, de la loi relative à l’élection des députés
[3] et, en 2000 et 2003, de celles concernant l’élection des sénateurs[4].
Ces saisines presque systématiques sont d’autant plus importantes pour le respect de la Constitution que le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est juge électoral, refuse de se comporter comme juge de la constitutionnalité des lois.

II. Le Conseil constitutionnel intervient comme conseil du Gouvernement

Il est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur l’organisation de l’élection présidentielle ainsi que sur les opérations de référendum national[5]. Il est avisé sans délai de toute mesure prise à ce sujet.
À l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, il a été consulté une vingtaine de fois. Il a pu, par exemple, donner son avis sur les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel fixant les grilles d’émission de la campagne officielle pour chaque tour.
De façon générale, le Conseil constitutionnel a émis des avis favorables aux documents qui lui ont été présentés. Il a quelquefois modifié leur rédaction dans un souci de lisibilité. Mais ses avis demeurent secrets.
Tout cela concourt bien sûr à la sécurité juridique.
En complément de ce rôle consultatif prévu par les textes, il intervient d’office depuis quelques années en présentant au Gouvernement ses observations sur les opérations électorales ou référendaires passées ou même des recommandations sur celles à venir. Il a, par exemple, souhaité que l’outre-mer situé à l’ouest de la France, au-delà la ligne de changement de date, ne vote pas une fois connus les résultats de la métropole mais vote le samedi avant elle. La Constitution a été modifiée sur ce point le 28 mars 2003.

III. Le Conseil constitutionnel intervient comme juge administratif

C’est cette compétence qui est la plus originale car elle n’est pas prévue par les textes.
Avant 1981, ni le Conseil constitutionnel
[6] ni le Conseil d’État[7] ne se reconnaissaient compétents pour connaître des actes préalables à une élection : il fallait que l’électeur mécontent attaque le résultat de l’élection en invoquant l’illégalité de l’acte préalable. C’était l’application pure et simple de la théorie de l’exception du recours parallèle qui veut que lorsqu’il existe un recours spécifique (fiscal, électoral), la voie du recours pour excès de pouvoir est fermée.
Mais par une décision Delmas de 1981
[8], le Conseil d’État ne se contenta pas de se déclarer incompétent pour se prononcer sur la légalité du décret de convocation du corps électoral pour l’élection des députés, il invita ouvertement le Conseil constitutionnel à se reconnaître compétent : «Considérant qu’il n’appartient qu’au Conseil constitutionnel, en vertu de l’article 59 de la Constitution du 4 octobre 1958, juge de l’élection des députés à l’Assemblée nationale d’apprécier la légalité des actes qui sont le préliminaire des opérations électorales ».
Huit jours plus tard, le Conseil Constitutionnel se reconnut compétent pour contrôler la régularité de cet acte
[9].
Tout allait bien dans le meilleur des mondes lorsqu’en 1993, le Conseil d’État fit volte-face en posant sa compétence pour connaître de toutes les décisions préparatoires aux opérations électorales
[10].
Que fit le Conseil constitutionnel ? Il réaffirma sa compétence dès 1993
[11] et de façon plus appuyée en 1995[12].
Il existait alors deux juges pour connaître d’un même acte.
Compte tenu de l’objet de mon intervention, je passerai sous silence le feuilleton qui s’est engagé ensuite et me contenterai de résumer la situation actuelle. Le partage des tâches entre le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel a été redessiné à la suite d’un « dialogue des juges » conclusif et fécond.
La nouvelle division des tâches est désormais claire et elle ne comprend ni lacune, ni chevauchement.
Le fondement de la compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires à une élection est le même pour les élections législatives, le référendum et l’élection présidentielle.
Les trois conditions permettant le déclenchement de cette compétence exceptionnelle sont alternatives: risque que ne soit gravement compromise l’efficacité du contrôle des opérations électorales; risque que ne soit vicié le déroulement général du vote ; atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics.
Cette compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires exclut les actes de portée permanente (par exemple : décret du 8 mars 2001 régissant l’élection présidentielle). Elle exclut également les actes accessoires (délibérations du CSA) ou d’importance secondaire (circulaires), ainsi que ceux portant sur des opérations partielles (convocation à une élection législative ou sénatoriale partielle par exemple). Les uns et les autres restent de la compétence du Conseil d’État.
La compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel semble devoir se limiter désormais aux décrets de convocation et, en matière de référendum, au décret d’organisation spécifique à chaque référendum.
En revanche, aucun juge ne se reconnaît compétent pour examiner un décret de dissolution
[13].

À l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, le Conseil constitutionnel a été saisi de requêtes dirigées contre 13 actes préparatoires. Il a décliné sa compétence pour dix d’entre eux, a rejeté une requête pour irrecevabilité et deux au fond.
Il n’existe aucune règle de procédure particulière concernant ce contentieux.
Les requêtes sont enregistrées au greffe mais elles ne reçoivent aucun numéro d’enregistrement… Ce sont donc des requêtes-fantômes!
Pour leur instruction, le Conseil constitutionnel adopte les méthodes du Conseil d’État.
La requête est communiquée au Gouvernement pour qu’il puisse se défendre. Le mémoire en défense est communiqué au requérant.
Le Conseil constitutionnel se prononce d’abord sur sa compétence exceptionnelle.
S’il est compétent, il regarde si la requête est recevable et notamment si le requérant a un intérêt à agir.
Puis, il examine le fond de la requête. À ce jour, il a toujours rejeté les requêtes qui émanaient le plus souvent de procéduriers.
Si l’élection est passée, il prononce un non lieu à statuer.
La décision est ensuite notifiée aux pouvoirs publics et publiée au Journal officiel.

  • [1]
    Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962, loi relative à l’élection du président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962, Recueil, p. 27.  
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  • [2]
    Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée par les lois organiques n° 76-528 du 18 juin 1976, n° 83-1096 du 20 décembre 1983, n° 88-35 et 88-36 du 13 janvier 1988, n° 88-226 du 11 mars 1988, n° 90-383 du 10 mai 1990, n° 95-62 du 19 janvier 1995, n° 95-72 du 20 janvier 1995, n°99-209 du 19 mars 1999 et n° 2001-100 du 5 février 2001.  
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  • [3]
    Décision n° 86-208 DC du 2 juillet 1986, loi relative à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, Recueil, p. 78.  
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  • [4]
    Décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000, loi relative à l’élection des sénateurs, Recueil, p. 98 et décision n° 2003- 475 DC du 24 juillet 2003, loi portant réforme de l’élection des sénateurs, Recueil, p. 400.  
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  • [5]
    Sur le fondement du III de l’art. 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 (modifiée en dernier lieu par la loi organique du 5 février 2001) et de l’article 46 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 régissant le fonctionnement du Conseil constitutionnel.  
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  • [6]
    Cons. const., 5 février 1975, Recueil, p. 45.  
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  • [7]
    C.E., 14 juin 1963, Bellot, Recueil Lebon, p. 364.  
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  • [8]
    CE, 3 juin 1981, Delmas, Recueil Lebon, p. 244.  
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  • [9]
    Cons. const., 11 juin 1981, Delmas, Recueil, p. 97.  
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  • [10]
    C.E., Ass. 12 mars 1993, Union nationale écologiste et Parti pour la défense des animaux, Recueil Lebon, p. 67 ; 26 mars 1993, Parti des travailleurs, Recueil Lebon, p. 88.  
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  • [11]
    Cons. const., 17 décembre 1993, requête présentée par Monsieur Alain MEYET, Recueil, p. 570.  
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  • [12]
    Cons. const., 8 juin 1995, Bayeurte, Recueil, p. 213.  
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  • [13]
    Cons. const., 4 juin 1988, Minvieille, Recueil, p. 79.  
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B. Les Cours constitutionnelles et les questions relatives aux circonscriptions électorales

L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique : l’utilisation du découpage des circonscriptions en vue de la protection des minorités linguistiques

Mme Bernadette RENAULD, Référendaire de la Cour d’arbitrage de Belgique

La Cour d’arbitrage a été saisie de recours contre la loi du 13 décembre 2002, modifiant, entre autres, les circonscriptions électorales pour les élections législatives. Cette loi devait être applicable dès le prochain scrutin, c’est-à-dire moins de six mois plus tard.
Jusqu’à la réforme de 1993, la Belgique était divisée en neuf provinces, Bruxelles appartenant à la seule province bilingue – le Brabant –, qui comportait, en outre, une partie en Flandre et une partie en Wallonie. Bruxelles est une région au statut linguistique officiellement bilingue, enclavée dans la région de langue néerlandaise. Dans la périphérie bruxelloise, qui est institutionnellement unilingue néerlandophone, vivent de nombreux francophones. Lors de la réforme de 1993, le nombre de provinces a été porté à dix : la province de Brabant a été divisée en «Brabant flamand » d’une part, et en «Brabant wallon » d’autre part. Bruxelles, quant à elle, a été « extraprovincialisée », elle ne relève d’aucune province, mais ne forme pas non plus de province à elle seule. Les compétences exercées par les provinces dans le reste du pays sont exercées à Bruxelles par les institutions régionales.
Antérieurement à la loi du 13 décembre 2002, le territoire belge était divisé en circonscriptions électorales plus petites que les provinces. Chaque circonscription élisait, conformément à la Constitution, un nombre de députés correspondant à l’importance de sa population.
La loi du 13 décembre 2002 établit de plus grandes circonscriptions que par le passé, en les faisant coïncider avec le territoire des provinces. Le principe constitutionnel de la répartition des sièges en fonction de l’importance de la population de chaque circonscription/province n’est pas modifié.
Un problème se pose cependant pour Bruxelles: ne faisant plus partie d’une province, elle n’est plus non plus immédiatement comprise dans une circonscription.
Deuxième problème, plus délicat, toujours pour Bruxelles: sous l’empire de la législation électorale antérieure, la circonscription électorale à laquelle appartenait la capitale était plus large, et englobait deux municipalités de la périphérie, néerlandophones: on parlait de l’arrondissement électoral de «Bruxelles-Hal-Vilvorde ». Cette construction permettait aux électeurs francophones, établis nombreux dans ces communes périphériques, de voter pour des candidats francophones bruxellois, et aussi aux électeurs néerlandophones habitant Bruxelles, peu nombreux, de voir leur position renforcée par l’apport des voix des néerlandophones de la périphérie. Cet arrondissement bilingue, englobant Bruxelles et une partie de sa périphérie, reposait sur un accord politique délicat entre francophones et néerlandophones, et faisait partie de ce que la Cour elle-même a qualifié, dans un arrêt de 1994, des mesures nécessitées par « la recherche globale d’un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l’État belge » (arrêt n° 90/94).
Cet arrondissement électoral « à cheval » sur Bruxelles et une partie de la province du Brabant flamand se concevait parfaitement lorsque les arrondissements électoraux n’étaient pas définis par référence aux provinces. Mais dès le moment où il fait coïncider les circonscriptions électorales et les provinces, tout en refusant de scinder la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, le législateur crée un problème, car une province, celle du Brabant flamand, qui comprend Hal-Vilvorde mais aussi Louvain, ne correspond pas à un arrondissement électoral, à la différence de toutes les autres.
Le législateur invente alors une solution inédite et assez complexe : il jette un pont électoral entre les circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde et Louvain, tout en les laissant subsister en tant que circonscriptions. Un commentateur avait qualifié ce système de « chef d’œuvre d’ingénierie belge du compromis »
[1].
En pratique, le système, s’il n’avait pas été suspendu par la Cour d’arbitrage, aurait conduit à la situation suivante : les électeurs de Louvain auraient pu voter pour un candidat de Louvain ou pour un candidat de Bruxelles, les électeurs bruxellois choisissant de voter pour une liste néerlandophone auraient pu, quant à eux, voter pour un candidat bruxellois ou pour un candidat de Louvain, car les listes néerlandophones étaient communes aux deux circonscriptions. Par contre, les électeurs bruxellois choisissant de voter pour une liste francophone ne pouvaient voter que sur les listes présentées à Bruxelles, et pas sur les listes présentées dans d’autres circonscriptions électorales de Belgique francophone.
La Cour a été saisie de recours en annulation assortis de demandes de suspension portant sur cette loi électorale. Elle a, à trois mois des élections législatives, suspendu ce système (arrêt n° 30/2003), et l’a annulé peu après (arrêt n° 73/2003).
Concernant l’intérêt à agir des personnes qui poursuivaient l’annulation, elle considère, de manière tout à fait classique dans sa jurisprudence, que « le droit de vote est le droit politique fondamental de la démocratie représentative, et que tout électeur ou tout candidat justifie de l’intérêt requis pour demander l’annulation de dispositions susceptibles d’affecter défavorablement son vote ou sa candidature. » Implicitement, elle admet donc que la modification de la division du territoire en circonscriptions électorales pourrait affecter le vote ou la candidature des citoyens. Concernant la question du « pont » entre deux circonscriptions électorales, elle considère qu’il permettait des glissements de sièges entre les deux circonscriptions électorales concernées, ce qui est contraire à l’article 63, § 2, alinéa 1er, de la Constitution, lequel précise : « chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur électoral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par 150 ». La Cour estime donc qu’il y a rupture d’égalité entre les électeurs puisque les électeurs concernés par le « pont électoral » ne jouissent pas, contrairement à tous les autres électeurs belges, de la garantie constitutionnelle d’être également représentés à la Chambre des représentants.
L’existence même de l’arrondissement bilingue, non calqué sur une province, pour BruxellesHal-Vilvoorde, avait quant à elle déjà été contestée devant la Cour en 1994. À ce moment, la Cour s’était référée à l’exigence du maintien de la paix communautaire pour justifier l’existence de cette curiosité, et donc le maintien des garanties offertes ainsi aux minorités linguistiques de la périphérie (minorités francophones) et de Bruxelles (minorité néerlandophone).
En 2002, le contexte est différent puisque le législateur a décidé de modifier les circonscriptions pour les faire correspondre aux provinces. La Cour le constate, tout en répétant que le maintien de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde « procède du souci, déjà constaté dans l’arrêt de 1994, de recherche globale d’un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l’État belge. » Elle ajoute que « les conditions de cet équilibre ne sont pas immuables », mais qu’elle « substituerait son appréciation à celle du législateur si elle décidait qu’il doit être mis fin, dès à présent, à une situation qui a jusqu’ici emporté l’adhésion du législateur, alors qu’elle n’a pas la maîtrise de l’ensemble des problèmes auxquels il doit faire face pour maintenir la paix communautaire » (arrêt n° 73/2003).
Elle précise enfin qu’une nouvelle composition des circonscriptions électorales peut être accompagnée de modalités spéciales pour les circonscriptions provenant de l’ancienne province bilingue de Brabant, afin de garantir les intérêts légitimes des minorités linguistiques de cette ancienne province. Elle donne alors un délai de quatre ans (une législature) au législateur pour prévoir un nouveau découpage des circonscriptions dans cette partie du pays, tout en lui permettant d’adopter des règles spécifiques en vue de la protection des minorités.

*

Une autre particularité du découpage en circonscriptions électorales en Belgique concerne toujours Bruxelles, mais cette fois pour les élections régionales. Bruxelles forme une Région, bilingue, dotée d’un pouvoir législatif qui comprenait 75 membres. Jusque récemment, les électeurs bruxellois avaient le choix entre des listes francophones ou des listes néerlandophones (la législation interdisant la constitution de listes bilingues), et le nombre d’élus de chaque groupe linguistique était déterminé par le vote des électeurs. Ainsi, lors des dernières élections selon ce système, il y avait 11 élus néerlandophones et 64 élus francophones.
Par la loi du 13 juillet 2001, le législateur a voulu offrir une représentation garantie plus importante à la minorité néerlandophone de Bruxelles. Il a, d’une part, augmenté le nombre total de conseillers régionaux bruxellois, ils sont désormais 89. Il a, d’autre part, fixé à 17 le nombre de sièges attribués aux néerlandophones. Ceux-ci sont donc, par rapport au nombre de leur population, surreprésentés. Mais ce qui fait la particularité du système, c’est qu’il y a une seule circonscription, un seul collège électoral : les électeurs peuvent librement se déterminer pour les listes francophones ou néerlandophones, il n’y a pas d’identité linguistique. On a donc un système avec un seul collège électoral, une seule circonscription, pour deux groupes de sièges, deux groupes d’élus.
La surreprésentation des membres d’un des deux groupes linguistiques, a pour conséquence que le poids du vote est fonction du groupe linguistique pour lequel on choisit de voter: l’électeur exprimant son vote sur une liste néerlandophone exprime un vote qui a « plus de poids », car il est nécessaire d’obtenir moins de voix pour être élu sur une liste néerlandophone que sur une liste francophone.
Saisie d’un recours contre cette disposition, la Cour l’a validée, en considérant que «même s’il devait être démontré, lors des prochaines élections, qu’un déséquilibre existe entre le nombre de voix qui a été nécessaire pour obtenir un siège néerlandophone et pour obtenir un siège francophone, l’atteinte portée au principe de la représentation proportionnelle ne pourrait être jugée disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi par le législateur spécial, à savoir assurer aux représentants du groupe linguistique le moins nombreux les conditions nécessaires à l’exercice de leur mandat, et, par là, garantir un fonctionnement démocratique normal des institutions concernées » (arrêt n° 35/2003).

  • [1]
    G. ROSOUX, « Leçons de l’éphémère. La Cour d’arbitrage et le « renouveau » électoral – la Cour d’arbitrage et la suspension », R.B.D.C., 2003, p. 13.  
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C. Les Cours constitutionnelles et les candidatures

L’expérience de la Cour constitutionnelle de Bulgarie

M. Kiril MANOV, Secrétaire général de la Cour constitutionnelle de Bulgarie

L’élection du président et du vice-président de la République, celle des députés, des organes de l’autogestion locale et des maires des collectivités locales sont régies par des lois spécifiques. L’organisation de l’ensemble de ces élections (enregistrement des candidatures, déroulement des élections, proclamation des résultats) est confiée à la Commission électorale centrale et aux commissions électorales des circonscriptions. Le contrôle juridictionnel en matière de respect des lois sur les élections relève des compétences du système judiciaire, y compris de la Cour suprême administrative.
Parmi les huit compétences conférées par la Constitution à la Cour constitutionnelle, il y en a cinq qui se rapportent soit directement soit indirectement au processus électoral, à savoir: l’interprétation contraignante de la Constitution, le contrôle de la constitutionnalité des lois, le règlement des litiges liés à constitutionnalité des partis et des associations politiques, le règlement des contentieux relatifs à la légalité de l’élection du président et du vice-président de la République, le règlement des contentieux relatifs à la légalité de l’élection des députés.

Contrôle de la constitutionnalité des lois

La Cour constitutionnelle a été saisie par le Procureur général de la constitutionnalité de la loi sur l’élection des députés. Cette dernière disposait que pendant la durée de la campagne électorale, les candidats à la députation et les personnes chargées de l’organisation de leur campagne électorale, ne peuvent être ni arrêtés ni poursuivis pénalement sauf en cas de crime grave. Selon l’auteur de la requête, ce texte est contraire au principe constitutionnel d’égalité des citoyens et traite des immunités alors que celles-ci ne peuvent pas être accordées par la loi.
La Cour constitutionnelle a considéré que cette disposition représentait une garantie de l’exercice libre du droit de suffrage actif et passif et qu’elle était pour cette raison indispensable à la société. Il s’agissait d’inviolabilité pénale et non d’accorder une immunité au sens propre, c’est-àdire une irresponsabilité pénale.
La Cour a rejeté cette requête.
Dans une autre affaire, le Procureur général a saisi la Cour constitutionnelle en vue d’établir l’inconstitutionnalité d’un article de la loi sur l’élection des députés, des conseillers municipaux et des maires, auquel renvoyait également un paragraphe de la loi sur l’élection du président de la République et du vice-président de la République. Les dispositions en cause formulaient l’interdiction de publier les résultats des sondages d’opinion dans les deux semaines qui précèdent les élections et le jour même de l’élection.
Dans l’exposé des motifs de cette décision, la Cour a signalé le grand intérêt que peuvent susciter auprès des citoyens les sondages d’opinion sur l’élection du président et du vice-président de la République en période préélectorale. L’interdiction de diffuser ce type d’information constitue une limitation aux droits des citoyens d’obtenir et de diffuser des informations garantis à l’article 41 de la Constitution.
En conséquence, la Cour a déclaré contraires à la Constitution les dispositions en question.
Un groupe de députés a saisi de son côté la Cour constitutionnelle d’une requête visant à l’établissement d’inconstitutionnalité de deux articles de la loi sur l’élection des députés. Selon les auteurs de la requête, les dispositions attaquées empêchaient l’exercice du droit de vote aussi bien actif que passif en le faisant dépendre de la situation de fortune des citoyens. La question ainsi posée était de déterminer qui devait se charger des dépenses d’impression des bulletins de vote.
L’article 10 de la Constitution dispose que les élections ont lieu au suffrage universel, égal, direct et scrutin secret. Aux termes de l’article 11 alinéa 11 de la Constitution, la vie politique en Bulgarie est fondée sur le principe du pluralisme politique. Aussi, la Cour a considéré que la loi ne devait pas créer des restrictions ou empêcher la participation des petits partis politiques ou des candidats indépendants au processus électoral.
Ainsi, la Cour constitutionnelle a déclaré contraires à la Constitution les dispositions en question de la loi susmentionnée. En conséquence de cette décision, les dépenses d’impression des bulletins de vote ont été pris en charge par l’État.

Questions liées à la procédure

Un groupe de députés a saisi la Cour constitutionnelle d’une requête en interprétation contraignante des termes de l’article 93 de la Constitution. Plus précisément, les députés ont demandé à la Cour si l’organisation du second tour de l’élection du président de la République pour les candidats ayant recueilli le plus grand nombre de votes était conditionnée à la participation de plus de la moitié des électeurs au premier tour.
Dans les motifs de la décision, la Cour a indiqué que pour élire le chef de l’État au premier tour il était nécessaire de remplir les deux conditions suivantes: le candidat devait avoir recueilli plus de la moitié des suffrages exprimés et plus de la moitié des électeurs devaient avoir participé au scrutin. Ces deux conditions sont cumulatives et ont la même valeur. Par conséquent, lorsque le nombre de votants est inférieur à la moitié du nombre d’électeurs, aucun candidat ne peut être élu. Un second tour est alors organisé auquel peuvent se présenter les deux candidats ayant reçu le plus grand nombre de suffrages au premier tour. Sera élu le candidat ayant recueilli le plus de suffrages. L’exigence relative au nombre d’électeurs qui ont voté n’est plus valable au second tour.
Par cette décision, rendue en 1996, la Cour constitutionnelle admet que l’article 93 alinéa 3 de la Constitution définit les conditions selon lesquelles le président de la République peut être élu dès le premier tour. Elles sont clairement exprimées:

  1. le candidat doit avoir recueilli plus de la moitié des suffrages exprimés;
  2. plus de la moitié des électeurs doivent avoir participé au scrutin.

L’alinéa 4 de l’article 93 de la Constitution s’applique lorsque le président de la République n’est pas élu au premier tour. Dans ce cas, un second tour a lieu indépendamment du fait que plus de la moitié des électeurs n’ont pas voté. Dans tous les cas, le scrutin a lieu dans un délai de sept jours après le premier tour.

Par une autre requête, la Cour constitutionnelle a été saisie de la question de savoir si les députés, qui n’ont pas prêté serment conformément à l’article 76 alinéa 2 de la Constitution, devaient être considérés comme entrés en fonction et s’ils pouvaient exercer leurs pouvoirs.
Le symbole moral et politique de la prestation de serment n’exclut pas une valeur juridique. La prestation du serment constitutionnel représente une garantie constitutionnelle classique de la primauté de la Constitution sur l’organe législatif. Pour cette raison tous les députés doivent prêter serment. Cet acte conditionne aussi l’entrée en fonction des députés.
Par sa décision de 1992, la Cour constitutionnelle a considéré que les députés, qui n’ont pas prêté serment conformément à l’article 76 alinéa 2 de la Constitution, n’ont pas pris leur fonction.
Un contentieux similaire a été soumis à la Cour en 2001. Dans ce cas, la Cour a dû se prononcer sur la légalité de l’élection d’un député suite à l’annulation de la Cour suprême administrative de la décision de la Commission électorale. La requête fut rejetée.

Conditions requises pour être candidat à l’élection présidentielle et aux élections législatives

Les conditions que doit remplir une personne pour présenter sa candidature à l’élection présidentielle sont définies dans l’article 93 alinéa 2 de la Constitution dans les termes suivants:
« Peut être élu président de la République tout citoyen bulgare de naissance, qui a 40 ans révolus, qui répond aux conditions d’éligibilité des députés et qui a vécu dans le pays au cours des cinq dernières années. »
Cette question a fait l’objet de trois décisions de la Cour constitutionnelle.
La première décision a été rendue en 1996 sur saisine d’un groupe de députés. Ces derniers ont souligné la nécessité d’une interprétation claire de l’article 93 alinéa 2 de la Loi fondamentale. En effet, les diverses lois sur la citoyenneté qui se sont succédées récemment en Bulgarie ont imposé des règles différentes.
Dans sa décision, la Cour constitutionnelle admet que la citoyenneté bulgare par naissance est acquise à la naissance et par effet de la loi (ex lege). Le constituant a clairement manifesté sa volonté que le président de la République doit être bulgare dès sa naissance. Une personne est considérée comme bulgare de naissance lorsque, à sa naissance, elle remplit les conditions de la loi en vigueur sur la nationalité et lorsque la citoyenneté bulgare n’a pas été précédée par une autre nationalité.
À la suite de cette décision, un candidat à l’élection présidentielle, né aux États-Unis d’Amérique et ayant acquis la nationalité américaine à sa naissance, n’a pas pu participer à l’élection.
La deuxième affaire portée devant la Cour concerne un candidat qui n’a pas pu participer à l’élection présidentielle parce qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence de résidence (« avoir vécu » selon les termes de la Constitution) dans le pays pendant les cinq dernières années.
Dans sa décision interprétative, la Cour constitutionnelle admet que les exigences constitutionnelles auxquelles le candidat doit satisfaire sont davantage des critères de fait que des critères formels ou juridiques. Pour comprendre le contenu de cette exigence, il faut interpréter le sens des mots utilisés dans le texte constitutionnel. « Avoir vécu » est un état physique de l’individu, ayant un rapport avec un lieu précis où la personne a séjourné effectivement et durablement. Le lieu où l’on séjourne ne peut être considéré comme le « lieu où l’on vit » que s’il s’agit d’un séjour durable. Dans ce cas, il s’agit d’un critère de fait. Complètement différents sont les critères d’ordre formel et juridique comme le lieu de résidence et d’enregistrement de l’adresse. La deuxième notion utilisée dans le texte est celle de « pays ». Il s’agit sans équivoque du territoire de la République de Bulgarie. Le troisième critère est celui de la durée pendant laquelle le candidat a vécu en Bulgarie. Selon l’interprétation, il s’agit de cinq années astronomiques.
Ainsi, dans sa décision de 2001, la Cour constitutionnelle a considéré qu’un citoyen bulgare, candidat à l’élection du président de la République, avait vécu dans le pays au cours des cinq dernières années au sens de la Constitution, lorsqu’il avait séjourné effectivement et durablement sur le territoire du pays pendant plus de la moitié de chacune des cinq années précédant la date de l’élection. Le temps passé à l’étranger par un citoyen bulgare qui y est envoyé par l’État est comptabilisé dans les cinq années.
En conséquence, une des candidatures à l’élection présidentielle de 2001 a été invalidée.
L’article 65 alinéa 1 de la Constitution dispose que peut être élu député tout citoyen bulgare qui n’a pas d’autre nationalité, a 21 ans révolus, n’est pas sous tutelle et ne purge pas une peine de privation de liberté.
Dans une requête déposée à la Cour constitutionnelle, le Procureur général demande l’invalidation de l’élection d’un député. Il allègue la violation de la disposition constitutionnelle citée ci-dessus et de l’article 3 alinéa 1 de la loi sur l’élection des députés, des conseillers municipaux et des maires. L’affaire concernait une personne qui au moment de l’enregistrement de sa candidature au Parlement et après son élection, avait gardé la nationalité américaine. Ont été joints à la requête des documents échangés entre le demandeur et l’Ambassade des États-Unis d’Amérique à Sofia. Dans trois lettres de l’Ambassadeur, des informations contradictoires sont communiquées, à savoir: le député en question est citoyen américain ; il a répudié sciemment la nationalité américaine à la suite de quoi il a perdu cette nationalité ; le gouvernement des États-Unis a décidé que la personne en question n’était pas citoyen américain. Étant donné ces contradictions, l’Ambassade a confirmé par la suite le contenu des trois lettres et a déclaré qu’elles étaient exactes au regard de la situation à l’époque à laquelle elles avaient été rédigées et qu’elles l’étaient toujours.
Dans une décision de 1995, la Cour constitutionnelle a admis comme établi le fait, que la personne en question était inéligible au moment du dépôt de sa candidature et aussi lorsqu’il a été élu député. La Cour a donc suspendu son mandat.

Incompatibilité du statut de député avec d’autres activités

L’article 68 alinéa 1 de la Constitution établit que les députés ne peuvent pas occuper un emploi public ou exercer une activité qui, aux termes de la loi, est incompatible avec leur statut de député. Dès que l’incompatibilité est constatée, le mandat du député est suspendu avant terme conformément à l’article 72 alinéa 1 point 3.
En 1992, la Cour constitutionnelle est saisie d’une requête posant la question du statut d’un député n’ayant pas quitté ses fonctions de directeur d’une entreprise publique. Le député en question avait déposé devant l’Assemblée nationale deux demandes consécutives en vue de la suspension de son mandat parlementaire, préférant continuer d’exercer ses fonctions de directeur, mais les demandes avaient été rejetées. La Cour constitutionnelle n’a pas examiné la constitutionnalité de la décision de l’Assemblée nationale concernant la démission présentée par le député parce qu’elle n’a pas été saisie de cette question. Elle s’est prononcée sur le fond de l’affaire.
Par la décision qu’elle a rendue en 1992 sur cette affaire, la Cour a suspendu le mandat du député pour incompatibilité entre son statut parlementaire et l’activité qu’il exerçait.
Une requête en interprétation de l’article 68 alinéa 1 de la Constitution a posé la question de savoir si les activités suivantes sont incompatibles avec le statut de député : participation rémunérée au conseil d’administration, de surveillance ou de contrôle d’une société à participation publique ou municipale ; participation rémunérée à une banque à participation publique ; participation rémunérée à une commission gouvernementale ou autre organisme similaire.
Par une décision de 1993, la Cour constitutionnelle a considéré que les députés ne pouvaient pas exercer les fonctions suivantes: membres de commissions gouvernementales ou de conseils, agences, centres ou autres structures similaires de l’État ; membres des organes d’entreprises publiques et municipales; membres de sociétés, de sociétés commerciales à participation publique et municipale lorsque les fonctions à exercer leur sont confiées par des actes émanant des organes du pouvoir exécutif (ordre, prescriptions, décisions) et aux termes des contrats de gestion ayant trait à ces actes.
Une autre requête introduite devant la Cour constitutionnelle portait sur l’élection d’un député au poste de président de l’Assemblée générale des Nations unies.
Selon les règles de procédure de l’Assemblée générale de l’ONU, ne peut être élu au poste de président de l’Assemblée générale de l’ONU qu’un représentant d’un pays membre des Nations unies (chef ou membre de la délégation de ce pays). En ce qui concerne le député bulgare élu à ce poste, il avait obtenu l’autorisation par un acte émanant du Conseil des ministres bulgare, lequel acte fixait aussi le nouveau montant de sa rémunération. Même après son élection au poste de président de l’Assemblée générale de l’ONU, la personne en question avait conservé sa qualité de membre de la délégation bulgare, c’est-à-dire il continuait d’exercer des fonctions publiques.
Par sa décision interprétative rendue en 1993, la Cour constitutionnelle a statué que l’incompatibilité au sens de l’article 68 alinéa 1 de la Constitution s’appliquait aussi à la personne exerçant les fonctions de président de l’Assemblée générale de l’ONU. En sa qualité de membre de la délégation bulgare, la personne en question exerçait des fonctions publiques se trouvant ainsi placée en situation d’incompatibilité avec son mandat de député.

Suspension ou interruption de l’exercice des fonctions publiques de la part du candidat à la députation

La Cour a été saisie d’une requête en interprétation contraignante de l’article 65 alinéa 2 de la Constitution, à propos de l’expression ils « suspendent leur activité » aux postes publics après l’enregistrement de leur candidature.
Tout candidat aux législatives, qui exerce des fonctions publiques doit les suspendre, ce qui signifie selon la Cour constitutionnelle qu’il ne doit plus exercer les activités découlant de ce poste ni toute autre fonction liée à celui-ci.
Selon la Cour constitutionnelle, l’expression ils « suspendent leur activité » signifie que chaque candidat conserve l’emploi public qu’il occupe, mais ne peut pas exercer les fonctions qui en découlent. Ainsi, s’il n’est pas élu, il pourra retrouver son poste.
Un groupe de députés a introduit une requête en interprétation de l’article 97 de la Constitution. Les députés considéraient que la disposition en question laissait entendre que le mandat du président de la République est suspendu avant échéance lorsqu’il se porte candidat à la prochaine élection présidentielle.
La Cour constitutionnelle a considéré que la place qui est réservée au président de la République dans la hiérarchie des organes publics et les fonctions qu’il exerce, exigent qu’il jouisse d’un statut stable. La Constitution de son côté ne prévoit pas de restrictions en ce sens. La Constitution prévoit que le président de la République peut être réélu, ce qui laisse penser qu’il ne soit pas contraint d’interrompre ses fonctions. La Cour n’a pas partagé l’opinion des députés selon laquelle le président en exercice disposerait d’avantages injustifiés pour la campagne électorale, l’égalité des candidats étant garantie par d’autres moyens.
Ainsi, dans une décision rendue en 1991, la Cour constitutionnelle a statué que le mandat du président en exercice n’est pas suspendu au cas où il se porterait candidat à la prochaine élection présidentielle.
En 2001, la Cour constitutionnelle fut saisie d’une requête en interprétation contraignante de l’article 65 alinéa 2 et de l’article 68 alinéa 1 de la Constitution pour savoir si le Premier ministre, les vice-premiers ministres et les ministres occupaient un emploi public au sens des dispositions mentionnées et si cette situation ne suscitait pas d’incompatibilité.
La Cour a présenté les arguments suivants: Le Conseil des ministres est un organe suprême du pouvoir exécutif et son statut doit être stable. Les pouvoirs conférés par l’Assemblée nationale aux membres du Conseil des ministres ne peuvent être cédés à d’autres personnes, ni même aux viceministres. Le Conseil des ministres exerce les fonctions qui lui sont conférées par la Constitution et qui ne peuvent être suspendues. Il est impossible de laisser le pays sans un pouvoir exécutif jouissant de toutes ses capacités pendant la durée de la campagne électorale. En outre, il existe une règle selon laquelle le Conseil des ministres continue d’exercer ses fonctions jusqu’à la formation du nouveau Gouvernement.
La Cour constitutionnelle a donc considéré que la condition limitative de l’article 65 alinéa 2 de la Constitution ne s’applique pas aux membres du Conseil des ministres même s’ils se portent candidats aux élections parlementaires.
En 2001, la Cour constitutionnelle a rendu une nouvelle décision sur une question similaire.

Conclusion

La Cour constitutionnelle de la République de Bulgarie a toujours rendu ses décisions sur les affaires portées devant elle à la suite d’une discussion de positions diverses et souvent opposées des organes de l’État, des organisations publiques et des milieux politiques. D’autre part, les juges euxmêmes peuvent avoir des divergences de vue qu’ils expriment sous la forme d’opinions dissidentes.
L’exposé que je viens de présenter permet de conclure que par ses décisions en interprétation de la Constitution et par les affaires qui lui sont soumises, la Cour constitutionnelle de la République de Bulgarie joue un rôle essentiel pour la protection de l’ordre constitutionnel, la primauté de la loi et le déroulement normal du processus électoral dans le pays.

L’expérience de la Cour suprême du Cameroun

M. Joseph YOUMSI, M. Dagobert BISSEK et M. Moïse EBONGUE, Conseillers de la Cour suprême du Cameroun

Dans le système politique camerounais, pour être candidat à une élection, il faut remplir les conditions d’éligibilité prévues pour ladite élection et faire une déclaration de candidature dans les conditions fixées par la loi relative à l’élection concernée.
La candidature peut être acceptée ou rejetée par l’autorité administrative (préfet pour les élections parlementaires, ministre chargé de l’Administration territoriale pour l’élection présidentielle).
L’acceptation ou le rejet de la candidature peut faire l’objet de contestation devant le Conseil constitutionnel.
Ce contre-poids au pouvoir de l’administration a été instauré au Cameroun par la Constitution du 18 janvier 1996. Son titre VIII (articles 46 à 52) définit le Conseil constitutionnel comme un « organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics ».
En plus des fonctions de contrôle de la constitutionalité de lois, la Constitution lui attribue des fonctions électorales. À ce titre, il est chargé de veiller à la régularité des élections présidentielles et parlementaires ainsi que des référendums (article 48).
L’article 52 réserve à la loi le soin d’organiser le fonctionnement du Conseil constitutionnel ainsi que les modalités de saisine et la procédure applicable devant lui.
Le Conseil constitutionnel n’a cependant pas encore été mis en place. Ainsi dans le cadre des dispositions transitoires, l’article 67 a prévu que « la Cour suprême exerce les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à la mise en place de celui-ci ».
C’est dans ce cadre que la Cour suprême a eu à connaître des contestations relatives aux candidatures pour les élections parlementaires de 1997 et 2002 et l’élection présidentielle de 1997 suivant des critères précis.

I. Le cadre des compétences du Conseil constitutionnel relatives aux candidatures électorales

Le cadre législatif des compétences du Conseil constitutionnel en matière électorale est défini par la loi n° 91/80 du 16 décembre 1991 modifiée par la loi n° 97/13 du 19 mars 1999 relative à l’élection parlementaire et la loi n° 97/020 du 9 septembre 1997 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République.
Le Conseil constitutionnel n’est compétent que pour le contrôle des élections parlementaires et présidentielles. En ce qui concerne les élections municipales, ce contrôle est confié à la Chambre administrative de la Cour suprême.
La saisine du Conseil constitutionnel est plus ouverte en ce qui concerne les élections parlementaires. En effet, la décision prise par le préfet pour accepter ou pour rejeter une candidature ou une liste de candidats peut être attaquée devant le Conseil constitutionnel par le candidat, le mandataire de la liste intéressée ou de toute autre liste, et par tout électeur inscrit sur les listes électorales.
Le délai de saisine varie suivant l’élection considérée. Il est de deux jours suivant la publication des candidatures à l’élection présidentielle. Pour les élections des députés à l’Assemblée nationale, ce délai est de cinq jours suivant la notification de la décision de rejet de la candidature.
Le texte prévoit la possibilité d’attaquer la décision d’acceptation d’une candidature à l’élection parlementaire sans précision cependant sur le délai pour agir.
Un délai maximum de quinze jours à compter du dépôt de la requête est imparti au Conseil constitutionnel pour statuer sur la requête.
La décision du Conseil constitutionnel qui intervient à la suite du recours contre le rejet ou l’acceptation d’une candidature électorale est, pour exécution, immédiatement notifiée à l’auteur de la décision attaquée qui peut être soit le ministre de l’Administration territoriale pour l’élection présidentielle, soit le préfet pour l’élection parlementaire. La même décision est notifiée aux parties intéressées uniquement en ce qui concerne l’élection présidentielle.
La validité de la décision d’acceptation ou de rejet de la candidature est appréciée au regard des critères légaux.

II. Les critères de validation des décisions administratives d’admission ou de rejet d’une candidature

Les griefs contre les décisions d’acceptation ou de rejet d’une candidature peuvent porter soit sur la violation d’une condition d’éligibilité soit sur l’irrégularité de la déclaration de candidature.

Le candidat à l’élection présidentielle doit :

  • jouir de ses droits civiques et politiques;
  • avoir trente-cinq ans révolus à la date du scrutin ;
  • être citoyen camerounais d’origine ;
  • justifier d’une résidence continue sur le territoire national d’au moins douze mois consécutifs;
  • justifier d’une inscription sur les listes électorales à la date du scrutin ;
  • être investi par un parti politique ou si l’on est candidat indépendant, être présenté par au moins trois cents personnalités originaires de toutes les dix provinces à raison de trente par province.

Les compétences du Conseil constitutionnel relatives aux candidatures électorales s’exercent dans un cadre précis. Ce cadre est limité par les conditions de saisine.
Le Conseil constitutionnel doit être saisi par requête. Celle-ci, en matière d’élection présidentielle, doit être, introduite exclusivement par un candidat, un parti politique ou toute personne ayant la qualité d’agent du Gouvernement.
S’agissant des élections à l’Assemblée nationale, tout citoyen camerounais sans distinction de sexe peut être inscrit sur une liste de candidats. À cette fin, il doit :

  • jouir du droit de vote ;
  • être régulièrement inscrit sur une liste électorale ;
  • être âgé de vingt-trois ans révolus à la date du scrutin ;
  • savoir lire et écrire dans l’une au moins des deux langues officielles, l’anglais ou le français.

L’intention de se porter candidat aux élections présidentielles ou parlementaires est manifestée par une déclaration de candidature revêtue de la signature ou des signatures légalisées du ou des candidats.
À peine d’irrecevabilité, la déclaration de candidature doit contenir des indications que la loi précise et être accompagnée des documents énumérés dans chaque cas.

En effet, l’article 54 de la loi sur l’élection présidentielle dispose :
«

  1.  Les déclarations de candidatures doivent indiquer:
    1. Les nom, prénom, date et lieu de naissance, profession et domicile des intéressés;
    2. La couleur, le signe et le titre choisis pour l’impression des bulletins de vote ;
  2. La déclaration de candidature est accompagnée :
    1. De la liste de 300 signatures des personnalités requises à l’article 53 ci-dessus, le cas échéant ;
    2. D’un extrait d’acte de naissance du candidat de moins de trois mois;
    3. De la lettre de présentation et d’investiture du parti cautionnant la candidature du postulant, le cas échéant ;
    4. D’une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat s’engage à respecter la Constitution ;
    5. D’un bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de trois mois;
    6. D’un certificat de nationalité ;
    7. De l’original du certificat de versement de cautionnement ;
  3. 3. Est interdit le choix d’emblème comportant à la fois les trois couleurs: vert, rouge, jaune. »

Le dépôt de la déclaration obéit à un régime légal.

Pour l’élection présidentielle, les articles 55, 56 et 57 de la loi n° 97/020 du 9 septembre 1997 disposent :

« Article 55 (nouveau) – 1er les déclarations de candidature doivent être faites en double exemplaire au plus tard le vingt-cinquième jour précédant le scrutin au ministère de l’Administration territoriale, ou exceptionnellement déposées dans une préfecture autre que celle du siège des institutions nationales.
Copie en est immédiatement tenue au Conseil constitutionnel par le candidat ou son mandataire contre accusé de réception.
2e Les déclarations de candidature peuvent également être faites par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au ministère de l’Administration territoriale, à condition qu’elles parviennent avant l’expiration du délai prévu.
3e Lorsque les déclarations de candidature sont déposées, il en est donnée récépissé provisoire. Lorsqu’elles sont adressées par lettre recommandée, l’accusé de réception en tient lieu.
4e Lorsque les déclarations de candidature sont déposées dans une préfecture, le préfet, deux jours après et par voie télégraphique, porte à la connaissance du ministère de l’Administration territoriale lesdites déclarations et les observations qu’elles ont suscitées de sa part. »

« Article 56 (nouveau) – 1er Le candidat doit verser au Trésor public un cautionnement fixé à 1 500 000 francs.
2e Suite au versement visé à l’alinéa (1), il est établi en triple exemplaire, un certificat dudit versement. Un de ces exemplaires doit être immédiatement transmis par les services du Trésor au Conseil constitutionnel ; l’original et l’autre exemplaire sont remis au candidat. »

« Article 57 (nouveau) – 1er Le ministre chargé de l’Administration territoriale peut accepter ou déclarer irrecevable toute déclaration de candidature. Notification de la décision motivée de rejet ou d’acceptation d’une candidature est faite à l’intéressé. Mention de cette décision est consignée dans un procès-verbal immédiatement communiqué au Conseil constitutionnel.
2e La décision de rejet ou d’acceptation d’une candidature peut faire l’objet d’un recours dans les conditions fixées aux articles 61, 62 et 63 ci-dessous. »

En matière d’élections parlementaires, le régime juridique de la déclaration de candidature est fixé par les articles 70 à 72 de la loi n° 97/13 du 19 mars 1997. Ces textes disposent :
« Article 70 – 1er Les candidatures font l’objet, au plus tard quarante jours avant le jour du scrutin, et avant l’heure normale de fermeture des bureaux d’une déclaration en triple exemplaire, revêtue des signatures légalisées des candidats. Cette déclaration est déposée et enregistrée à la préfecture de la circonscription concernée contre récépissé.
2e La déclaration mentionne :

  1. Les nom, prénom, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile des candidats;
  2. Le titre de la liste et le parti politique auquel elle se rattache ;
  3. Le signe choisi pour l’impression des bulletins de vote, ou pour identifier le parti ;
  4. Le nom du mandataire, candidat ou non, et l’indication de son domicile ;

« Article 71 – 1er La déclaration visée à l’article 70 ci-dessus est accompagnée pour chaque candidat titulaire ou suppléant :

  1. D’un extrait d’acte de naissance datant de moins de trois mois;
  2. D’un bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de trois mois;
  3. D’une déclaration par laquelle l’intéressé certifie sur l’honneur qu’il n’est candidat que sur cette liste et qu’il ne se trouve dans aucun des cas d’inéligibilité prévus par la présente loi ;
  4. D’un certificat d’imposition.

2e La déclaration est également accompagnée d’une attestation par laquelle le parti politique investit l’intéressé en qualité de candidat. »

«Article 72 – Dans les vingt-quatre heures qui suivent la déclaration de candidature, le mandataire doit verser au Trésor public un cautionnement dont le montant est fixé à 50 000 francs par candidat titulaire. »

La loi électorale camerounaise limite la liberté des candidatures électorales par le système de l’investiture partisane, ne tolérant les candidatures indépendantes que dans le cadre exclusif de l’élection présidentielle, subordonnées à 30 signatures d’autorités administratives, traditionnelles, municipales et parlementaires, à réunir par le candidat et par province.
La neutralité des autorités administratives chargées de la recevabilité des candidatures est souvent mise en cause par les partis d’opposition du fait même de la propension de ces autorités à filtrer leurs candidatures.
La Cour suprême, statuant comme Conseil constitutionnel a eu à redresser plusieurs cas de rejet injustifiés de candidatures aux élections parlementaires.

À titre d’illustration, on peut citer les arrêts suivants:

  • SDF c/ Préfet de la Mefou AFAMBA : n° 18/CE/96-97 du 15 mai 1997 ;
  • UPC c/ Préfet de la Menoua : n° 11/CE/96-97 du 15 mai 1997 ;
  • SDF c/ Préfet du Ndé : n° 4/CE/96-97 du 30 avril 1997 ;
  • MANIDEM c/ Préfet du Wouri : n° 9/CE/96-97 du 30 avril 1997.

L’expérience du Conseil constitutionnel français : la réception et le contrôle des présentations de candidatures à l’élection présidentielle de 2002 par le Conseil constitutionnel[1]

Stéphane Cottin, Chef du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

Publié avec l’aimable autorisation de la Revue de droit public et de la science politique en France et à l’étranger

Afin d’illustrer l’actualité constitutionnelle de 2002[2], mais sans entrer dans des détails trop techniques, je procéderai à la description des opérations matérielles de réception et de traitement des parrainages[3]. Ces opérations ont dû suivre les évolutions des contraintes législatives et réglementaires; elles ont toujours été assurées avec le plus grand sérieux et surtout ont été préparées avec professionnalisme et un souci accru de transparence, malgré les polémiques extérieures et le poids des impératifs techniques.

Appareil législatif et réglementaire[4]

C’est la loi du 6 novembre 1962, et notamment son article 3, I, qui fixe le principe de la présentation de candidature par cinq cents (et non plus cent comme avant 1976[5]) élus[6]. Ce texte est modifié à chaque élection, notamment pour élargir le nombre de mandats susceptibles d’ouvrir droit à présentation.

Les derniers ajouts datent de la loi organique n° 2000-100 du 5 février 2001. Ils concernent entre autres les parlementaires européens, rajoutant ainsi une 107e « collectivité » (assimilée à un département) pour vérifier le respect de la condition relative aux 30 collectivités territoriales différentes. Les ajouts ont surtout concerné les maires de communes associées et les présidents des organes délibérants d’EPCI: établissements publics de coopération intercommunale. Ces dernières modifications, si elles sont parfaitement justifiées sur le plan conceptuel, posaient techniquement un double problème : d’une part, la population de ces élus est majoritairement constituée de personnes qui détiennent un autre mandat ouvrant droit à présentation, d’autre part, l’engouement récent pour l’intercommunalité a fait se créer un nombre relativement important de mandats multiples. Il est de ce fait assez difficile de suivre avec certitude non seulement le nombre exact de personnes titulaires du droit de présenter un candidat, mais même le nombre de mandats ouvrant ce droit.
De plus, si les textes sur le cumul des mandats se sont précisés et surtout ont été rendus plus contraignants, la date à laquelle se situait le traitement des parrainages coïncidait à peu près avec la moyenne du délai imparti aux juridictions administratives pour le traitement du contentieux des élections municipales de mars 2001. C’est ainsi que de nombreux cas de cumuls ne se sont dénoués, du fait de l’attente de la décision devenue définitive, que pendant cette période.

Au total, ce sont, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur[7], 46 793 mandats qui ouvraient droit à présenter un candidat à l’élection présidentielle début mars 2002. À ce chiffre, il faut nécessairement retrancher les cumuls de mandat et ainsi « dédoublonner » cette population initiale. Si le décret[8] n° 2001-777 du 30 août 2001 pris pour l’application des dispositions du troisième alinéa de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création au ministère de l’Intérieur d’un fichier des élus et des candidats aux élections au suffrage universel rend, par ses articles 2 g) et 4, le Conseil constitutionnel destinataire des informations contenues dans ce fameux « fichiers des élus », il n’y a pas d’identifiant unique. C’est donc un « dédoublonnage » difficile que les services du Conseil constitutionnel sont amenés à faire, ne disposant que des informations fournies par le ministère de l’Intérieur et en premier lieu par les élus eux-mêmes.
Ce contrôle s’effectue sur le nom, le prénom et la date de naissance des élus: on sera donc confronté à des risques d’erreur d’élu(e)s n’indiquant pas leur âge exact (cas non négligeable pour certaines collectivités outre-mer où l’état civil est d’établissement récent), au cas des noms d’épouse ou d’usage ou de jeune fille, voire des surnoms.
De plus, les fichiers comportaient des règles d’abréviations fluctuantes (notamment des doubles prénoms): un contrôle sur les seuls noms et date de naissance a pu aussi être effectué, relevant alors six paires de jumeaux parmi les élus!
Ce travail minutieux a été accompli dans les semaines qui ont précédé les opérations proprement dites, et c’est sur la base de données harmonisées et vérifiées que les saisies informatiques ont pu être effectuées. Compte tenu des obligations de fiabilité qui s’imposaient, il a fallu mettre au point avec le ministère de l’Intérieur, principal fournisseur de données, un calendrier de remise de ces listes le plus serré possible, et surtout une procédure de mise à jour en temps réel de ces données
[9]. Ce ne sont pas moins de dix à vingt modifications quotidiennes que les services du Conseil ont été amenés à faire pendant la période des parrainages: décès, démissions, réélections, remplacements, erreurs ou omissions, créations ou disparitions de mandats.

Depuis les élections de 1981, et à la demande du Conseil constitutionnel[10], « Les présentations sont rédigées sur des formulaires imprimés par les soins de l’administration conformément au modèle arrêté par le Conseil constitutionnel. » (article 3 du décret du 8 mars 2001).
Le modèle 2002 du formulaire a été arrêté lors de la séance plénière du 14 mars 2001, et tentait d’allier la simplicité du remplissage avec la complexité des textes. La contrainte de l’utilisation exclusive de ce formulaire, et non d’une copie, a été par exemple renforcée par l’utilisation de plusieurs techniques d’impression rendant impossible la reproduction. La distribution et la collecte de ces formulaires ont aussi donné lieu à des opérations spéciales de la part d’administrations qui ont démontré leur parfaite coordination et capacité d’adaptation.
En amont, les préfectures et les représentants de l’État ont pu envoyer à chaque titulaire de mandat susceptible d’ouvrir droit à présentation un et un seul formulaire dans les délais voulus par les textes, et ont su en tenir à la disposition des personnes qui justifiaient de la perte ou de la disparition de leur formulaire, tout en le signalant systématiquement au Conseil constitutionnel (qui a pu savoir ainsi, en temps réel, quels étaient les risques de doublons). En aval, la Poste a permis d’acheminer les quelque dix mille plis en limitant au maximum les pertes et les retards d’acheminement
[11].

Opérations matérielles de contrôle : le circuit des formulaires

Une proportion non négligeable des formulaires est remise directement au Conseil constitutionnel par les équipes des candidats, soit par lots importants, soit par petits paquets de quelques unités. Cette remise directe est parfois l’occasion pour un candidat d’organiser une action médiatique, auquel cas le secrétaire général reçoit personnellement le candidat. Chaque remise « en nombre » fait l’objet d’un premier compte devant les représentants des candidats, par deux collaborateurs du Conseil : ceux-ci remettent un reçu aux représentants et montent immédiatement les formulaires au circuit de contrôle, où ils vont rejoindre les formulaires arrivés par la voie postale.
La première opération consiste à ouvrir les enveloppes, et à détacher, si besoin est, le formulaire de sa page de garde. Un membre du service juridique assure le contrôle visuel du formulaire (présence de la signature, du nom du candidat, de celui du présentateur et de sa qualité…).
Un « aiguillage » distingue à ce stade les présentations « présumées valides », les présentations manifestement non conformes et celles à faire vérifier par un rapporteur adjoint (par exemple en cas de doute sur une rature, la présence suspecte de surcharge, …).
Les formulaires vont alors être triés et horodatés (apposition d’un numéro d’ordre, de la date et de l’heure). Ils sont enfin photocopiés et les originaux rangés au coffre. Les copies sont, selon les cas, soumises au traitement informatique (présentation présumée valide, la grande majorité) ou remises à un rapporteur adjoint pour instruction.
Chaque formulaire valide ou non, est entré dans la base de données. Le traitement informatique confirme l’identité du présentateur vérifie s’il y a doublon et établit les états statistiques.
L’ordinateur peut ainsi rejeter la présentation s’il ne connaît pas le parrain ou le mandat : un contrôle par un rapporteur adjoint est alors effectué et la base corrigée en fonction du résultat de l’enquête.
Dans le cas particulier des présentateurs dont la signature parvient au Conseil plus d’une fois (les « doublons »), ou encore dans les cas, rares, mais qui se sont produits tant en 1995 qu’en 2002, où le formulaire parvient au Conseil alors que la vacance récente du mandat (par décès ou démission) avait été signalée, une enquête est systématiquement menée par le rapporteur adjoint. Cette enquête a pour objet de vérifier que le formulaire a bien été signé par le présentateur alors qu’il était encore titulaire du mandat.
Dans le cas des doublons, comme le décrit Jean-Pierre Camby
[12], c’est la règle du premier formulaire arrivé qui prévaut. Reste le problème des formulaires parvenus le même jour, par exemple parmi les 1915 déposés par les équipes de candidats le premier jour. Le rapporteur adjoint effectue les diligences en vertu de l’article 5 du décret du 8 mars 2001 (« le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile »).
L’outil informatique renseigne en temps réel le secrétaire général du Conseil constitutionnel de l’état des signatures par candidat, du nombre de « départements » et des enquêtes en cours. Lors de la deuxième semaine de réception des parrainages, pour les candidats qui le souhaitaient, le nombre des parrainages parvenus et considérés comme valides était donné par fax chaque soir.
Le logiciel permet enfin de traiter les tirages au sort nécessaires à la publication de 500 signataires par candidat. Afin de permettre une vérification des présentations destinées à être publiées au fur et à mesure des enregistrements plutôt qu’au dernier moment, des tirages au sort partiels ont été réalisés « préconstituant » ainsi l’échantillon final. L’algorithme de tirage au sort était conçu de telle sorte qu’il n’interdisait pas aux parrainages parvenus les derniers au Conseil constitutionnel d’être tirés au sort et leur donnait même une chance équivalente à celle des autres. À cet effet, un système de pondération a été mis au point par M. Braytman, collaborateur technique du Conseil.

Information du public

En plus de la publication au Journal officiel imposée par les textes, il est d’usage depuis 1988 que l’intégralité des présentations valides soit affichée dans les locaux du Conseil constitutionnel pendant quelques jours après cette publication[13].
La question de publier l’ensemble des présentateurs sur le site Internet du Conseil constitutionnel fait débat. Techniquement possible, souhaitée par le Conseil dans ses observations de 1974 et de 2002 (pour des raisons d’égalité de traitement des présentateurs et des candidats, comme pour des motifs de transparence démocratique), elle se heurte cependant à la lettre des textes ainsi qu’à une série d’objections émanant des partis politiques radicaux ou marginaux (qui craignent que la certitude de la publication n’intimide les élus susceptibles de présenter leurs candidats ou ne constitue une sorte de pré-élection en raison de la disparité du nombre de signatures d’un candidat à l’autre).
Pour autant, les services du Conseil ont été amenés à des efforts de communication inédits en direction des présentateurs, des équipes des candidats et du public, par l’intermédiaire de son site Internet. C’est ainsi par exemple que dès le mois d’août 2001 a été ouvert une section « questions les plus fréquemment posées ». Non moins de cent questions ont fait l’objet de réponses, qui, si elles n’ont évidemment pas l’autorité de décisions du Conseil, constituent une source d’informations « autorisées ».
Concernant le problème particulier des parrainages, on trouvera ci-après la liste des onze questions posées de façon récurrente aux services du Conseil, et auxquelles il a été apporté une réponse succincte mais précise et complète sur le site Internet
[14]:

  • Quelles sont les conditions pour être candidat à l’élection du président de la République ?
  • Comment obtenir des formulaires de présentation d’un candidat ?
  • Quand et comment collecter les 500 signatures ?
  • Peut-on connaître la liste des personnes ayant présenté un candidat ?
  • Quels contrôles opère le Conseil constitutionnel sur les présentations ?
  • Comment le public peut-il être informé d’une présentation ?
  • Qui peut présenter un candidat à l’élection présidentielle ?
  • Comment est établi exactement le calendrier des parrainages ?
  • Existe-t-il des règles encadrant la forme ou le contenu des démarches que le candidat effectue pour se faire connaître des personnes habilitées à envoyer une présentation ?
  • Un candidat peut-il se présenter à l’élection présidentielle et faire campagne sous un nom d’usage sous lequel il est plus connu que par le nom de son état civil ?
  • À qui incombe le paiement de l’envoi des formulaires de présentation que les élus adressent au Conseil constitutionnel par la poste ?

Telle peut être résumée l’action déployée par le Conseil pour répondre à ses missions en matière de contrôle des présentations des candidats à l’élection présidentielle. Il s’est contraint à la plus grande transparence possible (compte tenu des limitations légales) tant à l’égard du public que des présentateurs, et des équipes des candidats. La réussite de cette politique de transparence doit beaucoup à la bonne volonté souvent manifestée plusieurs mois à l’avance, des agents des ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de l’Outre-mer, des Affaires européennes, du Secrétariat général du Gouvernement, de la Poste, du Journal officiel et de l’Imprimerie nationale.

  • [1]
    Article paru dans la Revue de droit public et de la science politique en France et à l’étranger, n° 5-2002, p. 1263- 1269.  
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  • [2]
    Le Conseil et les cinq cents: les « parrainages » des candidats à l’élection présidentielle, Jean-Pierre CAMBY, RDP, 2002, p. 597.  
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  • [3]
    Un article particulièrement bien documenté fait aussi le point sur l’histoire, les modalités d’établissement et le contentieux de la liste des cinq cents signatures: «Le Conseil constitutionnel et la liste des candidats à l’élection du président de la République », Emmanuel TAWIL, Revue d’Actualités juridiques française, RAJF.ORG, avril 2002, http ://www.rajf.org/ article.php3 ?id_article=640.  
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  • [4]
    Le site Internet du Conseil constitutionnel propose l’accès au texte intégral de nombreux documents utiles, et notamment ces textes réunis à cette adresse : http ://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/documents/parrains/ txt.htm.  
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  • [5]
    Loi organique n° 76-528 du 18 juin 1976.  
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  • [6]
    J.-P. CAMBY, art. précité, pp. 599-600.  
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  • [7]
    Le site Internet du ministère de l’Intérieur dispose de pages d’information très complètes sur la question : http ://www.interieur.gouv.fr/rubriques/b/b3_elections/tout_savoir_sur_les_elections/Dossier_de_presse.  
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  • [8]
    JO du 1er septembre 2001 page 14035.  
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  • [9]
    Circulaire N° INTA0200020C du 23 janvier 2002. Actualisation des fichiers de maires, maires délégués, maires des arrondissements de Lyon et Marseille, conseillers de Paris, conseillers généraux, conseillers régionaux et présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.  
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  • [10]
    Déclaration du Conseil constitutionnel du 24 mai 1974, Loïc PHILIP, A.J.D.A., 1974, p. 376.  
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  • [11]
    Si les pertes, s’il y en a eu, sont par construction indétectables – un seul élu a signalé que son nom n’apparaissait pas dans les listes finalement affichées au Conseil, alors qu’il affirme avoir envoyé son formulaire dans les temps – les retards de courrier ont amené moins de dix plis dont les cachets étaient antérieurs au 2 avril hors des délais pour les prendre matériellement en considération (décision du 4 avril). En revanche, une bonne cinquantaine de formulaires nous sont arrivés largement hors délai : ils n’ont évidemment pas été traités.  
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  • [12]
    Article précité, cette revue, p. 599.  
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  • [13]
    http ://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/documents/parrains/me.htm et surtout http ://www. conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/documents/parrains/affichage.htm.  
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  • [14]
    http ://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/faq/.  
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L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef  de la Cour constitutionnelle du Mali

Au Mali, tout parti politique légalement constitué, tout groupement de partis politiques légalement constitués, peuvent présenter un candidat ou une liste de candidats.
Les candidatures indépendantes sont également autorisées (cf. loi N°02-007 du 12 février 2002 portant loi électorale).
La Cour constitutionnelle est compétente sur toutes les questions relatives aux élections législatives et présidentielles.

À cet égard :

  1. Le modèle de déclaration de candidature est déterminé par le Conseil des ministres après avis de la Cour constitutionnelle ;
  2. Les contestations au sujet de l’enregistrement des candidatures aux élections présidentielles et législatives sont déférées à la Cour constitutionnelle par le président de la CENI, les partis politiques ou les candidats dans les 24 heures. La Cour statue sans délai ;
  3. Les contestations relatives à la validité des candidatures reçues sont portées devant la Cour constitutionnelle dans les 24 heures. Elle statue sans délai mais avant l’ouverture de la campagne électorale ;
  4. La Cour constitutionnelle peut présenter des observations concernant la liste des organisations habilitées à user des moyens officiels de propagande.

D. Les Cours constitutionnelles et le déroulement de la campagne électorale

L’expérience de la Cour constitutionnelle tchèque

M. Jiří MALENOVSKY, Juge de la Cour constitutionnelle tchèque

La Cour constitutionnelle de la République tchèque a abordé les questions de la vérification de la régularité de l’élection d’un député ou d’un sénateur, de la violation de la loi électorale (interdiction de campagne électorale et de propagande électorale au cours de la période dite «moratoire ») ainsi que celles de la légitimité et de la proportionnalité de l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression d’un candidat à la fonction de député ou de sénateur lors de l’examen de l’affaire introduite par le requérant «ODS » (Občanská demokratická strana – le Parti démocratique civique).
La Cour constitutionnelle a été saisie dans le cadre de ses compétences l’autorisant à statuer sur un recours contre une décision en matière de vérification de la régularité de l’élection d’un député ou d’un sénateur
[1]. Le recours du Parti démocratique civique contestait en particulier la résolution de la Cour suprême de la République tchèque du 3 décembre 1998 qui a statué que, dans la circonscription électorale de Brno, la candidate du Parti démocratique civique, Mme Lastovecká, n’avait pas été régulièrement élue sénatrice lors des élections en novembre 1998 et n’a pas donc pu obtenir de certificat de sénateur élu au Sénat de la République tchèque.
Le Sénat est élu au suffrage universel, égal, direct et secret et au scrutin majoritaire
[2]. La loi électorale[3] prévoit deux tours de scrutin pour les élections sénatoriales; le candidat obtenant au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés étant régulièrement élu. Si aucun candidat n’est régulièrement élu au premier tour, les deux candidats qui, au premier tour arrivent en tête, s’affrontent au second tour. Le candidat remportant le plus de suffrages exprimés au second tour est régulièrement élu.
Dans la circonscription électorale en question, deux candidats ont obtenu près de 10 000 voix chacun au second tour; Mme Lastovecká a remporté 263 voix de plus que son concurrent M. Božek. Le Parti socio-démocrate tchèque (Česká strana sociálně demokratická), qui avait présenté la candidature de M. Božek a saisi la Cour suprême d’un recours contre la délivrance à Mme Lastovecká d’un certificat de sénateur élu
[4] au motif que cette candidate aurait à plusieurs reprises violé la loi électorale. La Cour suprême a statué que les élections dans la circonscription électorale en question étaient irrégulières et que, par conséquent, Mme Lastovecká ne pouvait être proclamée élue. La Commission chargée des questions de mandats et d’immunités du Sénat a conclu par la suite que, eu égard à la force contraignante de la décision précitée de la Cour suprême, elle ne pouvait pas vérifier le mandat dans la circonscription électorale de Brno en question. Le Sénat prit acte de cet avis de ladite Commission du Sénat.
Le Parti démocratique civique saisit ensuite la Cour constitutionnelle d’un recours contre les décisions précitées constatant l’irrégularité de l’élection de Mme Lastovecká. Son recours réclamait que la Cour constitutionnelle statue dans un arrêt que sa candidate avait été régulièrement élue sénatrice lors des élections sénatoriales.
La Cour constitutionnelle a statué sur le fond de l’affaire dans l’arrêt rendu le 18 février 1999 par sa première chambre qui a fait droit aux griefs du Parti démocratique civique. Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle a conclu que Mme Lastovecká avait été régulièrement élue sénatrice. En même temps, toutes les décisions antérieures, contraires à l’arrêt, rendues par d’autres autorités, ont été déclarées sans effet.
Dans sa résolution qui a été ultérieurement annulée par la Cour constitutionnelle, la Cour suprême avait conclu à des violations de la loi électorale en raison du non-respect des obligations imposées par les dispositions de l’article 16, en particulier de celles insérées aux alinéas 2 et 5. L’alinéa 2 dispose entre autre qu’une « campagne électorale doit être honnête et correcte » et qu’il est interdit de publier des « informations fausses » sur les candidats, les partis politiques ou les coalitions. Les dispositions de l’alinéa 5 interdisent avant tout « toute propagande électorale pour des partis politiques, des coalitions et des candidats » au cours des 48 heures précédant le début des élections et pendant les élections. Durant ce «moratoire », il est aussi interdit de publier les résultats de sondages préélectoraux.
La Cour suprême a conclu à une violation de la loi électorale surtout sur le point que le premier jour du second tour de scrutin la candidate Mme Lastovecká, invitée d’une émission d’actualités télévisées régionale, a réagi à des informations selon lesquelles durant le «moratoire » électoral des tracts étaient distribués en faveur de son rival socio-démocrate M. Božek et contenaient des attaques à son encontre. Mme Lastovecká a déclaré que la distribution des tracts s’inscrivait dans toute une série de tentatives de ternir sa réputation aux yeux des citoyens de Brno et de la discréditer. Le même jour, un article se référant à des sondages préélectoraux est paru dans un quotidien publié à l’échelle nationale, qui aurait eu pour but de faire croire aux lecteurs que Mme Lastovecká était incontestablement favorite dans les élections sénatoriales. Un autre article qui est paru dans le même journal le deuxième jour du second tour des élections, qualifiait la distribution des tracts « d’acte immoral » de son rival M. Božek
[5].
La Cour suprême a souligné la pertinence exclusive du fait objectif de violation de la loi électorale et elle n’a pas en revanche considéré comme pertinent le fait que la candidate ait ou non participé par négligence ou intentionnellement à cette violation. Selon la Cour suprême, le comportement des médias durant le «moratoire » aurait pris forme de propagande électorale au profit de Mme Lastovecká. L’interdiction de faire de la propagande électorale ne s’applique pas seulement aux candidats, partis et coalitions, mais également à tout sujet qui est en position d’influencer le résultat des élections. En l’espèce, l’acte de propagande électorale tombait selon la Cour suprême dans le champ d’application de cette interdiction puisque commis par un journal de portée nationale et « crédible ». Ceci a conduit la Cour suprême à conclure que l’élection de Mme Lastovecká dans la circonscription donnée était irrégulière et qu’en conséquence celle-ci ne pouvait être proclamée élue.

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle s’est d’abord prononcée au sujet des limites de ses compétences. Bien qu’elle ne fasse pas partie du système des autres tribunaux tchèques et ne soit que l’« organe juridictionnel protecteur de la Constitution[6] », en matière de vérification de la régularité de l’élection d’un député ou d’un sénateur, elle statue sur un « recours » et agit donc exceptionnellement en qualité d’instance d’appel sui generis. Il lui faut donc examiner chaque affaire concrète à la lumière non seulement des règles constitutionnelles mais aussi des règles législatives.
La Cour constitutionnelle n’a pas souscrit à la thèse de la Cour suprême prônant le caractère « objectif » des violations de la loi électorale, en estimant qu’il n’importe guère d’établir si la loi électorale avait été violée de façon objective ou subjective. Ce qui compte ce sont les circonstances d’espèce ainsi que la gravité de la violation et la manière dont celle-ci a été commise. Or, n’importe quelle violation de la loi électorale n’entraîne pas nécessairement l’irrégularité des élections; une telle conséquence fatale peut résulter seulement d’éléments pertinents franchissant un certain seuil de gravité.
La Cour constitutionnelle a en conséquence ciblé son attention sur la question de savoir si, en l’espèce, la loi électorale avait été violée ou non et, dans l’affirmative, si la violation était suffisamment grave pour qu’elle puisse engendrer le constat d’irrégularité des élections.
Selon la Cour constitutionnelle, la notion de « propagande électorale » à laquelle le législateur a recouru doit être interprétée de façon restrictive. En interdisant la propagande électorale durant le «moratoire », le législateur voulait sans doute éviter seulement une « propagande intentionnelle et ciblée » faite de façon délibérée, dans le but de favoriser un parti politique, une coalition ou un candidat. Il est clair que même durant le «moratoire », il est impossible d’interdire une campagne électorale en tant que telle car une interdiction pareille impliquerait par exemple l’obligation d’enlever toutes les affiches ou les panneaux électoraux.
À la vue de la Cour constitutionnelle, les actualités télévisées susmentionnées auxquelles la candidate Mme Lastovecká avait pris part n’étaient pas qualifiables de propagande électorale interdite puisque, de toute évidence, les rédacteurs ont fait des efforts de présenter des vues diverses. L’émission n’était pas partiale. Les propos tenus par Mme Lastovecká durant l’émission n’étaient pas «malhonnêtes et incorrects » car la candidate s’est limitée à la critique du style de la campagne électorale. Les articles publiés dans la presse ne contenaient pas non plus de données qualifiables de fausses; ils ne présentaient qu’une conjecture du résultat du second tour des élections sénatoriales offerte par la rédaction. Le fait que les rédacteurs ont envisagé un lien entre la distribution des tracts et la personne du candidat socio-démocrate M. Božek était inopportun et erroné certes, mais il n’était pas de toute manière susceptible de mettre en cause le résultat global des élections. Même s’il est vrai que les résultats respectifs des deux candidats au second tour étaient proches, il n’y avait cependant pas d’indices d’un renversement au détriment du candidat socio-démocrate à ce second tour. Le nombre de voix que Mme Lastovecká a remporté à chaque tour de scrutin est demeuré relativement inchangé
[7], alors que l’autre candidat M. Božek a recueilli au second tour 37 % des voix de plus qu’au premier tour. Les violations alléguées de la loi électorale, c’est-à-dire du droit électoral « objectif » « n’ont pas donc de répercussions importantes sur le résultat final du second tour ni perturbé la fonction des élections dans une société démocratique ».
La Cour constitutionnelle a également interprété le principe d’honnêteté d’une campagne électorale et l’interdiction de propagande électorale durant les 48 heures précédant les élections et pendant les élections en rapport avec la liberté d’expression et le droit à l’information. Elle a mis l’accent sur le fait que ce principe et cette interdiction ne peuvent être interprétés de manière aussi large que leur mise en œuvre créerait un vide social empêchant toute liberté d’expression et tout exercice du droit à l’information dans le contexte électoral.
La Cour constitutionnelle s’est ensuite posée la question de savoir si la décision de la Cour suprême de ne pas délivrer à la candidate vainqueur Mme Lastovecká le certificat de sénateur élu n’a pas méconnu les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’information de celle-ci
[8]. La Cour constitutionnelle s’est par ailleurs inspirée des idées émises le 19 février 1998 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Bowman contre le Royaume-Uni.
En premier lieu, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 17 de la Charte constitutionnelle et l’article 10 de la Convention européenne étaient applicables en l’espèce, la décision sur l’irrégularité de l’élection de D. Lastovecká en raison de son passage à la télévision ayant porté atteinte à ses droits à la liberté d’expression et à l’information.
La Cour constitutionnelle a ensuite examiné si cette atteinte était ou non prévue par la loi. Les dispositions de l’article 16 de la loi électorale prévoient différentes restrictions apportées au droit à la liberté d’expression. La loi électorale est une « loi » au sens formel du terme. Cette loi est accessible. Toutefois, elle n’est pas prévisible. À cet égard, la Cour constitutionnelle a mis le doigt sur le fait qu’une « loi » n’est pas uniquement un texte législatif mais aussi la jurisprudence des tribunaux qui l’interprètent de façon contraignante. C’est la Cour suprême qui a appliqué lesdites dispositions de la loi électorale dans deux affaires distinctes – celle de M. Vlach et celle de Mme Lastovecká. Sa décision dans l’affaire de l’élection de Mme Lastovecká a été rendue en deuxième, cinq mois après la première décision. Les points de départ de ces deux décisions divergent nettement. Dans l’affaire de l’élection de M. Vlach, la Cour suprême a entériné le principe de l’existence d’un lien entre le comportement fautif du candidat et le fait de violation de la loi électorale ; dans l’affaire de l’élection de Mme Lastovecká, elle a abandonné ce principe sans l’avoir expliqué, et a, par contre, entériné celui de nature objective d’une telle violation sans égard à une « faute » du candidat. Une des conditions essentielles nécessaires pour une limitation légitime imposée au droit à la liberté d’expression et au droit à l’information, à savoir la condition de la prévisibilité de la loi, n’a donc pas été respectée en l’espèce.
La Cour constitutionnelle a par ailleurs examiné les conditions de la légitimité et de la proportionnalité de l’ingérence dans les droits de la candidate Mme Lastovecká. Même si la Cour a constaté l’existence d’un but légitime (protection des droits et libertés d’autrui), elle est cependant parvenue à la conclusion que la décision judiciaire sur l’irrégularité de son élection à la fonction de sénatrice ne constituait pas une mesure nécessaire dans une société démocratique. Le «moratoire » de 48 heures précédant les élections n’impliquerait pas de « créer par une loi un milieu stérile rendant impossible toute liberté d’expression et l’exercice du droit à l’information ». Mme Lastovecká ne s’est pas engagée dans une « propagande électorale » dans une mesure et avec une gravité susceptibles d’une répercussion sur le résultat des élections; elle a en fait correctement critiqué le fait de distribuer des tracts favorisant son concurrent. Si la Cour constitutionnelle privait la candidate Mme Lastovecká de la possibilité de formuler une telle critique, elle accorderait un avantage incorrect à d’autres candidats qui, ayant peut-être eux-mêmes violé le régime de «moratoire », l’ont conduite à protester.
Vu les circonstances d’espèce, la Cour constitutionnelle a été amenée à conclure que la décision de la Cour suprême ainsi que les décisions liées avec celle-ci ont violé les droits fondamentaux de Mme Lastovecká à la liberté d’expression et à l’information.
Le Parlement de la République tchèque n’a pas ignoré l’opinion de la Cour constitutionnelle exprimée dans l’arrêt susmentionné et a amendé, par la loi n° 204/2000 du Journal officiel, entre autres les dispositions de l’article 16 de la loi électorale, en élargissant l’espace pour l’exercice du droit à la liberté d’expression durant le «moratoire » électoral et en précisant l’énoncé de différentes obligations insérées dans ces dispositions législatives.

  • [1]
    Article 87 alinéa 1 lettre e) de la Constitution.  
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  • [2]
    Article 18 alinéa 2 de la Constitution.  
    [Retour au contenu]
  • [3]
    Article 18 alinéa 2 de la Constitution.  
    [Retour au contenu]
  • [4]
    Pendant l’été 2003, Mme Lastovecká est devenue juge à la Cour constitutionnelle de la République tchèque.  
    [Retour au contenu]
  • [5]
    La commission électorale n’est cependant pas arrivée à démontrer l’identité de l’auteur de ce tract ni son arrière-plan politique concret.  
    [Retour au contenu]
  • [6]
    Article 83 de la Constitution.  
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  • [7]
    D’un tour de scrutin à l’autre, il n’a augmenté que de 2,45 %.  
    [Retour au contenu]
  • [8]
    Article 17 de la Charte constitutionnelle des droits de l’homme et libertés fondamentaux et article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.  
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E. Les Cours constitutionnelles et les partis et groupements politiques

Les contributions de la Cour d’arbitrage de Belgique, de la Cour constitutionnelle de Bulgarie, de la Cour constitutionnelle de Roumanie et de la Cour constitutionnelle de Slovénie seront insérées dans le prochain bulletin de l’ACCPUF portant sur le statut, le financement et le rôle des partis politiques (synthèse des travaux du 4e séminaire des correspondants nationaux, 1er -3 décembre 2004, Paris, AIF).

V/Le déroulement du scrutin

A. Les procédures spéciales de vote (vote par procuration / vote par correspondance / vote électronique / vote des militaires / vote des nomades)

L’expérience du Conseil constitutionnel algérien

M. Abdel Kader CHERBAL, Directeur d’études et de recherche du Conseil constitutionnel algérien

L’article 50 de la Constitution algérienne du 28 novembre 1996 dispose que : «Tout citoyen remplissant les conditions légales, est électeur et éligible ».
En application de ce principe constitutionnel, le législateur définit l’électeur comme étant tout algérien ou algérienne âgé(e) de dix-huit (18) ans accomplis au jour du scrutin, jouissant de ses droits civils et civiques et n’étant dans aucun cas atteint(e) d’incapacité prévue par la législation en vigueur
[1].
Toutefois, l’électeur ne peut voter que s’il est inscrit sur une liste électorale
[2].
Le premier texte portant régime électoral algérien est le décret n° 63-306 du 20 août 1963. Ce code a été abrogé par la loi 80-08 du 25 octobre 1980 relative à loi électorale, qui a été à son tour abrogée par la loi 89-13 du 7 août 1989. Cette dernière a été remplacée également par l’ordonnance 97-07 du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral, actuellement en vigueur.
Ces textes successifs ont prévu des dispositions relatives aux procédures d’exercice du droit de vote. Elles diffèrent d’un texte à un autre. Cette intervention a pour objet d’exposer certaines procédures relatives à l’exercice du droit de vote.

Les procédures d’exercice du droit de vote dans le régime électoral actuellement en vigueur

Il ressort des dispositions de la loi électorale actuellement en vigueur que le législateur algérien a retenu des procédures qui permettent à l’électeur d’exercer son droit de vote directement ou par procuration, dans la commune où se trouve son domicile ou sur son lieu de travail, dans un bureau de vote fixe ou itinérant, selon le cas.

Le vote par procuration

L’article 62 de la loi électorale cite les catégories auxquelles doit appartenir l’électeur qui demande à exercer son droit de vote par procuration. Ces catégories sont :

  1. les malades hospitalisés ou soignés à domicile ;
  2. les grands invalides ou infirmes;
  3. les travailleurs exerçant hors de la wilaya (préfecture) de leur résidence et/ou en déplacement et ceux retenus sur leur lieu de travail, le jour du scrutin ;
  4. les citoyens se trouvant momentanément à l’étranger.

Il y a lieu de mentionner que le législateur n’a pas retenu, dans la loi actuellement en vigueur, la disposition du texte précédent[3] qui permettait à certains membres de la famille d’exercer leur droit de vote par procuration. En agissant ainsi le législateur cherchait probablement à mettre fin à la pratique qui consistait au vote des électeurs à la place des électrices membres de leur famille (mère, sœurs, filles, épouse) par le recours à la procuration. En supprimant cette règle, la femme est encouragée donc à exercer directement son droit de vote.
À ces catégories qui viennent d’être mentionnées il y a lieu d’ajouter les membres de l’armée nationale populaire, les corps de sécurité
[4] et les électeurs établis à l’étranger[5] qui peuvent également demander d’exercer leur droit de vote par procuration.

Le vote sur le lieu de travail

Le législateur permet aux membres de l’armée nationale populaire et aux corps de sécurité d’exercer leur droit de vote, pour les élections présidentielles, les législatives et les consultations référendaires, sur leur lieu de travail[6].
Cette règle qui permet aux membres de l’armée nationale populaire et aux corps de sécurité d’exercer leur droit de vote sur leur lieu de travail a été introduite par le législateur pour la première fois en 1980
[7], elle a été abrogée par la loi 89-13 du 7 août 1989, réintroduite en 1995[8] et 1996[9] et maintenue par la loi organique n° 97-06 relative au régime électoral actuellement en vigueur.

Le vote dans des bureaux itinérants

Les populations de certaines communes algériennes sont éparpillées; cette situation constitue un obstacle de taille, des électeurs devant faire, à chaque consultation électorale, des déplacements de plusieurs kilomètres pour pouvoir exercer leur droit de vote. Afin de permettre à cette catégorie d’électeurs d’exercer son droit dans des conditions acceptables, le législateur permet à l’administration de créer des bureaux de vote itinérants dans les communes où les opérations de vote ne peuvent se dérouler le jour même du scrutin pour des raisons matérielles liées à l’éloignement du bureau de vote, à l’éparpillement des populations et pour toute raison exceptionnelle dans une commune donnée[10].
Sur la base de cette règle, des bureaux de vote itinérants ont été créés dans certaines communes. Leur nombre qui avoisinait les 37 000 bureaux, lors des élections présidentielles de 1995, a été réduit à quelque centaines seulement lors des élections législatives et locales qui se sont déroulées respectivement le 30 mai et le 10 octobre 2002.
Cette réduction est justifiée d’une part, par l’amélioration de la situation sécuritaire, et d’autre part, par les deux instructions présidentielles relatives aux élections législatives du 30 mai 2002 et locales du 10 octobre 2002 recommandant aux autorités concernées (Gouvernement, walis (préfets), chefs de daïras (sous-préfets) de réduire le nombre des bureaux de vote itinérants au strict minimum, conformément à la loi.
En adoptant des procédures spéciales de vote, le législateur cherche à ce que l’électeur, qu’il soit malade, en déplacement, se trouvant momentanément à l’étranger, membre des corps de sécurité ou que son domicile se trouve dans une commune où les populations sont éparpillées, puisse exercer facilement son droit de vote le jour du scrutin et par conséquent réunir toutes les conditions susceptibles de contribuer à assurer le plus grand taux de participation possible.

Les procédures spéciales de vote et la transparence des opérations de vote

Il serait peut-être utile de rappeler que les procédures spéciales de vote sont conformes à la Constitution. À cet effet, le Conseil constitutionnel, dans son avis du 6 mars 1997 relatif à la conformité à la Constitution de l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral, a déclaré les autres dispositions de la dite ordonnance, y compris les dispositions spéciales relatives au vote par procuration, au vote sur le lieu de travail et celles permettant le recours à des bureaux de vote itinérants dans certaines communes où les populations sont éparpillées, conformes à la Constitution.
En dépit de la particularité des bureaux de vote itinérants et assimilés, ces bureaux sont soumis aux mêmes règles régissant les autres bureaux de vote, notamment celle qui dispose que tout candidat ou son représentant dûment habileté a le droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s’effectuent ces opérations. Il peut inscrire au procès-verbal toutes observations ou contestations sur le déroulement des opérations
[11].
Les recours introduits devant le Conseil constitutionnel lors des scrutins qui se sont déroulés depuis 1995 étaient très diversifiés et par conséquent, n’ont pas visé d’une façon particulière le vote par procuration, le vote des membres des corps de sécurité ou le vote des électeurs des communes où les populations sont éparpillées.
Afin d’assurer une plus grande transparence, le président de la République a adressé deux instructions au Gouvernement, aux walis (préfets) et aux chefs de daïras (sous-préfets) visant à « garantir la liberté et la transparence » aux élections législatives du 30 mai et aux élections locales du 10 octobre 2002. Le président a insisté sur la « réduction au minimum» des bureaux de vote itinérants. Il a demandé la mise en place de « dispositifs pratiques » permettant aux représentants des partis et des candidats « d’exercer effectivement leur droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement et de décompte des voix dans tous les locaux où s’effectuent ces opérations, y compris en ce qui concerne les bureaux de vote itinérants et assimilés ». Il a insisté enfin sur l’exigence d’impartialité de l’administration et de ses agents.
Il est donc clair que les procédures spéciales de vote qui viennent d’être exposées n’affectent pas, en elles même, la transparence des opérations de vote. Elles prouvent, au contraire que le législateur a prévu des dispositions qui prennent en considération la situation de certains électeurs afin de leur permettre d’exercer un droit constitutionnel et les mettre ainsi sur le même pied d’égalité que les autres électeurs.
Ces procédures font partie du dispositif légal et réglementaire qui a été renforcé et consolidé, lors des dernières élections législatives et locales, par les prescriptions des deux instructions susmentionnées qui avaient pour finalité le respect de la sincérité du scrutin et la garantie du libre choix des électeurs.
Si le principe du vote par procuration et celui du recours à des bureaux de vote itinérants dans certaines communes où les populations sont éparpillées, sont généralement acceptés par les candidats et les partis politiques, cependant le vote des membres de l’armée nationale populaire et celui des corps de sécurité sur leur lieu de travail est considéré par certains partis politiques comme un processus qui ne fournissait pas suffisamment de garanties de neutralité et de transparence. Ils proposent
[12] l’amendement de la loi électorale de telle sorte que les membres des corps de sécurité votent dans les mêmes conditions que les autres électeurs.
Sans émettre de jugement de valeur sur les observations des uns et des autres, il serait peut-être utile de rappeler que, mis à part quelques partis, la majorité des formations politiques qui ont participé aux consultations électorales précédentes n’étaient pas en mesure de présenter suffisamment de militants pour qu’elles puissent être représentées à chaque centre de vote et à chaque bureau de vote
[13].
Les procédures spéciales de vote font partie intégrante des opérations de vote, et le législateur reconnaît au candidat ou à son représentant dûment mandaté, au parti politique participant aux élections législatives et à l’électeur, selon le cas
[14], le droit de contester la régularité des opérations de vote en introduisant un recours auprès du Conseil constitutionnel.
Les contestations et les réclamations se rapportant à la régularité des opérations de vote peuvent inclure des votes par procuration ainsi que des votes au niveau des bureaux itinérants et assimilés. Le Conseil constitutionnel, dans le cadre de ses attributions en matière électorale, statue sur le mérite du recours. S’il estime le recours fondé, il peut soit annuler l’élection, soit reformuler le procès-verbal des résultats.
En conclusion, les procédures spéciales de vote constituent un aspect des opérations de vote. Elles doivent refléter la préoccupation du législateur de produire des normes qui concrétisent effectivement le principe constitutionnel qui dispose que tout citoyen remplissant les conditions légales est électeur et, par conséquent, doit être en mesure d’exercer son droit quelque soit son état ou le lieu où il se trouve le jour du scrutin. S’il ressort de la pratique des consultations électorales qui se sont tenues depuis la promulgation de la loi 97-07 portant régime électoral que ces procédures ne fournissent pas suffisamment de transparence, il appartiendra alors au législateur d’introduire les modifications nécessaires.

  • [1]
    Article 5 de l’ordonnance n°97-07 du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral actuellement en vigueur.  
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  • [2]
    Article 6 de la même ordonnance.  
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  • [3]
    Articles 51 (alinéa 3) de la loi 80-08 du 25 octobre 1980 et 50 (alinéa 3) de la loi 89-13 du 7 août 1989 portant loi électorale. L’alinéa en question était rédigé comme suit : « Peuvent également et à titre exceptionnel exercer, sur leur demande, leur droit de vote par procuration, certains membres de la famille. »  
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  • [4]
    Art. 63 (alinéa 3): «Les membres de l’armée nationale populaire et les corps de sécurité exercent leur droit de vote, pour les élections des assemblées populaires communales et des assemblées populaires de wilayas directement ou par procuration. »  
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  • [5]
    Pour les élections présidentielles, les consultations référendaires et les élections législatives, les électeurs établis à l’étranger « peuvent, à leur demande, exercer leur droit de vote par procuration, en cas d’empêchement ne leur permettant pas d’accomplir leur devoir le jour du scrutin, auprès des représentations diplomatiques et consulaires algériennes. » (Article 64 [aliéna 2] de la loi 97-07).  
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  • [6]
    Art. 63 (alinéa 1er ) de la loi 97-07 : «Les membres de l’armée nationale populaire et les corps de sécurité exercent leur droit de vote, pour les élections présidentielles, législatives et les consultations référendaires, sur leur lieu de travail. »  
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  • [7]
    Art. 52 de la loi n° 80-08 du 25 octobre 1980 portant loi électorale : «Les membres de l’Armée nationale populaire, du dark-el-watani, de la sûreté nationale et de la protection civile, non inscrits sur les listes électorales des communes où ils exercent leurs fonctions, peuvent exercer leur vote par correspondance. Néanmoins, les élections collectives à l’intérieur des casernes sont interdites pour les élections des assemblées. »  
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  • [8]
    Article 50 <i>bis de l’ordonnance n° 95-21 du 19 juillet 1995 modifiant et complétant la loi n° 89-13 du 7 août 1989, modifiée et complétée portant loi électorale.  
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  • [9]
    Article 50 <i>bis de l’ordonnance n° 96-26 du 30 octobre 1996 modifiant et complétant la loi n° 89-13 du 7 août 1989, modifiée et complétée, portant loi électorale.  
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  • [10]
    Art. 34 (alinéa 2): «Toutefois, le ministre… peut…, autoriser les walis…, à avancer de 72 heures… la date d’ouverture du scrutin dans les communes où les opérations de vote ne peuvent se dérouler le jour même du scrutin pour des raisons matérielles liées à l’éloignement du bureau de vote, à l’éparpillement des populations et pour toute raison exceptionnelle dans une commune donnée. »  
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  • [11]
    Art 49 de la loi 89-13 du 7 août 1989 modifiée et complétée et l’article 60 de l’ordonnance relative au régime électoral actuellement en vigueur.  
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  • [12]
    Une proposition de loi visant à revoir la loi électorale a été déposée par le groupe parlementaire du mouvement El Islah à l’Assemblée populaire nationale (APN) lors de la session d’automne.  
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  • [13]
    Article 45 de l’ordonnance 97-07 relative au régime électoral.  
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  • [14]
    Les articles 118 (1), 148 in fine et 166 (1) de l’ordonnance 97-07 portant régime électoral.  
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L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique

Mme Bernadette RENAULD, Référendaire de la Cour d’arbitrage de Belgique

Le système électoral belge présente une particularité : le vote est obligatoire (art. 62 de la Constitution). Il est aussi secret. La Constitution précise encore qu’il a lieu à la commune (la municipalité), « sauf les exceptions prévues par la loi ».
La manière la plus classique de voter est donc de se rendre au bureau de vote qui a été désigné à chaque électeur par les autorités communales, d’y remplir, dans l’isoloir, un bulletin papier, et de le glisser dans l’urne.
Mais d’autres formes de vote existent en Belgique.
Depuis quelques années, certaines communes connaissent le vote électronique. L’électeur se rend au bureau de vote, mais à la place du bulletin, il reçoit une carte magnétique. Il la glisse dans l’ordinateur qui se trouve dans l’isoloir, et y inscrit son vote à l’aide d’un crayon magnétique, sur l’écran. Les informations se trouvent inscrites sur la carte magnétique, et ne demeurent pas dans l’ordinateur. L’électeur glisse ensuite la carte magnétique dans l’urne électronique, qui « digère » ces informations. Le calcul est évidemment beaucoup plus vite fait.
Cette forme de vote pose certaines questions, notamment quant à la fiabilité des programmes, et à l’influence qu’elle peut exercer sur les comportements électoraux, ainsi, par exemple, certaines erreurs de vote, qui étaient tout à fait possibles sur un bulletin papier (vote sur plusieurs listes…) ne sont pas possibles par vote électronique. Le nombre de votes nuls, volontaires ou non, devrait donc être réduit dans les arrondissements utilisant le vote électronique.
Le vote par procuration est aussi possible pour des raisons médicales, professionnelles, religieuses, … dûment attestées.
Le vote par correspondance n’est, en principe, pas possible, sauf pour Belges résidant à l’étranger.
Ces Belges se voient reconnaître le droit de vote depuis 1998 seulement
[1]. Lors de la première élection à laquelle ils prirent part, ils furent 18 à voter, sur 550.000 Belges établis de par le monde. Le législateur s’est rendu compte, à ce moment, que les exigences et les conditions de ce vote étaient beaucoup trop sévères. Il a corrigé le système par la loi du 7 mars 2002. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les Belges établis à l’étranger disposent de cinq possibilités pour voter:

  • le vote personnel dans une commune belge ;
  • le vote par procuration dans une commune belge ;
  • le vote personnel dans un poste diplomatique ou consulaire ;
  • le vote par procuration dans un poste diplomatique ou consulaire ;
  • le vote par correspondance.

  • [1]
    La loi autorisant le vote des Belges établis à l’étranger a fait l’objet de l’arrêt n° 100/2000.  
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L’expérience du Conseil constitutionnel français

M. Guy PRUNIER, Chargé de mission auprès du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

La règle majeure du suffrage universel est déterminée par l’article 3 de la Constitution qui précise qu’il «est toujours universel, égal et secret». Les procédures spéciales de vote constituent autant de limitations ou d’exceptions de nature juridique à ce principe général, qui, cependant, n’interdit nullement les modalités matérielles d’adaptation des opérations de vote.

I. Les dérogations au caractère universel, égal et secret du suffrage

Le suffrage a été rendu universel par étapes, pour les hommes en 1848, les femmes en 1945, les jeunes de 18 à 21 ans en 1974. Les extensions les plus récentes concernent les résidents ressortissants des pays membres de l’Union européenne, mais seulement pour certaines élections (européennes en 1994, municipales en 1998).
Les cas de restriction du suffrage universel sont rares: une loi de 1849 a exclu les non résidents depuis 3 ans dans leur commune. Elle a été abrogée dès le coup d’État de 1851.
Les militaires ont été longtemps interdits de vote sous la IIIe République, au temps de la « grande muette ». Cette restriction a été largement atténuée sous la IVe République et a disparu avec la Ve, du fait de la nouvelle règle constitutionnelle.
La seule restriction récente est intervenue dans le cadre de l’adoption du statut de la NouvelleCalédonie, qui a fait l’objet d’une révision constitutionnelle en 1998. Deux catégories d’électeurs ont été distinguées: ceux qui votent pour les élections « ordinaires », où les règles d’inscription sur les listes électorales sont les mêmes qu’en métropole, et ceux qui votent pour les assemblées propres à la Nouvelle-Calédonie, qui se voient imposer une condition de résidence sur l’île d’au moins 10 ans.
Le caractère égal et secret du suffrage découle du principe « un électeur, une voix ». La France a été peu tentée par les expériences de vote plural qui ont jadis fleuri dans certains pays, ou de collèges électoraux séparés, encore que certaines colonies les aient connues dans le passé.
La seule dérogation importante à ce principe est actuellement le vote par procuration par lequel un électeur, le mandant, confie à autre, le mandataire, le soin de voter à sa place. Les modalités du vote par procuration sont encadrées par la loi.
Le fait générateur de l’empêchement du mandant doit pouvoir être objectivement contrôlé. C’est pourquoi les cas de vote par procuration, tout en constituant une longue liste dans le code électoral, concernent essentiellement les personnes hospitalisées, malades ou invalides et les salariés et fonctionnaires en déplacement professionnel ou en congé.
La procuration doit être établie par l’autorité judiciaire ou son représentant (officiers de police, gendarmes, etc.) et les éléments de preuves, énumérés par les textes réglementaires, sont fournis par des tiers (certificats médicaux, documents de prise en charge, autorisations de congé, ordres de mission, de déplacement, titres de transport, etc.)
Toutefois, le législateur a prévu en 1993 une extension possible, tout en préservant les mêmes modalités de contrôle, aux personnes qui font état d’un empêchement de voter, dès lors qu’elles fournissent des pièces de nature à « emporter la conviction » de l’autorité compétente.
L’établissement des procurations fait l’objet de critiques constantes: situations définies trop restrictivement par la loi, procédure paperassière, exigence de pièces multiples par les autorités locales, distorsions de traitement sur l’ensemble du territoire…
C’est pourquoi le Parlement est favorable par principe à son extension, qui pourrait aller jusqu’à l’autorisation sur demande assortie d’une simple attestation sur l’honneur.
Mais cette extension doit préserver un équilibre difficile à trouver entre le souci de commodité d’usage pour les citoyens, la volonté de ne pas surcharger les commissariats de police et les brigades de gendarmerie de tâches administratives, le maintien d’un encadrement procédural minimal de nature à prévenir le risque de fraude … et la constitutionnalité du futur dispositif.

II. Les modalités matérielles d’adaptation des opérations de vote

Le code électoral fixe de façon libérale les règles d’affectation géographique des électeurs, en admettant, selon les cas, plusieurs critères, commune du domicile, de résidence, d’origine, de naissance, d’intérêt, etc. Les exemples de règles restrictives sont limités. C’est le cas des mariniers, qui sont obligatoirement inscrits dans certaines communes, dont le code électoral dresse la liste.
Les personnes physiquement handicapées peuvent se faire accompagner dans le bureau de vote, même dans l’isoloir.
La loi française ne prévoit pas de régime particulier de vote pour les illettrés ou les nomades.
La principale adaptation aux modalités de vote concerne les Français résidant hors de France. La loi a prévu que les Français de l’étranger puissent participer à certaines élections sans recourir au vote par procuration. Le critère retenu est l’existence d’une circonscription nationale unique. Il existe alors une liste électorale spécifique par centre de vote. L’inscription sur cette liste interdit de voter en métropole et outre-mer, fût-ce par procuration.
La grande difficulté réside dans la démarche d’inscription, soit que les résidents la négligent, soit que leur mobilité s’avère fort fâcheuse s’ils se déplacent le jour du scrutin, soit que les électeurs n’aient pas compris que cette facilité ne s’étend pas à tous les scrutins.
En effet, trois votations seulement sont concernées, les référendums nationaux, les élections présidentielles et, jusqu’à présent, européennes. Mais en 2003, la loi a défini des circonscriptions pour ces dernières et supprimé, du même coup, la faculté de recourir aux centres de vote à l’étranger.
D’autres modalités spéciales de vote ont existé ou sont envisagées.
Le vote par correspondance s’adressait sensiblement à la même population que l’actuel vote par procuration mais ses modalités étaient différentes, puisque le maire était l’autorité compétente pour sa mise en œuvre.
L’électeur, dont l’empêchement à voter était constaté, se faisait adresser son matériel de vote par voie postale, assorti d’enveloppes spécifiques. Il retournait par la poste son bulletin de vote dans une enveloppe de scrutin, elle-même contenue dans une enveloppe électorale spéciale, le décompte de ces suffrages s’effectuant selon des modalités spécifiques.
Le vote par correspondance, quoique fort souple et sans doute à cause de cette souplesse, a été longtemps soupçonné de constituer un moyen commode de fraude électorale. C’est pourquoi le législateur a préféré le supprimer purement et simplement en 1975, tout en réformant en conséquence les modalités du vote par procuration.
La réhabilitation du vote par correspondance est peu probable. L’extension du vote par procuration paraît généralement préférable, sous les réserves précitées.
À ce jour, les termes de « vote électronique » peuvent s’entendre d’au moins deux façons.
La machine à voter conserve le bureau de vote. La France a déjà connu une expérience malheureuse dans les années 1970. Les raisons de l’échec sont multiples. Il s’agissait d’un moyen permettant officiellement de lutter contre la fraude électorale, ce qui donnait mauvaise presse aux communes (et aux élus!) où l’État les imposait.
Par ailleurs, les données technologiques n’étaient pas fiables, de sorte que les machines se détérioraient facilement. En définitive, le coût prohibitif de la maintenance et l’absence de résultats tangibles tendant à démontrer une fraude massive, par contraste avec les résultats obtenus antérieurement à leur usage, ont amené l’abandon progressif de ces machines dès la fin des années 1970.
À l’heure actuelle, une réflexion nouvelle est menée pour faciliter, d’une part, le vote des électeurs absents le jour du scrutin, ce qui ne signifie pas nécessairement un recours aux technologies nouvelles, d’autre part, une expérimentation de celles-ci, notamment lors des consultations locales.
Toutefois, le vote à distance par Internet, sans bureau de vote, ne paraît pas encore assorti de garanties suffisantes pour assurer le secret du vote.
Dans l’immédiat, la solution retenue par l’administration française consiste à maintenir le bureau de vote, tout en autorisant une pluralité de matériels de vote (par exemple, écran tactile, carte à puce, « kiosques à voter »).
La difficulté essentielle du vote électronique réside dans la contradiction entre la recherche de transparence des opérations de vote et le maintien nécessaire du secret du vote.

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad

M. Samir Adam ANNOUR, Conseiller et M. Joseph DARKEM, Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Le code électoral tchadien a pris en compte la situation de certaines catégories de citoyens qui bénéficient de procédures spéciales de vote.

I. Le vote par procuration

Il concerne six (6) catégories d’électeurs:

  • les membres de la force publique et les autres agents de l’État légalement absents de leur domicile le jour du scrutin ;
  • les personnes rapportant des preuves que des raisons professionnelles les placent dans l’impossibilité d’être présentes dans la circonscription électorale le jour du scrutin ;
  • les malades hospitalisés;
  • les grands invalides et infirmes;
  • les membres des bureaux de vote qui ne souhaitent pas voter dans les bureaux où ils siègent ;
  • Les membres de la CENI et des sous-commissions en déplacement.

Il faut noter cependant que le vote par procuration est soumis à de strictes conditions prévues aux articles 61 à 66 du code électoral.
Aussi, la majorité du corps électoral étant composé d’illettrés, il n’y a pas eu beaucoup de cas de vote par procuration. Car le code impose de retirer la procuration quelques jours avant le scrutin afin de la faire légaliser par les autorités compétentes. Or généralement, les électeurs se présentent le jour du scrutin pour vouloir voter à la place d’un autre au vu seulement de sa carte d’électeur. Ce qui leur est refusé par le bureau de vote. Un travail de sensibilisation doit donc être effectué par la CENI mais aussi par les partis politiques afin de remédier à cette situation.

II. Le vote des nomades

Les nomades constituent une fraction non négligeable de la population tchadienne. Même s’ils ont des attaches territoriales (les sous-préfectures nomades), ils sont en perpétuel déplacement.
Aussi, le législateur a préféré étaler sur quatre (4) jours la durée du scrutin pour cette catégorie de citoyens de manière à permettre à ceux qui sont loin des bureaux de vote où ils ont été inscrits, de venir accomplir leur devoir civique.
Il a été prévu également la création de bureaux de vote itinérants. Mais il est à noter qu’en pratique les résultats n’ont pas été satisfaisants. Le Conseil constitutionnel a eu à annuler les résultats d’un très grand nombre de bureaux de vote nomades pour cause de pléthore d’électeurs. Nous avons estimé qu’il est difficile de croire que plus d’un millier de nomades puissent voter le même jour dans un même bureau de vote, quand au même moment la moyenne concernant les bureaux de vote de sédentaires tourne autour de 250 à 300 électeurs.

III. Le vote des Tchadiens de l’étranger

Tout comme pour les nomades, la durée du scrutin s’étale sur quatre (4) jours pour les Tchadiens de l’étranger. La différence est que ceux-ci ne votent que pour les élections présidentielles et le référendum. Ce vote est également soumis à un certain nombre de conditions. Il concerne uniquement les Tchadiens établis à l’étranger et régulièrement immatriculés dans les représentations diplomatiques ou consulaires.
Par ailleurs, le vote ne peut se dérouler que dans les sièges desdites représentations.
En pratique, le Conseil constitutionnel a été amené à annuler en bloc le vote des Tchadiens de l’étranger lors des élections présidentielles de 2001 du fait des irrégularités constatées. Ces irrégularités tiennent à la pléthore des votants dans les bureaux de vote et l’installation de ces mêmes bureaux de vote en dehors des représentations diplomatiques ou consulaires.

IV. Le vote des militaires

Les textes tchadiens n’ont pas prévu de procédure particulière de vote concernant les militaires. Néanmoins, comme ces derniers sont généralement consignés dans leurs casernes le jour du vote, la CENI prend le soin de leur installer des bureaux de vote où ils pourront accomplir leur devoir civique.

Conclusion

Il résulte de tout ce qui précède que la mise en place de procédures spéciales de vote n’est pas une opération très réussie. Les abus et le manque de sensibilisation ont pour beaucoup contribué à cet échec. Nous espérons que les annulations opérées par le Conseil constitutionnel lors des scrutins passés permettront une stricte application du code électoral lors des élections à venir.

B. Le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin

Mme Marcelline GBEHA-AFOUDA, Secrétaire générale de la Cour constitutionnelle du Bénin

Aux termes des dispositions des articles 49, 117 alinéa 3 de la Constitution, 42 alinéa 2 de la loi organique, il revient à la Cour constitutionnelle de veiller à la régularité de l’élection du président de la République, d’examiner les réclamations, de statuer sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même, relever et de proclamer les résultats du scrutin.
En outre, selon l’article 81 alinéa 2 de la Constitution, elle « statue souverainement sur la validité de l’élection des députés ». Ce qui signifie concrètement que les membres de la Cour doivent être présents dans les bureaux de vote le jour des différents scrutins. Compte tenu du nombre limité des conseillers qui ne permet pas de satisfaire à cette obligation de sillonner l’ensemble du territoire national, il a été retenu le recrutement et la formation de certains citoyens, délégués par la Haute Juridiction pour les missions d’observation.
Leur mission est de suivre pour le compte de la Cour constitutionnelle le déroulement des opérations de vote sur l’ensemble du territoire national.

I. Le recrutement des observateurs

Le recrutement et le nombre des observateurs sont fonction de la superficie des départements et communes ainsi que du nombre de bureaux de vote. Ils sont au niveau des départements, les coordonnateurs départementaux, et au niveau des communes, les délégués communaux.

Des critères de sélection sont préalablement déterminés, de même que le nombre de jours de travail. En général, la Cour retient les critères suivants:

  • être un cadre de niveau A ou titulaire au moins de la maîtrise ;
  • savoir lire et écrire correctement le français;
  • ne pas avoir une appartenance affichée à un parti politique ;
  • résider dans le milieu où se déroulent les opérations depuis au moins deux ans;
  • ne pas accepter, une fois sélectionné, de jouer un rôle dans les démembrements de la Commission électorale nationale autonome (CENA);
  • justifier d’un moyen autonome de déplacement.

Les associations de développement et les associations chargées de la défense des droits de l’homme sont invitées à communiquer les noms des représentants de leur association. Des requêtes individuelles sont également enregistrées à la Cour.
Le choix de ces collaborateurs extérieurs est fait, non seulement sur la base des critères retenus pour ceux proposés par les associations de développement, mais aussi sur la base de la confiance et de l’expérience lors des précédentes consultations électorales.
Toutes les demandes au poste d’observateurs sont recensées et étudiées par un Comité qui procède à la présélection sur la base des critères prédéfinis et cités plus haut. Cette liste est ensuite soumise à l’Assemblée plénière des conseillers à la Cour qui, après un examen minutieux, arrête la liste définitive.

II. La formation des observateurs

Les coordonnateurs départementaux et les délégués communaux sont formés à la notion d’observation des élections, à la conduite à tenir au poste d’observation, au contenu de la mission d’observation. Des plaquettes ainsi que des fiches d’observation sont conçues pour servir de support au travail. La plaquette est intitulée : «Le guide de l’observateur ».

  • Le guide de l’observateur

Il s’agit d’un document qui précise :

  • le fondement juridique de l’observation des élections;
  • les objectifs de l’observation ;
  • la phase de l’observation proprement dite ;
  • le rôle du coordonnateur départemental.
  • La fiche d’observation dans un bureau de vote

La fiche d’observation permet au délégué de la Cour de relever toutes les irrégularités constatées lors du déroulement du scrutin. Les principales rubriques sont relatives à :

  • l’identification du bureau de vote ;
  • l’heure d’observation ;
  • la situation du bureau de vote ;
  • l’heure d’ouverture du scrutin ;
  • la composition du bureau de vote ;
  • la présence et l’emplacement de l’isoloir;
  • la qualité et la quantité du matériel électoral ;
  • la présence des représentants des candidats ou partis politiques;
  • la présence des scrutateurs.

Cette fiche doit également renseigner les membres de la Cour sur le respect de la procédure légale de dépouillement et sur toutes autres formes d’entraves au bon déroulement du scrutin.

III. Les missions d’observation

La mission d’observation dans un bureau de vote s’effectue le jour du scrutin. Elle révèle toute son importance, en ce sens que c’est sur la base des mentions relevées et consignées sur les fiches d’observation que la Haute Juridiction apprécie, lors du règlement du contentieux, les sanctions à appliquer.
En effet, grâce aux observations sur le terrain, la Cour peut sanctionner, sans risque de se tromper, toutes les entorses à la loi électorale telles que :

  • le vote des mineurs;
  • les votes multiples;
  • la fermeture prématurée des bureaux de vote ;
  • la distribution de vivres ou de billets de banque le jour du scrutin ;
  • la composition incomplète ou irrégulière des bureaux de vote ;
  • le défaut d’isoloir;
  • l’utilisation d’isoloir de fortune n’assurant pas le secret du vote ;
  • le dépouillement hors la présence des scrutateurs;
  • la pression sur les électeurs;
  • la propagande sur les lieux de vote ;
  • l’absence ou le nombre insuffisant de scrutateurs;
  • le remplacement de membre de bureau de vote par une autorité administrative ;
  • l’utilisation d’urnes non transparentes, etc.

Le jour du scrutin, l’observateur de la Cour doit passer une dizaine de minutes dans chaque bureau de vote. Chaque délégué communal devra remplir au moins dix (10) fiches dont cinq (05) complètes jusqu’au dépouillement. À la fin de l’observation, chaque délégué communal doit classer les documents en « fiches sans problème » et « fiches à problème ». Ensuite, il fait une synthèse des irrégularités et rend compte à son coordonnateur départemental.
Par ailleurs, tous les délégués doivent suivre la confection et l’acheminement des plis destinés à la Cour constitutionnelle vers les structures décentralisées de la Commission électorale nationale autonome (CENA). Le lendemain du scrutin, tous les coordonnateurs départementaux se réunissent sous la présidence du conseiller superviseur pour élaborer le rapport de synthèse d’observation.
Les observateurs permettent à la Cour d’avoir un suivi du déroulement des opérations électorales sur le territoire national. Leur présence a été dissuasive, en ce sens qu’elle a freiné ou empêché les tentatives de fraude.
Il faut préciser que les observateurs arborent, au cours de leur mission, des attributs de la Cour constitutionnelle qui sont : casquettes, T-shirts, sacs frappés du logo de la Cour.

IV. Les autres organes de contrôle dans les bureaux de vote

Outre les observateurs de la Cour constitutionnelle, les autres organes de contrôle dans les bureaux de vote n’ont aucun rapport avec la Haute Juridiction. On note généralement la présence :

  • des représentants des organisations non gouvernementales;
  • des représentants des partis politiques ou des candidats;
  • des représentants de la CENA et des démembrements;
  • des représentants des autorités politico-administratives;
  • des représentants des associations de défense des droits de l’homme.

V. Conclusion

On peut affirmer que les missions d’observation ont un impact certain sur les opérations de vote. De fait, la présence des coordonnateurs et délégués de la Cour dans les bureaux de vote a un effet dissuasif et constitue un frein aux fraudes électorales.

L’expérience du Conseil constitutionnel du Burkina Faso

M. Abdouramane BOLY, Conseiller du Conseil constitutionnel du Burkina Faso

Introduction

Aux termes de l’article 152 de la Constitution, le Conseil constitutionnel contrôle « la régularité, la transparence et la sincérité du référendum, des élections présidentielles, législatives et est juge du contentieux électoral… ». De telles attributions qui impliquent la surveillance, la vérification ou l’inspection conduisent le Conseil constitutionnel à intervenir tout le long du processus électoral : avant, pendant et après les opérations de vote.
Dans le cas présent, il s’agit de rapporter l’activité du Conseil constitutionnel pendant les opérations de vote, en décrivant succinctement les voies et moyens par lesquels il exerce son contrôle sur le fonctionnement des bureaux de vote.
Du point de vue de la loi, le moyen pour le Conseil constitutionnel de surveiller matériellement le déroulement du scrutin est donné par:

  • l’article 31 de la loi organique n° 011-2000/AN du 27 avril 2000 relative au Conseil constitutionnel : «Le Conseil constitutionnel peut désigner un ou plusieurs délégués choisis parmi les magistrats pour suivre sur place les opérations… »
  • les articles 146 et 147 de la loi n° 014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral selon lesquels: « Pour veiller à la régularité des opérations électorales, le président du Conseil constitutionnel nomme par ordonnance, des délégués choisis parmi les membres de cette institution. » Ces délégués « procèdent, le jour du scrutin, à des contrôles inopinés sur pièces et sur place ».

En la matière, le Conseil constitutionnel du Burkina Faso institué par la loi du 27 avril 2000 et seulement mis en place en décembre 2002 ne s’est pas encore illustré, faute d’élections organisées dans l’intervalle. Par contre, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême qui l’a précédé, a accumulé sur la base de normes similaires une certaine expérience pour avoir exercé à maintes reprises un contrôle sur le fonctionnement des bureaux de vote lors de nombreux scrutins: un référendum, deux élections présidentielles, trois élections législatives et deux élections communales.
Pour illustrer notre propos sur le contrôle exercé dans les bureaux de vote, l’expérience des élections législatives du 5 mai 2002 nous paraît par conséquent intéressante à partager.

I. Modalités du contrôle des bureaux de vote par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême aux élections législatives du 5 mai 2002

Conformément à la loi électorale alors en vigueur, le président de la Cour suprême a nommé par ordonnance des délégués choisis parmi les membres de cette institution ; ces délégués, munis d’un ordre de mission, ont procédé le jour du scrutin, « à des contrôles inopinés sur pièces et sur place ».
Pour des raisons tenant tant à la logistique, qu’au faible effectif des membres de la Cour suprême (une trentaine) et au difficile accès de certaines parties du territoire, douze (12) équipes de contrôle ont été constituées; à chacune de ces équipes a été impartie une zone géographique couvrant une ou plusieurs circonscriptions électorales.
L’objet du contrôle exercé par les délégués est inspiré du code électoral qui lui suggère de s’intéresser particulièrement à la régularité de la composition des bureaux de vote, des opérations de vote, du dépouillement des suffrages et aux conditions de liberté dans lesquelles les électeurs et les candidats exercent leurs droits respectifs. Il en résulte pour le délégué, lors du contrôle exercé, l’obligation d’être attentif à tous ces points. Pour ce faire, le délégué doit, en toute liberté, avoir accès à l’ensemble des informations nécessaires à l’exercice de sa mission de contrôle. C’est pourquoi l’article 147 du code électoral prescrit aux autorités administratives et aux présidents des bureaux de vote de leur fournir tous les renseignements et de leur communiquer tous les documents nécessaires y compris un exemplaire du procès-verbal des opérations électorales, lorsqu’ils en sont requis. De façon générale, les délégués procèdent à tous contrôles et vérifications utiles; ils ont accès à tout moment aux bureaux de vote et peuvent exiger l’inscription de toutes observations au procès-verbal, soit avant la publication des résultats des scrutins, soit après.
En pratique, lors des différents contrôles opérés par les délégués de la Cour suprême, ceux-ci ont eu parfois à attirer l’attention des membres des bureaux de vote sur la nécessité du contrôle des pièces d’identité, l’obligation pour l’électeur de passer par l’isoloir, le traitement égal à réserver aux délégués de tous les partis politiques etc. En outre, leur avis a été souvent demandé par les présidents des bureaux de vote sur la conduite à tenir face à certaines situations comme l’absence de certains matériels, l’absence d’un membre de bureau, etc.
Afin de rendre plus rationnel l’exercice de ce contrôle, il a été conçu une fiche questionnaire que les délégués remplissent dans chacun des bureaux de vote visités; ce questionnaire est largement inspiré de l’objet du contrôle tel que conçu en partie par le code électoral. Les délégués y portent également toutes leurs observations et les éventuels incidents survenus lors du contrôle effectué dans le bureau de vote concerné.

II. Des constatations faites lors des contrôles

À l’issue du scrutin, le délégué est tenu de dresser un rapport qu’il remet au président, au plus tard dans les vingt-quatre heures qui suivent la clôture du scrutin. L’objet immédiat du rapport est de rendre compte au président du déroulement de la mission et surtout de porter à sa connaissance les conditions dans lesquelles les opérations électorales ont eu lieu.
C’est ainsi qu’à l’issue des contrôles effectués pendant les élections législatives du 5 mai 2002, les rapports établis par les délégués ont fait ressortir que d’une manière générale :

  • les bureaux de vote, dans leur très grande majorité ont ouvert à l’heure ;
  • la composition des bureaux de vote était régulière ;
  • la présence des délégués des partis en compétition était relativement satisfaisante ;
  • la qualité et la compétence des officiers de l’élection étaient assez bonnes (ceux-ci n’hésitant pas avec beaucoup de patience et de pédagogie à expliquer à certains électeurs comment voter);
  • etc.

Toutefois, les rapports établis par les délégués ont fait état d’anomalies observées à savoir:

  • la tentative de quelques responsables administratifs villageois d’influencer le vote ;
  • l’installation de quelques bureaux de vote dans des domiciles privés ou dans certains lieux impropres à assurer la sérénité et la transparence des votes;
  • la sous-représentation de beaucoup de partis, notamment ceux de l’opposition dans les bureaux de vote de certaines régions;
  • l’installation des isoloirs soit en des lieux si sombres que l’électeur avait de la peine à distinguer les logos des partis, soit, dans des milieux tellement ouverts que le secret du vote ne se trouvait pas garanti ;
  • la sécurité insuffisamment assurée dans les lieux de vote en raison, soit de l’absence d’un agent de sécurité, soit de la présence de personnes peu qualifiées (personnes militairement formées ou ex-CDR) pour assumer la tâche ;
  • le manque en certains endroits de bulletins de vote, ce qui n’a pas permis à certains électeurs de voter;
  • l’incapacité des urnes à recevoir tous les suffrages, notamment lorsque le nombre de votants atteint un certain seuil ;
  • le non respect dans quelques bureaux de vote de l’article 76 du code électoral qui prescrit de parapher les bulletins au début des opérations de vote et non au fur et à mesure.

III. Portée des contrôles et vérifications

La première exploitation des résultats du contrôle s’est située au moment où la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a commencé à procéder au recensement général des votes relatifs au scrutin législatif du 5 mai 2002. En effet, en même temps qu’elle examinait les procèsverbaux et documents y annexés relatant le déroulement ainsi que les résultats des opérations du scrutin dans les 10 899 bureaux qui ont recueilli les votes des électeurs, la Chambre constitutionnelle se penchait le cas échéant sur les rapports des délégués et les fiches questionnaires correspondant aux bureaux de vote contrôlés. Cet exercice de rapprochement a apporté à la juridiction constitutionnelle des indications utiles sur les erreurs et anomalies constatées directement par les délégués ou révélées par les membres des bureaux de vote, les délégués des partis ou les candidats dans les procès-verbaux. D’une certaine manière, les délégués constituent donc un élément essentiel d’information, en ce sens qu’avant toute réclamation, les irrégularités entachant les opérations électorales sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction constitutionnelle par le canal de ses délégués. Ainsi, peut-elle se faire déjà une idée du degré de régularité ou de l’ampleur des irrégularités du scrutin pour le moment venu, trancher en connaissance de cause sur les réclamations dont elle aurait éventuellement connaissance. C’est ainsi que la Chambre constitutionnelle a, par exemple, procédé à l’annulation du scrutin dans neuf (9) bureaux de vote pour des irrégularités tenant à l’implantation de bureaux de vote dans des domaines privés, irrégularités relevées par ses délégués lors des contrôles effectués sur le terrain.

En conclusion

Nul doute que le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote effectué par les délégués de la juridiction constitutionnelle présente un intérêt certain malgré le faible taux de couverture du contrôle ; en effet, sur 10 899 bureaux de vote répartis sur l’ensemble du territoire national, lesdits délégués, au nombre d’une trentaine, répartis en 12 équipes, n’ont pu exercer cette activité de contrôle que dans 236 bureaux de vote (à titre de comparaison, pour les présidentielles de 1988 en France, on comptait plus de 1 400 délégués pour les 55 000 bureaux de vote).
Néanmoins, dans un contexte électoral comme celui de l’Afrique où les opérations électorales sont considérées comme présentant un déficit en matière de régularité et de transparence, l’éventualité d’un contrôle par les délégués de la juridiction constitutionnelle revêt un caractère fortement dissuasif face à des velléités éventuelles de fraude pendant le déroulement du scrutin.

C. Le rôle des Cours constitutionnelles lors des opérations de vote, du décompte des voix et de la transmission des résultats

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

Aux termes de l’article 86 alinéa 4 de la Constitution, la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielles et législatives dont elle proclame les résultats.
Les violations de la loi électorale lors des opérations de vote, comme, entre autre le non respect des droits des votants ou des candidats, constituent des irrégularités pouvant entacher la sincérité, la transparence du scrutin entraînant ainsi, eu égard à leur nature et à leur gravité, le maintien des résultats des votes ou leur annulation totale ou partielle.
Dans le cadre de son rôle de contrôle de la régularité des élections notamment lors des opérations de vote, la Cour constitutionnelle déploie sur l’ensemble du territoire national tous ses membres et des milliers de délégués qui observent le déroulement du scrutin et lui font des rapports en remplissant un formulaire préalablement établi par la Cour.
La Cour constitutionnelle statue sur la régularité du scrutin dans chaque bureau de vote au vu des procès-verbaux des opérations électorales, les feuilles de dépouillement, les récépissés des résultats et les rapports des délégués de la Cour constitutionnelle.

D. L’observation des élections par les organisations internationales

L’expérience du Conseil constitutionnel algérien

M. Bouzid AMMI, Directeur d’études et de recherche du Conseil constitutionnel algérien

L’histoire des observateurs internationaux dans le domaine de la surveillance des élections remonte aux années 1940, c’est-à-dire avec l’apparition de l’ONU.
C’est ainsi que l’envoi d’observateurs internationaux fait partie des mécanismes que l’ONU a mis en place pour éviter les fraudes électorales et donner aux élections un caractère crédible dans le but de renforcer la démocratie et les réformes politiques dans les pays en voie de démocratisation.
Les élections sont considérées comme étant l’un des instruments essentiels pour se prévaloir de la légitimité de la représentation des citoyens.
Les Gouvernements sollicitent officiellement les organisations internationales, l’ONU, l’OUA (UA), la Ligue arabe et les centres d’études ou organisations non gouvernementales, soit de leur propre initiative soit à la suite d’une revendication des partis d’opposition pour l’envoi d’observateurs spécialisés dans le domaine des élections. Ces observateurs assurent une surveillance tout le long du processus électoral jusqu’à la fin du scrutin.
Généralement, ce sont les partis d’opposition qui expriment la nécessaire présence d’observateurs internationaux et les pouvoirs publics peuvent répondre favorablement à cette demande, en vue de donner une crédibilité interne et externe aux résultats des élections.
La mission fondamentale des observateurs internationaux consiste notamment, de par leur présence, à apporter appréciation générale sur le respect des règles et du mode d’organisation du scrutin dans le pays concerné. Les observateurs, dès leur arrivée, tiennent des séances de travail avec toutes les parties concernées.
À ce titre, leur présence permet également de renforcer les garanties pour la régularité des opérations électorales dans le sens où ils apparaissent comme un instrument d’observation neutre des élections, et ce, à l’égard de l’ensemble des acteurs engagés dans les élections.
Dans ce cadre, les observateurs sont invités à collaborer avec les pouvoirs publics ainsi qu’avec toutes les parties (partis politiques, société civile, administration) en se rendant à la fois au niveau central (contact avec la Commission nationale chargée des élections) et au niveau local dans les lieux où se déroulent les opérations électorales (bureaux de vote).
À ce titre, ils se répartissent en petits groupes à travers le territoire du pays concerné afin d’assister à toutes les étapes des opérations électorales jusqu’à la fin du scrutin.
L’ensemble des informations et des données qu’ils récoltent lors de leur présence effective sur le terrain où se déroulent les opérations électorales, leur permet de procéder à une évaluation globale des élections et de se prononcer dans un rapport général sur la régularité des élections.
Les observateurs peuvent soit rendre public le rapport, soit exprimer leurs opinions sur la régularité des élections lors d’une conférence de presse à la fin de la proclamation des résultats.
La présence d’observateurs se justifie pour diverses raisons, notamment :

  • ils veillent au respect des règles légales relatives au déroulement du scrutin ;
  • de par leur présence en tant que témoins neutres, ils créent un climat de confiance à l’égard de l’ensemble des acteurs participant aux élections;
  • par la même, ils favorisent la participation des électeurs à voter aux élections en leur apportant une sorte d’encouragement à exprimer leur libre choix.

Enfin, l’observation des élections dans un pays donné permet à la fois d’apporter une certaine légitimité aux résultats du scrutin et d’asseoir une crédibilité aux élections au plan international.
L’observation internationale peut être considérée comme un nouvel instrument de mesure pour la concrétisation du processus démocratique dans les pays en voie de développement et de renforcement des règles de bonne gouvernance dans ces pays.

Organisation internationale de la Francophonie : accompagnement des processus électoraux

L’accompagnement des processus électoraux s’est poursuivi essentiellement à travers deux types d’action :

  • l’envoi de missions d’observation des élections;
  • le soutien multiforme aux institutions impliquées dans l’organisation et le contrôle des élections, sous-tendus par la mobilisation accrue du Réseau francophone de compétences électorales (Recef), au titre de la réflexion et de la coopération.

I. Missions d’observation des élections

Répondant au souci du Sommet de Moncton de poursuivre ces missions « chaque fois que cela sera possible et nécessaire, en coopération avec d’autres organisations internationales », la Francophonie a continué de procéder, à la demande des États concernés, et, dans le cadre du droit en vigueur, à l’envoi de missions d’observation des élections.
Ces missions demeurent, en effet, un moyen privilégié de renforcer la cohésion de la Communauté francophone, par les échanges d’expérience et d’expertise qu’elles suscitent. Elles représentent, également, une occasion de procéder, en raison du caractère global et multiforme de la mobilisation des différentes structures et acteurs impliqués dans l’organisation de ces scrutins, à une évaluation in situ de l’état de fonctionnement de l’État de droit et de la démocratie. Cette évaluation permet, à son tour, l’adaptation régulière des programmes de coopération, en vue d’un soutien durable à ces processus.
Les modalités de composition et de déploiement de ces missions, telles que définies par le secrétaire général, à la lumière des principes directeurs, ont, par ailleurs, veillé à renforcer la visibilité de l’action francophone en ce domaine. C’est ainsi qu’ont été privilégiées:

  • l’organisation de missions conjointes avec d’autres organisations internationales (Nations unies, Commonwealth, OUA, OEA, OSCE);
  • une multilatéralité accrue dans la composition des missions, favorisant l’échange des expériences;
  • la publication des rapports des missions et leur large diffusion auprès des instances de la Francophonie, des organisations internationales, des partis politiques, des OING et des institutions partenaires;
  • l’exploitation, tant dans le cadre de la préparation des missions d’information et de contacts ou de facilitation, que dans celui du Symposium international de Bamako, des données collectées lors de ces missions, sur l’évolution politique et institutionnelle des pays.

Depuis le Sommet de Moncton, également, et de façon complémentaire au lien clairement constaté entre les missions de facilitation, mandatées par le secrétaire général et les missions d’observation, dont les membres sont souvent appelés, de fait, à exercer une fonction d’écoute de l’ensemble des parties, ces dernières ont pu être, soit remplacées, soit relayées par des missions d’information et de contact. Qu’il s’agisse d’élections locales non prévues par les principes directeurs (Guinée Équatoriale, 28 mai 2000), d’élections dont les conditions d’organisation n’offraient pas les garanties suffisantes ou d’un scrutin fiable (Haïti, élections législatives, municipales et sénatoriales, 2e tour, le 9 juillet 2000 ; élection présidentielle, le 26 novembre 2000), ou de parfaite sécurité (Congo, élections législatives, 2e tour, le 23 juin 2002), ou encore dans le cas de scrutins reportés (Cameroun, élections législatives, le 23 juin 2002).

Missions d’observation des élections effectuées par l’Organisation internationale de la Francophonie du 19 septembre 1999 au 6 janvier 2003 :

  • Élections présidentielles en Centrafrique (19 septembre 1999), en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles au Niger (17 octobre 1999, 1er tour), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles au Niger (24 novembre 1999, 2e tour), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles et législatives (1er tour) en Guinée-Bissau, (28 novembre 1999), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles en Guinée-Bissau (16 janvier 2000, 2e tour), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles au Sénégal (27 février 2000, 1er tour), conjointement avec l’OUA.
  • Élections présidentielles au Sénégal (19 mars 2000, 2e tour), conjointement avec l’OUA.
  • Élections législatives, municipales et sénatoriales en Haïti (21 mai 2000, 1er tour), en collaboration technique avec l’OEA.
  • Élections présidentielles au Bénin (4 mars 2001, 1er tour).
  • Élections législatives au Sénégal (29 avril 2001), en partenariat avec l’OUA.
  • Élections présidentielles au Tchad (20 mai 2001, 1er tour), en partenariat avec l’ONU et l’OUA.
  • Élections législatives en Albanie (24 juin 2001, 1er tour), dans le cadre de la coordination avec l’OSCE.
  • Élections législatives en Albanie (8 juillet 2001, 2e tour), dans le cadre de la coordination avec l’OSCE.
  • Élections présidentielles aux Seychelles (29/30 août et 1erseptembre 2001).
  • Élections législatives au Gabon (9 décembre 2001, 1er tour).
  • Élections législatives au Gabon (23 décembre 2001, 2e tour).
  • Élections référendaires aux Comores (23 décembre 2001), en partenariat avec l’OUA et la COI.
  • Élections présidentielles de l’Union des Comores (10 mars 2002, 1er tour).
  • Élections présidentielles de l’Union des Comores (14 avril 2002, 2e tour).
  • Élections législatives au Burkina Faso (5 mai 2002).
  • Élections législatives au Congo (26 mai 2002, 1er tour).
  • Élections législatives et municipales au Cameroun (23 juin 2002).
  • Élections présidentielles au Mali (Avril/mai 2002) et législatives (juillet 2002).
  • Élections législatives aux Seychelles (décembre 2002).
  • Élections législatives en Guinée équatoriale (décembre 2002).
  • Élections législatives à Madagascar (décembre 2002).
  • Élections municipales et communales au Bénin (décembre 2002 et mars 2003).
  • Élections législatives à Djibouti (janvier 2003).

II. Renforcement des capacités électorales

L’assistance électorale s’est efforcée de répondre aux orientations désormais traditionnelles, en ce domaine, confirmées par les Sommets de Moncton et de Beyrouth. Les chefs d’État et de Gouvernement ont rappelé, à cet égard, que les missions d’observation devaient « s’inscrire dans le cadre d’une coopération à long terme, tant en amont qu’en aval des consultations électorales, avec les pays concernés » et que « l’accompagnement nécessaire à l’organisation des consultations électorales démocratiques serait privilégié, notamment dans le secteur juridique, ainsi que l’appui aux Institutions de contrôle et à la société civile ».
Cette démarche s’est effectuée en complémentarité avec celle des autres partenaires au développement, en vue de renforcer les capacités à long terme de l’ensemble des intervenants dans ce processus, en privilégiant le recours aux compétences nationales et à l’échange multilatéral des expériences, dans une optique, notamment, de coopération Sud-Sud. C’est ainsi que les actions menées se sont fondées sur la mise à jour régulière des bilans engagés par l’Agence intergouvemementale de la Francophonie en 1995, à Bordeaux, en 1997, à Dakar, en 1998, à Cotonou, et réactualisés lors de la réunion, qui s’est tenue à Paris, du 25 au 27 avril 2000, inscrite aussi, au titre du 3e séminaire préparatoire sur le thème « Les élections », du Symposium international de Bamako sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone.
Les actions menées, en 1999-2002, ont concerné les volets suivants:

  • information et sensibilisation des citoyens;
  • formation des différents agents électoraux ;
  • publication et diffusion des textes et instruments de vulgarisation ;
  • appui logistique et en perfectionnement technique en direction des structures chargées de l’organisation des scrutins, de la régulation médiatique et du contentieux électoral.

Depuis le Sommet de Moncton, la Francophonie a, aussi, systématisé son soutien à la presse et aux organisations non gouvernementales ainsi qu’à des rencontres nationales d’évaluation des conditions de déroulement des scrutins afin d’accompagner les initiatives nationales, qui, aujourd’hui, s’inscrivent résolument dans le dispositif national d’observation et de veille.

Ces interventions ont concerné les pays suivants:

  • République centrafricaine : mise à disposition de la Commission électorale mixte indépendante (CEMI) d’un expert, à l’occasion du 1er tour des élections présidentielles du 19 septembre 1999 ;
  • Niger : mise à disposition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), d’un expert, à l’occasion du 1er tour des élections présidentielles du 17 octobre 1999 et contribution financière en vue de la formation des membres des bureaux de vote ;
  • Guinée-Bissau : mise à disposition du Tribunal supérieur, d’un expert, à l’occasion des élections présidentielles et législatives du 28 novembre 1999 et 16 janvier 2000 ;
  • Sénégal : soutien aux organisations non gouvernementales, (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme-Raddho et Gerddes), à l’occasion des élections présidentielles et législatives de 2000 et 2001, en vue du déploiement d’observateurs; contribution scientifique et financière à la tenue du Séminaire national d’évaluation du processus électoral, organisé à Dakar, en juillet 2000, par le Codesria avec des chercheurs et les différents acteurs impliqués;
  • Burkina Faso : appui au renforcement des capacités de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à l’occasion des élections municipales du 24 septembre 2000, par une contribution financière inscrite dans le Fonds commun des partenaires au développement ;
  • Bénin : contribution scientifique et financière à la tenue du Séminaire national d’évaluation du fonctionnement de la Commission électorale nationale autonome (CENA), organisé par la Commission béninoise des droits de l’homme (CBDH), avec l’ensemble des membres des différentes CENA (1995, 1996, 1999) et les différents acteurs impliqués; à l’occasion des élections présidentielles de mars 2001 : appui au renforcement des capacités de la CENA par la prise en charge des formateurs des personnels des bureaux de vote à l’étranger et la fourniture de matériel de transmission des résultats, contribution financière en vue de la formation des journalistes, organisée par la HAAC, dotation en équipements de la Cour constitutionnelle et financement d’une session de formation organisée par elle pour les requérants sur les points de contentieux électoral, appui à l’Association des femmes juristes du Bénin en vue de la sensibilisation des femmes aux textes électoraux et à l’inscription sur les listes électorales;
  • Tchad : concours, dans la perspective des élections présidentielles de mai 2001, au perfectionnement des membres de la CENI, du Haut Conseil de la communication et du Conseil constitutionnel, par l’organisation d’échanges d’expériences entre les présidents de ces différentes institutions et leurs homologues du Bénin ; renforcement des capacités de la CENI, par la formation des formateurs des agents électoraux, en partenariat avec Élections Québec et la mise à disposition d’un expert, avant et pendant les élections, aux fins d’une rationalisation accrue du processus; du Haut Conseil de la communication, par des dotations en matériels audiovisuels; du Conseil constitutionnel, par des dotations en matériels informatiques; de l’Association des éditeurs de la presse privée, par une contribution financière à la formation des journalistes et la mise à disposition d’un expert, ainsi que par une dotation en matériels de communication ; mission de suivi des institutions impliquées dans le processus électoral, effectuée en avril 2002, à l’occasion des élections législatives;
  • Albanie : prise en charge, dans le cadre des élections législatives du 24 juin et du 8 juillet 2001, de la traduction de la Constitution et du code électoral en français, de même que d’une consultation juridique sur le code électoral et dotation d’une centaine de télécopieurs, à la Commission électorale centrale, destinés à faciliter la transmission des résultats;
  • Gabon : dotation en matériels d’écoute radio et de visionnage télé du Conseil national de la communication, dans la perspective des élections législatives de 2001 ;
  • Congo : Mise à disposition, en 2001 d’un expert pour l’étude des textes électoraux, dans la perspective des consultations électorales prévues en 2002 ; organisation et financement, par la Francophonie, d’un séminaire international sur les politiques comparées en matière électorale, en octobre 2001, à Brazzaville, en vue d’un échange des expériences francophones, notamment en ce qui concerne les textes législatifs et réglementaires organisant les processus électoraux, dans la perspective de l’adoption du code électoral.

ANNEXE

Accompagnement, par la Francophonie, des processus électoraux : Missions francophones d’observation des élections et assistance électorale (1992-2002) Tableau synoptique

Tome-1.docx

SERVICE DE LA DOCUMENTATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL – 2019

I. « Qualité de la loi » et clarté de la loi

A. Censure

1. Décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003, Loi portant réforme de l’élection des sénateurs

20. Considérant qu’il appartient au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; qu’il doit, dans l’exercice de cette compétence, respecter les principes et règles de valeur constitutionnelle et veiller à ce que le respect en soit assuré par les autorités administratives et juridictionnelles chargées d’appliquer la loi ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent, afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

21. Considérant que l’article 7 de la loi déférée complète l’article L. 52-3 du code électoral par trois alinéas ainsi rédigés : « Le libellé et, le cas échéant, la dimension des caractères des bulletins doivent être conformes aux prescriptions légales ou réglementaires édictées pour chaque catégorie d’élection : – pour les élections au scrutin majoritaire, les bulletins de vote ne peuvent comporter aucun nom propre autre que celui du ou des candidats ; – pour les élections au scrutin de liste, les listes présentées dans chacune des circonscriptions départementales ou régionales peuvent prendre une même dénomination afin d’être identifiées au niveau national. Il peut s’agir du nom d’un groupement ou parti politique et, le cas échéant, de celui de son représentant » ;

22. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des travaux parlementaires à l’issue desquels ont été adoptées ces dispositions que l’intention du législateur est de les rendre applicables à l’élection des sénateurs ; que, toutefois, l’article L. 52-3 ainsi complété figure au titre Ier du livre Ier du code électoral, dont les dispositions ne sont pas relatives à cette élection ;

23. Considérant, en deuxième lieu, que la portée normative du premier alinéa inséré à l’article L. 52-3 du code électoral est incertaine ;

24. Considérant, en troisième lieu, que les notions de « nom propre », de « liste présentée dans une circonscription départementale » et de « représentant d’un groupement ou parti politique » sont ambiguës ;

25. Considérant, enfin, que le dernier alinéa inséré au même article autorise, dans certains cas, l’inscription sur les bulletins de vote du nom de personnes qui ne sont pas candidates à l’élection ; qu’une telle inscription risquerait de créer la confusion dans l’esprit des électeurs et, ainsi, d’altérer la sincérité du scrutin ;

26. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 7 de la loi déférée est contraire tant à l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi qu’au principe de loyauté du suffrage ;

2. Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014

112. Considérant que le paragraphe I de l’article 100 modifie le premier alinéa de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales pour modifier la définition des actes constitutifs d’un abus de droit ; que le paragraphe II de l’article 100 prévoit que le paragraphe I s’applique aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2016 pour les seuls actes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2014 ;

113. Considérant que, selon les requérants, en définissant l’acte constitutif d’abus de droit comme l’acte ayant pour motif principal celui d’éluder ou d’atténuer l’impôt, les dispositions de l’article 100 méconnaissent « la liberté du contribuable de choisir, pour une opération donnée, la voie fiscale la moins onéreuse » ; que serait ainsi méconnue la liberté proclamée à l’article 2 de la Déclaration de 1789 ; que l’article 100 porterait en outre atteinte aux exigences résultant du principe de légalité des délits et des peines ; que les sénateurs requérants soutiennent en outre que sont méconnus le principe de sécurité juridique, l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et l’article 34 de la Constitution, ainsi que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;

114. Considérant, d’une part, qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui impose d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ;

115. Considérant, d’autre part, que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;

116. Considérant que l’article L. 64 du livre des procédures fiscales permet à l’administration, dans une procédure de rectification, d’écarter comme ne lui étant pas opposables les actes constitutifs d’un abus de droit « soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » ; que les dispositions contestées modifient la définition de ces actes pour prévoir que sont constitutifs d’un abus de droit, non plus les actes qui « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer » l’impôt que l’intéressé aurait dû supporter « si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés », mais les actes qui « ont pour motif principal » d’éluder ou d’atténuer l’impôt ; qu’une telle modification de la définition de l’acte constitutif d’un abus de droit a pour effet de conférer une importante marge d’appréciation à l’administration fiscale ;

117. Considérant que, d’une part, la procédure de l’abus de droit fiscal peut s’appliquer à tous les impôts pesant sur les entreprises et les particuliers ; que, d’autre part, la mise en oeuvre de cette procédure est assortie, outre du rétablissement de l’impôt normalement dû et du paiement d’intérêts de retard à raison de 0,40 % par mois en vertu du paragraphe III de l’article 1727 du code général des impôts, d’une majoration égale, en vertu de l’article 1729 du même code, à 80 % des impôts dus, ramenée à 40 % « lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire » ;

118. Considérant que, compte tenu des conséquences ainsi attachées à la procédure de l’abus de droit fiscal, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir que seraient constitutifs d’un abus de droit les actes ayant « pour motif principal » d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait dû normalement supporter ;

119. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 100 doit être déclaré contraire à la Constitution ;

B. Réserve

1. Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale

79. Considérant que les sénateurs requérants font grief à l’article 169 de méconnaître l’exigence de clarté de la loi en ce que la définition qu’il donne du harcèlement moral au travail ne précise pas les  » droits  » auxquels il est porté atteinte ; qu’ils soutiennent en outre que les articles 158 et 169  » renversent la charge de la preuve sur le défendeur « , en tant qu’ils  » dispensent le requérant de prouver la véracité de ses affirmations  » ; que, selon eux, ces articles porteraient atteinte à la présomption d’innocence telle qu’édictée par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi qu’aux droits de la défense ; qu’enfin les articles 169 et 170, qui incriminent deux fois le même agissement, seraient contraires à l’article 8 de la Déclaration de 1789 ;

– En ce qui concerne les dispositions relatives au droit pénal :

80. Considérant qu’aux termes de l’article 222-33-2 du code pénal issu de l’article 170 de la loi déférée :  » Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende  » ;

81. Considérant qu’il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, ainsi que la présomption d’innocence ;

82. Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité des délits et des peines, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la détermination des auteurs d’infractions et pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines ;

83. Considérant que, si l’article L. 122-49 nouveau du code du travail n’a pas précisé les  » droits  » du salarié auxquels les agissements incriminés sont susceptibles de porter atteinte, il doit être regardé comme ayant visé les droits de la personne au travail, tels qu’ils sont énoncés à l’article L. 120-2 du code du travail ; que, sous cette réserve, doivent être rejetés les griefs tirés tant du défaut de clarté de la loi que de la méconnaissance du principe de légalité des délits ;

2. Décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales

13. Considérant, de plus, qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ;

14. Considérant, enfin, qu’en prévoyant que le législateur organique « fixe les conditions » dans lesquelles la règle relative à la part déterminante des ressources propres est « mise en œuvre », le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution lui a nécessairement confié, comme l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2003 susvisée, la charge de déterminer précisément une part minimale pour chaque catégorie de collectivités territoriales ;

15. Considérant que la première des deux conditions prévues par l’article 4 de la loi déférée, relative à la garantie de la libre administration des collectivités territoriales, outre son caractère tautologique, ne respecte, du fait de sa portée normative incertaine, ni le principe de clarté de la loi ni l’exigence de précision que l’article 72-2 de la Constitution requiert du législateur organique ;

16. Considérant qu’il n’en est pas de même de la seconde condition, relative au seuil minimal ; que celle-ci peut être regardée comme suffisant à satisfaire l’obligation faite à la loi organique, en ce qui concerne la part déterminante, par le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ;

17. Considérant que la définition de l’ensemble des ressources des catégories de collectivités territoriales utilisée pour le calcul de la part des ressources propres ne méconnaît pas la portée de l’habilitation donnée au législateur organique par le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ;

18. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer contraires à la Constitution, au troisième alinéa de l’article 4 de la loi organique, les mots : « est déterminante, au sens de l’article 72-2 de la Constitution, lorsqu’elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui lui sont confiées. Elle » ;

3. Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école

. En ce qui concerne les dispositions de portée normative incertaine :

18. Considérant, en premier lieu, que les articles 27 et 31 de la loi déférée disposent que, dans les écoles et collèges, des aménagements appropriés ou des actions particulières sont prévus au profit des élèves intellectuellement précoces, manifestant des aptitudes particulières, ou non francophones et nouvellement arrivés en France ; que l’article 27 énonce en outre que, dans les écoles, des aménagements et des actions de soutien sont prévus pour les élèves en difficulté ;

19. Considérant qu’en raison de la généralité des termes qu’ils emploient, ces articles font peser sur les établissements d’enseignement des obligations dont la portée est imprécise ; qu’il résulte cependant des travaux parlementaires qu’ils imposent des obligations non pas de résultat mais de moyens ; que, sous cette réserve, les articles 27 et 31 ne méconnaissent pas le principe de clarté de la loi ;

20. Considérant, en second lieu, qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article L. 331-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 29 de la loi déférée :  » Lorsqu’une part de contrôle continu est prise en compte pour la délivrance d’un diplôme national, l’évaluation des connaissances des candidats s’effectue dans le respect des conditions d’équité  » ;

21. Considérant qu’en raison de la généralité de ses termes, cette disposition impose une obligation de portée imprécise ; qu’il résulte toutefois des travaux parlementaires que la référence au  » respect des conditions d’équité  » doit s’entendre comme prévoyant l’utilisation de dispositifs d’harmonisation entre établissements ; que, sous cette réserve, l’article 29 ne méconnaît pas le principe de clarté de la loi ;

C. Validation

1. Décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail

7. Considérant que, pour mettre en cause la constitutionnalité de la loi tout entière, les requérants soutiennent que le législateur n’a pas fixé lui-même le contenu exact de la réforme de la durée légale du travail effectif qu’il a entendu instaurer ; qu’ils font valoir, en s’appuyant sur la combinaison des articles 1er et 13, que le législateur se serait en effet engagé à modifier, avant leur entrée en vigueur, les règles relatives à cette durée dont l’application est différée en 2000 ou 2002, selon l’effectif des entreprises, « en fonction des résultats de mesures d’incitation qui sont elles-mêmes déterminées dans la perspective d’une réforme incertaine » ; qu’en recourant à pareille « technique législative …, qui consiste à annoncer la règle nouvelle tout en la retenant », le législateur serait resté en-deçà de la compétence que lui confère l’article 34 de la Constitution ; que rendre ainsi le « contenu de la règle qui devra s’appliquer incertain », serait en outre « de nature à faire naître dans l’esprit des destinataires de la loi, l’idée erronée que les éléments de la loi sont d’ores et déjà fixés », ce qui contrevient, selon les requérants, à l’ »exigence constitutionnelle de clarté de la loi » ;

8. Considérant que les requérants soulignent, par ailleurs, qu’en renvoyant à des textes réglementaires ou à des conventions le soin de fixer certaines mesures, le législateur aurait également méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’ils précisent que seraient ainsi entachés d’incompétence négative les troisième et cinquième alinéas du VI de l’article 3, ainsi que les VII et VIII du même article ;

9. Considérant qu’il découle de l’article 34 de la Constitution que relève du domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, dans le domaine qui lui est ainsi assigné, d’apprécier l’opportunité de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;

10. Considérant, en premier lieu, que l’article 1er critiqué fixe au 1er janvier 2000 ou au 1er janvier 2002, selon l’effectif des entreprises en cause, l’entrée en vigueur de la réduction de la durée légale de travail effectif des salariés de trente-neuf heures à trente-cinq heures par semaine ; qu’il était loisible au législateur, sans méconnaître aucun principe, ni aucune règle constitutionnelle, de donner à cette mesure, qui, en l’état, est définie de façon suffisamment claire et précise pour satisfaire aux exigences découlant de l’article 34 de la Constitution, un effet différé ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 13 de la loi dispose que le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard le 30 septembre 1999, après concertation avec les partenaires sociaux, un rapport établissant le bilan de l’application de la loi ; qu’il précise que ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations relatives à la réduction conventionnelle de la durée du travail prévues à l’article 2, ainsi que sur l’évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l’impact des dispositions de l’article 3 sur le développement et sur l’organisation des entreprises ; que l’article 13 indique également que ce bilan tirera les enseignements de l’application de celles des dispositions de la loi dont l’entrée en vigueur est immédiate et précisera les orientations qui présideront à la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail en ce qui concerne notamment le régime des heures supplémentaires, l’organisation et la modulation du travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi, la place prise par la formation professionnelle dans les négociations et les modalités particulières applicables au personnel d’encadrement ; qu’il est enfin mentionné que le rapport du Gouvernement précisera les conditions et les effets de la réduction du temps de travail en fonction de la taille des entreprises ; que ces dispositions ne subordonnent pas l’application de la réforme prévue à l’article 1er de la loi à l’adoption de règles nouvelles ou complémentaires que le législateur pourrait le cas échéant adopter au vu du bilan de l’application de la loi déférée ; que les dispositions de l’article 13 de la loi ne sauraient lier le législateur ; qu’ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 34 de la Constitution manque en fait ;

12. Considérant, en troisième lieu, que l’article 3 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel institue, sous forme d’une déduction du montant global des cotisations de sécurité sociale, une aide financière aux entreprises qui, tout en créant ou en préservant des emplois, réduisent la durée du travail avant les échéances fixées à l’article 1er de la loi ;

13. Considérant que cette disposition ouvre un droit à l’aide en question, sous réserve que la réduction du temps de travail soit organisée par un accord collectif de travail qui détermine, outre les échéances de la réduction du temps de travail, les modalités d’organisation et de décompte de ce temps, les conditions dans lesquelles les salariés sont prévenus en cas de modification de l’horaire, les modalités du suivi de l’accord ainsi que diverses autres dispositions intéressant notamment les salariés à temps partiel et, le cas échéant, les personnels d’encadrement ; que, dans l’hypothèse où l’entreprise s’engage à procéder à des embauches en conséquence de la réduction du temps de travail, l’aide est accordée par convention entre l’entreprise et l’État après vérification de la conformité de l’accord collectif aux dispositions légales ; que, dans le cas où la réduction du temps de travail permet d’éviter des licenciements prévus dans le cadre d’une procédure collective de licenciement pour motif économique, l’aide est attribuée par convention, après vérification de la conformité de l’accord d’entreprise aux dispositions légales et compte tenu de l’équilibre économique du projet et des mesures de prévention et d’accompagnement des licenciements ;

14. Considérant que le troisième alinéa du VI de cet article, critiqué par les requérants, renvoie à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles  » des majorations spécifiques peuvent être accordées… aux entreprises dont l’effectif est constitué d’une proportion importante d’ouvriers au sens des conventions collectives et de salariés dont les rémunérations sont proches du salaire minimum de croissance  » ; qu’en prévoyant le principe même de la majoration de l’aide accordée par l’État aux entreprises et en précisant les catégories de bénéficiaires de la majoration, le législateur n’est pas resté en-deçà de la compétence que lui confère l’article 34 de la Constitution, lequel, s’agissant du droit du travail et de la sécurité sociale, s’en tient à la détermination des principes fondamentaux ; qu’il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire, compétent, conformément à l’article 37 de la Constitution, pour fixer le montant de la majoration et pour déterminer les seuils d’effectifs d’ouvriers et les niveaux de rémunération donnant droit à la majoration, de définir ces critères de manière à éviter toute discrimination injustifiée entre entreprises et branches concernées ;

15. Considérant que le cinquième alinéa du VI de l’article 3 renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités de contrôle de l’exécution de la convention qui devra être passée entre l’entreprise et l’État, après les vérifications, ci-dessus mentionnées, prévues aux IV et V du même article ; que ledit décret précisera également les conditions de dénonciation et de suspension de la convention ; que celle-ci pourra prévoir le remboursement de l’aide par les entreprises qui n’auraient pas mis en oeuvre leurs engagements en matière d’emploi et de réduction du temps de travail ; que les conventions ainsi passées entre l’État et les entreprises bénéficiaires de l’aide ne touchent à aucun principe fondamental du droit du travail ; que, dès lors, le législateur pouvait, comme il l’a fait, renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des conditions du contrôle de leur exécution, de leur dénonciation ou de leur suspension ; qu’il appartiendra cependant au pouvoir réglementaire, comme aux autorités juridictionnelles, dans l’application des sanctions de suspension, de perte ou de reversement de l’aide, de veiller au respect des garanties constitutionnelles, notamment quant aux droits de la défense ;

16. Considérant que le VII de l’article 3 instaure un « dispositif d’appui et d’accompagnement », concrétisé par la « prise en charge par l’État d’une partie des frais liés aux études préalables à la réduction du temps de travail », au bénéfice des branches ou des entreprises « notamment les plus petites d’entre elles » qui engagent une démarche de réduction du temps de travail et de réorganisation ; que la disposition en question prévoit en outre que les régions pourront, le cas échéant, participer à ce dispositif ; qu’en tant qu’il concerne l’aide apportée par l’État à la réalisation d’études préalables à la réduction du temps de travail, le VII de l’article 3 ne relève d’aucun des principes fondamentaux, ni d’aucune des règles que l’article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; qu’il reviendra au pouvoir réglementaire, chargé de l’application de cette disposition, de définir des critères d’attribution de l’aide en cause permettant d’éviter toute discrimination injustifiée entre les entreprises et les branches concernées ; qu’en attribuant compétence aux régions pour participer à ce dispositif, la disposition en cause, qui concerne la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, est suffisamment précise pour répondre aux exigences de l’article 34 de la Constitution ;

17. Considérant que le VIII de l’article 3 prévoit l’octroi d’une aide de l’État aux organisations syndicales représentatives au plan national, afin de soutenir les actions de formation des salariés mandatés pour la négociation des accords collectifs de travail visés par la loi déférée ; que, dès lors qu’elle précise la nature des organisations syndicales susceptibles de bénéficier de cette aide, la disposition critiquée, qui touche à un principe fondamental du droit du travail et du droit syndical, n’est pas entachée d’incompétence négative ; qu’il appartiendra aux autorités administratives chargées de l’attribution de l’aide d’éviter toute discrimination injustifiée en tenant compte des efforts de formation consentis par chacune des organisations syndicales concernées ;

2. Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, Loi relative à la réduction négociée du temps de travail

17. Considérant, en premier lieu, que les sénateurs saisissants soutiennent que le Parlement se serait  » partiellement dessaisi de son pouvoir budgétaire « , les partenaires sociaux acquérant,  » par leur seule volonté, le pouvoir de faire varier le montant des dépenses publiques  » ; qu’ils font valoir, en deuxième lieu, que l’exigence constitutionnelle de clarté de la loi serait méconnue dans la mesure où les dispositions de la loi déférée relatives à la modulation du temps de travail contrediraient les dispositions du code du travail relatives aux jours fériés sans pour autant les modifier ; qu’ils soutiennent enfin que le V de l’article 32 de la loi constituerait une injonction inconstitutionnelle adressée au Gouvernement ;

18. Considérant, en premier lieu, que les conséquences des allègements de cotisations sociales réservés aux entreprises ayant conclu un accord collectif de réduction du temps de travail, compte tenu de leur incidence sur l’équilibre général des régimes obligatoires de base, ont été prises en compte dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 susvisée ; que, par ailleurs, les conséquences budgétaires de ces nouvelles mesures législatives, en particulier la contribution de l’Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, l’ont été par la loi de finances pour 2000 susvisée ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que manque en fait le moyen tiré de la violation de l’exigence constitutionnelle de clarté de la loi, les dispositions relatives à la modulation du temps de travail ne modifiant pas les règles concernant le chômage des jours fériés résultant de l’article L. 222-1 du code du travail ;

3. Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles

. Quant au défaut de clarté et d’intelligibilité de la loi :

13. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs auteurs de la première saisine, le fait que la loi déférée ne permettrait pas d’appréhender complètement le nouveau dispositif résulte de la répartition des compétences fixée par les articles 34 et 37 de la Constitution ; que la loi déférée ne contrevient ni à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi, ni à l’exigence de clarté de la loi qui découle de l’article 34 de la Constitution ;

4. Décision n° 2001-452 DC du 6 décembre 2001, Loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier

8. Considérant que l’article 24 de la loi déférée insère dans le code de la construction et de l’habitation un article L. 302-9-1 relatif aux pouvoirs de sanction et de substitution dévolus au préfet à l’égard des communes n’ayant pas atteint l’objectif triennal d’accroissement du nombre de logements sociaux dans les conditions prévues à l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 susvisée ; qu’en application des dispositions contestées, le préfet peut prononcer la carence de la commune par un arrêté motivé ; que, par le même arrêté, il fixe, pour une durée maximale de trois ans, la majoration du prélèvement sur les ressources fiscales de la commune prévu par l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation ; que cette majoration est soumise à deux limites : d’une part, son taux ne peut excéder le rapport entre le nombre des logements sociaux non réalisés et l’objectif triennal de logements défini conformément à l’article L. 302-8 du même code et, d’autre part, le prélèvement, même majoré, reste plafonné à 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la commune ; qu’en outre, le préfet peut se substituer à la commune en passant une convention avec un organisme pour la construction ou l’acquisition de logements sociaux ; qu’en ce cas, la dépense correspondante est mise à la charge de la commune, dans la limite d’un plafond par logement fixé à 13 000 euros en Ile-de-France et à 5 000 euros dans le reste du territoire ;

9. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine font valoir que l’article contesté serait contraire à plusieurs exigences de valeur constitutionnelle ; qu’en premier lieu, ils critiquent l’atteinte à l’égalité qui résulterait selon eux de ce que l’article L. 302-9-1 nouveau du code de la construction et de l’habitation conférerait au préfet  » un pouvoir discrétionnaire de sanction  » ; qu’ils allèguent, en deuxième lieu, que l’imprécision des conditions dans lesquelles le préfet peut constater la carence de la commune, puis se substituer au maire, entraverait la libre administration des collectivités territoriales et ne respecterait pas l’exigence de clarté de la loi qui découle de l’article 34 de la Constitution ; qu’ils soutiennent, en troisième lieu, que  » rien ne garantit que les fonds prélevés sur les recettes d’une collectivité territoriale seront entièrement reversés à cette même collectivité  » ;

10. Considérant, en premier lieu, que l’article critiqué confère au préfet un pouvoir d’appréciation pour tirer les conséquences de la carence de la commune ; que cette appréciation devra se fonder sur trois critères :  » l’importance de l’écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue « , les  » difficultés rencontrées le cas échéant par la commune  » et les  » projets de logements sociaux en cours de réalisation  » ; que les dispositions contestées organisent en outre une procédure contradictoire ; qu’en effet, le maire, après avoir été informé par le préfet de son intention, formellement motivée, d’engager la procédure de constat de carence, est invité à présenter ses observations dans les deux mois ; que le maire peut ensuite former un recours de pleine juridiction à l’encontre de l’arrêté préfectoral de carence ; qu’en prévoyant une telle procédure, le législateur a mis le préfet en mesure de prendre en considération, sous le contrôle du juge, la nature et la valeur des raisons à l’origine du retard mis par la commune pour atteindre son objectif triennal ; que les dispositions critiquées n’ont ni pour objet ni pour effet de conférer au préfet un pouvoir arbitraire ; que les critères qu’elles définissent ont un caractère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi ; qu’elles répondent à la prise en compte de situations différentes et, par suite, ne méconnaissent pas le principe d’égalité ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes raisons, les conditions posées pour l’exercice par le préfet de ses pouvoirs de sanction et de substitution, définies avec précision quant à leur objet et à leur portée, ne méconnaissent ni l’article 34, ni l’article 72 de la Constitution ;

5. Décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, Loi portant réforme des retraites

38. Considérant que les auteurs des saisines reprochent à ces nouvelles dispositions de prévoir des montants de pension différents pour les mêmes périodes de service ; qu’en outre, la législation au regard de laquelle sera liquidée la pension variera, selon eux, en fonction de la diligence des services liquidateurs ; qu’enfin, les nouvelles dispositions méconnaîtraient le principes de clarté de la loi, ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;

39. Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il était loisible au législateur de modifier le taux de rémunération des annuités liquidables ;

40. Considérant, en deuxième lieu, que les règles applicables au calcul du montant de la pension sont celles en vigueur à la date d’ouverture des droits ; que ce calcul dépend donc de la situation du fonctionnaire et non de la diligence des services de liquidation ;

41. Considérant, enfin, qu’en arrêtant, comme il l’a fait, les règles de calcul du montant des pensions, ainsi que les modalités transitoires de ce calcul, le législateur n’a porté atteinte ni au principe de clarté de la loi, qui découle de l’article 34 de la Constitution, ni à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;

6. Décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social

10. Considérant, enfin, qu’il appartient au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

11. Considérant qu’il convient d’examiner les dispositions contestées au regard des principes ainsi définis ;

12. Considérant, en premier lieu, que les articles 41 et 42 de la loi déférée n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier, d’une part, les rapports entre les normes législatives ou réglementaires et les accords collectifs, et, d’autre part, les rapports entre les accords collectifs et les contrats de travail ; qu’ils se bornent à régir l’articulation entre les différents accords collectifs afin d’ouvrir à des accords de niveau inférieur la faculté de déroger à un accord de niveau supérieur, sous réserve que les signataires de ce dernier n’aient pas exclu cette faculté ; que ces accords devront, selon les cas, soit ne pas avoir fait l’objet d’une opposition de la part d’une majorité d’organisations syndicales ou de la part des organisations syndicales majoritaires, soit avoir été signés par des organisations syndicales majoritaires, dans les conditions prévues par l’article 37 de la loi déférée ; que la possibilité, pour un accord d’entreprise, de déroger à un accord de niveau supérieur est exclue en matière de salaires minima, de classifications et de garanties collectives dans le cadre de la mutualisation de certains risques et des fonds de la formation professionnelle ; qu’enfin ces nouvelles dispositions n’auront pas de portée rétroactive, comme le précise l’article 45 de la loi déférée ; que, compte tenu de l’ensemble de ces garanties, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que, si le 2°, le 4° et le 14° du I de l’article 43 renvoient à des accords d’entreprise les modalités d’application de certaines normes législatives du code du travail, les autres dispositions de cet article permettent à des accords d’entreprise de déroger à des règles législatives d’ordre public relatives à l’indemnité de fin de contrat ou de fin de mission et à la durée du travail ; que, toutefois, le législateur a défini de façon précise l’objet de ces différentes dérogations et a fixé lui-même ou renvoyé au pouvoir réglementaire, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, les conditions de leur mise en oeuvre ; que ces accords ne devront pas avoir fait l’objet d’une opposition des organisations syndicales majoritaires dans l’entreprise ou devront avoir été signés par elles selon les modalités prévues par l’article 37 de la loi déférée ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la violation de l’article 34 de la Constitution doit être rejeté ;

14. Considérant, enfin, que, si les dispositions critiquées rendent plus complexe l’articulation entre les différents accords collectifs, elles définissent de façon précise les rapports entre les différents niveaux de négociation ; qu’ainsi le législateur, qui a entendu se référer à la position commune adoptée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001, n’a pas méconnu les exigences d’intelligibilité et de clarté de la loi ;

7. Décision n° 2004-497 DC du 1 juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle

2. Considérant que l’article 13 de la loi déférée, qui complète l’article L. 35-2 du code des postes et communications électroniques, renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser « les cas dans lesquels les tarifs du service universel peuvent faire l’objet soit d’une mesure d’encadrement pluriannuel, soit d’une opposition ou d’un avis préalable de l’Autorité de régulation des télécommunications » ; qu’aux termes du 5° de l’article L. 36-7 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 15 de la loi déférée, l’Autorité de régulation des télécommunications « définit des mesures d’encadrement pluriannuel des tarifs et émet un avis public sur la mise en oeuvre d’un tarif ou s’y oppose, en application des articles L. 35-2 et L. 38-1 » ;

3. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent les articles 21 et 34 de la Constitution ; que, selon eux, elles aboutissent à retirer au ministre chargé des télécommunications « un pouvoir fondamental en matière de réglementation des télécommunications, soit pour le confier directement à l’Autorité de régulation des télécommunications, soit pour le placer sous son contrôle effectif, déterminant et contraignant » ; qu’elles ne définiraient ni la notion de « mesures d’encadrement pluriannuel » ni les critères sur lesquels devrait reposer l’opposition ou l’avis préalable de l’Autorité de régulation des télécommunications ;

4. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

5. Considérant que le contrôle des tarifs du service universel des communications électroniques a pour objet de garantir le respect des finalités mentionnées à l’article L. 35-1 du code des postes et communications électroniques ; qu’en confiant à un décret le soin de préciser les cas dans lesquels l’Autorité de régulation des télécommunications pourra utiliser l’une des trois modalités de contrôle qu’il a lui-même fixées, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’en outre, en prévoyant la possibilité d’un « encadrement pluriannuel », qui consiste à fixer des objectifs tarifaires à atteindre dans un délai donné, il n’a pas méconnu le principe de clarté de la loi ;

8. Décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004, Loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

– SUR L’OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE D’INTELLIGIBILITÉ ET D’ACCESSIBILITÉ DE LA LOI :

28. Considérant que, selon les requérants, « l’ensemble du texte souffre d’une opacité qui… ne peut que paraître contradictoire avec l’objectif d’intelligibilité et de clarté de la loi » ;

29. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; qu’à cet égard, l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui impose d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

30. Considérant que, si la loi déférée refond la législation relative à la protection des données personnelles, c’est en vue d’adapter cette législation à l’évolution des données techniques et des pratiques, ainsi que pour tirer les conséquences d’une directive communautaire ; qu’elle définit de façon précise les nouvelles règles de procédure et de fond applicables ;

9. Décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004, Loi relative aux libertés et responsabilités locales

28. Considérant que, selon les requérants, les dispositions des articles 18, 22, 28, 73, 91 et 163 de la loi déférée manquent aux « principes de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi » ;

29. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ;

30. Considérant que l’article 18 de la loi déférée met en oeuvre de façon précise le transfert aux départements des routes nationales ; qu’il prévoit la réalisation d’« une étude exhaustive portant sur l’état de l’infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles… » ; que cette étude, réalisée par l’Etat, permettra aux départements de connaître la qualité de ces infrastructures et la charge financière prévisible qui leur est attachée ;

31. Considérant que l’article 22 de la loi déférée, qui donne une nouvelle rédaction à l’article L. 110-3 du code de la route, redéfinit la notion de « route à grande circulation » et précise le régime qui lui est applicable ; que la liste de ces routes sera fixée par décret après avis des collectivités et des groupements propriétaires des infrastructures ; que ces collectivités ou groupements devront communiquer au représentant de l’Etat dans le département leurs projets tendant à modifier les caractéristiques techniques des routes à grande circulation ; que, si le législateur n’a pas précisé les conditions dans lesquelles l’Etat pourrait s’opposer à de tels projets, les dispositions de droit commun sur le contrôle de légalité s’appliqueront en la matière ;

32. Considérant que l’article 28 de la loi déférée organise le transfert aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des aérodromes civils appartenant à l’Etat ; que, si le législateur a prévu que toute collectivité ou groupement de collectivités territoriales pourrait demander à prendre en charge ces aérodromes, c’est afin de tenir compte de la diversité des équipements concernés ; que ce choix s’accompagne néanmoins d’une procédure de concertation en cas de pluralité des candidatures ; qu’en outre, aux termes du cinquième alinéa du II de l’article 28 et sous réserve de la priorité reconnue à la région : « En l’absence d’accord au terme de la concertation, le représentant de l’Etat dans la région désigne le bénéficiaire du transfert en tenant compte des caractéristiques de l’aérodrome, notamment de son trafic et de sa zone de chalandise, ainsi que des enjeux économiques et d’aménagement du territoire… » ;

33. Considérant que l’article 73 de la loi déférée, qui complète le code de la santé publique, confie aux régions la charge d’autoriser et d’agréer les écoles de formation des professions paramédicales et prévoit les conditions de leur financement ; que, s’il dispose que la région « peut participer au financement du fonctionnement et de l’équipement de ces établissements lorsqu’ils sont privés », son paragraphe XI n’en prévoit pas moins que « La région est substituée à l’Etat dans les droits et obligations relatifs au fonctionnement et à l’équipement des écoles de formation et instituts privés » ;

34. Considérant que l’article 91 de la loi déférée insère dans le code de l’éducation un nouvel article L. 216-11 qui prévoit que les collectivités territoriales et l’Etat peuvent conclure des conventions en vue de développer des activités communes dans le domaine éducatif et culturel ; qu’il leur permet de constituer, à cet effet, avec d’autres personnes morales de droit public ou privé, un groupement d’intérêt public ; qu’en faisant référence aux « autres personnes morales de droit public ou privé », le législateur a fait le choix de n’exclure aucune catégorie de personnes morales ;

35. Considérant que l’article 163 de la loi déférée insère dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 5211-9-1 qui permet aux maires des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de confier au président de cet établissement leurs pouvoirs de police en matière d’assainissement, d’élimination des déchets, d’accueil des gens du voyage, d’organisation de certaines manifestations, de circulation et de stationnement ; que ce transfert fait l’objet d’un encadrement précis ; qu’en particulier, il ne pourra porter que sur des pouvoirs s’attachant à une compétence exercée par l’établissement public de coopération intercommunale ;

36. Considérant que le législateur a ainsi décrit en termes suffisamment clairs, précis et intelligibles les transferts de compétences prévus par les articles 18, 22, 28, 73, 91 et 163 ; qu’il n’a ni méconnu la compétence qui est la sienne en vertu de l’article 34 de la Constitution, ni porté atteinte aux exigences d’intelligibilité et de clarté de la loi ;

10. Décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale

21. Considérant qu’aux termes des deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant du V de l’article 77 de la loi déférée :  » Lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 321-4-1, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois  » ;

22. Considérant que les requérants soutiennent qu’en illustrant l’impossibilité de réintégration par une liste non limitative de cas qui ne traduiraient pas nécessairement une réelle impossibilité, le législateur a conféré à cette notion un  » sens obscur et contradictoire  » et aurait ainsi méconnu sa compétence et le principe de clarté de la loi ; qu’ils estiment, en outre, que la disposition contestée, en faisant obstacle à la jurisprudence qui permet la réintégration dans un emploi équivalent, lorsqu’elle est impossible dans le même emploi, porte une atteinte disproportionnée au droit à l’emploi ; qu’ils font valoir à cet égard que le législateur n’a pas concilié de façon équilibrée le droit de chacun d’obtenir un emploi et la liberté d’entreprendre ;

23. Considérant que le Préambule de la Constitution réaffirme les principes posés tant par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que par le Préambule de la Constitution de 1946 ; qu’au nombre de ceux-ci, il y a lieu de ranger la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que les principes économiques et sociaux énumérés par le texte du Préambule de 1946, parmi lesquels figurent, selon son cinquième alinéa, le droit de chacun d’obtenir un emploi ;

24. Considérant qu’il incombe au législateur, dans le cadre de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d’assurer la mise en oeuvre des principes économiques et sociaux du Préambule de 1946, tout en les conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que, pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de 1946, le droit pour chacun d’obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ;

25. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu’il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ; que, pour autant, ces autorités conservent le pouvoir d’appréciation et, en cas de besoin, d’interprétation inhérent à l’application d’une règle de portée générale à des situations particulières ;

26. Considérant qu’il résulte des termes mêmes du premier alinéa de l’article L.122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant du paragraphe V de l’article 77 de la loi déférée, qu’il appartiendra au juge, saisi d’une demande en ce sens, s’il constate la nullité de la procédure de licenciement en l’absence du plan de reclassement prévu par l’article L. 321-4-1 du même code, d’ordonner la réintégration du salarié sauf si cette réintégration est devenue impossible ; qu’à titre d’illustration d’une telle impossibilité, le législateur a mentionné certains exemples tels que la fermeture de l’établissement ou du site, ou l’absence d’emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié ;

27. Considérant, d’une part, qu’en édictant ces dispositions, qui définissent une règle suffisamment claire et précise qu’il appartiendra au juge de mettre en oeuvre, le législateur n’a méconnu ni la compétence qui est la sienne en vertu de l’article 34 de la Constitution, ni l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi ;

11. Décision n° 2005-514 DC du 28 avril 2005, Loi relative à la création du registre international français

. En ce qui concerne la compétence du législateur et l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi :

14. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution :  » La loi détermine les principes fondamentaux… du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale  » ; qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement cette compétence ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu’il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ;

– Quant à l’article 12 :

15. Considérant que l’article 12 de la loi déférée dispose :  » Les contrats d’engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France sont soumis à la loi choisie par les parties, sous réserve des dispositions de la présente loi et sans préjudice de dispositions plus favorables des conventions ou accords collectifs applicables aux non-résidents, dans le respect des engagements internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, et communautaires, de la France  » ;

16. Considérant que les requérants soutiennent que cet article, en soumettant les contrats d’engagement et le régime de protection sociale à la loi choisie par les parties, autorise un renvoi à la loi du pays d’origine et permet ainsi à l’armateur et à l’entreprise de travail maritime d’adopter les règles les moins protectrices,  » y compris pour des matières relevant d’exigences constitutionnelles et de l’ordre public social protecteur  » ; qu’ils reprochent au législateur d’avoir méconnu tant l’étendue de sa compétence que l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;

17. Considérant, en premier lieu, qu’en prévoyant que les contrats d’engagement et le régime de protection sociale sont soumis à la loi choisie par les parties, le législateur a défini, s’agissant de contrats conclus dans un cadre international, un critère permettant de déterminer clairement la loi applicable ; qu’en réservant expressément l’application des engagements internationaux et communautaires de la France, il a entendu se référer, ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires, aux stipulations de l’article 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980 susvisée, qui prévoit que le choix des parties ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 de cet article ;

18. Considérant, en second lieu, que le législateur a défini, au titre II de la loi déférée, des règles d’ordre public social qui seront applicables en tout état de cause aux navigants résidant hors de France employés à bord des navires immatriculés au registre international français ; que ces dispositions établissent en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés, de liberté syndicale et de droit de grève, des règles identiques à celles du code du travail maritime français ; qu’elles instaurent par ailleurs des garanties minimales en matière de salaire et de protection sociale ;

19. Considérant que le législateur a ainsi adopté des dispositions non équivoques et suffisamment précises pour définir les règles applicables aux navigants relevant du titre II ; qu’il a pleinement exercé la compétence qu’il tient de l’article 34 et n’a pas méconnu l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;

12. Décision n° 2011-175 QPC du 7 octobre 2011, Société TRAVAUX INDUSTRIELS MARITIMES ET TERRESTRES et autres [Contribution au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante]

2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions imposent à une entreprise n’ayant pas placé ses salariés au contact de l’amiante de contribuer au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante dès lors qu’elle succède à une entreprise ayant placé ses salariés au contact de l’amiante ; qu’ainsi, elles porteraient atteinte aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques ; que les mêmes dispositions méconnaîtraient également la liberté d’entreprendre, le principe de sécurité juridique et celui de la qualité de la loi ;

3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le a) du paragraphe I de l’article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi .. . Doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que le législateur doit, pour se conformer au principe d’égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de cette égalité ;

6. Considérant qu’en vertu de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 susvisée, une allocation de cessation anticipée d’activité peut être versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales ; que le même article crée le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante chargé de financer cette allocation ;

7. Considérant que l’article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée a pour objet d’assurer le financement de cette allocation ; qu’à cette fin, le législateur a mis la contribution au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante à la charge des entreprises exploitant des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales ; qu’en retenant que, lorsque l’établissement est exploité successivement par plusieurs entreprises, la contribution est due par l’entreprise qui exploite l’établissement à la date d’admission du salarié à l’allocation de cessation anticipée d’activité, le législateur s’est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but qu’il s’est assigné ;

8. Considérant que le principe d’égalité n’oblige pas le législateur à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu’en désignant comme redevables de la contribution les entreprises qui ont pris la succession de l’exploitant d’un établissement ayant exposé ses salariés au risque de l’amiante, sans opérer de distinction selon qu’elles ont ou non elles-mêmes exposé leurs salariés à ce risque, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité ;

9. Considérant que, par les dispositions du a) du paragraphe I de l’article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée, le législateur n’a pas méconnu la liberté d’entreprendre ; qu’il n’a pas porté aux situations légalement acquises une atteinte qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; que la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution

13. Décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (III)

33. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que la présentation de cet article issu d’un amendement gouvernemental n’a pas permis au législateur d’évaluer convenablement ses conséquences sur les finances publiques ; qu’en particulier, selon les députés, en procédant par voie d’amendement, et non par le dépôt d’un projet de loi ou d’une lettre rectificative, le Gouvernement a « contourné » l’article 53 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée relatif à la présentation des projets de loi de finances rectificative et porté atteinte au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; que, selon les sénateurs, en procédant par voie d’amendement, le Gouvernement a voulu éluder la mise à la disposition du Parlement d’une étude d’impact prévue par les articles 8 et suivants de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 susvisée ; que les députés et les sénateurs soutiennent également que le dispositif mis en place, notamment du fait de sa conditionnalité, est inintelligible et que la loi porte atteinte au principe de sécurité juridique qui suppose qu’une disposition législative soit accessible et intelligible ; que, selon les députés, le dispositif, en ce qu’il exclut les entreprises relevant d’un régime forfaitaire d’imposition, méconnaît le principe d’égalité devant la loi ;

34. Considérant, en premier lieu, qu’en introduisant par voie d’amendement un article instituant le « crédit d’impôt compétitivité emploi » lors de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a fait usage du droit qu’il tient des dispositions du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution ; qu’aucune autre règle constitutionnelle ou organique ne faisait obstacle à l’usage de ce droit ;

35. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée dispose : « Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu’il en résulte que la sincérité d’une loi de finances rectificative se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine ;

36. Considérant que, d’une part, les dispositions de l’article 66 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 instaurant le « crédit d’impôt compétitivité emploi », qui n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2013, ne peuvent avoir pour effet d’affecter l’équilibre budgétaire de l’année 2012 ; que, d’autre part, le législateur a estimé que le crédit d’impôt n’affectait pas l’équilibre budgétaire de l’année 2013 ; qu’en tout état de cause, si l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un nouveau projet de loi de finances rectificative ;

37. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées relatives aux modalités de calcul de l’assiette du crédit d’impôt excluent du dispositif les entreprises relevant d’un régime forfaitaire d’imposition ; qu’elles n’ont pas pour effet de traiter différemment des personnes placées dans une situation identique ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité devant la loi doit être écarté ;

38. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les dispositions de l’article 66 de la loi déférée, qui ne sont entachées d’aucune inintelligibilité, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

14. Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

– SUR LE RECOURS AUX ORDONNANCES :

76. Considérant que l’article 14 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance certaines mesures de coordination nécessaires pour adapter à la loi déférée l’ensemble des dispositions législatives en vigueur à l’exception de celles du code civil ;

77. Considérant que, selon les requérants, l’introduction de cette disposition par amendement, qui aurait permis de ne pas présenter d’étude d’impact correspondant à la demande d’habilitation, serait constitutive d’un détournement de procédure ; que le champ et la portée de cette habilitation seraient définis de manière insuffisamment précise, en méconnaissance de l’article 38 de la Constitution ; qu’enfin, en prévoyant une entrée en vigueur immédiate des autres dispositions de la loi déférée alors que les dispositions prises par voie d’ordonnance sur le fondement de l’article 14 doivent l’être dans un délai de six mois, le législateur n’aurait pas assuré le respect des exigences constitutionnelles d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;

78. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre, par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » ; que s’il ressort de cette disposition que seul le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre de telles ordonnances, aucune exigence constitutionnelle n’impose que cette demande figure dans le projet de loi initial ; qu’en l’espèce, l’article 14 résulte d’un amendement du Gouvernement qui a été inséré en première lecture au Sénat ; que, dès lors, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives aux projets de loi concernant leur présentation ; que l’article 14 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;

79. Considérant, en deuxième lieu, que, si l’article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnance ainsi que leur domaine d’intervention, il n’impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation ;

80. Considérant que l’autorisation délivrée au Gouvernement par le 1° du paragraphe I de l’article 14 porte sur « les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l’exception de celles du code civil, afin de tirer les conséquences de l’application aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent » ; que l’autorisation délivrée au Gouvernement par le 2° du paragraphe I de l’article 14 a pour objet de permettre les mêmes modifications de la législation, avec les adaptations nécessaires, à Mayotte, dans les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ; que ces habilitations ont pour objet d’opérer des modifications d’ordre terminologique et des coordinations qui leur sont liées ; qu’en raison de cet objet limité, ces habilitations, bien qu’elles concernent l’ensemble des dispositions législatives, à l’exception de celles du code civil, sont définies avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 38 de la Constitution ; qu’elles ne peuvent pas dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle ;

81. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de coordination introduites par l’article 13 de la loi déférée dans le titre préliminaire du code civil à l’article 6-1, selon lesquelles le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sont d’application générale ; que, néanmoins, le Gouvernement a demandé à être habilité à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l’exception de celles du code civil, dans le but de modifier la rédaction de certaines dispositions législatives pour tirer, de manière expresse et exhaustive, les conséquences de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe et, ainsi, d’améliorer la qualité de la loi ; que, dans ces conditions, les griefs tirés de ce que, d’une part, la formulation de l’habilitation serait insuffisamment précise et, d’autre part, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi s’opposerait à l’application immédiate de la loi doivent être écartés ;

82. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’article 14 doit être déclaré conforme à la Constitution ;

15. Décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015, Loi de finances rectificative pour 2015

3. Considérant que les sénateurs soutiennent qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a méconnu l’autorité qui s’attache à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013 susvisée ; que, selon eux, ces dispositions, qui ne définissent pas clairement les éléments constitutifs de l’abus, sont entachées d’incompétence négative et portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines, au « principe de sécurité juridique » ainsi qu’à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;

(…)

9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ; que l’autorité des décisions visées par cette disposition s’attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même ;

10. Considérant que, si l’autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles des dispositions d’une loi ne peut en principe être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi conçue en termes distincts, il n’en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution ;

11. Considérant que, dans sa décision du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions de l’article 100 de la loi de finances pour 2014 qui modifiait la définition des actes constitutifs d’un abus de droit, figurant au premier alinéa de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu’au regard des articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’article 34 de la Constitution, il a jugé que « d’une part, la procédure de l’abus de droit fiscal peut s’appliquer à tous les impôts pesant sur les entreprises et les particuliers ; que, d’autre part, la mise en œuvre de cette procédure est assortie, outre du rétablissement de l’impôt normalement dû et du paiement d’intérêts de retard à raison de 0,40 % par mois en vertu du paragraphe III de l’article 1727 du code général des impôts, d’une majoration égale, en vertu de l’article 1729 du même code, à 80 % des impôts dus, ramenée à 40 % « lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire » » et que « compte tenu des conséquences ainsi attachées à la procédure de l’abus de droit fiscal, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir que seraient constitutifs d’un abus de droit les actes ayant « pour motif principal » d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait dû normalement supporter » ; que le Conseil constitutionnel a donc déclaré les dispositions de l’article 100 de la loi de finances pour 2014 contraires à la Constitution ;

12. Considérant que les dispositions contestées ne modifient pas les dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu’elles se bornent à prévoir une nouvelle condition à laquelle est subordonné le bénéfice du régime fiscal dérogatoire des sociétés mères ; que ces dispositions déterminent donc une règle d’assiette ; que le non respect de cette condition n’emporte pas l’application des majorations du b de l’article 1729 du code général des impôts en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que les dispositions contestées ont un objet différent de celui des dispositions déclarées non conformes ; que, par suite, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n’a pas méconnu l’autorité qui s’attache, en vertu du troisième alinéa de l’article 62 de la Constitution, à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013 ;

13. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées, qui déterminent une règle d’assiette suffisamment précise conditionnant le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères, n’instituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 et de l’article 34 de la Constitution doivent être écartés ;

14. Considérant que les dispositions du 3° du B et du neuvième alinéa du c) du 2° du C du paragraphe I de l’article 29, qui ne méconnaissent ni l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ni aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

16. Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de santé

– SUR L’ARTICLE 143 :

78. Considérant que l’article 143 modifie l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que la haute autorité de santé est chargée d’élaborer ou de mettre à jour des fiches sur le bon usage de certains médicaments et d’élaborer ou de valider, à destination des professionnels de santé, un guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques les plus efficientes ainsi que des listes de médicaments à utiliser de manière préférentielle ;

79. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions de l’article 143 sont inintelligibles et portent atteinte au principe de « sécurité juridique » dès lors que le législateur n’a pas indiqué comment ces fiches, guides et listes s’articulent avec les autres normes existantes ;

80. Considérant, toutefois, que ces dispositions, qui se bornent à prévoir la mise à disposition des professionnels d’informations validées par la haute autorité de santé, sont intelligibles ; qu’elles ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; que, par suite, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

17. Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de santé

– SUR L’ARTICLE 143 :

78. Considérant que l’article 143 modifie l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que la haute autorité de santé est chargée d’élaborer ou de mettre à jour des fiches sur le bon usage de certains médicaments et d’élaborer ou de valider, à destination des professionnels de santé, un guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques les plus efficientes ainsi que des listes de médicaments à utiliser de manière préférentielle ;

79. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions de l’article 143 sont inintelligibles et portent atteinte au principe de « sécurité juridique » dès lors que le législateur n’a pas indiqué comment ces fiches, guides et listes s’articulent avec les autres normes existantes ;

80. Considérant, toutefois, que ces dispositions, qui se bornent à prévoir la mise à disposition des professionnels d’informations validées par la haute autorité de santé, sont intelligibles ; qu’elles ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; que, par suite, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

18. Décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle

15. Le paragraphe IV de l’article 5 permet, à titre expérimental pour une durée de quatre ans, de soumettre à une médiation préalable obligatoire la recevabilité des recours contentieux exercés par certains agents publics à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et la recevabilité de certaines requêtes relatives à des prestations, allocations ou droits, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

16. Les sénateurs requérants soutiennent que ce paragraphe méconnaît le principe de « clarté de la loi » et l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi en raison de l’absence de précision quant aux personnes chargées d’effectuer la médiation préalable. En confiant au pouvoir réglementaire la fixation des conditions de l’expérimentation et en ne prévoyant pas les modalités d’évaluation de celle-ci, ce paragraphe méconnaîtrait également l’article 37-1 de la Constitution.

17. Si, sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle.

18. En premier lieu, les dispositions contestées prévoient que l’expérimentation ne pourra porter que, d’une part, sur des recours formés par des agents de la fonction publique soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1983 mentionnée ci-dessus et portant sur des actes relatifs à leur situation personnelle et, d’autre part, sur des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi. Le législateur, qui n’était pas tenu de préciser les personnes ou autorités chargées de la médiation, a ainsi suffisamment défini l’objet de l’expérimentation qu’il a instituée.

19. En second lieu, aucune exigence constitutionnelle n’impose au législateur de déterminer les modalités de l’évaluation consécutive à une expérimentation.

20. Il en résulte que les dispositions du paragraphe IV de l’article 5, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent ni l’article 37–1 de la Constitution ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

19. Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté

108. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions, qui suppriment la condition d’accord de la victime pour la constitution de partie civile d’une association pour certains délits de presse de méconnaître l’exigence de clarté de la loi et d’élargir « de manière disproportionnée les poursuites qui pourraient être engagées ».

109. L’article 174 se borne à subordonner l’exercice de l’action civile des associations qu’il désigne, à l’absence d’opposition des victimes de certaines infractions, lorsque ces infractions ont été commises envers des personnes considérées individuellement. Il ne confère pas à ces associations la possibilité d’exercer l’action civile individuelle de ces victimes à leur place.

110. L’article 176, qui étend à l’ensemble des associations de défense des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ainsi qu’aux associations de lutte contre les discriminations, l’action civile anciennement réservée aux seules associations de défense des résistants et des déportés tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 16 octobre 2015 mentionnée ci-dessus. Compte tenu de la nature des infractions en cause, il était loisible au législateur de ne pas soumettre l’action des associations à l’obtention préalable de l’accord ou de l’absence d’opposition des victimes des crimes ou des délits faisant l’objet de l’apologie, de la négation, de la banalisation ou de la minoration poursuivie.

111. Il résulte de ce qui précède que les articles 174 et 176 qui sont clairs et ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle sont conformes à la Constitution.

II. Principe de non-rétroactivité

A.  Censure

1. Décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

(…) 4. Considérant que les auteurs des deux requêtes critiquent le caractère rétroactif de cet article, qui, selon les députés, « va bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale », puisqu’il « modifie l’assiette d’un impôt déjà versé par les sociétés, et bouleverse une situation déjà soldée » ; que cette disposition méconnaîtrait les exigences constitutionnelles relatives aux validations législatives et à la rétroactivité des lois fiscales ; qu’elle serait contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis selon eux par les articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789, au principe de consentement à l’impôt garanti par l’article 14 de la même Déclaration, ainsi qu’au principe d’annualité de la loi de financement de la sécurité sociale ; que les sénateurs ajoutent que « l’importance des conséquences financières de l’article 10, pour de nombreux laboratoires français, évaluée à 66 millions de francs, n’apparaît pas proportionnée par rapport au risque d’annulation contentieuse de l’ordonnance » du 24 janvier 1996 ; qu’il est également fait grief à cet article d’être entaché d’incompétence négative ; que l’article 10 violerait en outre le principe d’égalité devant les charges publiques en raison des modifications intervenues depuis 1996 dans l’industrie pharmaceutique, certaines entreprises ayant pu disparaître, notamment par l’effet de fusions ou d’absorptions ;

5. Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’en matière répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

6. Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d’entreprises, une contribution qui n’était due qu’au titre de l’exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l’exercice 1996 ;

7. Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d’une décision de justice censurant le mode de calcul de l’assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d’intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l’assiette, le taux et les modalités de versement d’une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu’elle a été recouvrée depuis deux ans et qu’il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier aux dites conséquences ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l’article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution ; (…)

2. Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2002

27. Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’en matière répressive ; que, si, dans les autres matières, le législateur a la faculté d’adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

28. Considérant que la disposition critiquée aurait pour effet de faire disparaître une créance sur l’Etat garantie par la loi et constituée à l’actif des bilans des régimes de sécurité sociale au 31 décembre 2000 ; qu’eu égard au montant de cette créance, à la situation financière de ces régimes, ainsi qu’à l’exigence constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale, le souci de remédier aux difficultés financières du fonds créé par l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale ne constitue pas un motif d’intérêt général suffisant pour remettre en cause rétroactivement les résultats d’un exercice clos ;

29. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le deuxième alinéa du II de l’article 12 doit être déclaré contraire à la Constitution ;

3. Décision n° 2003-486 DC du 11 décembre 2003, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2004

– SUR L’ARTICLE 13 :

22. Considérant que l’article 13 a pour objet de valider à compter du 1er janvier 1995, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les actions de recouvrement de la contribution due par des entreprises pharmaceutiques en application de l’article L. 245-1 du code de la sécurité sociale  » en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l’inclusion dans l’assiette de la contribution des frais de prospection et d’information engagés par les réseaux de visiteurs médicaux ou toute autre catégorie de personnes lors de la visite de non-praticiens au sein des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires  » ; que sont également validées, sous les mêmes réserves, les actions, procédures et décisions de contrôle effectuées pour cette contribution en application de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale ;

23. Considérant que, si le législateur peut, comme lui seul est habilité à le faire, valider un acte administratif dans un but d’intérêt général suffisant, c’est sous réserve du respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; que l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’en outre, la portée de la validation doit être strictement définie, sous peine de méconnaître l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; que c’est à la lumière de l’ensemble de ces principes que doit être appréciée la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

24. Considérant que, par décision du 2 avril 2003 susvisée, le Conseil d’Etat a jugé que le ministre de l’emploi et de la solidarité avait modifié, sans en avoir la compétence, les dispositions des articles L. 245-2 et R. 245-1 du code de la sécurité sociale en prescrivant à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale  » d’étendre les frais de visite médicale auprès des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires pris en compte pour le calcul de la taxe, aux frais de visite auprès d’interlocuteurs non prescripteurs de ces établissements  » ; que, si le législateur avait la faculté d’user de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de valider, à la suite de l’intervention de cette décision et dans le respect de cette dernière, des actes de recouvrement, il ne pouvait le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant ; qu’eu égard au montant des recouvrements concernés, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ne pouvaient être affectées de façon significative en l’absence de validation ; qu’à défaut d’autre motif d’intérêt général de nature à justifier celle-ci, l’article 13 de la loi de financement doit être regardé comme contraire à la Constitution ;

4. Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. [Loi dite « anti-Perruche »]

21. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;

22. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

23. Considérant que le paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée est entré en vigueur le 7 mars 2002 ; que le législateur l’a rendu applicable aux instances non jugées de manière irrévocable à cette date ; que ces dispositions sont relatives au droit d’agir en justice de l’enfant né atteint d’un handicap, aux conditions d’engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l’égard des parents, ainsi qu’aux préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée ; que, si les motifs d’intérêt général précités pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux instances à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice ; que, dès lors, le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution,

5. Décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010, Sté Imnoma [Intangibilité du bilan de l’ouverture]

(…) 2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant l’impôt, le principe d’égalité devant la loi, les principes de non-rétroactivité de la loi et de sécurité juridique, ainsi que les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;

4. Considérant, en conséquence, que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

5. Considérant que, par la décision du 7 juillet 2004 susvisée, le Conseil d’État a jugé, après avoir cité l’article 38 2. du code général des impôts, « que lorsque les bénéfices imposables d’un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d’un exercice ou d’une année d’imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l’actif net de l’entreprise peuvent, à l’initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l’administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s’il est établi qu’elles se retrouvent dans les écritures de bilan d’autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu’elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales » ; que cette décision a eu pour conséquence de permettre, à l’initiative soit du contribuable soit de l’administration, la « correction symétrique des bilans » à raison d’erreurs ou d’omissions dépourvues de caractère délibéré entachant les écritures comptables retracées au bilan de clôture d’un exercice, sans que s’applique le principe d’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit ;

6. Considérant que le paragraphe I de l’article 43 de la loi du 30 décembre 2004 a rétabli pour l’avenir sous certaines conditions ce principe d’intangibilité ; que cette disposition s’applique, en vertu des paragraphes II et III du même article aux exercices clos à compter du 1er janvier 2005 et aux impositions établies à compter de cette date ; que, toutefois, son paragraphe IV valide les impositions établies avant cette date, ainsi que les décisions prises sur les réclamations, en tant qu’elles seraient contestées sur ce point par le contribuable ; qu’il s’ensuit que le législateur a réservé à l’État la faculté de se prévaloir, pour les impositions établies avant le 1er janvier 2005, de la jurisprudence précitée ;

7. Considérant que la validation contestée a pour effet de priver à titre rétroactif le seul contribuable du bénéfice de la jurisprudence précitée ; que l’atteinte ainsi portée à l’équilibre des droits des parties méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, il y a lieu de déclarer le paragraphe IV de l’article 43 de la loi du 30 décembre 2004 contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

6. Décision n° 2010-100 QPC du 11 février 2011, M. Alban Salim B. [Concession du stade de France]

3. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;

4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

5. Considérant qu’en s’abstenant d’indiquer le motif précis d’illégalité dont il entendait purger l’acte contesté, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif, qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu’il y a lieu, par suite, de déclarer l’article unique de la loi du 11 décembre 1996 susvisée contraire à la Constitution ; qu’en application de l’article 62 de la Constitution, cette disposition est abrogée à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française,

7. Décision n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011, M. Claude N. [Définition des délits et crimes incestueux]

2. Considérant que, selon le requérant, en ne définissant pas les liens familiaux qui conduisent à ce que des viols et agressions sexuels soient qualifiés d’incestueux, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines ; qu’elles porteraient également atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;

3. Considérant que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;

4. Considérant que, s’il était loisible au législateur d’instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux , il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s’abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, la disposition contestée doit être déclarée contraire à la Constitution ;

8. Décision n° 2012-287 QPC du 15 janvier 2013, Société française du radiotéléphone – SFR [Validation législative et rémunération pour copie privée II]

3. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

4. Considérant que, par la décision susvisée du 17 juin 2011, le Conseil d’État a annulé la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, aux motifs « qu’en décidant que l’ensemble des supports, à l’exception de ceux acquis par les personnes légalement exonérées de la rémunération pour copie privée par les dispositions de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, seraient soumis à la rémunération, sans prévoir la possibilité d’exonérer ceux des supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée, la décision attaquée a méconnu les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle et la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 telle qu’interprétée par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne » ; que l’effet de l’annulation prononcée a été reporté à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de sa notification au ministre de la culture et de la communication sous réserve des instances en cours ; que le paragraphe I de l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011 susvisée a procédé à un nouveau report de l’effet de l’annulation prononcée tout en modifiant les règles applicables ;

5. Considérant que, par la validation prévue par le paragraphe II de l’article 6, le législateur a limité la portée, pour les instances en cours, de l’annulation prononcée par le Conseil d’État, afin d’éviter que cette annulation prive les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins de la compensation attribuée au titre de supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ;

6. Considérant que le législateur pouvait rendre applicables aux situations juridiques nées antérieurement à laate de la décision d’annulation du Conseil d’État susvisée de nouvelles règles mettant fin au motif qui avait justifié cette annulation ; que, toutefois, les motifs financiers invoqués à l’appui de la validation des rémunérations faisant l’objet d’une instance en cours le 18 juin 2011, qui portent sur des sommes dont l’importance du montant n’est pas établie, ne peuvent être regardés comme suffisants pour justifier une telle atteinte aux droits des personnes qui avaient engagé une procédure contentieuse avant cette date ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le paragraphe II de l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution,